Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'ASSURANCE DE FOI

ET DE LA

POSSESSION DU SALUT.

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Il n'est pas rare de rencontrer des personnes pieuses, qui, tout en faisant profession de croire à la justice parfaite que nous donne la foi au Fils de Dieu, n'ont cependant aucune certitude de leur propre salut, et qui même regardent cette assurance-là comme une orgueilleuse présomption ou comme une illusion très-dangereuse. «Comment,» disent-elles, «une âme pourrait-elle être sûre d'être déjà sauvée, puisque aussi longtemps qu'elle est ici-bas, elle est exposée à pécher, et que jamais elle ne peut être satisfaite de l'obéissance qu'elle rend à Dieu, et qui seule peut lui certifier qu'elle a cru à salut?»

De telles âmes doivent être traitées avec une grande douceur, car cette objection a quelque chose de respectable, puisqu'elle prouve que leurs désirs tendent bien vers la sanctification, mais qu'elles n'en connaissent pas la nature; qu'elles ne voient pas encore que cette obéissance, que Dieu requiert, ne peut se trouver que dans l'homme qui sait et croit qu'il est un enfant de Dieu.

Ce serait faire un grand tort à de tels disciples que de leur dire qu'ils ne sont pas chrétiens; qu'ils ne croient pas en Jésus. Ils croient; mais ils croient mal, et en introduisant un mélange de leurs propres œuvres dans la foi qu'ils ont au Fils de Dieu.

Dans les divers cas de cette nature que j'ai pu connaître, j'ai toujours vu qu'il est:


J'en citerai pour preuve le fait suivant, qui eut lieu dans une visite que je faisais à la campagne, en Écosse, chez quelques familles fidèles.

Dans une de ces maisons se trouvait une femme âgée et très malade, retenue au lit par une hydropisie prolongée depuis plusieurs ans. Je fus conduit vers elle par une dame de distinction dont elle avait été la servante, et qui me dit, que cette pauvre personne était travaillée en son esprit par de pénibles doutes sur son salut.

Je me sentis vivement ému à la vue de cette infortunée, qui était haletante d'oppression et de douleur, et dont le visage tout altéré par la souffrance, montrait qu'elle avait passé depuis longtemps dans le sombre chemin de l'angoisse.

Après quelques mots d'encouragement et de consolation, je lui demandai si elle craignait l'arrivée du Seigneur, qui paraissait s'approcher d'elle, pour lui dire de quitter ce monde. — Elle me répondit, avec une expression assez paisible: Je ne dois pas craindre son arrivée, parce que j'espère qu'il me recevra dans son repos: car il est un Dieu de grandes compassions.

Je lui demandai pourquoi elle disait qu'elle espérait d'être reçue, au lieu de prononcer simplement ces mots, Je crois d'être reçue.

Ah! dit-elle avec humilité, il n'appartient pas à une pauvre pécheresse, telle que moi, d'avoir une telle confiance. Quoique je sois sûre que Jésus-Christ est le Sauveur, cependant je n'oserais pas dire que dans ce moment je sois sauvée, et que son salut m'appartienne complètement.

Pourquoi, lui dis-je, doutez-vous de la véracité de Dieu?

Je n'en doute nullement, répondit-elle avec vivacité; et Dieu m'en garde! Mais comment voulez-vous qu'une misérable pécheresse, qui a tant de souillures en son cœur, ose ainsi prononcer hardiment qu'elle soit sauvée? Y a-t-il quelqu'un ici-bas qui ose dire qu'il soit tellement pur, qu'il puisse se présenter devant le Saint des saints? Ah! Monsieur! je me garderais bien d'un tel orgueil.

Je compris alors que cette âme ne considérait point le sacrifice du Sauveur tel qu'il a été, mais qu'elle avait l'idée d'un rachat provisoire et conditionnel, et nullement la vue de la charité et du don gratuit de Dieu.

Il était assez difficile de lui ôter cette erreur; et je le répète, on ne saurait, dans des cas pareils, apporter trop de discernement et de patience à redresser l'erreur qui offusque l'esprit du fidèle. Si l'on est trop prompt, et qu'on heurte le préjugé, il est rarement possible de donner la douce conviction que renferme l'Évangile; et j'ai vu, plus d'une fois, des âmes très bien disposées, repousser avec douleur et presque avec indignation, des paroles de vérité qui leur avaient été présentées avec trop de fermeté, ou en trop grande abondance.

Je m'attachai donc à conduire tout doucement le regard de la foi de cette intéressante malade du côté de la mort du Sauveur, et à lui faire comprendre que, puisque Jésus est un Sauveur:

il a fait en lui-même tout le salut de son église; et que par conséquent l'église n'a plus rien à faire pour se sauver; quoiqu'elle ait beaucoup à faire parce qu'elle est sauvée.

Voici quelle fut notre conversation, que je rapporte en détail, je l'espère, pour l'utilité des âmes qui se trouvent dans la même position.

Vous pensez donc, lui dis-je, qu'il y a quelque présomption, et même de l'orgueil, à être sûr qu'on est sauvé?

La Malade. Certainement; puisqu'il n'y a aucun homme, quelque religieux qu'il soit, qui ne soit chaque jour coupable de quelque péché. Comment donc pourrait-il dire qu'il est digne du ciel?

L'Ami. Cependant ne croyez-vous pas que le Seigneur Jésus a porté nos péchés en son corps sur la croix; qu'il a été navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités; que le châtiment qui nous apporte la paix a été sur lui, et que par ses meurtrissures nous avons été guéris. (1 Pier. II, 24; Ésaïe LIII, 5.)

La Mal. Oui, sans doute. Je crois tout cela; car c'est écrit dans la Bible.

L'Ami. C'est la même Bible qui dit que la plaie a été faite au Sauveur pour le forfait de son peuple, (Es. LIII, 8,) et qu'ainsi Jésus, par l'oblation qu'il a faite de lui-même, a rendu ce peuple accompli pour toujours, et a racheté de toute malédiction son église bien-aimée, pour laquelle il s'est livré en sacrifice de propitiation. (Hébr. IX, 28; x, 14; Gal. III, 13; Rom, VIII, 3.)

La malade parut un peu surprise. Elle demeura quelques moments en silence, comme une personne qui réfléchit; puis elle me dit: Voudriez-vous me répéter le passage qui parle de l'oblation que le Fils de Dieu a faite de lui-même? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas bien.

Je le répétai, en lui faisant remarquer la force de cette expression: Christ a été offert une fois pour ôter les péchés de plusieurs. (Hébr. IX, 28.) J'insistai sur le mot une fois, afin de lui faire sentir que par cette seule et unique oblation du Fils de Dieu, l'église a été complètement rachetée; tellement que la peine qu'elle aurait dû supporter en entier, avait été mise tout entière sur le Sauveur, comme sur l'agneau sans souillure et sans tache, préordonné avant la fondation du monde. (1 Pier. I, 20.)

La malade sembla toujours plus étonnée, et elle me dit, mais en hésitant: N'est-ce point pour cela qu'il est dit, qu'il n'y a désormais plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ? (Rom. VIII, 1.)

Je fus réjoui de l'entendre citer ce passage si à propos, et poursuivant l'explication de cette vérité fondamentale, que Jésus a en effet et réellement sauvé en lui-même son église, et que c'est pour cela qu'il est appelé Sauveur, je lui dis: Le salut de l'église a été fait et accompli pour toujours par notre cher Sauveur. Rappelez-vous qu'il est dit, que Jésus nous a été fait, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification, et rédemption, (I Cor. I, 50,) c'est-à-dire, tout le salut.

Nous devons donc croire ce que la Bible dit de lui, qu'il est le Chef, ou «la Tête, de son église; qu'elle est son corps,» et qu'en lui, son chef et son époux, cette bienheureuse église a la rédemption éternelle, le salut total et parfait.

La Mal. Cela veut-il dire, je vous prie, que le Fils de Dieu ait fait, lui tout seul, et par lui-même, tout le rachat des âmes de tous les pécheurs, et qu'ainsi aucun pécheur n'ait rien à faire pour être sauvé?

C'était ici l'erreur principale de cette faible croyante. Elle ne rejetait point la justice, ou comme on dit d'ordinaire, les mérites du Sauveur; mais elle n'en comprenait ni la puissance, ni surtout l'étendue. Je lui montrai donc les divers passages où il est dit:


La malade m'écoutait avec une attention qui me montrait combien cette parole de vérité était agréable à son âme; et elle me dit, les larmes aux yeux: Le Sauveur a donc fait beaucoup plus pour nous, que je n'avais cru jusqu'à présent. J'avais pensé que sa mort ne nous avait rachetés que d'une certaine manière; comme si, par exemple, il nous eût ainsi délivrés de l'esclavage du péché, et mis par cela même en état de gagner notre salut.

Si cela était ainsi, répondis-je, sa mort eût été ou inutile, ou injuste. Si, par exemple, le Sauveur, en mourant, n'a voulu que soutenir, par le martyre, ce qu'il avait avancé....

Non pas cela, dit la malade, en étendant la main; j'ai été autrefois séduite par ce mensonge; mais je l'ai rejeté. Jésus est mort pour nous, et non pas, pour lui.

L'Ami. Vous parlez très bien; et c'est pour cela même que sa mort a dû nous procurer tout le bénéfice qu'elle renfermait. Dieu n'a ni frappé ni maudit Jésus injustement, mais ç’a été justement qu'il l'a fait.

La Mal. Je ne vous comprends pas. Pouvait-il mourir injustement?

L'Ami. II fût mort injustement, et surtout, il eût été maudit injustement; car, comme il est écrit, il a été maudit de Dieu et abandonné, (Gal. III, 13; Ésaïe LIII;) s'il n'y eût pas eu sur lui quelque juste cause de cette peine effroyable.

La Mal. Mais n'avait-il pas pris sur lui nos offenses; puisqu'il est dit qu'il a été livré pour nos offenses? (Rom. IV, 25.)

L'Ami. Oui, sans doute; et c'est ce que je désire que vous voyiez clairement. Le Seigneur Jésus s'était chargé des langueurs et des douleurs que l'église aurait dû connaître et supporter; car Dieu avait fait Jésus être péché. (2 Cor. V, 21.)

Cette dernière parole frappa singulièrement la malade, qui me dit, avec une sorte de crainte: Quoi! Jésus a été fait péché!

C'est ce que dit l'Évangile, répondis-je; et je lui montrai le passage. Il est dit aussi, que Jésus a apparu afin qu'il ôtât le péché. (1 Jean III, 5.)


Mais si cela est ainsi, me dit la malade, avec une expression touchante de piété, ce bon Sauveur a vraiment tout fait pour son église, et il l'a ainsi rachetée par lui-même, par ce grand sacrifice qu'il a offert sur la croix!

J'aimais à voir comment cette âme répétait, avec abandon et amour, les propres termes de l'Évangile, sans qu'elle s'en aperçût, et comment elle reconnaissait une vérité qui devait nécessairement la conduire à se dépouiller de son erreur et de ses doutes. Mais je ne voulais pas le lui montrer moi-même; d'autant plus que je savais qu'elle avait conçu quelques préjugés et quelques craintes à mon sujet, parce que j'avais dernièrement parlé dans son voisinage, sur cette assurance d'être sauvé que tout humble chrétien doit posséder.

Et qu'on me permette de reproduire ici la réflexion, que lorsqu'on a affaire avec des âmes prévenues contre une des fortes doctrines de la foi, il faut, avant tout, écarter ce qu'il peut y avoir de personnel dans leurs préjugés, et faire disparaître entièrement le fidèle qui annonce ou défend cette doctrine.

Il faut alors faire parler la Bible toute seule; car si la personne aime la vérité, si c'est une âme enseignée d'en haut et qui soit sous la conduite du Saint-Esprit, elle recevra toujours la Bible; puis, ensuite, quand la Parole de Dieu aura opéré l'effet de persuasion qu'on désirait, et qu'ainsi les préjugés contre la doctrine auront été ôtés, ceux qui regardent la personne de tel ou tel fidèle; tomberont presque toujours: d'ailleurs, s'ils demeurent, ce n'est qu'un mal secondaire; vu que l'essentiel est d'amener une brebis du Bon Berger à ce bien-aimé Sauveur et à toute sa paix, et nullement de la gagner comme disciple à tel ou tel docteur sur la terre.

Que pensez-vous, dis-je donc, qu'ait voulu déclarer le Sauveur, quand il a dit sur la croix, Tout est accompli?

La malade me répondit: Je vous ai déjà donné ma réponse, lorsque je vous ai dit, que je voyais que ce bon Sauveur a vraiment fait, par lui-même, tout le salut de son église.

L'Ami. Vous comprenez donc ce passage, où il est dit à l'église: Vous avez été rachetés à grand prix; et cet autre où l'apôtre lui rappelle qu'elle a été rachetée non point par des choses périssables, comme par l'argent ou par l'or, mais par le sang de l'Agneau? (1 Cor. VI, 20; 1 Pier. I, 18.)

La Mal. Oui, je pense que je les comprends bien, et qu'ils veulent dire que lorsque le Sauveur souffrit la malédiction sur la croix, il la souffrait à la place de son église, et qu'il l'ôtait ainsi de dessus elle, en la prenant tout entière sur lui.

L'Ami. Eh bien! dites-moi combien de malédictions cette église du Sauveur aurait dû souffrir pour ses péchés?

La malade fut surprise de ma question, et me répondit: Devait-elle en souffrir plus d'une? Cette malédiction n'était-elle pas l'enfer, les peines de la damnation, que le Sauveur appelle le feu éternel? Il n'y a qu'un seul enfer, je pense! Il ne saurait y en avoir deux ou plusieurs.

L'Ami. Non, sans doute; et je vous fais cette question, afin que vous me disiez où vous pensez que soit actuellement la malédiction que méritait cette église pour laquelle le Fils de Dieu s'est livré?

La malade chercha assez longtemps sa réponse. Je gardais le silence, désireux que j'étais qu'elle m'ouvrît tout son cœur et me fît connaître le fond de sa croyance. Enfin elle me dit; Si réellement le Sauveur a pris sur lui la malédiction que son église devait supporter, il est évident que cette église en a été délivrée alors; autrement le Sauveur serait mort pour rien, et il faudrait que l'église se sauvât encore une fois elle-même de la malédiction.

L'Ami. Cela vous fera comprendre pourquoi l'église magnifie toujours, et avec tant de joie, le sacrifice du Seigneur Jésus; comme vous l'aurez vu dans les Prophètes, et comme cela est raconté dans la Révélation de St-Jean. L'église attribue toujours à Jésus toute l'exemption de la malédiction qu'elle eût dû supporter, et que lui, Sauveur, a prise sur son corps et sur son âme; et elle s'en réjouit.

La Mal. Ah! elle a grand sujet de s'en réjouir; car c'est un salut éternel.

J'allais faire la question la plus délicate; celle qui devait toucher la conscience de la malade, et j'avoue que j'attendais avec une sorte d'inquiétude de voir quel en serait l'effet. — Vous ne pensez donc pas, lui dis-je, que l'église s'attribue à elle-même l'accomplissement de son salut, lorsqu'elle se réjouit ainsi?

Point du tout, répondit-elle, avec une fermeté qui me causa un vrai plaisir. L'église sait bien qu'elle n'a eu aucune part active dans ce grand salut, et que c'est son Sauveur qui l'a fait en lui-même, et entièrement. Elle s'en réjouit, comme on se réjouit d'un don considérable qu'on a reçu, et nullement comme d'une acquisition qu'on s'est procurée. Ici toute la gloire est au Sauveur; et à l'église n'appartient que le bonheur d'être ainsi rachetée par lui.

J'étais moi-même très heureux, parce que je voyais clairement que la vérité se faisait jour en cette âme, qui s'approchait, à chaque moment, de la possession de ce salut éternel. J'ajoutai donc, en continuant ce qu'elle avait dit: Tellement, pensez-vous, que si l'église ne s'en réjouissait pas; qu'elle doutât d'un tel bienfait; ou bien qu'elle s'imaginât qu'elle n'a pas encore le droit d'y prétendre, et qu'il faut auparavant qu'elle le mérite par quelque obéissance ou quelque sainteté....

La Malade, avec affirmation. Ce serait ou de l'incrédulité ou de l'orgueil. Puisque le Sauveur de l'église s'est livré pour elle, et qu'il l'a rachetée de la condamnation, en prenant cette condamnation sur lui-même, l'église, si elle le croit, doit absolument s'en réjouir. Je dis même, que plus elle le croit avec fermeté et allégresse, plus elle rend gloire au Seigneur Jésus. Oui, c'est comme un captif qui se réjouit devant le bienfaiteur qui vient de payer sa rançon.

L'Ami. Vous comparez donc l'église à un peuple de captifs dont le Seigneur a payé complètement la rançon?

La Mal. C'est ainsi, je crois, qu'elle est appelée dans les Prophètes, et en particulier dans un passage que je me rappelle maintenant, quand notre bon Sauveur dit que Dieu l'a envoyé pour publier aux captifs la liberté, et aux prisonniers l'ouverture de la prison.

L'Ami. C'est dans Ésaïe LXI, 1; et il est dit au chapitre XXXV du même Prophète, que c'est lui l'Éternel qui a payé cette rançon, (verset 10,) et que c'est pour cela que les captifs affranchis reviennent en Sion avec chant de triomphe.

La Mal. Cela ne peut être autrement. Chaque prisonnier ainsi racheté de l'esclavage, c'est-à-dire, chaque âme sauvée, chaque enfant de Dieu, doit tressaillir de joie devant son Sauveur.

L'Ami. Et pourquoi, je vous prie?

La Mal. Eh! parce qu'il est racheté de cette servitude, par la rançon que le Sauveur a payée par son sacrifice. Pourquoi ne se réjouirait-il pas extrêmement? car il ne peut y avoir de sujet de joie pareil à celui-là.

L'Ami. Mais ne pourra-t-on point accuser ce captif d'orgueil ou de présomption, s'il se vante ainsi d'être hors de l'esclavage?

La Mal. Point du tout; vu que le captif ne se vante pas de s'être racheté lui-même: tout au contraire; il attribue, et uniquement, le tout au Rédempteur qui a payé cette rançon pour lui.

L'Ami. Que penseriez-vous donc d'un de ces captifs qui, tout en disant, Je crois que notre roi a payé lui-même ma rançon, ne voudrait pas cependant être sûr qu'il est racheté; et qui dirait, Je ne suis pas encore assez reconnaissant, pour que j'ose être sûr que ma rançon soit payée?

À cette question, qui était un appel direct à la conscience de la malade, elle mit son visage dans ses deux mains, et demeura dans cette attitude assez longtemps. Je présumais bien qu'elle commençait à voir son erreur, mais je ne savais pas jusqu'à quel point, et je préparais une nouvelle question, lorsqu'elle dit, en me regardant avec émotion et surprise: Ai-je en effet méconnu jusqu'à ce jour ce que le Seigneur Jésus a fait pour mon âme?

Serait-il possible que j'eusse si mal compris le sacrifice de ce charitable Sauveur, et que j'eusse vu de l'orgueil et de la présomption là où n'est, au contraire, que l'humilité la plus profonde, et où la gloire appartient seulement au Seigneur? J'en suis toute troublée.

L'Ami. Que voulez-vous dire, s'il vous plaît?

La Mal. Mais vous le voyez bien. Puisque je vous ai répondu, il y a quelques moments, que je regardais comme la preuve de beaucoup d'orgueil de se croire actuellement sauvé, et que pour moi, je ne pourrais le dire, attendu que je ne suis pas assez sainte pour cela: il est évident, qu'en parlant de la sorte, j'ai totalement oublié, ou ignoré, oui, ignoré, que le salut a été fait par le Sauveur, et que ceux qui l'ont reçu, doivent s'en réjouir. Car enfin, (oh! que cela m'est nouveau!) s'ils ne s'en réjouissent pas, c'est, ou bien qu'ils ne le croient pas, ou bien parce qu'ils s'imaginent qu'ils doivent le faire eux-mêmes.

Ceux qui possèdent ce salut peuvent comprendre quelle joie j'éprouvais pendant que la malade me parlait ainsi. Je ne voulais cependant pas encore la lui montrer, dans la crainte que j'avais d'influencer en quelque chose sa persuasion, et d'introduire quelque émotion particulière dans la foi qu'elle commençait à manifester. Je voulus donc continuer à ne lui montrer que la seule Parole de Dieu, afin que sa foi et son espérance fussent en Dieu, et nullement en moi.

Ici, encore, je prie qu'on me permette une remarque, qui me semble très utile, et que j'adresse principalement à ceux qui ont reçu le don d'exposer clairement la vérité du salut.


Il y a beaucoup d'émotions qui tiennent à l'attrait extérieur de cette vérité; au ton de voix, au geste, à l'expression de celui qui parle; comme aussi à certaines relations secrètes qu'a la vérité qu'on entend, avec des sentiments particuliers qu'elle rappelle. Se hâter, dans de telles circonstances, c'est s'exposer à de fréquents mécomptes; et c'est aussi tendre un piège aux âmes ignorantes, qui pourront, sur l'encouragement qui leur est donné, se persuader qu'elles sont converties, lorsqu'elles n'ont été qu'enseignées, ou simplement émues. Je dis donc à ceux qui parlent de ces choses, qu'ils doivent avoir le plus grand soin de proposer la vérité d'autant plus simplement et plus dégagée d'eux-mêmes, que rien n'est plus dangereux que d'induire une âme en erreur, en lui faisant croire plutôt ce que la bouche aimable ou éloquente a dit, que ce que le Seigneur a mis dans sa Parole.

Je répondis donc à la malade: En effet la Parole de Dieu dit en plusieurs endroits, que les captifs ainsi affranchis, c'est-à-dire que les enfants de Dieu, les disciples de Christ, doivent se réjouir et se glorifier en leur Sauveur. Le Seigneur Jésus appelle cette joie-là parfaite ou accomplie; et l'apôtre St-Pierre la nomme ineffable et glorieuse. (Jean XV, 11; XVI, 20; 1 Pier. I, 8.) Mais à qui cette joie appartient-elle? Est-ce à l'enfant craintif, ou bien à l'enfant qui croit la parole de son Père, et qui se confie en elle?

La malade était toujours plus touchée; et elle me dit, avec le plus doux accent de persuasion: Je vous assure que je crains d'avoir été dans l'erreur jusqu'à ce jour!

En quoi? demandai-je, avec intérêt.

La Mal. Je vais vous l'expliquer.


mais j'ai fait ici un mélange; je le crains, de mes œuvres ou de mes sentiments, avec la grâce de Dieu; car je n'ai vu dans ce rachat qu'un moyen qui m'était donné d'offrir à Dieu mon obéissance, comme un témoignage de ma foi, et comme un motif à m'appliquer les mérites du Sauveur. Il me semblait que je ne pouvais pas m'attribuer le don du salut qui est en Jésus-Christ, avant que j'eusse vu en moi plus de renoncement, plus d'humilité et de sainteté, et de consécration au Seigneur.

L'Ami. Mais ne faut-il pas cependant que cette sainteté se trouve en nous?

La Mal. Sans doute; mais il me semble que je la plaçais mal. Je ne puis exprimer tout ce que je sens; mais je suis sûre que j'ai fait à cet égard une confusion dans mon esprit; et que tout en disant que je croyais que Jésus nous a rachetés de la malédiction, je ne le croyais pas réellement; car il y avait constamment en moi la pensée que je devais me conduire de manière à gagner le salut, ou à éviter la condamnation du dernier jugement.

L'Ami. Est-ce que cette pensée n'est plus la vôtre?

La Mal. Ce que je viens d'entendre m'a tout émue, je vous assure. Il me semble que j'entrevois une nouvelle espérance que je ne connaissais pas, et que Dieu me présente un salut fait, un pardon achevé, et dont je n'avais aucune, non, aucune idée.

Cette intéressante personne entra alors dans plusieurs détails sur l'idée qu'elle s'était jusqu'à ce jour formée du salut que le Sauveur nous a acquis, et qui aboutissait à ceci: Que Jésus nous a bien mérité le salut, mais non point qu'il l'a fait, accompli et renfermé entièrement en lui-même. Ce salut lui avait semblé n'être que comme un privilège que le Sauveur avait procuré au genre humain, et dont il fallait que l'homme sût se rendre digne par sa bonne conduite; en sorte que le pécheur qui n'obéissait pas aux conditions de cette espèce de marché entre Dieu et l'homme, n'avait aucune part à la jouissance du privilège.

Cette erreur était grande, puisqu'elle niait que le Sauveur ait souffert la malédiction de Dieu à la place de son église bien-aimée, et qu'elle ôtait à la mort du Fils de Dieu son caractère expiatoire. Cela explique très bien comment cette personne, d'ailleurs pieuse, repoussait avec une sorte d'horreur l'expression de la foi des chrétiens éclairés et simples, qui confessent librement et joyeusement qu'ils ont été rachetés de toute malédiction par la Victime de Propitiation qui les a aimés jusqu'à s'offrir pour eux, et qui, par cette joyeuse confession, donnent gloire de tout leur salut à Celui qui aussi l'a fait tout entier. Cette joie paraissait être de l'arrogance et de la vanterie aux yeux de celle qui s'était imaginé qu'elle ne devait tout au plus qu'espérer ce salut, et qu'il n'y avait que les saints déjà glorifiés qui eussent droit de se l'attribuer eux-mêmes.

Je fus désireux de savoir sur quelles déclarations de la Bible cette âme s'était appuyée pour soutenir ces erreurs. Elle me répondit, qu'il lui semblait que tout l'Évangile, et particulièrement toutes les épîtres des Apôtres, établissaient la nécessité des bonnes œuvres, de la sanctification, pour l'acquisition du salut.

Je lui fis alors observer, que ces exhortations de sainteté étaient adressées aux enfants de Dieu; à ceux qui, sachant qu'ils appartiennent à Jésus, qui les a rachetés au prix de son sang, doivent désormais vivre fidèlement, et par amour et reconnaissance pour Celui qui les a tant aimés. Je lui montrai que tous ces ordres de sanctification sont précédés d'un motif, qui est, l'amour de Christ, les compassions de Dieu en Christ, le grand prix de leur rachat, le don qui leur a été fait de la grâce, et de la réconciliation avec Dieu leur Père; etc.

J'insistai sur quelques passages plus frappants que d'autres, pour elle. Par exemple, lui dis-je, quand le chrétien prie, c'est son Père, en disant, Notre Père qui es aux deux. Il ne s'adresse donc pas à un juge qu'il espère avoir un jour pour son père; ni à un père présumé; mais à Celui que l'Esprit d'adoption lui enseigne à nommer du doux nom de Père; et c'est à cet ami solide et invariable, qu'il dit, comme un enfant, Pardonne-moi mes péchés; demandant ainsi qu'il le traite:

mais comme un enfant réconcilié et adopté; comme un bien-aimé fils ou fille en Jésus;

et qu'il en agisse ainsi à son égard, comme un bon père envers sa famille égarée par quelque désobéissance.


Cette remarque sur la prière du Seigneur fit quelque impression sur la malade, qui me dit: Je n'avais point compris cette demande de l'Oraison Dominicale dans ce sens de paix et d'amour; j'avais toujours pensé qu'il s'agissait là de la malédiction éternelle, et que le chrétien demandait son pardon, afin de n'être pas perdu.

L'Ami. Vous n'aviez donc pas observé que la prière s'adresse, comme je vous l'ai dit, à un père, et non pas à un juge?

La Mal. Oh! cela me frappe actuellement, et j'en ressens comme une joie indicible!... Cependant, le Sauveur ne dit-il pas ensuite: Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, votre Père ne vous pardonnera pas non plus les vôtres? Vous voyez donc qu'il est possible qu'ils n'aient pas leur pardon, et qu'ils peuvent donc cesser d'être rachetés.

L'Ami. Vous confondez ici le pardon des fautes d'un enfant de Dieu, avec le salut d'un pécheur qui est encore loin de Jésus. Comme aussi vous ne faites pas attention à ceci, qu'un père peut châtier son fils bien-aimé, sans que pour cela il cesse d'être son père. Il ne le renie pas pour son fils, quoiqu'il le punisse.

La Mal. Ah! je comprends! Oui, je vois qu'il s'agit, si je puis ainsi dire, des fautes de la maison, des péchés de la famille.

L'Ami. Oui, de la famille, et nullement des crimes du dehors. C'est aussi pour cela que quand il est question de la sanctification, les apôtres du Seigneur Jésus, parlant aux frères de ce Frère aîné, les conjure, comme bien-aimés de Dieu, de se conduire dans la même révérence que des enfants doivent avoir pour leur père; révérence qui n'est point une crainte servile, mais la confiance respectueuse et pleine d'honneur qu'on a pour un bienfaiteur fort élevé, il est vrai, au-dessus du rang où l'on est, mais cependant qu'on a pour ami.

La Mal. Douce, paisible, et aimable pensée! Oh quelle différence cela doit donner à toute la conduite! Car, enfin, ce n'est plus par crainte du mal ou du châtiment, que l'enfant de Dieu agit; mais c'est par crainte filiale; par l'appréhension de déplaire à son Père, à son cher Sauveur.

L'Ami. C'est aussi de la sorte que s'exprime l'apôtre St-Pierre, quand il dit aux croyants: Puisque vous avez été régénérés, et que par la foi, vous possédez actuellement votre salut, en sorte que vous invoquez Dieu comme votre Père, soyez enfants obéissons. Laissez donc le siècle mauvais, et ses convoitises; et puisque votre Père, tout père qu'il est pour vous, juge cependant sa maison, et punit, quoiqu'en père, ses propres enfants, conduisez-vous dans cette crainte humble et respectueuse, tout le temps de votre séjour terrestre; car votre rançon a coûté très cher; savoir, la vie et le sang de l'Agneau de Dieu. — C'est là le beau et consolant langage de cet apôtre dans le premier chapitre de sa première épître aux chrétiens.

La Mal. Vous me rappelez un passage de St-Paul, qui me semble avoir le même sens, et qui m'a donné beaucoup de peine; car c'est lui, surtout, qui m'a tenu dans cet esclavage où je vois bien que j'étais. C'est lorsqu'il dit aux fidèles, qu'ils doivent travailler à leur propre salut avec crainte et tremblement. Cela ne signifie-t-il pas qu'ils doivent bien se garder d'être assurés qu'ils sont sauvés?

. L'Ami. Faites bien attention à ce que je vais dire: Si l'on prend ainsi un passage, ou même une portion de passage de l'Écriture, d'une manière détachée et décousue, on fera dire à la Bible beaucoup de choses contradictoires.

C'est l'ensemble de l'endroit, et tout le passage au moins, qu'il faut prendre. Ainsi, par exemple, que diriez-vous, si j'avançais, d'après la Bible, que Dieu n'existe pas, vu qu'il est écrit, II n'y a point de Dieu? Vous me répondriez sagement que la Bible dit: L'insensé a dit en son cœur, Il n'y a point de Dieu. Eh bien! je vous dirai aussi, quant au passage que vous citez, que l'apôtre St-Paul est si loin d'établir ce que vous pensiez, qu'il dit précisément le contraire. Voici la place: c'est au 2e chapitre de son épître aux Philippiens, la fin du 12e verset.

Remarquez, premièrement, que cette épître, ou lettre, est adressée à des saints en Christ, (chap. I, 1,) desquels l'apôtre est persuadé qu'ils sont dans la grâce et la paix de Dieu, qui achèvera en eux sa bonne œuvre. (Versets 2-6.) Il ne s'agit donc pas d'incrédules hors du salut, mais de ceux qui l'ont actuellement; et qui, parce qu'ils sont à Christ, qui les a achetés par prix, doivent glorifier ce bien-aimé Sauveur dans leurs corps et dans leurs esprits, qui lui appartiennent. (1 Cor. VI, 20.)

Or, ces croyants, ces rachetés, ces reçus en la grâce, ces enfants de Dieu, étaient encore charnels en ceci, c'est qu'il y avait parmi eux des débats, des querelles, des contentions. L'apôtre leur dit donc, au 2e chapitre: Je vous conjure, par les consolations qui sont en Christ, d'avoir tous un même esprit, et de revêtir, entre vous, enfants de Dieu, rachetés par lui, les mêmes dispositions d'esprit que Jésus a eues, lorsqu'au lieu de se complaire en lui-même, il s'est humilié et anéanti. Imitez-le, vous ses bien-aimés, et soit que je me trouve au milieu de vous, ou que je sois éloigné de votre église, employez-vous à ce salut, qui vous a été donné, non point avec orgueil et présomption, mais avec l'humble défiance de vous-mêmes; car ce n'est pas vous qui êtes les auteurs de vos bonnes œuvres, attendu que c'est Dieu votre pire, qui, selon son bon plaisir à votre égard, produit en vous la volonté et l'accomplissement du bien: c'est pourquoi que tout se fasse au milieu de vous sans murmures et sans disputes, afin que vous soyez des enfants de Dieu irrépréhensibles, etc. (Chap. II, 2-15.)

La Mal. Oh! que ce sens est clair! Qu'il est différent de ce que j'avais pensé et dit! — Il ne s'agit donc ici que de l'humble diligence qu'un enfant de Dieu doit employer à obéir à son père! C'est singulier! Comme il est possible de faire dire à l'Écriture précisément l'opposé de ce qu'elle déclare!

L'Ami. Certainement le raisonnement de l'apôtre est facile à suivre: il dit: Si c'est Dieu qui produit en vous, ses enfants, et la volonté et l'accomplissement de toute bonne œuvre, vous devez non pas vous enorgueillir, mais, tout au contraire, accomplir ces œuvres, qui sont celles de votre salut, AVEC CRAINTE ET TREMBLEMENT, quant à vous, puisque vous n'êtes rien que faiblesse. Mais c'est Dieu, en effet, qui est l'auteur de tout ce bien; donc, vous devez, comme enfants soumis et irrépréhensibles, vous conduire dans cette douceur et cette humilité d'esprit qui conviennent à des rachetés de Jésus.

La Mal. Je le comprends;... et cependant, je vous prie, pourquoi St-Paul, quoiqu'il fût certainement un enfant de Dieu, avait-il la crainte d'être finalement, peut-être,... un réprouvé? Car enfin, il le dit quelque part.

L'Ami. Non, non sûrement pas! Jamais ce St-Paul à qui Dieu avait fait grâce, et qui savait et croyait que le Fils de Dieu l'avait aimé, lui, et que pour lui il s'était donné, (1 Tim. II, 16; Gal. I, 20,) non, jamais ce croyant n'eut même la pensée qu'aucune chose haute ou basse, présente ou future, pût le séparer de l'amour que Dieu lui avait témoigné en Jésus. (Rom. VIII, 38.) Mais St-Paul, tout assuré qu'il était que la couronne de vie lui était réservée par le juste Juge, (2 Tim. IV, 8,) savait aussi que l'enfant de Dieu doit être saint, et qu'en particulier tout ministre de la Parole doit donner l'exemple des vertus qu'il prescrit à ses frères. Et c'est aussi là ce que signifie le passage qui vous arrête maintenant, et dont voici le sens.

Le chapitre où il se trouve, (1 Cor. IX,) est un des plus touchants de toutes les épîtres de St-Paul. L'apôtre y exprime, avec abondance de cœur, l'humble et tendre condescendance dont il use envers les églises. Il y rappelle comment il s'est fait comme faible avec les faibles, comme juif avec les juifs, et toutes choses à tous, afin qu'absolument il en sauvât quelques-uns; puis, comparant les travaux qu'il devait endurer dans l'exercice de cette charité, avec les précautions et les austérités auxquelles s'assujettissaient les athlètes, qui n'étaient admis à combattre qu'autant qu'ils avaient toutes les qualités requises, il déclare qu'il imite ces gens-là, c'est-à-dire, que lui aussi mate et soumet son corps, et qu'il le plie sous le joug du renoncement, afin qu'il puisse aussi participer aux bienfaits de cette lutte évangélique, et qu'ainsi son œuvre ne se borne pas à une simple prédication, dont il ne retirait lui-même aucun fruit, et qui de plus l'exposerait au blâme de ses frères, puisqu'elle ne serait pas suivie de son propre exemple. Il dit donc à l'église: Voyez et imitez ce que je fais. Je m'astreins moi-même aux renoncements, et je lutte le tout premier contre la sensualité, de peur qu'il ne soit dit de moi, que je lie des fardeaux pour autrui, mais que je ne les remue pas même du bout du doigt, (Matth. XXIII, 4,) et qu'ainsi je ne sois réprouve et rejeté par vous comme un faux disciple, qui saurait bien dire, Soyez sobres et veillez, mais qui négligerait de le faire.

La Mal. Je vous remercie, et je bénis le Seigneur qui me montre aujourd'hui ce que jamais encore je n'avais aperçu, je veux dire que c'est dans la paix de l'adoption que le chrétien s'applique à la sainteté. Oh! que j'ai mal lu l'Évangile jusqu'à présent! Que j'ai été loin de voir que l'obéissance d'un vrai disciple du Sauveur est en lui l'opération de l'Esprit de grâce dont il est scellé!

L'Ami. Cependant, comme cela vous paraîtra simple et naturel, si vous considérez la différence de l'esprit filial d'avec des dispositions serviles. Je suis père de famille. Or, je suppose que j'aie, jusqu'à ce jour, élevé un de mes fils comme un domestique; car j'ai pensé que cette marche était sage, pour humilier le cœur hautain de cet enfant. Il a toujours ignoré qu'il était mon fils, et il m'a servi comme un domestique sert un bon maître. Mais enfin l'a-t-il toujours fait comme un domestique; tellement que, lorsqu'il commettait une faute, il avait peur du châtiment et me redoutait comme un juge.

Mais il est arrivé que ce matin même je lui ai révélé, (car il ne pouvait l'inventer!) qu'il est mon fils, et que je lui ai aussitôt témoigné l'affection d'un père. Qu'est-il donc arrivé dans son cœur? Un changement considérable; car sa relation actuelle avec moi est toute différente de la première: c'est une révérence pleine d'amour; c'est de la confiance; c'est de l'intimité; c'est de la paix, de la joie, de la tendresse; c'est le plus sincère désir de se soumettre à mes ordres; et s'il les oublie, (car il ne les transgressera plus!) son repentir est filial, ses larmes sont celles d'un fils, et c'est comme à son père, et non plus à son maître, qu'il vient demander pardon.... Or, dites-moi, cet enfant, d'abord, pouvait-il me servir comme un de mes fils, avant qu'il sût qu'il en était un; et ensuite, dès qu'il l'a connu, a-t-il pu ne m'honorer que comme un maître et ne chercher à me plaire que comme à un étranger?

La Mal. Non, non: le cœur de l'enfant n'est pas celui d'un mercenaire. Oh! je le répète, que j'ai mal lu l'Évangile, jusqu'à ce jour! Que j'ai peu vu et peu compris ce qu'est l'adoption des enfants de Dieu!

L'Ami. Vous n'avez donc pas compris, non plus, ce qui nous est dit de ne pas contrister, de ne pas éteindre le Saint-Esprit? (Éph. IV, 30; l Thess. V, 19.)

La Mal. Je pense bien que non, puisque je n'ai vu là que de nouvelles désobéissances, qui devaient provoquer un nouveau courroux, et peut-être une nouvelle malédiction.

L'Ami. Ah! Dieu ne maudit plus celui qu'il a scellé de son Esprit! Non, il n'y a désormais plus de condamnation pour ceux qui sont justifiés par la foi! (Rom. V, 1; VIII, 1.) Mais de même que dans une famille un enfant attriste un bon père, soit en doutant de son amour, soit en dédaignant ses avis, et que par cette dureté de cœur, il s'expose à des marques de désapprobation; de même aussi l'enfant de Dieu ne peut ni résister aux directions de l'Esprit d'adoption dont il est scellé, ni se permettre des sentiments contraires à son influence, sans tomber aussitôt dans un état de sécheresse, de honte et de reproches intérieurs, qui n'est autre chose que le témoignage de la désapprobation de son Père céleste, dont il a méconnu la tendresse.

J'ajoutai à cette explication celles de quelques autres endroits du même genre; et par la grâce de Dieu, la chrétienne à qui je parlais ainsi selon la vérité, reçut cette vérité comme une humble servante du Sauveur, et me témoigna, avec effusion, que je lui avais apporté un grand soulagement, en lui ôtant, par la Parole de Dieu, les fausses idées qu'elle avait conçues sur le salut.

Je ne la quittai point sans qu'elle m'eût témoigné la foi sincère qu'elle avait déjà, et qu'elle désirait posséder toujours plus abondamment, au témoignage de Dieu; et elle le fit en ces mots: — Je pourrai m'en aller en paix, désormais, car je puis dire que mon âme a vu le salut de Dieu. Je confesse en sa sainte présence, que je crois sincèrement en Jésus son Fils, qui a fait par lui-même la purification des péchés de son église; et je crois que je suis de cette église, puisque Dieu dit que tout pécheur qui croit sincèrement en Jésus le Sauveur, est une de ses brebis, et possède la vie éternelle. (Jean XIV, 36; 1 Jean V, 1, 12.) C'est pourquoi, puisqu'il est vrai que Jésus a payé lui seul et entièrement la rançon de toute âme qu'il a aimée, je suis sûre qu'il a payé la dette de la mienne, car je suis sûre qu'il m'a aimée, puisqu'il s'est donné pour moi. Or, je sais qu'il s'est donné pour moi, puisque Dieu dit que ceux qui croient en lui, l'ont pour Sauveur. Ainsi donc, je ne pense plus, non, plus du tout, qu'il y ait de l'orgueil à croire ce que Dieu a dit touchant son Fils et le salut parfait de ceux qui croient sincèrement en son nom. J'estime, au contraire, qu'il y a de l'orgueil à en douter; puisqu'en le faisant, on prouve qu'on regarde, non pas à lui ni à son sang répandu pour la rémission des péchés, mais à quelque dignité ou indignité personnelle. — Que je vive donc, et ce sera, par la grâce de mon Sauveur, pour me consacrer à celui qui m'a aimée le premier: ou bien que je meure, et ce sera pour aller à lui, qui m'a acquise éternellement à lui-même! Soit que je vive, soit que je meure, j'appartiens à Jésus qui m'a sauvée, car c'est mon Dieu qui le dit!


***

Telle fut la bénédiction que Dieu mit sur cet entretien, dont j'ai dû abréger le récit, mais que j'ai fidèlement rapporté.

Il eut lieu au mois d'août 1826. Deux ans après je revis cette même servante du Seigneur, et je trouvai le grain de sénevé devenu un grand arbre. (Matth. XIII, 31.)

Deux longues années de souffrance et de combat s'étaient donc écoulées; elles avaient été une épreuve suffisante de la fermeté de la foi de cette âme, et il me tardait de contempler en elle la fidélité du Seigneur qui n'abandonne pas l'œuvre de ses mains, (Ps.XC, 16, 17.)

Elle était dans la même chambre et au milieu des mêmes maux où je l'avais déjà vue: mais que sa position spirituelle était différente! La lumière dont j'avais salué l'aurore, avait resplendi sur son sentier, et son jour approchait de sa perfection. (Prov. IV, 18.)

Venez, me dit-elle, dès que je parus, venez rendre grâce avec moi à notre Père céleste; car il a fait de grandes choses pour sa servante. Oh! qu'il a été bon, miséricordieux, fidèle, depuis le jour béni où, par votre charité, il m'envoya le message de sa paix! Que mon âme le loue donc, et que je vous dise: Réjouissez-vous avec moi!

Nous nous prosternâmes ensemble devant notre bon Dieu; puis la servante du Seigneur me raconta comment, durant ces deux années, le repos de Jésus avait rempli son cœur, et comment les consolations du Saint-Esprit y avaient abondé.

Mon âme, me dit-elle avec plénitude de sentiment, a été entourée comme d'une haute muraille, derrière laquelle je n'ai plus connu les attaques de l'ennemi, quoique le lion rugissant rôdât encore autour d'elle. Oui, je le dis avec adoration, j'ai habité dans la loge du Tout-Puissant; et dans le désert de mon épreuve, (car elle est bien pénible à ce corps de douleur!) lorsque le hâle du jour se faisait sentir, j'ai trouvé l'ombre du Rocher pour mon sûr abri, et le doux vent de l'Éternel a dissipé les ardeurs qui jadis consumaient ma force. (Ésaïe XXVI, 1; Ps. XCI, 1; Nah. I, 7; Ésaïe IV, 6.)

Le même Ami. Votre pied n'a donc pas glissé sur cette route nouvelle? Jamais vous n'y avez douté que le Seigneur vous eût pour agréable, ni que vous fussiez son enfant?

Une tout autre Malade. Ah! Monsieur, l'Éternel qui m'a prise par la main droite, m'a conduite aussi par son conseil; et toujours j'ai été avec lui! (Ps. LXXIII, 23, 24.) Non, non, je n'ai plus eu de doutes, et ma consolation a été ferme, parce que ni la promesse ni le serment de Dieu n'ont pu varier. (Héb. VI, 17-20.) Je vous assure qu'il m'a semblé que chaque jour l'Éternel me disait, comme autrefois à Gédéon: Je suis avec toi. Va, avec cette force que tu as. Et alors, ajouta-t-elle avec un doux sourire, j'ai aussi bâti, sous le chêne de sa promesse, l'autel de l'Éternel de paix. (Juges VI.)

Ce fut ainsi que cette simple chrétienne, fondée sur le témoignage de Dieu, magnifia la fidélité du Seigneur, et montra qu'en effet le Consolateur est envoyé à l'âme qui croit la promesse de Dieu en Jésus, et qu'il lui scelle toujours plus profondément dans le cœur la certitude de la paix de Dieu et de son salut.

Quelquefois, ajouta-t-elle, j'ai bien dit, dans mon angoisse: Le Seigneur m'a blessée comme un ennemi, et m'a frappée comme un homme cruel; (Jér. XXX, 14) ;) mais toujours il m'a répondu cette parole, qui a suffi pour me consoler: Je châtie celui que j'aime, et je corrige l'enfant que j'avoue. (Héb. XII, 5.) Oh! quel secours sa bonté m'a fait rencontrer, et de quelle assurance il a fortifié mon cœur!

Et je pense aussi, lui demandai-je, qu'en vous donnant ainsi la certitude de votre élection, et de l'impossibilité de la perdre, il a mis en votre âme le désir d'aimer ce Sauveur fidèle et de le servir toujours plus sincèrement?

Ah! répondit-elle avec adoration, quel autre souhait formerait mon âme, que celui d'être de jour en jour moins conforme à ce monde et plus semblable à Celui qui m'a aimée, et qui s'est donné pour moi! Quoi! mon âme qu'il a justifiée, et qui le connaît très bien, aurait-elle une autre vie que celle de son Sauveur, ou en voudrait-elle une autre! Ah! que cette âme vive, afin qu'elle le loue, et que ses ordonnances me soient en aide! (Ps. CXIX, 175.)

Ainsi parla celle qui, avant d'être assurée de son salut, ne se traînait qu'en gémissant sous le joug pesant de la loi; mais qui, ayant cru Dieu et reçu le sceau de la Promesse, avait appris que pour elle il n'y avait plus de condamnation, et qu'il lui était impossible d'être ravie des mains de son Berger, (Jean X, 29,) parce que Celui qui l'avait appelée par sa grâce à la communion de Jésus, était fidèle, et qu'il l'affermirait jusqu'à la fin, pour qu'elle fût irrépréhensible au jour de Christ. (1 Cor. I, 8, 9.) Elle avait vu en même temps, et sa part assurée à l'héritage qui ne peut se flétrir, et combien est puissante l'efficace de l'Esprit d'adoption pour lier le cœur d'un pécheur racheté à la crainte du Nom de l'Éternel, et aux commandements du Fils de Dieu. (Ps. LXXXVI, 11; Jean XIV, 21.)

Non, me disait-elle, je ne puis comprendre ceux qui craignent qu'une âme soit trop assurée de son salut; de peur, prétendent-ils, qu'elle ne se relâche dans son obéissance! Ah! il faut que ces chrétiens-là n'aient jamais encore goûté combien est bon le Seigneur, ni connu la joie de l'Esprit d'adoption; car s'ils eussent éprouvé, même pendant une seule heure, ce que c'est qu'être dans la paix de Dieu, et de pouvoir lui rendre grâce de son salut, ils ne craindraient plus que cette joie indicible, que cette profonde gratitude, ne se changeassent aussitôt en révolte et en mépris de la loi de Jésus. Non, ces disciples-là n'ont jamais cru de tout leur cœur à la grâce de Dieu: et je puis le leur dire, puisque telle a été ma propre misère.

Mais, repris-je, (pour sonder plus intimement son cœur,) ils vous diront qu'ils croient peut-être; mais qu'ils n'en sont pas sûrs; et que c'est leur incertitude sur la nature de leur foi, qui leur fait craindre pour eux des rechutes.

Eh bien! répondit la chrétienne affranchie, et avec tout l'accent de la sincérité, que ces disciples-là sachent qu'ils ne sont pas loyaux avec le Seigneur; non, qu'ils ne sont ni humbles, ni droits, peut-être; mais que dans le secret de leur cœur, ils retiennent quelque confiance en leurs sentiments, quelque idole, quelque passion, quelque péché qui les captive. Car le témoignage de Dieu est assez simple, pour qu'il soit facile de savoir si on l'a cru. Quiconque renonce à sa propre justice, sait bien qu'il y renonce; et s'il croit que le salut est le don gratuit de Dieu en son Fils, il sait bien aussi qu'il le croit et qu'il s'y repose. Et alors il saura, tout aussi évidemment, qu'il aime Celui dont il a été aimé le premier, et que l'aimer, c'est garder ses commandements. Voilà du moins ce qu'il m'a dit, ce que je crois dans mon âme, et ce qui me rend à la fois et si heureuse, et si désireuse d'être plus obéissante.


***

Si les âmes sérieuses, qui s'occupent sincèrement de leur éternelle condition, veulent faire attention à ce qui vient d'être raconté, elles pourront voir que la cause de leurs doutes sur la possession actuelle du salut, provient de l'incrédulité du cœur, qui, au lieu de recevoir ce que Dieu dit de la propitiation des péchés de l'église, faite par Jésus, ne regarde la mort du Sauveur que comme un premier bienfait, qui ne peut suffire qu'autant que l'homme pécheur s'en rend digne lui-même, par sa propre sainteté.

Une autre observation que je crois utile de faire, et que j'invite le lecteur à bien peser, c'est que plusieurs âmes pieuses, faute de bien discerner entre la Justification et la Sanctification, placent celle-ci la première, et ainsi veulent porter abondance de fruit, avant d'avoir planté l'arbre. Je m'explique:

Il est évident que plus je serai assuré que Dieu est apaisé à mon égard; qu'il m'a reçu dans sa grâce, et qu'il m'a adopté pour son enfant en Christ, plus aussi l'amour de Dieu, répandu dans mon cœur par le Saint-Esprit, me pressera d'aimer ce Dieu et Sauveur, et de me consacrer à lui, que j'aimerai, parce qu'il m'a aimé le premier. Si donc je suis sûr d'être actuellement justifié devant Dieu, je suis en paix, (Rom. V, 1,) et dans cette paix je travaille, comme un enfant scellé de l'Esprit d'adoption, et sous la conduite et la puissance de cet Esprit, à l'œuvre de sanctification qui est imposée par mon Père céleste, à moi, son enfant.

Si, au contraire, je doute que je sois actuellement reçu en grâce, et que je pense que, par humilité, je dois demeurer dans ce doute, non seulement je fais Dieu menteur, ce qui est un péché considérable, (1 Jean V, 10,) mais, de plus, je ferme aussitôt la source de toute obéissance filiale, et je ne laisse ouverte que celle de l'obéissance servile; c'est-à-dire que j'empêche toute sanctification; attendu que la sanctification ne s'opère que dans l'amour, et nullement dans la peur. (1 Jean IV, 18.)

Il est étonnant qu'il soit si difficile de faire comprendre ces premiers éléments de la foi, à ceux mêmes qui professent d'être chrétiens. II est étonnant, aussi, que ces mêmes personnes aient le penchant d'accuser d'orgueil et de présomption les simples et humbles enfants de Dieu qui, d'après la promesse de ce bon Père, se réjouissent en lui, leur Sauveur.

Supposez que deux infortunés criminels sont conduits au supplice. Leur roi fait publier leur grâce:

Cependant celui qui a cru, et qui se réjouit, est simple et vraiment humble: plus il se réjouit, plus il glorifie le roi qui a donné sa grâce, et plus aussi honore-t-il le messager qui l'a apportée; tandis que celui qui doute, insulte l'un et l'autre, et ferme toute possibilité à l'amour et à la gratitude qu'il sentirait en son cœur, s'il eût cru simplement et franchement la déclaration de son souverain.

Je conclus donc ces notes, (que j'ai peut-être un peu trop prolongées,) en invitant les âmes qui s'étonnent et se scandalisent de l'assurance joyeuse des vrais et simples croyants, à rechercher si, en effet, la cause de leur étonnement et de leur peine, n'est pas, ou leur propre justice, ou leur ignorance de l'Évangile de la grâce, telle que Dieu l'a renfermée en Jésus, et telle qu'il la révèle aux siens par le Saint-Esprit, qui leur ouvre les sens cachés des Écritures. (Luc XXIV, 27.)

FIN.

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