Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI.

De la culpabilité et des dangers de la convoitise.

S. Paul a déclaré que la convoitise est la racine de tous les vices: il n'entend pas établir par là que tous les actes vicieux dont l'homme peut se rendre coupable dérivent immédiatement de celui-là; mais, tandis que les autres sources de misère existent à part, celle-ci peut entraîner à commettre tous les autres genres de péché. L'arbre de vie de la vision prophétique de S. Jean nous est représenté comme chargé de douze espèces de fruits, mais comme pour éclipser cette céleste merveille, nous avons dans notre terre soumise au péché une racine qui donne sans interruption les poisons et la mort sous une infinité de formes. L'Écriture ne traite aucun sujet avec plus de détail que celui de l'avarice ou de la convoitise; si la peinture exacte de ce vice peut nous engager à le haïr, si la vue des vertus qu'il flétrit, qu'il anéantit, celle des vices avec lesquels il aime à s'associer; si les tendres exhortations du Seigneur pour nous prémunir contre ses attaques et les menaces qu'il adresse à ceux qui s'y livrent; si le Mont Sinaï et le Calvaire s'unissent pour nous montrer ses suites effrayantes, si tous ces moyens combinés peuvent agir avec quelque efficace pour nous en détourner, alors la Parole de Dieu n'a rien omis de tout ce qui peut nous sauver de son atteinte fatale.

«Tu ne convoiteras point.» Tel est le commandement qui non seulement conclut, mais encore comprend et résume toute la loi morale; si l'amour est l'accomplissement de la Loi, il s'en suit que la Loi toute entière doit être dirigée contre le pouvoir de l'égoïsme; chaque acte d'égoïsme ou de convoitise est une infraction à cette sainte Loi; c'est nous aimer aux dépens de Dieu et de notre prochain.

La convoitise fut le principal élément dans l'acte de la première transgression, car ce péché ne consista-t-il pas dans le désir désordonné d'un objet sur lequel Dieu avait positivement écrit: «Tu ne convoiteras point», d'un objet qui n'appartenait point à l'homme? C'est la même disposition qui inspire tous les actes d'une basse avidité. Il est à remarquer que les termes dans lesquels le premier péché est raconté ressemblent beaucoup à ceux dont Hacan se sert lorsqu'il confesse sa faute à Josué:

«J'ai vu parmi le butin une belle robe de Schinharet, deux cents sicles d'argent et un lingot d'or et je les ai convoités et pris»

«La femme donc voyant que le fruit de l'arbre était bon à manger, et qu'il était agréable à la vue, prit du fruit et en mangea"; elle vît, convoita et s'empara de l'objet qui excitait sa convoitise.

Ce péché ayant causé la première faute de l'homme il en a conservé une fatale prééminence, et n'a cessé de maintenir son influence sur notre faible cœur.

Lot est une personnification frappante de la convoitise dans l'économie des Patriarches. L'espoir d'augmenter son bien l'engagea à planter sa tente près de Sodome et à respirer cette atmosphère pestilentielle;il se rendit par là propre à commettre les péchés les plus grossiers et surpassa à lui seul tous ceux des autres patriarches réunis; si la Bible ne nous apprenait que Dieu a exercé envers lui sa miséricorde nous ne l'aurions pas supposé.

L'exemple de Hacan que nous avons déjà cité, nous montre que la convoitise fut encore le premier péché des Israélites sous l'alliance qui leur ouvrait la terre de Canaan: elle leur fit violer un commandement positif, amena la défaite des Hébreux et donna la victoire à leurs ennemis.

Quel fut le premier péché de l'Église chrétienne? L'histoire d'Ananias et de Saphira nous répond. C'est toujours la convoitise qui interrompit les premières joies et souilla la pureté virginale de la chrétienté; rappelons-nous qu'il nous est prédit qu'elle s'emparera d'un rôle important dans le terrible drame de l'apostasie finale.

La Parole de Dieu nous dépeint la convoitise comme régnant sur l'humanité tout entière; elle nous la montre comme ayant plongé le monde dans un état de méfiance et de mécontentement envers la divine Providence. «Les gentils recherchent ses choses,» dit le Seigneur.

Ils cherchent en effet tous les biens de la terre comme s'ils n'étaient point au pouvoir de Dieu, et comme si le maître suprême ne devait jamais être consulté. Ils les poursuivent en négligeant entièrement les choses plus élevées: La convoitise a quelquefois dégradé un peuple tout entier; il est dit à l'égard des Israélites que depuis  «le plus petit jusqu'au plus grand tous sont adonnés à la convoitise.»

Et ses paroles prononcées sur la ville de Tyr: «Tu as assuré ta puissance par la grandeur de ta sagesse dans ton commerce, puis ton coeur s'est élevé à cause de ta puissance; tu as élevé ton coeur comme s'il était le coeur de Dieu»

Et de la Chaldée: «Malheur à celui qui court après le gain déshonnête pour établir sa maison, pour placer son nid dans un lieu élevé, afin de se mettre à l'abri du malheur!»

Les désirs insatiables de ces nations, leur prospérité soutenue, et leurs possessions sans bornes ont inspiré à tous ceux qui les composaient un esprit de rapine et d'arrogance, une impiété qui osait braver Dieu lui-même. En parcourant les différentes classes qui composent un peuple nous voyons l'avarice s'exprimer ainsi par la bouche du Nabuchodonosor.

«J'ai fais cela par la force ma main, et par ma sagesse; car mon intelligence est grande; j'ai élevé les bornes des peuples, et j'ai pillé ce qu'ils avaient de plus précieux; et dans ma puissance, j'ai fais descendre de leur trône ceux qui y étaient assis; ma main s'est emparée des richesses des peuples comme on s'empare d'un nid.»

Avec quelle énergie Jérémie dépeint la noirceur de la convoitise lorsqu'en parlant de la vie sans frein des rois des Juifs, il dit: «Mais tes yeux et ton coeur ne sont attentifs qu'à satisfaire ton avarice, à répandre le sang innocent, à faire tord et à opprimer.» Et qui, parmi ceux auxquels l'Écriture sainte est familière ne pensera pas à Achab convoitant la vigne de Naboth et l'obtenant à l'aide de la ruse, de la subornation et du meurtre?

La convoitise chez les supérieurs les entraîne à corrompre leurs inférieurs et à les traiter avec injustice. «Tu ne prendras point de présent, car le présent aveugle les plus éclairés et pervertit la parole des justes.»

 Il est dit des Juges d'Israël: «Toutes les sont aveugles, et n'aperçoivent rien; elles sont toutes des chiens muets, qui ne  peuvent aboyer, qui ronflent, qui se tiennent couchés, et qui aiment à dormir; ce sont des chiens gloutons et insatiables; et ce sont des pasteurs sans intelligence. Chacun d'eux a choisi son chemin, chacun sans exception suit son avarice.»

Et de Félix: «Il espérait aussi que Paul lui donnerait de l'argent, afin qu'il le mît en liberté, c'est pourquoi il l'envoyait chercher souvent, et il s'entretenait avec lui.» Cette passion a fait de vils mercenaires des prêtres et des ministres de Dieu. «Ses chefs jugent pour des présents, et ses sacrificateurs enseignement en vue d'un salaire et ses prophètes prophétisent pour de l'argent."

Dans le domaine du commerce, des affaires proprement dites ce péché induit l'acheteur à déprécier l'objet qu'il achète et celui qui vend à employer divers poids et diverses mesures; il engendre ainsi la fausseté, la fraude, l'injustice et souvent inspire de l'irritation au vendeur et à l'acheteur à l'égard des entraves que le jour du repos apporte au train des affaires: 

Vous qui dites: «Quand est-ce que le jour de la nouvelle lune sera passé  afin que nous débitions le blé, et le sabbat afin que nous mettions en vente le froment, en faisant l'épha plus petit, en augmentant le poids du sicle, et en usant de balances fausses.» La convoitise rend le maître dur et le serviteur infidèle; nous avons un exemple du premier de ces cas dans la conduite de Laban qui ne voulait pas remplir ses engagements avec Jacob, a changé dix fois son salaire, lui enlevant une partie de ce qu'il lui devait.

L'Écriture sainte condamne ceux qui après que leurs champs ont été moissonnés ne payent pas leurs ouvriers. «Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et dont vous les avez frustrés, crie contre vous; et les cris de ceux qui les ont moissonnés sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des Armées.»

Le second de ces cas se montre dans la conduite de Guéhazi qui mentit sans scrupule et s'enrichit aux dépens de son maître en ne portant aucun respect à la gloire de Dieu. La Parole de Dieu exhorte les serviteurs à être soumis à leurs maîtres, à leur complaire en toutes choses, à n'être point contredisants, à ne rien soustraire, mais à montrer en toutes choses une parfaite fidélité.

La convoitise atteint, en degrés divers, toutes les classes de la société. Quelques-uns des crimes les plus révoltants et des résultats les plus terribles qui ont souillé l'histoire de l'homme lui sont attribués, en tout ou en partie par la Bible elle-même; nous en avons déjà cité plusieurs; l'oppression, la violence et le meurtre sont au nombre de ses moyens de tous les temps.

Malheur à ceux qui machinent l'iniquité, qui méditent le mal dans leurs lits, et qui l'exécutent dès le point du jour parce qu'ils ont le pouvoir en main. Convoitent-ils des possessions, ils les ont aussitôt ravies; convoitent-ils des maisons, ils s'en emparent.

Telle est la manière d'agir de tout homme avide de gain déshonnête: ce gain tournera à la perte de ceux qui l'auront fait.

L'avarice essaya, dans la personne de Balaam, de maudire le peuple de Dieu; mais lorsqu'elle se vit frustrée de cet infernal succès, elle prit une autre marche pour obtenir les récompenses promises, elle enseigna à Balak «à mettre une pierre d'achoppement devant les enfants d'Israël afin qu'ils mangeassent des choses sacrifiées aux idoles, et qu'ils tombassent dans l'impureté.» Cette ruse odieuse réussit: le déplaisir de Dieu fut excité contre le peuple et dans un jour vingt-deux mille hommes tombèrent. «Ils ont quitté le droit chemin, et se sont égarés, en suivant la voie de Balaam, fis de Bosor, qui aima le salaire de l'iniquité.»

L'avarice engagea Ananias et Saphira à mentir non pas aux hommes, mais à Dieu, dans le vil espoir d'employer le don de Dieu, à faire de misérables gains; elle engagea Simon à demander ce don contre de l'argent; elle entraîna Judas à vendre le fils de Dieu, le Sauveur du monde pour trente pièces d'argent»

Ce vice s'est emparé des saintes fonctions; il a marché dans les parvis du Seigneur; il a converti le temple des Juifs en caverne de voleurs et parmi les articles de marchandises dans la Babylone mystique, on a vu les âmes des hommes. S. Paul dans son terrible catalogue des vices du monde païen, l'épître aux Romains, place l'avarice en grande évidence.

Lorsque S. Pierre dépeint le caractère des faux docteurs qui s'élèveront dans l'Église, dans l'intention de les faire reconnaître dès la première vue; il parle de l'avarice comme de l'un de leurs traits saillants. «Poussés par l'avarice ils feront de vous un trafic par des discours artificieux.»

Nous avons déjà rappelé que ce vice est cité comme faisant partie des caractères de l'apostasie finale, comme étant l'une des principales calamités qui accompagneront cette apostasie; dans les paroles suivantes nous le voyons identifié avec l'idolâtrie. «Faites donc mourir ce qui forme en vous l'homme terrestre, les passions déréglées, les mauvais désirs, et l'avarice qui est une idolâtrie.»

 St. Jaques s'adresse aux hommes adonnés à l'amour du gain lorsqu'il dit: Je m'adresse maintenant à vous qui dites: «Nous irons aujourd'hui ou demain dans une telle ville; nous y passerons une année, nous y trafiquerons et nous y gagnerons; vous ne savez pourtant pas ce qui arrivera le lendemain; car qu'est-ce que votre vie? Ce n'est certes qu'une vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui ensuite s'évanouit.»

L'avarice ou la convoitise n'est donc pas seulement subversive de la loi chrétienne, divisée en devoirs envers Dieu, envers le prochain, et envers nous-mêmes, mais elle est intimement lice à chacune des séries de vices opposes à ces trois classes de devoirs. Quand tout ce qui la concerne dans le livre de Dieu en serait extrait, nous la verrions agir dans la première chute de l'homme, dans la dernière chute de l'Église, et durant tout l'intervalle qui séparera ces deux périodes elle ne cessera jamais d'agir et de régner.

L'avarice est classée par les apôtres avec l'intempérance ou les péchés qui tendent à détruire l'homme lui-même, parce qu'elle contribue comme ceux-ci à dégrader, à abrutir ses victimes: avec l'injustice ou les vices qui s'exercent contre la société, parce que, dès qu'on s'y livre, elle cherche à se satisfaire au mépris de toutes les lois sociales, qu'elles soient émanées de Dieu ou des hommes; elle est enfin associée avec l'impiété ou les péchés dirigés contre Dieu parce que comme eux, elle efface l'image de Dieu de nos cœurs et y substitue une idole.


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