Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ON NE NAÎT PAS CHRÉTIEN.

Par l'auteur de: La route perdue.

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Pour moi, mon ami, j'ai toujours eu la foi; je suis né chrétien et j'ai été baptisé: je suis donc bien tranquille sur mon âme.

Ce fut là ce que répondit le jeune Prosper à son ami Denis, qui venait de lui parler d'une assemblée religieuse où il avait assisté la veille.

Cette assemblée avait été convoquée par un prédicateur de la Bible, qui était en passage dans une ville du midi de la France, et, ce soir-là, il avait particulièrement insisté sur la nécessité, pour tout homme, de naître de nouveau par le Saint-Esprit, pour qu'il puisse être sauvé. Pour le prouver, il avait cité entre autres déclarations du Livre de Dieu, cette parole du Seigneur Jésus: En vérité, en vérité je te dis, que si un homme ne naît de nouveau, d'eau et d'Esprit, il ne peut voir le royaume de Dieu (Evang. selon Saint Jean, III, 5.)

Le jeune Denis, qui ne s'était rendu à cette assemblée que par curiosité, et même un peu pour en rire, avait été forcé d'écouter l'instruction sérieuse et solide du prédicateur, et il en avait reçu dans sa conscience une impression qu'il n'avait pu repousser.

Ce qui l'avait surtout frappé, avait été cette remarque que l'orateur chrétien avait faite,

«que puisque Dieu lui-même déclarait positivement qu'il en était ainsi, c'était en vain qu'on voulait le nier; et que si même le monde entier, ses philosophes, et ses savants, et les peuples tous ensemble, s'en moquaient, toujours la chose demeurait-elle vraie, et toujours était-il certain, que si un homme ne naissait pas de nouveau, par le baptême du Saint-Esprit, cet homme, quel qu'il fût, ne verrait pas le royaume de Dieu; ce qui voulait dire, qu'il ne serait pas sauvé

Denis en retournant chez lui, avait bien essayé de contredire cette déclaration, en se disant, que ce n'était, après tout, qu'une parole comme une autre, et peut-être qu'une opinion fanatique ou imaginaire; mais il n'avait pu y réussir, et il avait été forcé de conclure que puisque la Bible était vraie, IL FALLAIT QUE LA CHOSE FÛT AINSI, et que par conséquent si lui Denis, n'était pas né de nouveau, par le Saint-Esprit, il n'était pas encore dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire sauvé.

Ce fut avec cette conviction qu'il se coucha et qu'il s'endormit; et le lendemain, en se réveillant, il fut de nouveau préoccupé de cette pensée, et il désira relire l'endroit de l'Écriture Sainte, d'où, cette parole avait été tirée. Il se leva donc; mais quoiqu'il eût une bibliothèque assez nombreuse, le Livre de Dieu ne s'y trouvait pas, et il se sentit comme honteux, en regardant tous ses volumes, parmi lesquels n'était pas le volume divin. Quelle folie; se dit-il enfin, d'avoir tant d'écrits, qui ne peuvent ni m'enseigner, ni me guider, dans ce qu'il y a de plus important pour moi, pour mon âme. Quelle vanité, de ne pas posséder le livre qui, seul, oui, tout seul, renferme la science sans laquelle je perdrai tout, et dans cette vie-ci, et dans l'autre!

Et cette réflexion ne fut point passagère. C'était dans son cœur et avec calme qu'il l'avait faite: aussi fut-elle efficace, jusque-là, qu'il sortit de chez lui, pour aller chercher à acquérir ce Livre de Dieu, dont la voix souveraine lui avait dit, qu'il lui fallait être né de nouveau, par le Saint-Esprit, pour être sauvé.

En se rendant chez le libraire où il devait trouver ce volume, il passa devant la demeure de Prosper , son intime et plus cher ami, à qui il fallut qu'il confiât ce qui se passait dans son âme.

Prosper était levé depuis longtemps, et avait déjà fait bien des équations et des calculs dans ses chères mathématiques.

Qu'as-tu donc? Denis, dit-il à son ami. Tu as l'air tout renversé.

Denis lui conta ce qu'il appela son aventure de la veille, et aussi ce qu'il allait faire.

Prosper se mit à rire, et de tout son cœur; puis il demanda sérieusement à Denis , s'il perdait la cervelle, ou s'il était devenu tout à coup une vieille femme ou un moine.

Mais Denis n'avait pas envie de plaisanter. Il soupira tristement, et dit à Prosper: Ne badine pas ainsi, bon ami! C'est une chose sérieuse que ce qui m'arrive. Il m'est évident, vois-tu, que si je ne suis pas né de nouveau, par le Saint-Esprit, je ne serai pas sauvé.

C'est une idée fixe! c'est une idée fixe s'écria Prosper. Cher, cher Denis, ton esprit serait-il atteint? Dis, bon ami, as-tu tout ton sens?

Ah! Prosper, répondit Denis en s'asseyant, et avec douleur, je crains bien que jusqu'à présent nous n'ayons manqué de sens, et que notre idée fixe n'ait été l'incrédulité? oui, l'incrédulité, l'irréligion, la fuite, et, ajouta-t-il à voix basse, la... haine... de Dieu!

Prosper demeura la bouche béante et le regard fixé sur son ami. Il ne savait pas si Denis était en effet aussi solennel qu'il paraissait l'être, ou bien si, malheureusement, il avait perdu l'esprit; et sa douleur était extrême.

Tu vas me faire pleurer, s'écria-t-il enfin, si tu ne reviens à ton sens. Denis, je t'en conjure, dis-moi si tu me comprends?

Oui, cher ami, mon cœur est touché de ta tendresse et de ton étonnement. Je suis, je t'assure, calme et réfléchi. Mais je suis, en même temps très frappé de ce que j'ai entendu hier au soir, etc..

Pourquoi donc es-tu allé entendre ce prédicateur étranger? s'écria Prosper avec feu. Ah! mon ami, puisque tu as fait cette sottise, je comprends ton état. Pauvre, pauvre Denis! te convenait-il, à toi, éclairé comme tu l'es, d'aller t'asseoir sur les bancs des femmelettes, ou des hypocrites? Oh! mon ami, tu t'es avili, je t'assure.

Prosper, tu as tort; oui, grand tort. C'est là du préjugé, et ce préjugé est injuste. C'est toi, mon cher, qui méconnais ton bon sens, lorsque tu prononces de telles paroles.

Mais! enfin, demanda Prosper , avec plus de calme, que s'est-il donc passé dans cette assemblée!

Denis. — J'y étais allé, je te l'avoue, pour m'en railler. Mais j'ai dû, tout au contraire, l'admirer, et sincèrement. La salle, décemment disposée, était remplie de 3 ou 400 auditeurs, de diverses classes.

Prosper, vivement. — Du peuple, du bas peuple, n'est-ce pas? Point de notabilité, je pense?

Denis , posément. — D'abord, Prosper, souviens-toi que le peuple, et le bas peuple, a une âme, tout aussi bien que les grands et les riches. Mais, enfin, comme je te l'ai dit, l'assemblée réunissait des auditeurs de la classe cultivée, et du plus bas étage; et les uns et les autres étaient silencieux et recueillis.

Prosper. — Eh bien! ensuite? Que s'est-il donc passé de si étonnant?

Denis. — Un ecclésiastique, en vêtements noirs et simples, et d'un extérieur serein et affable, a commencé avec beaucoup de paix, et dans les termes les plus affectueux, par nous dire, qu'il se trouvait au milieu de nous comme notre serviteur, pour l'amour du Seigneur Jésus, et que son unique et pure intention était, non point de nous apporter ses propres opinions, ni sa propre croyance, mais de nous lire la Parole de Dieu, et de nous l'expliquer le plus simplement possible.

Prosper , surpris. — Et, dis-moi, il n'avait rien d'excentrique, d'exalté, de véhément?

Denis, du même ton. — Posé, calme, paisible, et parlant avec autant de douceur que d'assurance, il nous a invités à l'écouter en repos, puis, ensuite, à comparer ce qu'il aurait dit avec la Bible elle-même. Il a même ajouté, que si quelqu'un avait un doute sur la pureté de la version française qu'il employait, il était prêt à conférer cette version avec le texte original en présence et sous les yeux de cette personne-là, ou de toute autre qu'on lui désignerait.

Prosper, chaudement. — Certes, c'était bien; c'était loyal! Allons, continue; car tu commences à m'intéresser.

Denis. — Cela dit, le prédicateur a prié. Mais, mon ami, c'était en effet une prière! En français, tu le sens; car c'était pour que chacun l'entendît et la suivît dans son cœur; et surtout, c'était le cœur de cet homme qui priait, et qui suppliait Dieu de bénir pour nous tous la lecture et l'explication de la Parole.

Prosper, avec curiosité. — Et, dis-moi, a-t-il prié pour le roi?

Denis. — Certainement, comme aussi pour toutes les autorités constituées. Et même il nous avait lu dans la Bible avant que de prier, que toute puissance supérieure est établie de Dieu, et que ceux qui s'y opposaient, seraient condamnés.

Prosper. — Mais il a fait plus que de prier?

Denis. — Quand nous avons été tous assis et silencieux, il a ouvert la Bible, et y a lu... Et c'est alors, Prosper, que j'ai commencé à comprendre que nous sommes hors du droit chemin.

Regarde, voici sur mes tablettes les indications des endroits du Livre de Dieu qu'il a lus, et que j'ai notés à mesure qu'il les citait, car il avait toujours soin de nous dire de quel livre, de quel chapitre, et même de quel verset il tirait ce qu'il annonçait.

Prosper, en souriant. — Un avocat, n'est-ce pas, qui citait le texte de la loi?

Denis , gravement. — Oui, mon ami. Et en effet, il plaidait, et avec énergie, pour le bien de nos âmes.

Prosper, avec un peu d'ironie. — Et bientôt, cher Denis, tu plaideras avec lui, je pense?

Denis ne répondit rien; mais, en relisant ses tablettes, il soupira et devint rêveur.

Prosper sentit qu'il avait blessé le cœur de son ami, et en lui prenant une main, il lui dit, avec sentiment: Tu as donc été touché de cette... prédication! Dis-moi, je te prie, ce qui te rend si sérieux.

Je te l'ai dit, Prosper , mais tu ne m'as pas encore écouté. La Bible déclare que si quelqu'un ne naît de nouveau, par le Saint-Esprit, il ne verra pas le royaume de Dieu; — et cela, mon ami, me semble assez positif, assez décisif, pour que j'y pense, et très sérieusement.

Eh bien! moi, dit Prosper, avec assurance, je mets si peu d'importance à de telles paroles, que......

Denis, avec fermeté. — Arrête, et tais-toi! Toutes choses, Prosper , hormis l'impiété! Nier la Bible, c'est nier Dieu. Tais-toi donc.

Prosper fut saisi dans sa conscience; car, quoiqu'il fût léger et sans religion, cependant il avait un secret respect pour la Bible, et l'idée qu'il avait pu la renier, lui causa un frémissement: mais il n'en fit rien paraître.

Je ne dis pas, ajouta-t-il, que la Bible ne soit pas vraie;.... mais je pense qu'il est certaines vérités qu'il ne faut pas trop approfondir. Les mystères doivent être respectés.

Denis, toujours avec la même décision. — Mais rien n'est plus simple, moins profond et moins mystérieux que cette parole, qu'un enfant peut comprendre, s'il veut l'écouter: En vérité, en vérité Je, te dis, si quelqu'un ne naît de nouveau, par te Saint-Esprit, il ne verra pas le royaume de Dieu. — y a-t-il deux sens à de tels mots? Ne veulent-ils pas dire ce qu'ils affirment?

Prosper fut convaincu qu'il ne combattrait cette déclaration que par des subtilités, et il était incapable de cette ruse, qu'il aurait regardée comme une bassesse. Il se sentit donc embarrassé, et afin de répondre quelque chose, il prononça les paroles qui commencent cet écrit.

Mais Denis ne pouvait s'en contenter. Il lui dit donc, avec instance, et en arrêtant son regard sur les yeux de son ami: Tu crois donc, Prosper, que tu es né de nouveau, par le Saint-Esprit! dis, le crois-tu?

Né de nouveau! né de nouveau! répéta Prosper, un peu impatienté, que veux-tu que cela signifie? C'est du mysticisme, et je ne dois pas m'y arrêter.

Oh! si j'avais une Bible! s'écria Denis, avec sentiment, je pourrais te faire voir que cette parole s'y trouve! Car j'ai, ici, l'indication de la place; et alors, oserais-tu dire encore que c'est du mysticisme.

Prosper rougit, et en regardant vers le haut des tablettes de la bibliothèque, il dit, en balbutiant: J'ai, moi, une Bible; mais;.... je ne sais guère où je l'ai mise.

Dis plutôt, s'écria Denis en lui saisissant le bras, oui, mon ami, dis plutôt que tu ne sais où tu l'as reléguée et rejetée: car voilà, voilà, ce que nous, misérables incrédules que nous sommes, nous avons fait du Livre de Dieu:


Je te le dis, Prosper, nous n'avons ni connu, ni aimé, ni servi Dieu.

Eh bien! il y a du remède, dit Prosper en approchant un tabouret, pour s'élever jusqu'au rayon supérieur de ses livres. Si c'est comme tu le dis, Denis, il y a de la ressource. On peut se relever, si l'on est tombé. Voyons donc où est.... ce livre.... saint. — Ah! le voici. Tiens, veuille l'essuyer de ce linge; car, je l'avoue, il y a plus d'un an qu'il a été mis là. Je l'avais reçu de cet étranger que je rencontrai en voyage....

Denis. — Et tu lui avais promis, me dis-tu, d'y lire chaque jour. Prosper! Prosper! nous avons haï la Parole de Dieu.

Prosper, avec humilité. — Dis seulement négligé, oublié, abandonné; mais ne dis pas haï. — Mais, enfin, voyons ce passage qui t'a frappé tellement. Où se trouve-t-il?

Denis. Je le cherche. C'est d'abord dans l'Évangile selon saint Jean. Le voici dans le Nouveau Testament, et le quatrième évangile. Ensuite c'est au chapitre troisième;... m'y voici. Enfin, c'est le cinquième verset. Oui, c'est bien cela. Tiens, lis toi-même.

Prosper, après avoir lu. — Je n'ai rien à dire; c'est clair et positif. Et de plus, je vois que ce qui précède et ce qui suit, explique cette déclaration.

Denis. — Tiens, regarde! vois-tu que tu as dit, aussi, comme le sénateur Nicodème: Comment cela peut-il être, qu'un homme naisse de nouveau? Maintenant, mon bon et cher ami, que voulons-nous faire? Tu le vois; le Seigneur Jésus déclare que si toi et moi, nous ne sommes pas nés de nouveau par le Saint-Esprit, nous ne serons pas sauvés. Et cependant, toi et moi, nous désirons l'être. Que ferons-nous donc?

Prosper se promenait dans la chambre, les yeux baissés, et en cherchant dans son esprit une réponse que Denis ne condamnât pas. Enfin, il dit, avec simplicité: écoute, Denis, puisque la Bible dit cela, il est clair que j'ai eu tort de dire que l'on naisse chrétien.

On naît si peu tel, reprit Denis, avec vivacité, que voici un autre passage que j'avais noté, et que je trouve. Vois, ici, dans l'Épître de Saint Paul aux Éphésiens, au chapitre second, et le commencement: Lorsque vous étiez morts en vos fautes et en vos péchés, dans lesquels vous avez marché autrefois, suivant le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l'air, qui est l'esprit qui agit maintenant avec efficace dans les enfants de rébellion, entre lesquels aussi nous avons tous conversé autrefois, dans les convoitises de notre chair, accomplissant les désirs de la chair et de nos pensées; et nous étions de notre nature des enfants... de colère ;.... comme les autres hommes. — Le vois-tu, Prosper? Est-ce positif et formel, aussi? Y est-il dit, oui ou non que, loin d'être nés chrétiens, nous étions naturellement des enfants de colère?

Prosper , avec embarras. — Aussi ai-je dit que j'ai été baptisé dans l'Église. N'aide pas été fait chrétien alors?

Denis, en regardant ses tablettes, puis en feuilletant ta Bible. — Attends, attends, je te prie. Tu vas voir ce qu'il en est de notre baptême. Voici. Vois, lis; c'est dans la première Épître de l'Apôtre Saint Pierre, à la fin du chapitre troisième. Ici, il est question, tu vois, de l'arche de Noé, et il est dit: à quoi aussi maintenant répond la figure qui nous sauve, le baptême; non point celui par lequel la souillure de la chair est ôtée, mais la réponse faite à Dieu d'une conscience pure, par la résurrection de Jésus-Christ. (Cette eau était une figure du baptême, qui n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement d’une bonne conscience envers Dieu, et qui maintenant vous sauve, vous aussi, par la résurrection de Jésus-Christ – version Segond) — J'avoue que je ne comprends pas tout ce verset, mais ceci, du moins, je le comprends, que ce n'est pas le baptême d'eau qui sauve. Ce n'est donc pas lui qui nous a faits chrétiens. Cela te semble-t-il clair?

Prosper lut et relut le passage, et dit, en soupirant: Allons, Denis , il faut le reconnaître: nous sommes des ignorants, quant à la Bible! Et cependant, puisqu'elle est vraie (car je crois, oui, je crois qu'elle est la Parole même de Dieu), puisqu'elle est la vérité, ce n'est pas peu de chose que de l'ignorer. En effet, nous risquons d'être finalement perdus, tout en nous imaginant que nous sommes sauvés.

Denis, avec profondeur. — Aussi suis-je déterminé, quoiqu'on en dise et quoiqu'il en coûte, à la posséder, et à la lire, et à la croire. Je vais donc, mon ami, en acheter une; car, toi, tu as besoin de la tienne; et ce qu'elle nous dira, n'est-ce pas, Prosper! nous le ferons?

Prosper , en lui tendant la main. — Je m'y engage avec toi, bon ami. Nous n'avons été qu'un jusqu'à présent, pour les choses du monde. Non, nous ne serons pas deux, pour les choses du ciel.

Denis l'embrassa tendrement, puis se hâta d'aller acheter une Bible.

FIN.

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