Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV.

Lisez-vous la Bible?

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Avoir la Bible, c'est un point; mais c'en est un autre de la lire assidûment. S'il n'y a en France qu'une famille sur dix qui possède le livre du Seigneur, en est-il une sur cent où il soit lu avec quelque régularité?

On connaît l'histoire de cette femme qui se fâcha de ce qu'on lui avait demandé si elle avait une Bible. — Pensez-vous, Messieurs , dit-elle, que je sois une païenne, pour me faire une question semblable? Va, ma fille, prends la Bible dans le tiroir, afin que je puisse la montrer à ces messieurs. — La Bible fut apportée; elle était soigneusement enveloppée dans une couverture de toile. En l'ouvrant, la femme s'écria: Oh! que je suis contente que vous m'ayez interrogée au sujet de ma Bible; car voici mes lunettes. Il y a trois ans que je les cherche, et je ne savais où les trouver.

Cette histoire, dans ce qu'elle a de sérieux et de triste, est la vôtre peut-être. La Bible est chez vous, mais elle vous est encore étrangère; et, comme le mauvais serviteur, vous ne semblez avoir reçu ce trésor que pour l'envelopper d'un linge, et pour l'enfouir.

Tous ceux qui agissent ainsi n'ont pas le droit de soutenir qu'ils font du livre de Dieu l'usage pour lequel il leur a été donné, et c'est à eux que j'adresse ma question: Lisez-vous la Bible? Ou plutôt: Pourquoi ne la lisez-vous point?

C'est l'affaire d'une classe particulière de lecteurs, dit-on; ce n'est pas la nôtre. Que les prêtres et les théologiens approfondissent les Écritures, ils font bien; mais à nous, gens du monde, quelques chapitres lus de temps en temps doivent suffire.

Idée fausse et funeste: j'en appelle à la Parole de Dieu même pour vous convaincre d'erreur. Quand Moïse, par l'ordre de l'Éternel, écrivit le livre de la loi, à qui recommanda-t-il de l'étudier? À quelque classe privilégiée seulement? aux anciens? aux sacrificateurs? Non, mais à tous: point de distinction d'âge, de condition, ni de sexe. Il voulut même que les révélations du Seigneur fussent gravées sur les poteaux et sur les portes, afin qu'on ne pût ni passer, ni entrer, ni sortir, sans les avoir devant les yeux.

Les chroniques des Juges et des Rois d'Israël furent lues devant le peuple; les cantiques de David, chantés par le peuple; les oracles des Prophètes, adressés au peuple. Rien de secret dans les ordonnances du Très-Haut sous l'ancienne économie.

Nulle différence non plus, dans la nouvelle alliance, entre une classe et les autres. Le Seigneur annonçait l'Évangile dans les synagogues, dans le temple de Jérusalem, sur les places publiques; et quelle contradiction n'y aurait-il pas à supposer que les paroles prononcées par Jésus-Christ devant la multitude ne s'adressent maintenant qu'aux théologiens? Les besoins des hommes sont-ils changés?

Pourquoi donc ce qui était nécessaire à tous pendant que le Seigneur vivait ne le serait-il plus aujourd'hui?

Les lettres des Apôtres, comme les Évangiles, sont écrites pour tous. Saint Paul dit au commencement de son épître aux Romains: «À vous tous qui êtes à Rome, bien-aimés de Dieu.» Il dit aux Thessaloniciens, en employant une formule solennelle, qui atteste le grand prix qu'il attachait à cette recommandation: «Je vous conjure par le Seigneur que cette épître soit lue à tous les saints frères (Rom., I, 7; 1 Thess., V, 27.)

Puisque Dieu a parlé dans la Bible, ou, pour nous servir de la touchante image du pape saint Grégoire, puisqu'il a écrit des lettres à sa créature, comme un père à ses enfants, il est évident qu'il ne l'a pas fait uniquement pour quelques êtres privilégiés. C'est l'homme qui invente des privilèges; il sépare, distingue, choisit; son orgueil se plaît à ces classifications arbitraires. Mais Dieu ne choisit point; sa pensée peut tout embrasser, et son amour veut tout réunir.

Si, après les déclarations de la Bible, celles des docteurs chrétiens avaient quelque poids, on pourrait citer les témoignages de tous les Pères de l'Église, depuis Clément de Rome et Polycarpe jusqu'à Bernard de Clairvaux. Ils ne se lassent pas d'exhorter les fidèles, sans en excepter un seul, à sonder les Écritures: tant il est vrai que la nécessité de l'étude universelle des saints livres a été reconnue de tout véritable serviteur de Christ!

Parce que vous êtes dans le monde, vous croyez que la lecture de la Bible vous est moins nécessaire? Mais si elle pouvait l'être à l'un plus qu'à l'autre, ce serait précisément à vous; car vous êtes exposés à plus de tentations et de périls. Écoutez saint Chrysostôme répondant à cette objection: «Hommes, que me dites-vous là? Ce n'est pas votre affaire d'étudier les Écritures, parce que vous avez d'autres occupations? C'est pour cela même que cette tâche est un devoir plus important pour vous que pour les solitaires. Ceux-ci n'ont aucune fonction publique à remplir; ils se livrent paisiblement à la méditation. Vous, au contraire, vous êtes jetés sur une mer orageuse. Ils sont éloignés du champ de bataille; mais vous, vous êtes dans la mêlée, et vos blessures exigent de fréquents remèdes. Vous êtes irrités par votre femme, trompés par vos enfants, exposés aux pièges d'un ennemi, enviés par un ami. Le juge vous menace, la pauvreté vous accable, une perte domestique vous afflige, le bonheur excite votre orgueil, l'infortune abat votre cœur. En un mot, tant de causes d'inquiétude, de chagrin, de vanité et de découragement vous entourent, tant de traits tombent de toutes parts sur vous, que vous avez sans cesse besoin de l'armure des livres saints

Mais le temps nous manque, répondez-vous. Cela n'est pas sérieux. S'il était certain que, malgré vos efforts, le temps vous manquât absolument pour lire les Écritures, la faute en retomberait sur Dieu même. D'un côté, il vous aurait imposé un devoir; de l'autre, il vous mettrait dans l'impossibilité de l'accomplir. Soutiendrez-vous encore votre assertion expliquée en ces termes? Seriez-vous prêts à la porter devant le tribunal du Seigneur? Ah! c'est Un vain prétexte que vous nous opposez, sans y réfléchir, sans y croire vous-même.

Ferons-nous le calcul de toutes les heures que vous perdez dans de mauvaises pensées et des conversations oiseuses? Doit-on vous convaincre que si l'on retranchait de vos journées ce qui en est mal employé, ou l'est inutilement, vous auriez vingt fois plus de loisir qu'il ne vous en faut pour lire assidûment la Parole de Dieu?

Si vous persistiez dans votre excuse, en dressant la liste de vos nombreuses occupations, nous aurions une autre réponse à vous adresser. Pour quelle raison êtes-vous tellement surchargés de travail? Amour immodéré des richesses, ou soif insatiable des honneurs: vous pouvez choisir. Dans les deux cas, vous êtes responsables de votre manque de temps.

Je suis dans les charges publiques! Le roi David y était aussi. Il avait à gouverner une vaste contrée, à la défendre contre des ennemis acharnés, à réprimer les désordres intérieurs; et cependant le loisir ne lui a pas manqué pour étudier les Écritures. «Oh! combien j'aime ta loi, dit-il; c'est ce dont je m'entretiens tout le jour. Mes yeux ont prévenu les veilles de la nuit pour méditer ta Parole (Ps. CXIX, 97,148.)

Je suis ouvrier; je travaille depuis l'aube du jour jusqu'à une heure avancée de la nuit! Assurément, c'est une tâche bien lourde, et que ne puis-je alléger votre fardeau! Mais, de bonne foi, ni le matin, ni le midi, ni le soir, n'auriez-vous quelques instants à donner à la lecture du volume sacré? Si vous aviez l'espoir d'obtenir par ce moyen une plus haute position dans le monde, ne sauriez-vous pas en trouver le temps? J'ai regret d'arriver encore à la même conclusion; mais après tout, il faut bien soulever le masque dont se couvrent les tièdes et les indifférents.

La cause des causes, celle qui est à la racine de toutes, les objections, c'est qu'on a placé son trésor, non dans le ciel, mais dans le monde; et là où est notre trésor, là aussi est notre cœur (Matth., VI, 21.).

Si l'on ne pouvait régulièrement lire un chapitre avec l'attention convenable, rien n'empêcherait d'en méditer quelques versets tout au moins. C'est la réflexion que faisait un pauvre berger: «Béni soit Dieu, disait-il, j'ai appris à lire dès mon enfance, et je crois que, depuis trente ans, il n'y a pas eu de jour où je n'aie puisé quelque chose dans ma Bible. Si l'on ne peut lire tout un chapitre, je défie aucun homme de soutenir qu'il n'a pas le temps de lire un verset. Or, un seul verset, bien étudié chaque jour, et surtout mis en pratique, ferait, au bout de trois cent soixante-cinq jours, une précieuse provision; et si les enfants étaient instruits à cela, ils demanderaient leur texte comme ils demandent leur nourriture. Je peux réciter de mémoire la plus grande partie de la Bible. Ma vie a été quelquefois bien troublée, et je n'ai pas toujours eu de quoi me rassasier; mais la Bible a été mon aliment, mon breuvage, ma compagne; et dans mes heures d'adversité, si je n'avais pas eu les promesses de cette divine Parole, je ne sais ce que je serais devenu.»

Quiconque veut sonder les Écritures le peut, nous l'affirmons. Un prisonnier en a offert un intéressant exemple. Il était enfermé dans un noir cachot: quel moyen avait-il de lire la Bible? Mais la piété est aussi ingénieuse que la charité. On apportait de la lumière au prisonnier, quand il devait prendre ses repas. Eh bien! au lieu démanger, il lisait sa Bible. Le geôlier s'étonnant de cette conduite, le prisonnier lui dit: «Ma nourriture, je peux la prendre dans l'obscurité, mais la Parole de Dieu, je ne pourrais la lire; permettez-moi de continuer comme j'ai fait.»

D'autres disent ouvertement: J'ai essayé de lire la Bible, mais je n'ai pu poursuivre; elle ne m'intéresse pas: c'est une lecture difficile, pesante, tranchons le mot, ennuyeuse! Combien de gens, hélas! s'ils s'exprimaient avec une entière sincérité, nous feraient cet aveu! Ce qui les détourne des Écritures, dès qu'ils en ont parcouru quelques chapitres, c'est la fatigue, c'est l'ennui; et ils se hâtent de chercher ailleurs des livres qui les captivent davantage.

Mais ou est le tort? En vous, et de plus d'une manière. Votre goût s'est dépravé par la lecture des mauvaises productions du siècle. Vous courez après des émotions fébriles; vous voulez être violemment jetés hors de vous-mêmes par des scènes dramatiques; vous lisez enfin, non pour vous instruire, mais pour vous étourdir.

Ces conditions-là, je l'avoue, et j'en bénis le Seigneur, la Bible ne les remplit pas; elle est paisible, simple, sévère comme la nature. On a observé qu'il n'y a pas dans tout le livre du Seigneur un seul exemple de ce que nous nommons des traits d'esprit. C'est une gravité sainte telle qu'elle doit exister dans les relations de Dieu avec l'homme. Vous êtes bien à plaindre de n'en pas sentir la parfaite convenance et la majesté. Vous l'êtes aussi de ne pas voir qu'à ne regarder même qu'au style, la Bible présente des qualités du premier ordre. Le fameux orientaliste, sir William Jones, qui connaissait vingt-huit langues, avait écrit sur la feuille blanche de sa Bible: «J'ai lu assidûment et avec attention les saintes Écritures, et je suis d'avis que ce volume, indépendamment de sa divine origine, contient plus de vraie sublimité, plus d'exquise beauté, plus de haute poésie et d'éloquence que tous les autres livres ensemble, dans quelque langue et dans quelque siècle qu'ils aient paru.» Et voilà le livre qui vous paraît ennuyeux et pesant!

Mais la corruption de votre goût n'en est pas la seule cause; il en est une autre plus grave encore: votre état moral.

Celui qui obéit à Dieu ne craint pas sa présence; et pareillement celui qui se propose de suivre la Parole de Dieu n'éprouve aucune répugnance à l'étudier.

Si elle vous rebute, c'est que vous ne voulez pas vous soumettre à ses ordonnances. Vous avez peur de la Bible, et cette peur, vous l'appelez ennui. Un écrivain que j'ai déjà cité, Quesnel, disait: «À mesure que l'amour des biens spirituels se renouvelle dans un cœur, on y voit renaître à proportion le goût de la parole évangélique; mais on le perd aussi à mesure que l'on s'éloigne de la sainteté du christianisme, et que l'on ne vit plus selon l'esprit de l'adoption divine: de sorte que l'on peut appliquer justement à ces enfants du siècle ce que Jésus-Christ disait aux Juifs, qui se vantaient d'être les enfants de Dieu: «Celui qui est enfant de Dieu écoule les paroles de Dieu; c'est pour cela que vous ne les écoutez point, parce que vous n'êtes point les enfants de Dieu (Jean, VIII, 47.)

Qui accusez-vous donc en vous plaignant de ne pas vous intéresser aux saintes Écritures? Vous seuls. Vous mettez au jour les plaies de votre âme, les transgressions de votre vie, et vos ennemis ne pourraient pas prononcer contre vous une plus dure condamnation.

Ah! si le sentiment de vos péchés vous accablait, vous ne trouveriez plus rien de pesant dans le livre qui vous indique les moyens de vous en affranchir. Un coupable qui entend la lecture de ses lettres de grâce n'en est point ennuyé. Chaque phrase, chaque mot a pour lui un inexprimable intérêt. Ainsi en est-il pour l'homme perdu qui cherche dans les Écritures la promesse de sa rédemption par Jésus-Christ. Il dit avec le Psalmiste: «Oh! que ta Parole a été douce à mon palais, plus douce que le miel à ma bouche (Ps. CXIX, 103.)!»

Ne refusez pas, nous vous en supplions pour l'amour de vos âmes, de faire une nouvelle tentative, en priant Dieu de vous inspirer des intentions plus pures. Ce qui vous paraîtra sec et vide à première vue, deviendra pour vous plein de sève et de force, quand vous l'aurez mieux étudié. Un savant racontait à un ami qu'ayant entrepris de publier le Nouveau-Testament en langue syriaque, chaque feuille devait lui passer cinq fois sous les yeux avant d'être livrée à la presse. — Je craignais, dit-il, que cette mission ne me fût pénible; mais chaque nouvelle lecture de ces pages sacrées m'y a fait découvrir de nouvelles beautés. — Il s'interrompit en fondant en larmes. — Ne vous troublez point, continua-t-il; je n'ai pu contenir mon émotion, en me rappelant quelles délices le Seigneur a daigné me faire goûter dans la lecture de sa Parole.

Soit, dira quelqu'un, je lirais volontiers la Bible; j'ai souvent essayé de le faire; mais je ne la comprends pas.

Vous ne comprenez pas la Bible? Elle a été comprise pourtant par des villageois illettrés, par des artisans, par des esclaves, par des enfants, quand ils la lisaient avec simplicité d'esprit et ouverture de cœur. L'Écriture a du lait pour les faibles aussi bien que de la viande solide pour les forts. Quoi de plus clair que l'histoire de la vie, des souffrances et de la mort du Sauveur? Or, cette histoire renferme le dogme même de l'expiation dans son principe, dans ses conditions et dans ses effets. Quoi de plus facile à entendre que les enseignements de Jésus-Christ, qui résument la doctrine et la morale chrétienne? Aucun livre de piété, on l'atteste sans crainte, n'a exprimé d'une manière plus simple et plus populaire tout ce qu'il importe de croire pour être sauvé.

Un Père de l'Église a fait cette remarque judicieuse, que le Saint-Esprit a confié tout exprès la composition de la Bible à des hommes sans lettres, pour que personne ne puisse prétexter d'ignorance, et que chacun, jusqu'au moins instruit, puisse comprendre la Parole et en profiter. «Il a eu soin, dit-il, que les livres saints fussent écrits de telle sorte que les publicains, les pêcheurs, les faiseurs de tentes, les bergers, et les autres gens de la campagne sans étude, puissent être sauvés par leur secours

Vous avez tous entendu prononcer le nom d'une femme qui tient le premier rang: dans les annales de la charité, Madame Élisabeth Fry. Elle a mis à une grande épreuve la clarté de la Bible, en la lisant à des créatures avilies, qui n'avaient reçu d'autre éducation que celle du vice et du crime. Madame Fry a pu se convaincre, par le renouvellement de leur vie, qu'elles avaient parfaitement compris le livre du salut. «Les vérités essentielles de l'Évangile, disait une autre dame qui porte le même nom, Madame Caroline Fry, ne sont pas difficiles à entendre; et le chemin de la sainteté n'est pas difficile à trouver. Pouvait-il en être autrement? Les personnes par qui la Bible déclare qu'elle sera le mieux reçue, ce sont les pauvres, les ignorants, les simples. Dieu n'a pas pu agir si contrairement à son dessein que de rendre son message inintelligible à ceux même qui devaient l'accueillir avec le plus d'empressement. Et en effet personne n'entend mieux les Écritures que l'humble villageois qui puise toute sa religion dans la Bible, prend les mots dans leur sens le plus naturel, et les met en pratique, parce qu'il y voit la Parole de Dieu.»

Deux Tartares MongoIs étaient allés des frontières de la Chine à Saint-Pétersbourg pour observer les mœurs des Européens. Pendant leur séjour, un ecclésiastique allemand les ayant priés de l'aider à préparer une traduction de l'Évangile dans la langue de leur pays, ils vinrent passer chaque jour quelques moments dans son cabinet. Le travail s'acheva, et le livre était posé sur une table. Les deux Tartares Mongols restaient silencieux et graves. Le pasteur leur en demanda la raison, et fut réjoui d'apprendre qu'ils avaient été convertis au christianisme. — «Dans notre pays, dirent-ils, nous avons étudié les livres sacrés des Chinois, et plus nous les avons lus, plus ils nous ont paru obscurs; mais plus nous avons lu l'Évangile, plus nous l'avons trouvé intelligible et simple, tellement qu'il nous a semblé que Jésus daignait converser avec nous.»

D'où vient donc que vous, nés et élevés au sein de la civilisation chrétienne, vous avez rencontré tant d'obscurités dans la Bible? C'est peut-être que, dédaignant ce qui est clair, vous vous êtes attachés à ce qui ne l'est point. Vous avez curieusement cherché les points difficiles, et ne pouvant les expliquer, vous accusez la Bible tout entière d'échapper à votre intelligence. Mais en cela vous avez commis deux fautes:

l'une, d'employer la Bible à un jeu d'esprit, comme si elle n'était faite que pour satisfaire votre vanité;

l'autre, de laisser ce qui est fondamental pour ce qui n'est que secondaire.

À qui vous comparerai-je? Vous ressemblez à un homme qui, ayant sous la main une nourriture saine et abondante, s'entêterait à ne vouloir que des aliments extraordinaires, dût sa folie l'exposer à mourir de faim.

Prenons-y garde toutefois: le point capital dans cette lecture, c'est la sincérité, c'est la sympathie du cœur. Sans elle, la plus parfaite clarté devient ténèbres, et la lumière du matin, selon l'expression de Job, est comme l'ombre de la mort (Job, XXIV, 17.).

Lorsque le cœur se jette au-devant de l'intelligence et la couvre d'un voile épais, afin de se livrer en toute sécurité à ses mauvaises passions, il n'y a plus rien de clair dans la Bible. Un œil malade se ferme aux rayons du soleil, aimant mieux ne rien voir que d'être blessé par l'éclat du jour. Est-ce le soleil qui est ténébreux? Non, c'est l'œil qui est mauvais.

Voulez-vous pénétrer dans le vrai sens de la Bible? Suppliez le Seigneur de vous la faire aimer, en vous donnant un cœur disposé à la mettre en pratique. Vous la comprendrez alors, et après l'avoir comprise, vous l'aimerez encore davantage (Nous reviendrons sur ce sujet, en parlant des dispositions avec lesquelles il faut lire la Bible. Pour celui qui ne prie pas, elle est en effet, dans ce qui touche à l'intelligence spirituelle des Écritures, un livre scellé.).

En dernière analyse, aucune de vos objections ne supporte un sérieux examen.

Nous vous l'avons déjà dit, un bandeau grossier que vous posez sur vos blessures, et qui, en se déchirant comme il doit nécessairement se déchirer un jour, vous laissera voir une plaie hideuse, mais trop tard peut-être pour la guérir.

0 vous tous, mes compagnons de voyage sur la terre; vous, qui avez une âme immortelle, une âme qui sera heureuse ou malheureuse dans l'éternité, selon le bien ou le mal que vous aurez fait, étant dans vos corps, ne vous payez plus de ces vains subterfuges. N'êtes-vous pas sincères dans vos objections? II ne vous sert de rien de tromper les autres. Êtes-vous sincères? Détrompez-vous. Lisez enfin, lisez régulièrement les Écritures; car ce sont elles qui rendent témoignage de Christ (2 Cor., V, 10; Jean, V, 39.).

Pourquoi vous abuser? Que vous lisiez ou non la Bible, elle sera toujours ce qu'elle est: l'infaillible Parole de Dieu. Que vous connaissiez ou non les vérités qu'elle nous révèle, ce n'en est pas moins cette Parole qui vous jugera au dernier jour (Jean, XII, 48.). Vous pouvez bien, si absolument votre parti est pris, oublier la Bible, mais vous ne pouvez pas l'anéantir. Vous pouvez bien ne pas l'écouter, quand elle vous crie: Convertissez-vous! convertissez-vous! ou vous périrez! mais vous ne pouvez pas faire que, si vous ne vous convertissez point, l'effroyable châtiment qu'elle vous dénonce vous soit épargné. Voici la bénédiction et la malédiction, la vie et la mort sont devant vous; et Dieu, dans ses grandes compassions, vous laisse le temps de choisir.


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