Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.

L'ÉPÎTRE AUX PHILIPPIENS — LA SECONDE A TIMOTHÉE

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I. L'épître aux Philippiens. — Impressions diverses de l'apôtre. — Quelles funérailles il demande. 

II. Éloges aux Philippiens. — La perfection. — Plan complet de la vie chrétienne. — Chagrins de l'apôtre à Rome. — Doit-il désirer la mort? — Derniers conseils et derniers vœux. 

III. La seconde épître à Timothée. — Date et circonstances. — Timothée probablement à Éphèse. 

IV. Dernières pages écrites par l'apôtre. — Au-dessus des conseils de détail, grand but: Tracer l'idéal du ministère. 

V. Courage et charité. — La charité, grande force. — La Parole de Dieu vaincra. — Paul humble jusqu'au bout.


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I

Mais, après tout, dans cette question, que nous importe ce qui sera ou ne sera pas prouvé? Un fait subsiste: c'est que Paul a été prisonnier pour l'Évangile, martyr de l'Évangile, car, de quelque manière que les Romains aient envisagé son procès, nous ne connaissons, nous, que l'apôtre et que le martyr. Si nous ignorons les circonstances et n'avons nul espoir de les retrouver jamais, n'avons-nous pas, à côté de l'histoire qui se tait, la parole même de Paul, toujours plus intime à mesure que le procès s'acheminait vers sa redoutable issue? — Arrivons donc à ses deux dernières épîtres.

L'épître aux Philippiens sert de transition, pour ainsi dire, entre les trois de Césarée et la dernière de Rome, qui sera comme le testament de notre apôtre; et si nous étions en présence d'une histoire fictive, nous dirions que l'auteur a mis une singulière habileté à ménager ses nuances, à préparer son dénouement. Mais le drame est réel, et, d'habileté, il n'y en a point. Paul s'abandonne, avec une simplicité parfaite, à toutes ses impressions, dussent-elles sembler contradictoires. Il a laissé clairement voir (I, 20) que sa captivité pourrait bien finir par le martyre; et le voilà, peu après (I, 26), persuadé que les Philippiens le reverront. Mais poursuivez, — et vous vous convaincrez que c'était bien moins persuasion, espérance, qu'indulgente pitié pour la douleur de ses amis. Ils ont besoin de croire que Paul leur sera rendu; qu'ils le croient! Mais il les replacera bientôt en face de la réalité. Seulement, voyez la forme. C'est par le côté glorieux, joyeux, qu'il les invite à envisager avec lui cette redoutable chance. Il emprunte à l'ancien culte une image qui va relever encore, et, dirions-nous volontiers, poétiser la situation. La Loi voulait qu'après l'immolation d'une victime, on répandît autour de l'autel une libation de vin. «Quand je devrais, dira-t-il donc (II, 17), servir de libation en officiant dans le sacrifice de votre foi, je m'en réjouis.» Ainsi, le voilà d'abord sacrificateur: il offre à Dieu, comme un «sacrifice de bonne odeur,» la foi de tous ceux qu'il a amenés à l'Évangile, et, spécialement, de ses Philippiens bien-aimés. Mais, par une rapide évolution de sa pensée, en même temps qu'il s'est vu sacrificateur, il s'est vu victime; la liqueur à répandre autour de l'autel, ce sera peut-être son sang, non pas expiatoire, comme celui du Christ, mais libation, comme le vin lévitique, offrande agréable au Seigneur. Il est prêt; il se réjouit; il invite les Philippiens à se réjouir avec lui. — «Réjouissez-vous de même, et soyez avec moi dans la joie.» Voilà les saintes funérailles qu'il demande aux Philippiens de lui faire, s'ils viennent à apprendre que son sang a en effet coulé comme libation dernière «dans le sacrifice de leur foi.»

Mais nous avons déjà signalé ce même trait quand nous parlions des relations établies, dès l'origine, entre Paul et les Philippiens, ses premiers enfants en la foi sur la terre d'Europe. Nous n'avons donc pas à revenir sur ce que cette épître a d'intéressant et de touchant comme peinture des sentiments paternels de l'apôtre; et quoique l'analyse ne puisse en être, dès lors, que bien imparfaite, les sentiments se mêlant partout aux idées, voici, en quelques mots, ce que nous trouvons.


II

L'Église de Philippes avait envoyé à Paul, par Épaphrodite, une somme pour ses besoins; Paul, on se le rappelle, qui avait souvent refusé les dons d'autres Églises, acceptait ceux des Philippiens. Épaphrodite, à Rome, tomba malade et fut même près de la mort; rétabli, il désira retourner auprès des siens, et ce fut lui qui leur porta l'épître.

Il avait donné à l'apôtre beaucoup de détails sur leur Église, et ces détails étaient, en grande partie, satisfaisants. L'apôtre donc (I, 3-6), bénit Dieu de la fidélité qu'ils ont montrée «depuis le premier jour jusqu'à maintenant,» et, quant à l'avenir, il a en eux pleine confiance. Il ajoutera bien (III, 2-3) l'invitation de prendre garde aux «mauvais ouvriers,» aux hommes de la «fausse circoncision,» ceux qui enseignent à chercher le salut dans des observances, tandis que la «vraie circoncision,» toute spirituelle, le cherche en Jésus-Christ; mais il ne paraît pas croire que les Philippiens aient donné accès à ces doctrines, et il compte sur eux pour les repousser le cas échéant. Il ne quittera cependant pas ce sujet sans résumer encore une fois sa pensée sur cette grande lutte qui a rempli sa vie. Il avait, dit-il, avant de connaître l'Évangile, autant de raisons que qui que ce fût de «se confier en la chair,» c'est-à-dire en la justice des œuvres; mais maintenant, «à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ,» il ne voit plus en toutes ces choses qu' «une perte,», car elles l'empêcheraient de «gagner Christ,» et d'acquérir «la justice qui s'acquiert par la foi en Christ.» Mais, cette justice, se glorifiera-t-il de la posséder pleinement? Non. Il n'est point «arrivé à la perfection;» il n'y arrivera pas. Mais il marche comme pouvant, comme devant y arriver; il laisse ce qui est derrière lui, s'avance vers ce qui est devant lui. Ce qui est devant lui, ce que ses regards ne quittent pas, c'est «le prix auquel Dieu nous appelle d'en-haut en Jésus-Christ.»

Ainsi se trouve encore une fois tracé tout le plan de la vie chrétienne. Salut acquis, payé, par Jésus-Christ; obligation, néanmoins, de travailler comme s'il était à acquérir, à payer; obligation de ne s'arrêter jamais dans cette marche glorieuse vers la perfection, vers le ciel. Voilà ce que feront les Philippiens, imitant, ajoute l'apôtre (III, 17-19), ce dont il a tâché de leur offrir en lui-même l'exemple, non ce qu'ils verront chez certains hommes pour qui la terre est tout, tandis que, pour nous, «notre bourgeoisie est dans les cieux.» Viennent alors quelques conseils de détail, approprié? à l'ensemble et au caractère de l'épître. Être joyeux «dans le Seigneur;» être doux envers tous; être sans inquiétude, mais prier, toujours prier; occuper sa pensée de tout ce qui est honnête, pur, juste, aimable.

C'est au milieu, et, en quelque sorte, au travers de toutes ces choses, que Paul jette en passant ce qui se rapporte à sa personne et à sa captivité. Nous avons noté ailleurs ce qu'il dit du succès de sa prédication. D'autres, ajoute-t-il, «encouragés par ses chaînes,» annoncent aussi la Parole plus hardiment que jamais. D'autres, il est vrai, ne sont hardis que «dans un esprit de contention,» et veulent «ajouter l'affliction à ses chaînes.» On a beaucoup cherché ce que pouvaient être ces derniers. Paul ajoutant qu'il se réjouit, en définitive, de ce que Christ est annoncé par eux, il ne peut être question là de ces fausses doctrines que nous lui voyons condamner partout ailleurs. Si donc, comme c'est probable, il s'agit de judaïsants, ce devaient être des judaïsants modérés, moins éloignés de Paul par leurs doctrines que par leurs sentiments, et nous comprenons, dès lors, que Paul ait pu oublier leur jalousie pour ne plus voir que leur zèle. Mais il n'en est pas moins triste de penser que Paul se fût retrouvé, même à Rome, même dans les fers, en présence de cette opiniâtre hostilité. Ce chagrin, du reste, il l'accepte comme devant tourner à son salut, mais, ajoute-t-il, «par vos prières et par le secours de l'Esprit de Jésus-Christ,», car il sait bien que, sans ce secours, le vieil homme pourrait se relever et l'aigreur prendre le dessus. Avec ce secours, au contraire, il ne sera «confus en rien,» et il est bien sûr que, soit par sa vie, soit par sa mort, Jésus sera glorifié.

Mais voici: Est-ce par sa mort, est-ce par sa vie qu'il doit désirer le plus d'être appelé à glorifier son maître? Christ est sa vie; la mort, qui lui donnera Christ, lui est «un gain.» Mais, ce gain, doit-il le désirer immédiat? — Oui, s'il pense à lui-même; non, s'il pense à tous ceux qui ont encore besoin de lui. Que les Philippiens s'en remettent donc, comme lui, à la volonté de Dieu. Qu'ils doivent ou non le revoir, l'important est qu'ils se conduisent «d'une manière digne de l'Évangile,» et qu'un même combat, soutenu par lui à Rome, par eux à Philippes, les unisse à lui, devant Dieu, par le plus glorieux et le plus saint des liens. Quant à lui, ce qui pourra le mieux rendre parfaite la joie qu'il éprouve déjà d'avoir à souffrir pour l'Évangile, ce sera de savoir qu'ils sont unis, doux, humbles, humbles comme Celui qui a pu, sans usurpation, se dire égal à Dieu, et qui néanmoins s'est abaissé jusqu'à la mort de la croix. Lorsque Paul était au milieu d'eux, ils ont été heureux de lui obéir; maintenant qu'il est absent et qu'ils ne le reverront jamais peut-être, qu'ils lui obéissent mieux encore, ou plutôt à Dieu, à Dieu seul, qui seul donne «le vouloir et le faire.» Alors l'apôtre pourra, «au jour de Christ,» se glorifier de «n'avoir pas couru en vain ni travaillé en vain.» Mais pourquoi douterait-il d'eux? Ces dons que leur charité vigilante a fait parvenir jusqu'à Rome, il y voit plus et mieux qu'une simple aumône destinée à lui procurer une aisance dont il aurait su se passer, habitué qu'il est à être content également dans l'abondance, dans la disette; il y a vu une manifestation de leur foi, un «parfum d'agréable odeur,» un «sacrifice approuvé de Dieu;» et c'est Dieu, dit-il, qui, «dans sa richesse,» leur rendra largement en dons spirituels, glorieux, ce qu'ils ont fait pour le prisonnier de Rome.


III

Quel temps s'écoula entre cette épître et la seconde à Timothée? — Des recherches également sérieuses ont conduit, là-dessus, à des résultats très divers. Avec la seconde captivité, l'intervalle pouvait être fort long; dans l'autre système, il l'est moins, mais ne peut cependant être très court. En annonçant aux Philippiens qu'il leur renvoyait Épaphrodite, Paul parlait de leur envoyer bientôt Timothée. Le voici maintenant qui écrit à ce dernier, sans rien dire, il est vrai, qui indique une séparation déjà ancienne, sans rien dire, non plus, qui en indique une toute récente. Le désir qu'il exprime de revoir bientôt son disciple ne nous fournit, sur ce point, aucune lumière. Si l'on peut dire, d'un côté, que la vivacité de ce désir suppose une absence déjà longue, on peut dire, de l'autre, que l'affection de Paul pour Timothée, que les ennuis de la captivité, que l'approche d'un dénouement sanglant, que tout, enfin, explique suffisamment ce désir, l'absence eût-elle été fort courte. Laissons donc cette question. Laissons aussi celle du lieu où l'épître alla chercher Timothée. Quelques détails, vers la fin, indiqueraient Éphèse; d'autres, ainsi que l'ensemble, indiqueraient plutôt une tournée faite par Timothée dans les Églises d'Asie-Mineure et de Grèce, et nous aurions là où placer la visite annoncée aux Philippiens. 11 n'est pas probable, en effet, que cette annonce indiquât une visite à eux seuls, puisque Paul avait eu tout récemment de leurs nouvelles. C'est donc d'une tournée que Timothée a été chargé par l'apôtre; c'est dans le cours de cette tournée qu'il a reçu l'épître, à Ëphèse peut-être, où probablement il s'arrêta plus qu'ailleurs.


IV

Nous voici donc devant les dernières pages de saint Paul, les dernières, du moins, qui aient été conservées; ce qui est sûr, c'est qu'elles ne sauraient présenter mieux ce caractère solennel que nous cherchons dans les dernières paroles de tout homme. Que Paul ait vécu encore quelques mois, ou ait été bientôt, comme il le disait, «immolé;» qu'il ait revu Timothée, ou que Timothée, quoique venu «au plus tôt,» ne l'ait plus trouvé vivant, — cette épître n'en est pas moins son testament d'apôtre, sa dernière instruction à l'Église de Jésus-Christ en même temps qu'à son bien-aimé disciple. Lors de sa première épître aux Thessaloniciens, — ce n'est pas sans émotion, disions-nous, qu'on lit les premières lignes tombées de sa plume; que sera-ce donc aux dernières? Aussi l'Église a-t-elle, dans tous les temps, entouré cette épître d'une vénération particulière. On recueille, avec un redoublement de piété, les exhortations de l'apôtre; on se sent béni des bénédictions que son cœur appelait sur Timothée.

Mais nous avons déjà pris dans cette épître presque tout ce qui concernait personnellement Timothée, sa famille, son éducation, ses travaux, son dévouement à l'apôtre, et la tendre affection dont Paul payait ce dévouement. Nous n'y reviendrons donc pas. Voyons le reste.

Le reste est un ensemble de conseils sur le ministère pastoral, tels que pouvait les donner, près de mourir, un homme qui les avait si fidèlement mis en pratique. Au fond, nous n'avons ici rien de plus que dans la première épître à Timothée; mais la forme, le ton, certaines expressions, certains détails, tout, enfin, même abstraction faite des endroits où l'apôtre parle de sa mort prochaine, tout indique une âme arrivée au seuil de l'éternité. Il donnera bien encore à son disciple, chemin faisant, quelques directions spéciales; mais son but est évidemment plus élevé. Il veut rappeler à Timothée les grands principes qui doivent diriger sa vie; il veut le laisser enveloppé, pénétré, de cette sainte et vivifiante atmosphère que le soldat du Christ doit respirer à pleins poumons. Voilà longtemps, sans doute, que Timothée la respire; il a même eu — et c'est par là que l'apôtre commence, — le bonheur d'en être entouré dès ses premières années. Mais voici venir des combats de plus en plus rudes; voici le moment, bientôt, que Timothée devra marcher seul, combattre seul. «Je t'exhorte, lui dit l'apôtre, à raviver le don de Dieu qui est en toi par l'imposition de mes mains.» Et le mot que nous traduisons par raviver renferme l'idée d'un feu dont la lumière éclate, dont l'activité redouble; belle image de ce feu que Dieu allume dans un cœur, et qui, au souffle des orages, se ranime, éclaire, échauffe, brûle. «Dieu ne nous a point donné un esprit de timidité, mais de puissance, en même temps que de charité et de sagesse.»


V

Ces deux dernières lignes sont comme le sommaire de tout ce que Paul va dire.

D'abord point de timidité. Que Timothée n'ait honte ni de l'Évangile, qu'il est chargé de prêcher, ni de Paul, prisonnier, mais prisonnier pour l'Évangile. Qu'il prêche donc; qu'il insiste «en temps et hors de temps;» qu'il reprenne, censure, exhorte. Courageux au-dedans, qu'il le soit aussi au-dehors, en face du paganisme et des puissances de la terre. «Affronte les souffrances, comme un bon soldat de Jésus-Christ.» Et après quelques mots sur la guerre, où nul ne va, dit-il, «s'embarrassant des choses de la vie,» sur les combats de la lice, où «nul n'est couronné qui n'ait combattu selon les règles,» — voici une troisième image. Nul n'a droit aux fruits de la terre s'il n'a d'abord péniblement labouré. Les dangers, les souffrances, voilà le labourage d'un apôtre. Ce vaste champ, le monde, veut être fécondé de ses sueurs et de son sang.

Mais à côté de tout ce courage, il faut la charité. «Le serviteur du Seigneur doit être doux envers tous, ne se lassant point d'enseigner, patient, redressant avec mansuétude ceux qui contredisent sa parole.» Il faut aussi un esprit de sagesse, de modération en toutes choses. Point de querelles de mots, de questions vaines. «Il ne faut pas que le serviteur du Seigneur aime à contester.»

Et qu'il ne craigne pas que cette douceur, cette sagesse, affaiblissent jamais ni son courage, ni cet «esprit de puissance» que Dieu lui a donné. Plus il sera charitable et modéré, mieux les hommes se sentiront, devant lui, sous l'influence d'une volonté persévérante, d'une autorité dont la source n'est pas en lui, mais en Dieu. N'est-ce pas là ce que Timothée a éprouvé, depuis tant d'années, auprès de Paul? Pourquoi lui a-t-il été si fidèle, si soumis, bien sûr qu'en lui obéissant il obéissait à Dieu même? Parce que tu voyais, lui dit l'apôtre, «ma manière d'enseigner, ma manière d'agir, mon but (toujours le même), ma foi, ma douceur, ma charité, ma patience, et, poursuit-il, — c'est le couronnement de tout le reste, — mes persécutions, mes souffrances.» Tout cela, donc, tout ce que Dieu lui a donné d'être, de faire, de souffrir, c'étaient les éléments de cette «puissance» qui a été la sienne, et, s'il s'en glorifie, c'est après avoir dit et redit que Dieu seul en était l'auteur, que toute la gloire en est à Dieu. Ainsi sera fort, ainsi vaincra, comme lui, même dans les chaînes, quiconque sera fidèle. «Je suis lié comme un malfaiteur; mais la Parole de Dieu n'est point liée.»

Et voilà sa consolation, sa joie, sa gloire. Elle vaincra, cette divine Parole. Elle a vaincu avec lui; elle vaincra maintenant sans lui, car, dit-il, «le temps de mon départ est arrivé.» Mais il a «combattu le bon combat,» et la mort qui l'attend ne peut plus être qu'un triomphe. Aussi ne craint-il pas de parler de cette «couronne» qui, dit-il, lui est réservée. Il l'appelle «couronne de justice;», mais nous savons bien ce que ces mots, dans sa bouche, veulent dire. Quand Jésus couronne un des siens, il ne fait que se couronner lui-même, puisque c'est lui qui a été leur force et leur justice. Si l'apôtre a paru un moment se l'adjuger, cette magnifique récompense, pour ses travaux d'apôtre et ses souffrances de martyr, — le voici qui la partage humblement avec tous ceux qui, apôtres ou non, appelés ou non aux grands travaux et aux grandes souffrances, auront simplement désiré, attendu, aimé, dit-il, l'avènement du Christ, c'est-à-dire soupiré après le jour où ils seraient recueillis dans son sein. Le grand apôtre ne voit rien au dessus du bonheur et de la gloire de devenir, au   ciel, un simple membre du troupeau dont Jésus sera le pasteur. Il sait qu'il aura besoin jusqu'au bout, sur cette terre, de cette miséricorde qu'il a annoncée aux autres, de cette assistance divine sans laquelle tout homme redevient esclave du péché. «Le Seigneur, dit-il, me garantira de toute œuvre mauvaise, et me sauvera dans son royaume céleste. À lui soit gloire aux siècles des siècles!» C'est le dernier mot de l'épître, car les lignes qui suivent ne sont que des salutations à quelques frères ou de la part de quelques frères; c'est la dernière parole que saint Paul ait léguée au monde.

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