Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI.

Appel à différentes classes de personnes sur la lecture de la Bible.

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Nous avons prouvé que la lecture de la Bible est le devoir de tous. Mais ce n'est pas assez; nous adresserons maintenant des exhortations plus directes à certaines classes de personnes, et nous invoquerons principalement le témoignage des faits.

Commençons par les pères de famille. La famille a sa vie propre, ses joies, ses peines, ses délivrances. Elle forme une société à part, et doit être aussi une église, c'est-à-dire une réunion de fidèles qui, professant la même foi, se rassemblent pour célébrer le même culte.

Les premiers chrétiens de Rome et de Corinthe avaient une église dans leur maison, et la Bible nous montre partout que les hommes qui vivaient selon le cœur de Dieu ont célébré le culte domestique (Gen., XVIII, 19; Job, I, 5; 1 Chron., XVI, 43; Act., X, 24; Rom., XVI, 5; 1 Cor., XVI, 19; etc.). Intéressante et sainte coutume, qui s'est introduite chez les peuples sauvages eux-mêmes, dès qu'ils ont appris à connaître Christ crucifié!

Pendant leurs longues nuits d'hiver, beaucoup d'Islandais étudient assidûment les Écritures. Le chef de famille, à la lueur de la lampe suspendue au milieu de sa hutte, lit à haute voix la Parole de Dieu, tandis que les autres sont occupés de quelque travail. Souvent la lecture est interrompue par une réflexion ou une question que les assistants proposent, afin de mieux comprendre ce qu'ils entendent. Vers le milieu de la nuit, quand on laisse l'ouvrage, ces pieux Islandais chantent un psaume, et le père ou l'aïeul invoque sur ses enfants et sur lui-même les bénédictions d'en haut.

Hélas! elles sont rares parmi nous les maisons où ce culte est pratiqué. Aussi combien peu de familles réellement unies! Quel affaiblissement de l'autorité paternelle! quelle absence de piété filiale! quel relâchement dans les plus saintes obligations!

Ce ne sont plus des familles, à parler vrai, mais des agrégations d'individus, qui demeurent ensemble tant que la nécessité les y contraint, et qui paraissent attendre avec impatience le moment de se séparer. Liens sacrés du sang, doux épanchements de la vie domestique, confiance, intimité, bonheur des âmes qui ne forment qu'une âme, qu'êtes-vous devenus? Incessamment battue des flots de l'incrédulité, la famille tremble sur ses antiques fondements, et menace de n'offrir bientôt à notre œil épouvanté que d'informes débris.

Si vous avez à cœur l'ordre et la paix de votre foyer, lisez donc chaque jour, avec vos enfants et vos serviteurs, la sainte Parole de Dieu, et priez ensemble. Autour de la Bible, en face du Seigneur, le père se revêt d'un caractère plus vénérable, et le fils est plus respectueux; le mari honore davantage sa femme, et la femme son mari; les ressentiments s'apaisent, les prétentions exagérées s'effacent, l'esprit d'union revient, et avec lui tout ce qui peut rendre la famille heureuse. Quelqu'un l'a dit avec raison: «La prière en famille est la goutte d'huile qui prévient les frottements, et fait que tous les rouages domestiques, quelque compliqués qu'ils soient, se meuvent doucement et sans bruit.»

Répondrez-vous que cette concorde existe déjà sous votre toit sans le secours du culte domestique? C'est possible, mais vos relations n'ont pas autant de profondeur ni de solidité. Que le jour des épreuves survienne, qu'un événement imprévu divise les intérêts aujourd'hui d'accord, et que restera-t-il de cette harmonie dont vous vous glorifiez? Ne vous abusez point: l'union des âmes est la seule union vraie, la seule qui se maintienne dans toutes les grandes circonstances de la vie.

Mais ce n'est pas seulement au nom de la paix domestique, c'est encore et surtout au nom de votre responsabilité devant Dieu, que nous vous conjurons de lire la Bible et de prier régulièrement avec votre maison. Vos enfants, vos serviteurs mêmes vous sont remis comme un dépôt sacré, dont vous aurez à rendre compte un jour; et si vous n'avez pas fait ce qui était en vous pour les amener au Sauveur, où sera votre excuse? Direz-vous à Dieu, comme Caïn: Suis-je le gardien de mon frère, moi? Mais alors vous vous exposez à entendre sortir de sa bouche la même réponse: Maintenant, tu seras maudit (Gen., IV, 9-11.).

Outre le culte de famille, les parents doivent encore lire la Bible pour eux-mêmes, dans leur cabinet. Ils en ont tant besoin dans l'âge mûr, au milieu des soucis du monde! Et je ne m'adresse pas moins aux femmes qu'aux hommes. Les devoirs maternels ont une importance inexprimable.

C'est la mère qui doit poser les premières bases de l'éducation religieuse; c'est par elle que le petit enfant, instruit dans la crainte du Seigneur dès l'entrée de sa voie, ne s'en détournera point quand il sera devenu vieux. Les années passent avec leurs joies et leurs peines; elles emportent bien des convictions peut-être et des habitudes pieuses; mais le fond demeure, et l'on a vu des vieillards verser encore des larmes de reconnaissance et de joie, à la pensée des leçons de piété qu'ils avaient reçues au sortir du berceau. Apprenez donc par la méditation de la Bible à être les véritables mères de vos enfants, et après leur avoir donné la vie du corps, menez-les à Celui qui peut leur donner la vie de l'esprit.

La femme, comme femme, puisera dans les Écritures, avec la foi au Rédempteur, ces dispositions qui lui feront remplir tous ses devoirs sans exaltation fébrile, avec régularité et patience, comme il convient à la compagne de l'homme, dans les difficultés de sa carrière. La Bible n'exalte pas pour quelques instants; elle donne à la conduite quelque chose de grave et de continu, qui est l'une des plus précieuses qualités de la femme, et l'un des meilleurs moyens de bonheur domestique.

L'âge semble ôter plus à la femme qu'à l'homme; mais si elle a cherché dans la Parole de Dieu les vrais biens, elle perdra sans trop de regret ses avantages éphémères. On nous a parlé d'une femme très âgée, qui avait fait de la Bible sa principale étude. Après une maladie aiguë, ses facultés s'affaiblirent. Sa mémoire, son esprit n'étaient plus que des ombres; elle paraissait ne rien entendre, ni sentir. Mais cette créature si infirme, si digne de pitié, n'était plus la même, lorsque sa fille, prenant la Bible, s'asseyait près d'elle, et lui en faisait lecture. Ses yeux éteints se ranimaient, rayonnaient d'intelligence et de joie; son âme endormie se réveillait à l'ouïe de la Parole de son Dieu. Elle comprenait ces mystères cachés aux sages; elle joignait les mains, pleurait d'attendrissement, et prononçait le nom de Jésus avec adoration. La lecture finie, elle retombait dans l'anéantissement de toutes ses facultés. Un témoin de cet étonnant spectacle assure qu'il n'a jamais senti avec autant de force la grandeur et la bonté de Dieu, éclairant cette pauvre infirme des purs rayons de son Esprit, et lui rendant quelques lueurs d'intelligence pour arriver jusqu'à son cœur. Elle est morte, il y a peu de temps; et, dans ses derniers jours, lorsqu'elle était déjà comme glacée par le froid du tombeau, une parole de la Bible lui faisait rouvrir les yeux, la faisait sourire, et animait son visage d'une expression céleste.

Cet exemple peut servir aussi d'avertissement aux vieillards. Étant si près du sépulcre, ayant été gardés par le Seigneur comme des monuments de sa patience, et ne pouvant plus faire autre chose dans le monde que de se disposer à le quitter, ils ont les plus solides motifs de s'appliquer à la méditation des saints livres. L'homme appelé à laisser demain son habitation pour aller passer sa vie dans une autre, n'oublie-t-il pas la maison dont il sort pour s'occuper de celle où il doit demeurer?

«Entrant un jour dans une chaumière, écrit un ecclésiastique, j'y rencontrai un vieillard de quatre-vingt-dix ans. Il était seul, ayant devant lui la Bible, précieux trésor qui avait appartenu à son aïeul. Cette Bible et ce vieillard, unis l'un à l'autre par le temps, firent sur moi une impression profonde. Il était sourd, cet excellent et pieux montagnard, et n'avait pu m'entendre venir. Il m'aperçut, et, après m'avoir témoigné le vif plaisir que lui causait ma visite, il me dit: «Je rends tous les jours grâces au Seigneur de trois choses: la première, de ce que, dans sa bonté infinie, il m'a donné cette Bible; la seconde, de ce qu'il a trouvé les moyens de la faire remettre à tous ses enfants, et la troisième, de ce qu'après m'avoir affligé en me rendant sourd, il a bien voulu me conserver la vue pour m'entretenir avec le seul ami qui me reste, et qui ne m'abandonnera jamais. Pour ce bienfait que je ne méritais pas, que son saint nom soit béni!» À l'autre extrémité de la vie, les enfants et les jeunes gens doivent de même lire en particulier la Bible après avoir assisté au service domestique. On suppose quelquefois qu'elle est au-dessus de leur intelligence, mais c'est une erreur que l'expérience a mille fois démentie. Tout en parlant à l'homme, le Seigneur n'a pas dédaigné de parler à l'enfant qui sera homme un jour; et s'il a mis dans sa Parole des choses dont les anges mêmes ne découvrent pas le fond, il y enseigne les doctrines fondamentales de la foi sous des formes historiques, accessibles à l'esprit du jeune âge. «L'Écriture, dit saint Augustin, nourrit les plus grandes âmes par les vérités dont elle est remplie, et donne aux enfants, par la familiarité avec laquelle elle leur parle, la nourriture qui leur est proportionnée.»

Elle nous fournit elle-même plusieurs exemples de serviteurs de Dieu, comme Samuel, Josias, Timothée, qui ont été instruits de bonne heure dans les saintes lettres. Et que de faits analogues dans notre temps! que d'enfants dont l'intelligence a été ouverte, le cœur touché, la conscience réveillée, la vie enfin changée par la lecture de la divine Parole, et qui ont témoigné par leur conduite que le Saint-Esprit avait su faire arriver jusqu'à eux le lait qui devait les nourrir!

On pourrait citer des réponses pleines de justesse à la fois et de naïveté, où l'on reconnaît bien que plus d'un enfant a saisi le sens spirituel des Écritures, et pourquoi s'en étonnerait-on? Il est écrit: «Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais viennent, et que les années arrivent où tu dises: Je n'y prends point de plaisir (Ecclés., XII, 3.).» Le Dieu qui a dicté ce commandement n'aurait-il pas été en contradiction avec lui-même, s'il avait rendu sa Parole inintelligible à l'enfance?

Il y a dans la Bible un caractère qui s'accorde admirablement avec les besoins du jeune âge: elle ne fait pas de longues dissertations, ni de polémique, et sa méthode n'est pas celle de la philosophie qui part du doute pour aller à la recherche de la vérité. Elle part de la vérité même déjà connue, et se contente de l'exposer avec autorité, en la confirmant par les faits de l'histoire: seule méthode digne de Dieu, seul enseignement qui soit en harmonie avec l'état moral et intellectuel des enfants. Le temps n'est pas encore venu pour eux de peser les systèmes contradictoires qui circulent dans le monde, et de se plonger dans l'inextricable labyrinthe des objections opposées à l'Évangile de Christ. Hélas! ils arriveront toujours assez tôt à l'époque où, pour vouloir acquérir de nouvelles lumières par l'examen des opinions humaines, ils ne recueillent le plus habituellement que d'amères incertitudes.

Les enfants, solidement instruits dans la Parole de Dieu, ont souvent pour elle une affection vive, et peu commune dans un âge plus avancé. À l'île d'Antigoa, une jeune négresse, appelée Nancy, ayant fréquenté l'école du Dimanche, reçut une Bible. Elle la portait constamment avec elle, dans sa cabane et dans ses travaux; malade, elle prenait encore la Bible pour sa compagne fidèle. Un inspecteur de la plantation, s'en étant aperçu, lui demanda quel était ce livre. — La Parole de Dieu, répondit-elle. — Et comment l'avez-vous eue? — À l'école du Dimanche. — Voulez-vous me vendre ce livre? — Non, Monsieur, je ne vous le donnerais pas, quand même vous m'offririez la liberté en échange. — Et que personne ne suppose qu'elle estimât peu la liberté! Au contraire, elle employait cette manière proverbiale de parler pour dire que la chose la plus précieuse qu'elle connût dans le monde avait moins de prix à ses yeux que la Parole du Seigneur.

N'est-il pas dangereux, demandent quelques personnes, de remettre aux jeunes gens la Bible tout entière? L'Ancien Testament ne renferme-t-il pas des détails qui peuvent égarer leur imagination? Fausse appréhension des gens du monde, hypothèse contredite par la réalité. L'Écriture a dû tracer le tableau de la corruption humaine; mais elle le fait dans un langage austère qui, loin de nous séduire en faveur du vice, est éminemment propre à nous en inspirer le plus profond dégoût. Si quelqu'un a trouvé des tentations dans la Bible, c'est qu'il les y a lui-même apportées, et avant de la lire, il était déjà corrompu. Dieu ne tente personne (Jacq., 1, 13.); et cela est vrai du contenu de sa Parole, comme des actes de son gouvernement moral. On nommerait des milliers de jeunes gens qui ont été garantis du mal par l'étude des saints livres: en nommerait-on un seul qui y ait rencontré, s'il avait encore la candeur de son âge, une source de dépravation? Croyons-en sur ce point le roi David, qui disait: «Par quel moyen le jeune homme rendra-t-il pure sa voie? Ce sera en y prenant garde, selon ta Parole (Ps. CXIX, 9.).» La Bible donne aux jeunes gens une expérience qu'ils devraient acheter bien cher dans le monde. Elle leur découvre d'avance les misères du cœur, les désordres du péché; et la punition qu'elle n'oublie jamais de signaler à la suite des mauvaises œuvres est un frein qui peut arrêter la jeunesse sur le bord de l'abîme. Il y a là, n'en doutez point, plus de pudeur vraie, plus de salutaire sévérité que dans tout autre livre où l'on professe d'enseigner la vertu.

Confiez donc la Bible aux jeunes gens, non avec crainte, mais avec reconnaissance pour le Dieu qui vous a remis cet excellent instrument d'éducation religieuse. Profitez d'un âge où les impressions sont tout à la fois si vives et si durables. Que vos enfants s'accoutument à méditer cette Parole qui leur donnera une piété vivante et capable de résister aux sophismes des incrédules. Un célèbre philosophe de notre siècle, M. Cousin, a dit en parlant des élèves de nos établissements classiques: «Les jeunes gens, durant leur cours de rhétorique ou de philosophie, trouveraient une instruction solide et utile à tous égards dans l'explication des monuments du christianisme. Quand, pendant quelques années, ils auraient ainsi vécu dans un commerce intime avec les saintes Écritures, il ne serait pas plus facile de tourner en ridicule auprès d'eux le christianisme, sa forte morale, sa sublime philosophie, sa glorieuse histoire, qu'il ne l'est de leur faire trouver Homère et Virgile de minces génies, et Rome et la Grèce sans grandeur et sans intérêt.»

Lorsque l'un de vos enfants quitte le toit paternel, qu'il reçoive de vous un exemplaire du volume sacré. Ce n'est plus vous alors qui pouvez avoir l'œil sur lui; mais la Parole du Seigneur peut le suivre en tous lieux pour l'éclairer et lui servir de sauvegarde contre les passions. Il est possible qu'à l'heure du départ vous ayez lieu de craindre que votre fils ne lise pas la Bible. Remettez-la lui cependant, avec la douce confiance que Dieu la bénira pour son âme par des dispensations que vous ne prévoyez pas. «Jette ton pain sur la surface des eaux, dit l'Ecclésiaste; car avec le temps tu le trouveras (Ecclés., XI, 1.)

Une femme demeurée veuve avec huit enfants, sept filles et un fils, avait employé tous ses soins à les élever dans la crainte de Dieu. Elle obtint un heureux succès auprès de ses filles, mais le jeune homme ferma l'oreille à toutes ses exhortations. Lié avec des compagnons de plaisir qui l'entraînaient dans le vice, il descendit enfin si bas qu'il fut forcé de s'embarquer. Sa pauvre mère, au moment de la séparation, lui remit un Nouveau Testament où elle avait écrit son nom et celui de son fils, et le pria dans les termes les plus solennels de lire ce livre, s'il avait encore quelque affection pour sa mère. Le jeune homme partit, et pendant plusieurs années on ne reçut de lui aucune nouvelle.

Inquiète et désolée, la veuve s'adressait à tous les capitaines de vaisseau pour savoir quelque chose de son fils. Enfin elle en rencontra un qui lui apprit que le navire sur lequel ce jeune homme s'était embarqué avait fait naufrage. — Et mon fils Charles? demanda la mère angoissée. — Ah! ce Charles, je l'ai connu, répondit le marin avec une rudesse grossière, c'était un fort mauvais sujet; et quand tous ceux qui lui ressemblent seraient au fond de la mer, il n'y aurait pas grand mal.

La femme revint dans sa maison, accablée de douleur. Elle disait souvent: Je descendrai au sépulcre en pleurant mon malheureux fils. Quelques années s'étaient écoulées, lorsqu'un matelot mal vêtu, qui sollicitait les secours de la charité publique, vint frapper à sa porte. La vue d'un marin avait toujours pour cette veuve un intérêt particulier, et elle écouta son récit avec une vive émotion. Il avait couru de grands dangers, et fait plusieurs fois naufrage. — Mais je n'ai jamais été dans un état si misérable, poursuivit-il, qu'au moment où un camarade et moi (il y a quelque temps de cela), nous nous sauvâmes seuls de tout l'équipage. Nous fûmes jetés sur une île inhabitée, et, au bout de sept jours et de sept nuits, j'eus la douleur de fermer les yeux à mon compagnon. Pauvre jeune homme, je ne l'oublierai jamais (et ici des larmes coulèrent sur ses joues bronzées par la tempête)! Il lisait continuellement dans un petit livre que sa mère lui avait donné, et qui était la seule chose qu'il eût sauvée des flots. C'était sa grande consolation; il pleurait sur ses péchés; il priait; il serrait ce livre sur son cœur; il ne me parlait que de son livre et de sa mère; à la fin il me le donna, en me remerciant de mes pauvres services: Tiens, Jacques, me dit-il, prends ce livre; garde-le; n'oublie pas de le lire, et veuille le Seigneur te bénir par cette lecture, comme il m'a béni moi-même! Alors il me serra la main, et mourut paisiblement. — Tout cela est-il vrai? demanda la mère, tremblante de surprise et d'émotion.

Oui, Madame, jusqu'au dernier mot.

Et tirant un petit livre tout usé de dessous sa veste, il le lui montra en disant: Le voilà, ce livre dont je vous ai parlé.

La mère le prit, reconnut son écriture, et lut le nom de son fils à côté du sien. Elle pleurait, elle se réjouissait, elle était hors d'elle-même. Il lui semblait entendre une voix du ciel qui lui disait: Ton fils est vivant.

Voulez-vous me vendre ce livre, mon digne ami? demanda la mère.

Non, Madame, répondit le matelot, non à aucun prix, non pour le monde entier. Il me l'a donné de sa main mourante. J'ai plus d'une fois tout perdu depuis lors, mais j'ai fidèlement gardé ce livre dont j'apprécie la valeur pour moi-même, et je ne m'en séparerai que lorsque mon âme se séparera de mon corps.

Si la lecture de la Bible est nécessaire à tout âge, elle ne l'est pas moins dans tous les états et dans toutes les carrières de la vie. Certains hommes de science, et au-dessous d'eux une foule de ces demi-savants qui peuplent nos villes et nos villages, s'imaginent que leur culture intellectuelle les dispense d'étudier la Parole de Dieu. Mais qu'est-ce que de leur science, en la supposant même plus solide qu'elle ne l'est, pour les garantir du honteux esclavage des passions? Le moins qui leur puisse arriver sans la Bible, c'est qu'ils s'absorbent tellement dans la contemplation de l'univers, qu'ils oublient son divin Auteur, et tombent dans un abject matérialisme.

Que ces hommes présomptueux regardent aux maîtres de leurs maîtres, et ils deviendront plus sages.

Un savant professeur de notre pays a rendu témoignage à la Bible dans ces belles paroles: «Un livre m'a sauvé, mais ce n'est point un livre de la main des hommes. J'ai lu l'Évangile de Jésus-Christ avec le désir d'y trouver la vérité, et j'ai été saisi d'une vive admiration, pénétré d'une douce lumière, qui n'a pas seulement éclairé mon esprit, mais qui a porté sa chaleur et sa vie au fond de mon âme. Elle m'a comme ressuscité; des écailles sont tombées de mes yeux; j'ai vu l'homme tel qu'il est, et tel qu'il doit être; j'ai compris son passé, son présent et son avenir, et j'ai tressailli de joie en retrouvant ce que la religion m'avait enseigné dès l'enfance, en sentant renaître dans mon cœur la foi, l'espérance et la charité.»

Il existe en France une classe de gens encore plus nombreuse qui ne semble vivre que pour les discussions politiques. Mais la politique séparée de la religion abaisse l'homme et le déprave. Elle soulève en lui des passions ardentes, le pousse à tenir peu de compte des règles sévères de la morale, lui fait prendre deux poids et deux mesures pour juger Ses amis ou ses adversaires, et menace de dessécher dans son cœur tout sentiment généreux. La politique a donc besoin d'un puissant contrepoids qui la retienne dans les limites de la justice et de la charité. Or, on ne le trouve nulle part aussi bien que dans la Parole de Dieu.

Beaucoup d'hommes politiques éminents ont senti cette nécessité, et y ont dignement répondu.

Dans des positions plus humbles se présentent les soldats et les marins. L'état militaire, dit-on, n'est pas compatible avec l'exercice de la piété chrétienne. Pourquoi donc? Ne voyons-nous pas, dans plusieurs endroits de la Bible, que la profession des armes n'exclut en aucune manière à l'amour des choses spirituelles? Honneur aux soldats qui, s'élevant au-dessus de ce fatal préjugé, lisent avec zèle la Parole de Dieu! Qu'ils aillent alors, s'il le faut pour la défense de la patrie, affronter les périls de la guerre; ils pourront mourir en paix.

Après une sanglante bataille, un soldat, mortellement blessé, fut transporté sous un arbre par un de ses camarades. Il le pria d'ouvrir son sac, et d'y prendre le Nouveau-Testament pour lui en lire quelques versets. Il indiqua lui-même ce passage de l'Évangile selon saint Jean: «Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix; je ne vous la donne point comme le monde la donne; que votre cœur ne soit point agité ni craintif (Jean, XIV, 27.).» — Maintenant, dit le soldat, je meurs content; je possède la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence. — Un officier venant à passer, et lui demandant ce qu'on pouvait faire pour lui, le soldat répéta les mêmes paroles: Je meurs content; je possède la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence. — Et il expira. «Sous l'Empire, dît-il, je fus fait prisonnier, et conduit en Angleterre où l'on m'enferma dans un ponton. Là, entassés les uns sur les autres, privés de tout ce qui peut adoucir les maux de la vie, en proie à la faim, je m'abandonnai à un sombre désespoir, et je résolus de me débarrasser du fardeau de la vie. Dans cette disposition d'esprit, un ecclésiastique anglais entre chez nous, et nous dit: Mon cœur saigne à l'aspect de votre dénuement et de vos privations; il n'est pas en mon pouvoir d'y remédier; mais il est en mon pouvoir de vous offrir des consolations pour vos âmes immortelles, et ces consolations sont renfermées dans la Parole de Dieu. Lisez-la, chers amis, cette Parole. J'offre une Bible à tous ceux qui en désirent. — Le ton de charité et de candeur de cet homme évangélique me toucha tellement que je fondis en larmes. Je pris avec reconnaissance une Bible, et j'y trouvai d'abondantes consolations à mes maux et à mes malheurs. Dès cet instant la Bible est devenue un livre cher à mon cœur; j'y ai puisé la résignation et la force contre l'adversité, et je suis heureux de penser qu'elle peut devenir pour d'autres ce qu'elle est et ce qu'elle a été pour moi.»

La carrière militaire entraîne encore d'autres périls que celui de la mort: les blessures, les maladies, la captivité. Le soldat prisonnier trouvera dans le livre du Seigneur un appui qui ne lui faillira jamais. Un militaire français en fit l'expérience.

En admettant que, grâce à notre état de paix, ni la captivité, ni la mort sur un champ de bataille ne vous menacent aujourd'hui, quel plus utile emploi pourriez-vous faire de vos loisirs, et quel meilleur préservatif auriez-vous contre les pièges d'un séjour de garnison que la lecture de la Bible? Éprouveriez-vous quelque honte à embrasser la foi chrétienne? Mais la honte est dans l'impiété, et dans les désordres qu'elle traîne presque inévitablement à sa suite; elle n'est pas dans la fidélité aux saintes doctrines qui éclairent l'intelligence, purifient le cœur, redressent les actions, et nous ouvrent la porte d'une heureuse éternité.

Un militaire disait dernièrement: «J'ai lu beaucoup de livres, et j'en suis dégoûté; mais quand je lis celui-ci (la Bible), je ne peux m'empêcher de verser des larmes. J'ai plus appris en deux jours dans le Nouveau-Testament que je n'ai appris dans toute ma prétendue religion, et dans la philosophie. Je commence à reconnaître que je ne suis pas bon. Plus je lis ce livre, plus j'aime cette lecture.» Un autre militaire, à son retour de l'Algérie, écrivait: «Je souffre beaucoup, et cette souffrance physique me rend faible quelquefois; mais un instant après je rougis de honte, et je trouve un calme indicible en me réfugiant à l'ombre de la croix de Christ. Ah! si vous saviez combien cette croix me paraît adorable!»

Nos réflexions s'adressent également à vous, marins, dont la carrière est plus aventureuse encore que celle du soldat. Vous êtes continuellement comme suspendus sur le sépulcre, et une frêle planche vous sépare de la mort. Tantôt le calme vous surprenant au sein des mers, vous avez de longs jours de désœuvrement, et qu'en faites-vous? On ne le sait que trop, le nom de Dieu n'intervient dans vos jeux et dans vos conversations que pour être blasphémé. Tantôt l'orage gronde, votre vaisseau est près de s'engloutir au fond de la mer; et qu'y aurait-il de plus propre à vous fortifier, dans ces heures terribles, que le souvenir des grandes promesses de la Parole de Dieu!

Le roi-prophète a exprimé, dans un magnifique langage, comment les marins doivent s'adresser à l'Éternel, et attendre de lui leur délivrance: «Ils montent aux cieux, dit-il, et descendent aux abîmes; leur âme se fond d'angoisse; ils branlent et chancellent comme un homme ivre, et toute leur sagesse leur manque. Alors ils crient à l'Éternel dans leur détresse, et il les délivre de leurs angoisses. Il arrête la tempête, la changeant en calme, et les ondes s'apaisent. Puis ils se réjouissent de ce qu'elles sont calmées, et il les conduit au port qu'ils désiraient. Qu'ils célèbrent donc la bonté de l'Éternel, et ses merveilles parmi les fils des hommes (Ps. CVII, 26-31.)

La foi inspirée par la Bible peut donner, même à de faibles femmes, un courage extraordinaire. On l'a vu dans le naufrage du vaisseau le Kent, en 1825. Le bâtiment était en feu; tout paraissait perdu. Les femmes et les enfants se réfugièrent dans une arrière-cabine pour y lire la Bible et prier. Ces pieux exercices en rendirent plusieurs capables, non seulement de se résigner à leur propre malheur, mais de consoler les autres. On remarqua surtout le noble courage de deux jeunes dames. Ayant appris qu'il n'y avait plus d'espoir, l'une d'elles tomba à genoux et s'écria: Viens, Seigneur Jésus, viens! et elle proposa de lire quelques paroles des Écritures. Sa sœur, avec le même calme et le même recueillement, choisit des psaumes appropriés à la circonstance, et les lut à ceux qui l'entouraient. Marins, emportez donc la Bible dans vos excursions lointaines: elle vous soutiendra dans les mauvais jours.

C'est elle encore qui vous viendra en aide après le naufrage. Un vaisseau qui naviguait dans la mer du Sud ayant été brisé, l'équipage resta deux ans dans une île déserte. «Ce que nous préservâmes de plus précieux, dit l'un de ces marins, ce fut notre Bible. Nous la lûmes régulièrement après notre malheur, et je dois déclarer que nous lui sommes redevables de l'harmonie qui régna parmi nous. Chacun s'occupait du bien-être de tous, et obéissait docilement aux avis des plus expérimentés. S'il y avait différence d'opinions, la majorité décidait, et les autres se soumettaient sans obstacle. La paix se conserva entre nous, parce que les enseignements de Celui qui recommande l'amour fraternel nous étaient lus chaque jour dans sa Parole. Jetés dans une île inconnue, au milieu de l'immense Océan, sans espoir de secours, privés de toute marque de sympathie humaine, pleurés comme morts par nos parents, ce livre a été pour nous un messager d'espérance, un baume pour nos plaies, une consolation pour nos peines, un missionnaire de paix, et le pilote qui pouvait nous conduire au port du bonheur éternel.»

Ne vous séparez donc point des Écritures, vous qui courez tant de péril! La Bible vous rendra vos dimanches, qui sont si oubliés, si profanés dans les voyages sur mer. Elle vous rendra une famille, en vous donnant Dieu même pour votre Père, et Jésus pour votre Ami. Elle vous protégera contre les séductions non moins dangereuses peut-être qui vous attendent au rivage, et plus vous la méditerez, plus augmentera votre attachement pour cette sainte Écriture. C'est ce que témoigna un capitaine de vaisseau, quand on lui offrit pour son équipage des exemplaires du volume sacré: «Je les accepte, dit-il, avec d'autant plus d'empressement que je sais par moi-même combien la Bible est une précieuse compagne de voyage. J'en possède une que j'ai portée partout avec moi dans mes longues excursions.»

Ce serait un détail infini de rappeler toutes les professions et toutes les conditions humaines pour établir que la lecture des saints livres est toujours nécessaire, et qu'il n'y a pas un seul homme, dans quelque état qu'il soit, qui n'en ait besoin. Ne parlons plus que de cette classe innombrable, à laquelle nous appartiendrons un jour, si nous n'y avons déjà appartenu, je veux dire des affligés.

Le Saint-Esprit qui a dicté la Bible est nommé par Jésus le Consolateur. Aussi a-t-il répandu dans son livre les plus efficaces, les plus abondantes consolations pour toutes les douleurs: souffrances du corps, anxiétés de l'âme, revers de fortune, poids des vieux ans, abandon de nos amis, perte des êtres qui nous sont chers, approche de la mort. Que de pauvres cœurs qui auraient été brisés sans la Bible, et qui par elle goûtent une douce paix! que d'infortunés qui allaient tomber dans l'abîme du désespoir, qui n'en étaient plus séparés que par un dernier effort de leur conscience, et qui ont été relevés par la Bible, affermis, réjouis!

Une famille indigente était venue chercher de l'occupation dans la capitale. La fatigue occasionna chez le mari une fièvre bilieuse, qui bientôt dégénéra en fièvre maligne, et le conduisit au tombeau. Deux de ses enfants furent atteints par la contagion, et moururent à leur tour. La veuve fut réduite, avec ceux qui lui restaient, à la dernière misère. Un chrétien vint la voir dans ces circonstances; elle n'avait d'autres secours que quelques grains de café qu'une voisine lui donnait. Apercevant sur la table une vieille Bible imprimée en gros caractères: Je vois, lui dit-il, que vous savez lire, et que vous avez là le plus précieux de tous les livres. — Eh! Monsieur, s'écria-t-elle, qu'aurais-je fait sans lui? le livre n'est pas à moi. La maladie, le chagrin et les larmes ont rendu mes yeux trop faibles pour lire les livres en petit caractère; j'ai emprunté cette Bible chez un voisin, et elle a, si je puis le dire, servi de nourriture à mon corps aussi bien qu'à mon âme. Il m'est arrivé de n'avoir rien à manger, et de lire dans ce livre jusqu'à ce que j'eusse oublié ma faim. — Cette veuve, épuisée par le malheur et le besoin, ne tarda pas à mourir aussi, mais les consolations des saintes Écritures adoucirent ses derniers jours. Elle parla de sa mort avec un sourire de triomphe, et en se réjouissant d'aller rejoindre les pieux amis qui l'avaient devancée.

Aucune affliction peut-être ne nous abat plus que les infirmités chroniques et incurables. L'homme supporte plus facilement une adversité qui le frappe comme un coup de tonnerre que ces douleurs qui ne doivent finir qu'avec lui. Mais pour de pareilles épreuves encore la Bible a des consolations et des joies.

«Je fus appelé, dit un médecin, auprès d'un indigent. Il était seul quand j'arrivai. Je le trouvai le visage pâle, maigre, et il était attaché avec des cordes sur un fauteuil. Depuis quatre ans il ne pouvait remuer ni bras, ni jambes, et souffrait des douleurs horribles dans toutes ses articulations.

Quoi! lui dis-je, on vous laisse seul, mon ami, dans un si triste état?

Non, répondit-il avec l'accent de la plus douce résignation, je ne suis pas seul: Dieu est avec moi.

En avançant dans la chambre, je vis la Bible ouverte devant lui, et je compris quelle était la source de sa patience. Comme je savais qu'on ne lui accordait qu'un très faible secours par semaine, je lui demandai s'il avait de quoi fournir à tous ses besoins.

Il est vrai, Monsieur, me dit-il, je reçois peu de chose, mais quand je l'ai dépensé, je me confie à cette promesse du Seigneur: «Son pain lui sera donné, et ses eaux ne lui manqueront point (Es., XXXIII, 16.)

Mais n'avez-vous jamais été tenté de murmurer sous le poids d'une infirmité si longue et si douloureuse?

Non, depuis les trois dernières années, Dieu en soit loué (et le regard de la foi animait son visage pendant qu'il prononçait ces paroles)! J'ai été instruit par ce livre auquel je crois, et quoique je connaisse mon indignité, je suis persuadé que Dieu ne m'abandonnera point. Il m'est souvent arrivé, quand la maladie m'empêchait d'ouvrir mes lèvres pour glorifier Dieu, de célébrer ses louanges au fond de mon cœur.

«J'ai visité bien des fois cet homme pour m'édifier moi-même, continua le médecin. Il est mort avec une pleine espérance de l'immortalité. Et certainement je me soumettrais à la même indigence, à la même maladie, et je souffrirais volontiers tout ce qu'il a souffert, pour jouir continuellement, comme lui, de la présence du Seigneur.»


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