Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Sermon sur les dévotions du soir.

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«Que ma prière monte jusques à toi comme l'encens de l'autel! que l'élévation de mes mains te soit aussi agréable que l'oblation du soir.» Ps. CXLI. 2.

La négligence des exercices de dévotion est, pour l'ordinaire, le premier pas qui conduit l'homme à l'oubli des principes religieux et de ses devoirs pratiques, à l'immoralité dans ses actions, à l'endurcissement du cœur et à l'incrédulité: il arrive par degré, en étouffant sa conscience, à une vie de débordement, à une mort malheureuse, et à une éternité de misère; car dès qu'un homme néglige de réveiller dans son cœur, le sentiment solennel de la Majesté divine par la méditation, les actions de grâce et la prière; dès qu'il met en oubli le souvenir des bienfaits de son Créateur et de sa Providence, il s'éloigne de Dieu; la crainte de son œil clairvoyant et l'idée de cette justice impartiale prête à punir ou à récompenser selon les œuvres de chacun, ne l'occupent point.

De l'oubli de Dieu, résulte naturellement et nécessairement la violation de ses saintes lois, le mépris de ses promesses et de ses menaces, qui sont les premiers symptômes de la plus affreuse des maladies, je veux dire celle des réprouvés.

Dès que le cœur se trouve dépouillé des sentiments de piété, d'amour et de crainte de Dieu, il perd aussitôt le zèle pour le bien, le goût de la vertu et l'horreur du vice; l'attente d'une vie future ne le touche point, et il repousse tout principe et tout sentiment, qui pourraient régler ses penchants, contenir ses passions, résister aux tentations du monde, et «éteindre les traits enflammés du malin.» Ephes. VI. 16.11, s'ensuit donc que, lorsqu'un homme oublie Dieu, Dieu dans sa justice l'oublie à son tour.

Son cœur privé ainsi des secours de la grâce divine et de l'influence du St. Esprit, commence par devenir tiède, puis insensible aux charmes de la vertu et à la difformité du vice, enfin, il devient déréglé et vicieux; les secours de la grâce, l'influence du St. Esprit de Dieu n'approchent plus de lui, parce qu'il ne les demande point, parce qu'il ne se prépare point par la dévotion à les recevoir, et parce qu'il a laissé éteindre dans son sein tous les principes de piété qu'il avait été appelé à conserver et à nourrir.

Cette marche est si naturelle et si certaine que j'en appelle sans crainte à la conscience même des libertins les plus endurcis, pour déclarer si leur corruption tout comme leur conduite n'a pas été précédée de la négligence de la dévotion; je leur demande si, en remontant de l'effet à la cause de leurs dérèglements, ils ne seront pas forcés de reconnaître que l'oubli des exercices de dévotion a été pour eux l'époque de leur vie de péché?

Mais si cette négligence des exercices de la dévotion est le premier pas qui conduit à une vie de corruption, nous sommes fondés à dire, que la pratique de ces exercices est aussi le premier pas qui conduit à une réforme sincère, et offre le premier asile au pécheur repentant. Nous en avons la preuve sous la Loi mosaïque, dans l'exemple des David, des Salomon, des Manassé, et sous l'Évangile, dans l'exemple de St. Pierre et de St. Paul, c'est ce qu'on retrouvera chez tous ceux dont Dieu a réveillé la conscience pour leur faire sentir le poids de leur péché, la bassesse et l'ingratitude de leur conduite, la misère de leur condition, et leur état de lutte contre leur Créateur. Ils retourneront à Dieu par différents actes de dévotion, ils prieront souvent et avec ferveur, parce qu'ils sentiront combien ils ont besoin de pardon pour expier leurs fautes, et de secours de la grâce pour les assister à l'avenir.

En un mot, si un homme de bien me demandait, qu'ai-je à faire pour persévérer dans la vertu? ou un homme vicieux, qu'ai-je à faire pour me corriger, pour me réconcilier avec Dieu, et devenir meilleur? Je ne saurais donner à l'un et à l'autre de conseil plus salutaire qu'en leur recommandant d'éviter jusques à l'apparence du mal, et de remplir régulièrement, fréquemment et avec ferveur tous les devoirs d'une sincère dévotion.

J'ai cherché à vous convaincre dans un discours précédent, des avantages qu'on recueille en commençant chaque journée par l'adoration de Dieu; je viens encore vous présenter aujourd'hui l'exemple du Roi Prophète, pour vous engager à terminer chaque journée d'une manière religieuse. «Que ma prière monte vers le Ciel aussi régulièrement que l'encens qu'on brûle dans le temple! que l'élévation de mes mains te soit aussi agréable que l'oblation du soir!»

Ce passage fait allusion à une pratique générale chez les Juifs, qui était de faire leurs dévotions particulières aussi rapprochées que possible de l'heure où les sacrifices journaliers se faisaient dans le temple, car ils tenaient ce moment pour sacré. Ils pensaient établir ainsi une communion de dévotions publiques et particulières, ils croyaient que l'efficace du sacrifice acquérait plus de prix lorsqu'il était accompagné de leurs prières, comme leurs prières étaient plus efficaces lorsqu'elles se rapprochaient de l'heure des sacrifices, qui indiquaient d'une manière figurée le grand et dernier sacrifice, d'où dépendait l'efficace de toute espèce de dévotion.

En développant ces paroles, je chercherai à montrer la nécessité et les avantages de la dévotion du soir, pour en tirer quelques conséquences.

J'observe d'abord, que Dieu avait consacré à son service le matin et le soir de chaque journée par des Lois positives, il avait disposé l'aspect de la nature dans ces deux moments de manière à exciter des sentiments religieux, et à les rendre particulièrement propres à la dévotion. Car dans le déclin du jour l'agitation du monde diminue, le bruit se calme, la nature semble passer dans un état de repos, et inviter l'homme à rentrer en lui-même après l'étourdissement de la journée, ses passions plus calmes, et son âme plus tranquille lui permettent d'offrir l'hommage de sa reconnaissance à son Créateur.

Le monde enveloppé alors d'un manteau d'obscurité, ne permet pas qu'aucun objet brillant frappe ses yeux pour interrompre le cours de ses pensées; le silence règne sur la surface de la terre, aucun son ne vient l'interrompre; le plus grand nombre des objets qui frappent les sens sont en quelque manière écartés, en sorte qu'il peut contempler les attributs de la Divinité sans distraction, et adorer le Père des esprits, en esprit et en vérité; en un mot, il peut trouver partout le silence du désert, le pavillon de l'obscurité qui n'est éclairé que par la faible lueur des lampes célestes, lui présente une retraite semblable à celle de son cabinet, et la pâle lumière des corps célestes n'interrompt point le silence solennel de la nuit, et rend cette scène encore plus imposante.

C'est dans ces moments que la création se montre avec le plus de majesté et de solennité, c'est alors qu'elle invite si fortement à la dévotion, que le cœur aurait peine à résister à cet appel. Le jour et la nuit sont comme différentes pages du grand Livre de la nature, de ce Livre authentique et le plus ancien, dont tout le contenu est l'empreinte du doigt de Dieu.

Le soir et le matin tournent le feuillet de ce Livre, et nous invitent à y lire l'existence, la sagesse, la puissance et la bonté de Dieu, gravées en caractères différents et démontrées par une suite de merveilles différentes. Et quoique notre lecture du matin nous présente des preuves convaincantes de cette existence, de cette sagesse, de cette puissance et de cette bonté de Dieu, il semble cependant que la nuit nous présente un spectacle encore plus grand et plus frappant, car si le soleil découvre à nos yeux le règne animal et végétal de ce globe, il nous dérobe aussi par sa clarté la plus grande moitié de la création, et nous empêche de lever nos yeux vers le Ciel.

Mais la nuit nous met en pleine possession du Ciel à l'approche de l'obscurité, on voit arriver ces grands luminaires qui se suivent l'un l'autre, jusqu'à ce que les Cieux, dans leur ensemble, nous découvrent la multitude de ces soleils éloignés, alors l'imagination se perd dans l'immensité et la magnificence des œuvres de Dieu. La grandeur des étoiles, leur nombre, la régularité de leurs mouvements, la rapidité de leur course, l'exactitude de leurs périodes, l'immensité de leur volume, leur silence profond, humilient à la fois l'esprit et l'exaltent, le font entrer dans la poussière et le relèvent vers le Ciel. Car qui pourrait voir le spectacle d'une belle nuit sans éprouver des sentiments de dévotion, sans concevoir des idées exaltées de cet Être enveloppé de gloire, qui ayant communiqué l'action à ce grand ouvrage, surveille encore ses mouvements, et qui ne dira avec le Psalmiste: «Quand je contemple les Cieux, ouvrage de tes mains, la lumière et les étoiles que tu as arrangées, je m'écrie: qu'est-ce que l'homme mortel pour que tu te souviennes de lui, qu'est-ce que le fils de l'homme pour qu'il soit l'objet de tes soins»? Ps VIII, 4

En un mot, les heures du soir amènent naturellement avec elles des dispositions à la dévotion, et il faut que le cœur soit bien léger, bien préoccupé par les pensées terrestres, pour ne pas se sentir porté à des méditations pieuses, et invité à terminer la journée par le devoir de la prière. Le calme de l'air, le silence qui règne sur la face de la terre, la solennité des ombres de la nuit, la majesté de la lune, la magnificence des corps célestes qui roulent sur nos têtes, tout conspire à faire naître ou à entretenir les mouvements de dévotion, à faire germer dans l'âme les idées de Dieu, de sa puissance, de sa providence, de sa sagesse, de sa bonté, en nous disposant à l'adorer, à le craindre et à l'aimer.

Cette dévotion à laquelle le Créateur nous invite par la solennité dont se revêt la nature à la fin du jour, cette dévotion nous est fortement recommandée par l'exemple de notre Sauveur.

Nous apprenons que lorsque la troupe d'auditeurs qui l'accompagnait s'était retirée, lorsque son œuvre de la journée avait cessé, il avait coutume de passer dans la retraite pour converser avec lui-même, et pour offrir à Dieu son Père le sacrifice du soir en actions de grâce et en prières. Luc VI. 12. Il persévéra constamment dans cette pratique, dans la nuit où il fut trahi, après avoir célébré la Pâque, selon les rites de la Loi mosaïque, il s'était retiré pour vaquer à ses dévotions particulières, en exhortant ses disciples à suivre son exemple. Il consacrait généralement le soir de chaque jour aux enseignements les plus solennels, il expliquait alors à ses Disciples les instructions qu'il avait enveloppées de paraboles, ou qu'il avait exprimées par des métaphores; c'est dans ces heures de recueillement qu'il leur donnait à connaître la nature de son office et l'esprit de sa Religion; c'est dans ces heures silencieuses qu'il institua le grand et dernier mémorial de ses souffrances, et de son amour par le Sacrement de la Cène.

Le Sauveur, en recommandant par son exemple les dévotions du soir, les encouragea encore par des signes d'affection, car c'est au moment où ses disciples étaient occupés à la prière du soir, qu'il leur apparut la première fois après sa résurrection, qu'il leur témoigna son approbation, et les consola dans leur abattement par ces paroles: «La paix soit avec vous.» Luc XXIV. 36. Jean XX. 19.

Ces dévotions du soir, auxquelles nous sommes appelés par la face de la nature et par l'exemple que nous a laissé le Sauveur, nous semblent être nécessaires et utiles sous plusieurs autres rapports. Et d'abord la reconnaissance nous appelle à sentir la bonté de Dieu répandue sur nous dans le cours entier de la journée, à le remercier de là nourriture et du vêtement qu'il nous a accordés, de nous avoir garanti de toute attaque ouverte, ainsi que des pièges cachés de nos ennemis temporels et spirituels, de nous avoir préservé d'accidents et de maladies, d'avoir maintenu l'équilibre des humeurs qui s'entrechoquent dans notre corps, d'avoir «conservé nos os, en sorte qu'aucun d'eux n'a été rompu.» Ps. XXXIV. 20; d'avoir conservé une balance bien plus délicate entre notre imagination et notre jugement, en sorte que nous sommes encore des créatures raisonnables, et surtout de nous avoir préservé de crimes et des déchirements de la conscience, et des châtiments honteux qui atteignent les grands pécheurs.

Certainement l'homme qui rentre chez lui vers le soir, au sortir d'un monde exposé à tant de dangers et de séductions, l'homme qui a conservé dans le cours de la journée son corps sain, son caractère pur, et sa conscience tranquille, doit attribuer ces bienfaits à une sagesse supérieure à la sienne; il a acquis de nouveaux motifs pour adorer la providence de Dieu, et pour s'écrier avec le Psalmiste: «l'Éternel est pitoyable, miséricordieux et charitable.» Ps. CXII. 4. «Il a délivré mon âme de la mort, mes yeux de pleurs, et mes pieds de chute.» Ps. LV1. 13. Ps. CXVI. 8.

Quand une famille dispersée pendant la journée par ses occupations ou ses plaisirs se trouve réunie; quand la faiblesse de l'enfance, l'étourderie de la jeunesse, les passions de l'âge mûr, n'ont fait couler aucune larme dans la famille, qu'aucun de ses membres n'a éprouvé d'accident ou de dommage, qu'aucun ne se trouve enveloppé dans le crime ou dans l'ignominie; comment serait-elle insensible, cette famille, au point de ne pas reconnaître l'intervention d'une main invisible et le bras de Dieu, et ne serait-il pas un monstre plein d'ingratitude celui qui refuserait d'adorer ce Conservateur suprême, et de reconnaître ses bienfaits?

Représentez-vous cette famille ainsi réunie dans la soirée, et se disposant à aller chercher le repos sans avoir aucune pensée de Dieu, sans aucun sentiment de ses soins et de sa bonne providence, qui la distingue de la brute qui paît dans la prairie. Comme elle, les membres de cette famille auront erré deçà delà dans la journée, auront bu et mangé, et comme elle, lorsque la lassitude et la nuit les aura atteintes se coucheront pour jouir du repos.

Mais remarquez la différence; c'est que l'animal est exempt de blâme par manque de raison, tandis que cette famille est criminelle dans son ingratitude, qui lui fait négliger et abuser des forces et des facultés que Dieu lui avait données. L'animal agit conformément à sa nature et à la sphère de sa capacité, il n'a aucune connaissance de Dieu et de sa providence, il n'a aucun sentiment des dangers auxquels il a été exposé dans la journée, ni des bienfaits qu'il a reçus, il n'est donc tenu à aucun sentiment de reconnaissance, son ingratitude est la conséquence de son ignorance, tandis que la nôtre est la suite de l'insouciance et de l'impiété; il s'en suit donc, que l'homme qui se refuse à reconnaître, le matin et le soir, la bonté et la miséricorde de Dieu son Créateur, au lieu d'être «un peu moindre que les Anges» Ps VIII. 5.  Hébr. II. 7. 9. est fort au-dessous, et bien plus méprisable que la brute.

Allons plus loin, la reconnaissance nous appelle à la dévotion du soir, mais cette dévotion est encore utile et efficace pour affaiblir ou effacer les mauvaises impressions que nous avons pu recevoir dans le cours de la journée par notre commerce avec le monde; nous ne saurions converser longtemps dans le monde, sans en ressentir quelque effet fâcheux, et il est rare que nous rapportions le soir dans nos demeures la même intégrité de cœur, le même calme de caractère, la même régularité de passions, la même délicatesse de conscience que nous avions le matin.

Et comment le pourrions-nous? Puisque tout est infect dans le monde; le mouvement des affaires dont on s'y occupe, nous fait contracter des dispositions d'égoïsme; les amusements nous disposent à la légèreté et à la dissipation; ses plaisirs à la sensualité; la prospérité nous enfle d'orgueil, les contretemps nous découragent, et nous ôtent le contentement, la conversation du monde nous habitue à la médisance et à la flatterie; les contradictions, les querelles y réveillent chez nous les passions turbulentes de la colère et de la vengeance. L'exemple qu'il nous donne généralement nous endurcit dans le vice, et nous rend insensibles aux avertissements de la conscience, de sorte que, sans même nous en apercevoir, nous rentrons le soir dans nos demeures avec le cœur plus ou moins altéré par quelque passion, plus ou moins préoccupé de quelque pensée ou de quelque projet que nous ne saurions entièrement justifier; en un mot, nous découvrons toujours quelque symptôme qui annonce que l'état de notre âme a été plus ou moins détérioré. Car étant enclins au mal, vivants dans un atmosphère vicieux, étant attaqués au-dehors par des tentations, trahis au-dedans par nos passions et nos penchants, nous pouvons rarement nous tenir tellement en garde, qu'aucune infection ne nous atteigne; la dévotion, du soir devient donc nécessaire pour réparer le dommage que nous avons reçu pendant les heures de commerce avec le monde, elle nous aide à recueillir nos idées éparses, à rassembler et fixer nos pensées vagabondes que l'agitation de la journée a disséminées, à attaquer cet égoïsme que nous sommes si disposés à contracter, à calmer ces passions que le monde a échauffées, à réparer les brèches que l'exemple du monde a faites à la sensibilité de la conscience.

En un mot, il n'est rien après la grâce Divine de plus propre à nous préserver des souillures du monde, que de commencer et de finir chaque journée dans la crainte de Dieu et dans les exercices d'une dévotion sincère.

La dévotion du soir est plus nécessaire encore pour faire notre paix avec Dieu. «Nous l'offensons tous en plusieurs choses,» Jaq. III. 2. et indépendamment de ces grands crimes qui déchirent la conscience, plusieurs péchés de pensée, de parole et d'action échappent à notre attention. Pouvons-nous alors chercher le repos avec une âme tranquille sans avoir confessé nos fautes, sans nous en être repentis, sans avoir songé seulement à en demander le pardon à Dieu; pouvons-nous «livrer nos yeux au sommeil et nos paupières à l'assoupissement» Ps. CXXXll. 4 pendant que nous sommes dans un état d'inimitié avec Dieu, et exposés à ses châtiments?

Notre sort serait bien malheureux si nous n'obtenions pas par nos dévotions journalières que Dieu nous pardonnât nos péchés par les mérites et la médiation de Jésus-Christ. Et quand nous consentirions peut-être à nous repentir des grands péchés que nous aurions pu commettre, à les confesser particulièrement, et à les réparer devant Dieu et auprès de nos semblables, si cette réparation était possible, combien d'autres péchés échappent chaque jour à notre attention, sortent de notre mémoire, et pour lesquels nous ne montrons point de repentir, que nous ne confessons point, que nous n'essayons point de réparer; péchés qui demeurent et qui s'élèveront contre nous en jugement, si Dieu par l'intercession de Jésus-Christ n'a pas compassion de notre faiblesse, et ne nous accorde pas le pardon dans la confession générale accompagnée de repentance, que nous lui en faisons dans nos prières journalières.

S'il est reconnu que nous transgressons dans le cours de chaque journée les Lois de Dieu, qui pourrait croire qu'il fut inutile de nous exhorter à solliciter chaque soir sa miséricorde et notre pardon?

Ne semblerait-il pas que sensibles à nos manquements, nous devrions être dans une impatience inquiète jusqu'à ce que nous l'eussions obtenu, qu'en conséquence nous nous approcherions du trône de sa miséricorde, en terminant la journée avec un sentiment de ferveur, une humilité profonde et une reconnaissance vive, pendant qu'il nous accorde le temps de l'invoquer, et qu'il nous laisse l'espérance d'être exaucés et que sa justice consent à ne pas nous appeler au pied de son tribunal pour prononcer contre nous cette terrible sentence, que nous n'entrerons point dans son repos.

En un mot, s'il peut s'écouler un seul jour où nous ne commettions aucun péché, s'il peut y avoir une soirée où nous n'ayons aucun pardon à solliciter, nous pourrions alors avec plus de sûreté nous abandonner au sommeil sans aucun exercice de dévotion. Mais «si le juste tombe sept fois le jour» Prov. XXIV. 16., si nos consciences nous apprennent comme le Psalmiste, que l'iniquité prédomine en nous, alors nous devons prendre garde de ne pas nous laisser aller au sommeil avant d'avoir fait notre paix avec Dieu, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'homme riche, dont nous parle l'Évangile d'être réduits à élever nos yeux étant dans l'abîme de l'Enfer. Luc XVI. 23.

Les dévotions du soir peuvent aussi éloigner de nous les tentations à l'approche de l'obscurité, les agents de l'esprit malin se présentent avec plus de confiance «cherchant qui ils pourront dévorer, c'est ici leur heure et la puissance des ténèbres,» Luc XXII. 53. ils sont à la chasse de leur proie, et sollicitent à la débauche et à toute sorte de désordres les jeunes gens inconsidérés; mais si, après avoir rempli les devoirs de la journée, vous rentrez dans votre cabinet pour converser avec Dieu, et avec votre propre cœur, vous vous trouverez hors du chemin du tentateur, et mieux préparé à repousser ses sollicitations.

Enfin, la dévotion du soir, si nécessaire pour obtenir le pardon des péchés dans lesquels nous sommes tombés pendant le cours de la journée, l'est encore pour assurer la conservation de notre vie pendant la nuit. À son approche nous nous disposons à tomber dans un état d'insensibilité, pendant lequel nous sommes incapables de veiller à notre conservation, alors les facultés du corps et de l'âme semblant être perdues, nous ne pouvons ni prévoir ni éviter le danger, nous devons donc sentir le besoin de nous abandonner aux soins de cet Être présent partout et qui voit tout, de cet Être qui jamais ne dort ni ne sommeille, nous devons supplier ce Dieu tout-puissant de nous éclairer, de peur que notre sommeil ne soit un sommeil de mort.

L'homme plongé dans le sommeil est exposé à toute espèce d'accident, le feu peut approcher de sa demeure sans qu'il soupçonne aucun danger; il peut être étouffé ou brûlé avant qu'il sorte de son état d'insensibilité, si un ennemi s'avance, il ne peut ni repousser son attaque, ni prendre la fuite. Une maison minée par le temps, ou ébranlée par un tremblement de terre, peut l'ensevelir sous ses ruines, les animaux même qui sont abrités dans sa demeure peuvent lui ôter la vie, que dis-je, une mauvaise position dans son lit, une légère apoplexie peut amener le terme de sa vie. L'homme pourrait-il donc se laisser aller à cet état d'abandon, sans chercher à s'assurer un abri sous les ailes de la Providence Divine, et sans solliciter la protection du Tout-Puissant? Le sommeil est si semblable à la mort, il a si souvent trahi la confiance de l'homme qui s'y abandonnait, que vous ne pouvez avoir la certitude, qu'il vous permette de revoir le lendemain, nous devons donc, si nous sommes sages, lui laisser sur nous le moins d'empire que possible, et nous préparer à son approche comme nous le ferions à l'approche de la mort, qu'on peut appeler sa redoutable sœur, en sorte que, soit que l'un ou l'autre se présente, nous soyons satisfaits de vivre, mais aussi prêts à mourir.

Ceux-là ne seront jamais trompés qui se préparant pour le pire, auront humblement espéré le mieux. Si nous sommes rappelés à la vie, notre condition ne sera pas plus fâcheuse pour nous être préparés à la mort; si notre sommeil doit être un sommeil de mort, nous aurons fait tout ce que nous aurions désiré avoir fait, et lorsque nous ressusciterons, nous ressusciterons en espérance.

Combien de pensées solennelles se rattachent à l'idée de la fin d'une journée, et d'abord, nous ne sommes pas assurés de voir la suivante; la journée que nous terminons ne reparaîtra plus; elle emporte avec elle plusieurs pensées, plusieurs paroles, plusieurs actions pour les déposer au jour du jugement, sans que nous puissions y apporter la moindre altération; enfin, le terme de chaque journée nous approche d'autant de notre entrée dans l'éternité, car le nombre de nos jours sur la terre est déterminé, les bornes en sont fixées de manière à ne pouvoir les outrepasser.

Il y a donc quelque chose de solennel dans l'approche de la nuit, parce qu'elle est la vive image de l'obscurité et du silence qui règnent dans la région des morts; parce que nous ignorons si vers le milieu de la nuit nous n'entendrons pas ce cri: «Voici l'époux arrive, allez au-devant de lui»;  Matth. XXV. 6 parce que nous nous couchons incertains si nous reverrons le soleil, ou si nos parents nous déposeront dans la tombe, incertains si le grand Soleil de justice se lèvera pour nous avec un sentiment de miséricorde ou d'indignation. Mais si nous terminons chaque journée dans les sentiments d'une sincère dévotion, et si nous confions, par des prières ferventes nos corps et nos âmes à Dieu, nous nous réveillerons dans la crainte de Dieu dans ce monde i ou après un long et profond silence, nous entendrons avec confiance la voix du Fils de l'homme, qui relèvera nos têtes.

Je viens de vous exhorter à remplir le grand devoir de la dévotion du matin et du soir. Quelques-uns d'entre vous croiront peut-être que mes conseils ne sont pas d'une grande importance, mais si j'étais parvenu à obtenir de vous cette disposition de dévotion, qui paraît à quelques-uns être de peu d'importance, je ne redouterais pour vous ni les sophismes des incrédules, ni les tentations du monde, ni les embûches du malin, car cette pratique sanctifierait vos cœurs, modérerait vos passions, entretiendrait au-dedans de vous la crainte et l'amour de Dieu, et vous assurerait le secours puissant de sa grâce et la direction de son Esprit saint.

Consacrons donc à l'exemple du psalmiste, consacrons au Dieu vivant nos premières pensées du matin et nos dernières pensées de la journée; mettons sous sa garde ce qui nous est le plus précieux, le salut de nos âmes; terminons chaque jour, comme nous voudrions terminer notre vie, en élevant au trône de la grâce nos prières ferventes, et en recommandant nos âmes au Père des esprits.

Si nous nous bornons à nous approcher de Dieu vers le terme de notre carrière lorsque toute autre ressource nous manque, et qu'il ne nous reste ici-bas aucun autre appui, ce n'est pas un mouvement de dévotion, mais de nécessité, c'est un hommage tardif, qui étant forcé, ne saurait être agréable à Dieu, ni profitable à nous-mêmes. Mais si nous reconnaissons sa providence, si nous implorons sa miséricorde, en commençant et en finissant chaque journée, nous pouvons espérer qu'il ne dédaignera pas nos prières à la fin de notre vie, qu'il ne refusera pas de nous assister au jour de la détresse, nos supplications auront alors un mérite à ses yeux, savoir, le sentiment de la confiance que nous n'aurons jamais méconnu et qui ne sera pas illusoire; alors Dieu nous dirigera par sa grâce, nous protégera par sa providence, aidée de l'intercession et des mérites de Jésus-Christ notre Seigneur, auquel comme au Père, au Fils et au St. Esprit, soient rendus honneur, gloire et louanges, aux siècles des siècles! Amen.

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