Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III.

De la puissance de l'avarice.

Combien il est peu d'hommes, même parmi les vrais chrétiens, qui puissent être déchargés de l'accusation d'avarice, de cupidité! — Il est vrai que toutes les modifications de ce vice fondamental ne se rencontrent pas dans la même âme; plusieurs d'entre elles se détruiraient l'une l'autre; les hommes désirent si fort se soustraire à toute accusation de cette nature que, lorsqu'ils se sentent à l'abri sur l'un des points en question, ils se persuadent qu'ils sont innocents de tous; mais ce penchant à se faire illusion, prouve que le mal est si enraciné, qu'il est parvenu à se donner un nom et une forme assez plausible pour qu'il devienne difficile de le découvrir: il parvient même à se faire passer pour une vertu, à se faire louer par l'âme qu'il dégrade.

Aux yeux du monde il se peut qu'un homme obtienne et conserve une réputation de générosité, de noble libéralité même, tout en ne satisfaisant que la convoitise qui règne dans son cœur. Sa main peut demeurer ouverte, et parce que le monde voit son or circuler sans cesse, il le proclame généreux, quoiqu'au fond ce ne soit qu'à lui qu'il veuille faire du bien: il lui est assez indifférent que d'autres trouvent leur profit dans ses dépenses; c'est pour lui même qu'il répand ses richesses; idole du temple, les hommes n'en sont que les prêtres: le luxe qui l'entoure n'est destiné qu'à parer son propre autel. Soutenir un grand train, jouer un rôle important, établir honorablement ses enfants, ce sont là les résultats qu'il se propose, et ceux pour lesquels son âme est dans une agitation continuelle; la prospérité d'autrui le rend jaloux; la charité le trouve peu disposé à lui céder une fraction de ses biens; on dirait que le moindre sou qu'il lui consacre est détourné de sa véritable destination: il s'afflige même du temps perdu pour le gain, par le repos du dimanche; il voudrait diminuer le nombre des heures consacrées au culte divin. De nouveaux canaux pour la bienfaisance peuvent être ouverts autour de lui, mais en ce qui le concerne, ils demeureront secs, car, semblable aux sables du désert, un tel homme absorbe tous les biens que Dieu lui envoie.

Que veut dire cette expression assez usitée, il dépense ses rentes; cela signifie, le plus souvent, que c'est envers soi-même que l'on déploie la générosité qui devrait se répandre au loin; que l'on s'approprie sans scrupule toute la portion de richesses que Dieu nous confie et que l'on se rend souvent incapable de répondre à tous les appels, à tous les droits de la charité chrétienne.

Tandis que la cupidité et l'avarice mettent en danger les âmes par milliers, une égoïste profusion les pervertit par dix milliers, et tandis que la première ôte un sou à la cause de Dieu, la seconde lui enlève un million.

Il se peut que l'on soit en droit de repousser l'accusation d'avarice dans son sens le plus déterminé. Un véritable avare est un monstre assez rare, nous l'avons déjà rappelé; mais certains hommes se croient facilement à l'abri de ce vice, quoiqu'ils soient atteints par la parcimonie; parce qu'ils ne ressemblent pas entièrement aux portraits effrayants que l'on fait des avares par excellence, ils se flattent de n'avoir aucun rapport avec eux. Quoiqu'un homme de cette espèce ne puisse être classé parmi les avares, il leur ressemble fort par sa parcimonie, sa lésinerie continuelle; son économie domestique est un système de pénurie, déplaisant à ses serviteurs, à ses amis, à tous ceux qui viennent le voir: chez lui rien d'aimable, rien de généreux; les choses nécessaires semblent lui être arrachées et tout ne marche qu'avec effort. Dans ses rapports avec les hommes , il montre une défiance offensante et croit que chacun cherche à lui faire tort: la pensée d'économiser l'enchante; la moindre épargne acquiert pour lui une grande valeur; tout ce qu'il accorde à la charité est pour lui mal employé; il n'en attend aucun retour. Si tout à coup, il est surpris par une attaque envers sa bourse, il se promet bien de se garder à l'avenir de pareilles exigences, d'autres fois, lorsque son cœur est mieux disposé, il se complaît à ses petites bonnes œuvres et se réjouit à la pensée que le ciel seul est une assez belle récompense pour sa générosité. Il répugne à toute idée de sacrifice, car son cœur n'est jamais réchauffé par le besoin et le plaisir de la bienfaisance. Sa présence, au milieu d'une société rassemblée dans un but charitable agit comme le glacier sur l'atmosphère qui l'entoure, et décourage ceux qui le voient arriver.

Le philanthrope doué de quelque éloquence se félicite lorsqu'il n'a pas rencontré en lui un froid et triste censeur, et l'homme bienfaisant est satisfait quand sa présence n'a exercé aucune influence fâcheuse. Il blâme tous les projets vastes et élevés comme s'ils devaient être rangés au nombre des utopies, dans une région tout autre que celle d'ici-bas. Il ne peut croire à l'agrandissement prédit de l'Église et aux sacrifices que cet agrandissement nécessitera. Sa vie entière est un ensemble dominé par une avarice cachée, bâtie sur ce principe: «dépenser le moins possible, acquérir le plus qu'on pourra; c'est un état de guerre continuel envers la bienfaisance.»

Une autre personne ne tombera pas dans la parcimonie, mais elle se laissera diriger par le sentiment que nous avons nommé amour du monde, sans entendre par là le goût des plaisirs et du luxe. Son avidité peut n'être pas très caractérisée; cependant elle l'est assez pour que l'on s'aperçoive que le trésor de cet homme-là n'est point dans le ciel. Né avec le monde dans le cœur, rien n'a changé pour lui cet état de choses; il peut recevoir régulièrement la semence de l'évangile: « mais les soucis de ce monde, la séduction des richesses, et les passions pour les autres choses survenant, étouffent la parole et elle devient infructueuse.»

Lorsqu'on lui parle de la vanité des richesses, il écoute comme s'il était question d'une chose convenue et donne son assentiment; mais, l'instant d'après, il court après ces avantages avec une ardeur qui semble s'être augmentée par ce qu'il vient de dire; il regarde la description des pièges qui toujours accompagnent une grande fortune, comme une vaine déclamation, dictée par le désappointement, le manque de succès, à ses yeux, de telles opinions ne peuvent être inspirées que par la perte des biens de cette nature ou par l'ignorance du charme qui les suit. Il sourit quand on parle des richesses, qui ne sont pas sanctifiées par l'amour de Dieu, comme de moyens propres à nous causer de l'ennui et des regrets; quand on assure que leur possesseur en souffre plus qu'il n'en jouit: que ses besoins augmentent plus que sa fortune: il serait prêt à dire: «Oh! si seulement je pouvais devenir riche... ne me parlez pas des dangers de la fortune — j'en courrais volontiers les risques — donnez-moi de l'or, vous verrez si je ne sais pas être heureux par lui.»

Toute sa vie est dirigée d'après cette grossière erreur; dans son vocabulaire le mot argent signifie bonheur, le bonheur même. — Le portrait que nous venons de tracer peut s'appliquer à celui qui ne possède qu'une fortune médiocre, tout comme à l'homme opulent. Le pauvre se figure que l'avarice est un vice qu'il n'a pas à redouter: il est vrai qu'il ne peut faire des plans étendus, ne sachant comment les accomplir, ni même comment les former, de pareils calculs n'étant pas ordinairement à sa portée; il est vrai encore que le riche est plus enclin que lui à l'avarice, et que, s'il est certain que l'extrême misère en ôte la pensée, la prospérité la développe assez ordinairement.

Il n'y a cependant pas de sphère assez humble, assez étroite pour empêcher ce vice de grandir dans le cœur; semblable à certains végétaux, il ne lui faut que de l'espace et de l'air pour se développer: l'homme qui se flatte de s'être retiré du monde peut porter en tous lieux ce triste résumé de l'amour du monde, caché au fond de son cœur; l'avarice attache le pauvre à son char sous le masque du travail, de la sobriété, des soins à prendre de sa famille: il peut devenir son esclave tout en ne paraissant que se garantir de la pauvreté.

Le désir immodéré du plus petit gain conduit à la perdition de lame tout aussi directement que si l'objet de notre cupidité était un immense trésor. Le danger d'une pareille disposition ne consiste nullement dans l'importance des biens après lesquels on soupire, mais dans la constance avec laquelle l'âme les cherche et les poursuit.

Quoique cette sorte de mondanité, en apparence raisonnable, puisse opérer avec une sorte de calme et d'à propos, elle finit par diriger l’âme entière dans le même canal, et par la rendre semblable au ruisseau qui suit toujours le même cours; elle perd alors tout élan pour les choses et les attachements plus purs et plus élevés, et si, de temps en temps, quelque impression religieuse vient agiter cette onde monotone, elle reprend bientôt sa course accoutumée.

Il serait impossible de spécifier toutes les formes diverses de la cupidité; elle peut se combiner avec tous les motifs, se glisser dans toutes les actions, et partout on peut reconnaître son effet et ses symptômes. La grâce d'en-haut est son seul vainqueur; elle ne connaît de limites que celles de ce monde passager. Milton a parfaitement caractérisé Mammon, la personnification scripturaire de la cupidité, lorsqu'il a dit: «C'était le moins noble des esprits qui tombèrent du ciel, car même dans le ciel ses regards et ses pensées étaient dirigés en bas: il admirait plus volontiers les richesses des » parvis éternels que toutes les choses saintes et divines dont il aurait pu jouir dans de béatifiques contemplations.»

La moralité de cette figure est facile à saisir, elle veut dire que l'avarice est l'un des péchés premiers-nés, l'un des chefs de l'empire de Satan; que nul lieu n'est trop sacré, nul caractère trop élevé pour l'intimider, la bannir, et qu'étant une passion universelle, nulle entreprise n'est trop audacieuse, nulle sphère trop étendue pour son influence fatale.

Un des grands objets du ministère de notre Seigneur fut de nous mettre en garde contre l'avarice et de nous préserver de ses atteintes. Le péché ayant détruit l'amour de Dieu dans le cœur de l'homme, Jésus vit que l'amour du monde s'était emparé de ce vide et le remplissait; que l'amour des richesses, comme une abstraction de tous les autres biens de la terre était devenue une passion universelle, nourrie par tous les autres mauvais penchants de l'âme, et qui pouvait les satisfaire plus que tout autre moyen. Un observateur ordinaire aurait pu ne voir chez la plupart des hommes que l'estimable envie de bien remplir la vocation particulière à laquelle chacun d'eux était appelé; mais, Jésus, devinant les ruses de la prétendue nécessité, et celles de l'usage établi, savait que le monde s'était converti en un vaste marché où tout se vendait à prix d'or. Aux yeux d'un simple mortel, les passions diverses des hommes, leurs effets compliqués, et sans cesse variés, auraient pu ne présenter qu'une scène de confusion pour laquelle il eut été impossible d'établir une classification quelconque; mais le regard pénétrant du Sauveur ne discerna que deux grandes divisions dans lesquelles toutes les nuances se perdaient, savoir: les serviteurs de Dieu et les serviteurs de Mammon.

À ce regard qui ne peut se tromper, le monde se fit voir comme travaillant avec effort à tenter un accommodement entre ces deux pouvoirs: la divine sagesse protesta contre un tel accommodement. Jésus affirma avec la solennité et la certitude que pouvait mettre à une telle assertion Celui là seul qui savait que jamais et nulle part cette expérience n'avait pu et ne pourrait réussir, que nul ne peut servir Dieu et Mammon.

Pour un observateur ordinaire, l'accusation d'avarice aurait semblé n'être applicable qu'à un petit nombre d'individus, mais Jésus signala cette passion, la mit à découvert dans ses sinuosités les plus mystérieuses, ses opérations les plus cachées et montra que, semblable au calorique universel, elle n'est pas seulement présente, là où nos yeux peuvent la voir, mais qu'elle pénètre toutes choses et qu'elle est coexistante avec la dépravation de l'humanité.

En entrant dans le grand marché du monde, là où l'on n'entend que le bourdonnement des marchands et des acheteurs de vanités, Jésus élève la voix, et s'écrie: Que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme! Ou que donnerez-vous en échange de vos âmes!

En parlant de l'un des temples de Mammon, de la demeure d'un homme riche, il y montre l'égoïsme, vêtu de pourpre et de fin lin, se nourrissant somptueusement chaque jour; spectacle admiré par la multitude qui se figure que là est le bonheur, puis le Seigneur nous fait voir Lazare, périssant à la porte du mauvais riche. Ailleurs, là où la prospérité abonde, il nous presse d'écouter les paroles de l'homme adonné aux biens de ce monde: J'abattrai mes greniers pour en élever de plus grands, résolution approuvée par les hommes, et je dirai à mon âme: tu as entassé de grands biensboismange et te réjouis. 

Dans la région de la piété, de la dévotion, Jésus nous montre l'avarice étouffant la parole et la rendant stérile; il dévoile son odieuse présence dans le fond du cœur et la dénonce comme étant le levain de l'hypocrisie et la semence du vol.

Et comment nous étonnerions-nous du grand nombre des occasions dans lesquelles Jésus dénonce l'avarice, quand nous nous rappelons que ce fut un de ses ennemis directs, habile à déjouer sa tendre sollicitude pour les hommes et à lui enlever les âmes qu'il voulait sauver? Ce fut la cupidité qui rendit infructueuse une si grande quantité de la graine céleste qu'il venait semer sur le monde; ce fut elle qui blâma l'usage de l'essence destiné à sa sépulture, qui lui enleva le jeune homme qui paraissait prêt à le suivre et dont la faiblesse lui inspira cette exclamation: 

Mes enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient aux richesses d'entrer dans le royaume de Dieu!  Ce fut encore elle qui fit que le banquet évangélique ne rassembla que si peu de convives et que tant d'excuses diverses répondirent à l'invitation adressée par Jésus lui même. Ses auditeurs ordinaires étaient les Pharisiens qui étaient convoiteux et se moquaient de lui. Partout où ses regards se portèrent, il voit ce principe funeste, en activité, et sous mille formes diverses, dévorant la maison des veuves, opprimant les orphelins et s'emparant avec joie de la dépouille du faible et du délaissé. Cherchait-il dans le temple à se détourner de ce pénible spectacle, là encore il ne trouva qu'une caverne de voleurs; Mammon lui-même y était adoré; la Pâque solennelle devenait une occasion de gain; les prêtres trafiquaient avec les âmes: ainsi que leurs ancêtres, «depuis le plus petit d'entre eux jusqu'au plus grand, ils étaient tous adonnés à la convoitise.»

Mais le dernier triomphe de la convoitise n'était pas accompli; vendre le temple pour de l'argent eut été sans doute un acte d'audacieuse impiété; en faire un lieu de trafic était peut-être pire car on ajoutait par là le sacrilège à l'impiété; il y avait encore un trafic plus scandaleux à essayer: quelqu'un était plus grand que le temple. Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, ce fils ne pouvait-il être vendu? 

La convoitise sous les traits de Judas découvrit ce marché à conclure et s'en vint près des trafiquants de la vie humaine; elle le trahit pour trente pièces d'argent type frappant de la manière dont la cause du salut serait traitée d'âge en âge...

Oui, sans nul doute, dans la conduite de Judas, incarnation de la cupidité, envers Jésus, incarnation de la charité et de l'amour, nous pouvons aisément reconnaître de quel côté s'élèvera dans les temps présents et à venir le plus grand danger qu'ait à courir la cause du Seigneur. La scène qui nous montre Jésus vendu pour de l'argent est un avertissement prophétique du traitement que son Évangile aurait à supporter.

Les événements ont-ils été en contradiction avec cette éloquente prophétie? L'histoire de la corruption du christianisme nous prouve le contraire. La passion du gain ayant déserté le temple des Juifs s'est réfugiée dans celui des Chrétiens. Ayant vendu le Seigneur pour être crucifié, la convoitise continua de vendre la croix elle-même: nous ne faisons pas ici allusion au commerce vénal du bois de la vraie croix; ce n'est là qu'un diminutif de l'esprit maudit qui se figurait que l'on pouvait acheter le don de Dieu pour de l'argent et qui, littéralement, cherche à vendre le grand bienfait de la rédemption. 

Peu à peu toutes choses dans l'église devinrent un sujet de trafic; pas une innovation, pas un rite ne furent établis sans qu'il n'en résultât un marché nouveau; les nations furent soumises à divers tribus; chaque autel reçut ses dons particuliers; chaque confession établit son tarif; chaque prière son salaire, chaque bénédiction son prix déterminé.: Les dispenses à l'égard du devoir, les indulgences dans le> mal purent s'obtenir au moyen de certaines sommes; on fut délivré de l'enfer et placé dans le ciel de la même manière; la convoitise ne se contentant pas de suivre ses victimes dans le monde invisible en inventa un troisième où leur séjour était encore soumis à sa puissance. Ainsi la religion dont les bienfaits devaient nous être accordés sans argent et sans aucun prix devint un impôt et une charge pour la chrétienté tout entière, jusqu'à ce que l'or demandé, arraché par l'église, se changea en poison dans son propre sein et força les hommes à le rejeter comme une cause de corruption et de malédiction.

On ne peut trop le répéter, la convoitise est l'un des traits de notre corruption naturelle; si la religion n'obtient pas sur elle un véritable triomphe, c'est elle qui triomphera de la religion. Les autres formes de l'égoïsme agissent d'une façon particulière, s'exerçant ordinairement sur certains points ou dans un esprit de parti particulier à de certaines positions; la convoitise est le péché de l'humanité: c'est le nom d'une maladie qui agit sur toutes les classes d'hommes, c'est la grande épidémie qui règne sur le monde entier.

L'or est donc la seule puissance qui reçoive un hommage universel; il est adoré dans tous les pays et par toutes les classes sans aucune hypocrisie et sans qu'on lui élève de temple; souvent il a pu se vanter d'avoir des armées entières à son service et d'avoir vu des victimes humaines parmi les holocaustes offerts en son honneur.

La guerre détruit les hommes par milliers: l'amour du gain les tue par millions; tandis que le premier de ces moyens de destruction agit par accès, ainsi que les tremblements de terre, l'autre travaille sourdement, partout et sans interruption. Et la guerre elle-même n'a-t-elle pas été souvent l'art de gagner pratiqué sur la plus grande échelle possible? Son histoire n'est-elle pas ordinairement celle de l'extension et de la rapine auxquelles les nations se livrent les unes envers les autres.

Pendant des siècles l'Afrique a été mise à part pour fournir au monstre de nombreuses victimes, des milliers à chaque repas. Et maintenant quel gigantesque et populeux empire n'est pas celui de la convoitise, de la passion du gain?

Les mines avec leur attirail souterrain et contre nature; les manufactures avec leurs repaires de misères et de souffrances; les plantations avec leur violente et barbare domination, et la Bourse peuplées de visages ridés, usés par les soucis et les spéculations hasardées; ce sont là seulement quelques-uns des sièges de cet empire, quelques-unes des tribus qui vivent sous ce sceptre maudit. Cette puissance suprême distribue les titres et les honneurs; les rois forment souvent son conseil et plusieurs des héros de la terre sont au nombre de ses sujets.

Où sont les eaux que ses vaisseaux ne fendent pas? Quels sont les éléments qu'elle ne fasse pas céder à sa volonté?

La philosophie même lui soumet parfois son travail devenu mercenaire: quelquefois aussi la science, adorateur zélé, dépose au pied de son autel ses plus nobles, ses plus précieuses découvertes. — Quelles contrées ne sont rapidement envahies par l'amour du gain ambitieux de découvrir à son profit leurs trésors cachés? — Cette passion fatale, méprisant le rêve de la pierre philosophale, aspire à convertir le globe lui-même en or.

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