Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III.

Des motifs qui doivent nous porter à l'exercice de la bienfaisance chrétienne.

Mais pourquoi l'heureuse époque dont nous venons de parler serait-elle indéfiniment retardée? Les devoirs de cette période dans laquelle la bienfaisance chrétienne doit être largement mise en pratique sont ceux de tous les temps, par conséquent ceux du temps présent: les obligations qui les imposeront aux hommes sont celles qui nous lient maintenant. Il n'est venu du ciel aucun appel nouveau, on ne doit pas en attendre. Les grandes considérations que l'Évangile nous a rendues familières sont précisément les motifs qui alors régneront et triompheront.

Quelque éloignée que puisse paraître cette époque aux yeux de l'indolent et de l'égoïste, le fidèle n'attendra pas son arrivée pour remplir ses devoirs; il sentira plutôt qu'ils sont ceux du moment et qu'ils sont pressants et de tous les jours.

Dès qu'il s'agit de devoir, votre première demande, lecteur chrétien, sera de vous enquérir de la volonté de Dieu; avant d'écouter aucune autre considération, vous élèverez vos égards vers le ciel et vous direz: O Seigneur, que faut-il que je fasse? 

Il y a peu de sujets sur lesquels Jésus se soit plus positivement et plus clairement expliqué que sur le devoir de la libéralité ou de la charité chrétienne. Songez d'abord à tous les droits de Dieu sur ce que vous possédez: dans aucun sens un homme ne peut dire que sa propriété lui appartient sans responsabilité, sans exception quelconque, même à l'égard de ses semblables. La terre qu'il appelle la sienne est surveillée par la loi qui le rendrait responsable de sa propre détérioration et peut l'obliger à en céder une partie ou même le tout, dès que l'intérêt public l'exige. Mais si la société réclame un droit commun dans le genre de propriété qui semble devoir être le plus indépendant de tous, combien plus Dieu conserve-t-il un droit suprême sur nos possessions? — Il les créa et par cela même son droit est imprescriptible et éternel. Le monde et tout ce qu'il contient est certainement à Lui; il en maintient l'existence d'heure en heure; il établit ainsi à chaque instant le droit originel qu'il exerce sur l'univers entier.

Vous n'avez rien créé; tout ce que vous avez n'est que l'assemblage des choses qui Dieu a fournies au travail de vos mains; et d'où vous vient le talent et l'adresse nécessaire pour user de ces choses? Tu te souviendras de l'Éternel ton Dieu; car c'est lui qui te donne de la force pour acquérir des biens, afin de ratifier l’alliance, qu'il a jurée à tes pères, comme il paraît par ce que tu vois aujourd'hui.»

Il vous garantit par ces paroles du péché qui fait dire à nos coeurs: «la puissance et la force de mes mains m'ont acquis tous ces biens, afin que vous n'oubliez pas que Dieu est toujours le suprême propriétaire de tout ce que vous possédez. Il vous rappelle encore par ces paroles que tous les avantages dont vous jouissez vous sont accordés par sa bonté paternelle. En vous faisant sentir que vous n'aviez rien en vous-même pour vous les procurer, Dieu ne conclut nullement qu'il abandonne son droit sur eux. Il vous fait comprendre qu'ils vous sont confiés comme à un intendant et que vous n'en êtes point le maître; que vos biens et vous mêmes lui appartenez et qu'il peut en faire l'usage qu'il lut plaira. Dès que vous perdez de vue le droit absolu de Dieu sur vos propriétés, vous ressemblez à l'injuste économe; vous provoquez le mécontentent de votre maître et pourriez ainsi l'engager à reprendre ce qu'il vous accorde et à le faire passer en des mains plus fidèles. Il vous a créés et vous a donné une nouvelle naissance en Jésus-Christ, afin que vous puissiez le servir au milieu d'un monde qui s'efforce de l'oublier; tandis que les incrédules s'approprient toutes choses sans aucun scrupule comme si Dieu avait cessé de régner et même d'exister; vous devriez consacrer et offrir vos biens comme une oblation à la gloire du Seigneur et montrer par là que vous reconnaissez ses droits suprêmes; ainsi le feu qui brûlait sans interruption sur l'autel des Juifs, protestait sans cesse contre l'idolâtrie et proclamait le seul Dieu vivant et vrai.

Et pourquoi n'agiriez-vous pas de même? Vous ne voulez pas sans doute vous joindre à ceux que vous blâmez, à ceux que vous cherchez à combattre; vous ne voulez pas trahir votre maître et céder lâchement la victoire à vos ennemis. Alors approchez-vous de son trône, reconnaissez ses droits et inscrivez son nom béni sur tout ce que vous possédez. Songez à tous les bienfaits que vous recevez de sa main; ses miséricordes sont toutes ses œuvres, mais combien n'en a-t-il pas rassemblé sur votre tête? «Béni soit le Seigneur qui nous comble chaque jour de ses biens.»

Voulez-vous les recevoir ces biens, en jouir loin de lui, les employer pour vous seul, n'en consacrer aucune partie aux nombreux solliciteurs placés autour de vous? ... Dieu vous environne de bonté et de compassion...

Ne ferez-vous pas connaître la noblesse de votre origine en cherchant à imiter la royale munificence et la charité de votre Père céleste! Il vous a placé dans ce monde plein de sa bonté; l'homme, il est vrai, l'a rempli de péché, mais Dieu l'embellit et le maintient encore. L'immensité de l'Océan, l'étendue sans borne de l'air, la libre plénitude de la lumière, tout atteste l'exubérance infinie de la bonté divine et doit faire naître dans nos cœurs des sentiments de reconnaissance, correspondants à tant de bienfaits. Être égoïste dans un monde pareil au nôtre, c'est en vérité, contribuer à l'un des plus grands triomphes du péché. L'avarice ne peut s'y mouvoir sans y former le plus frappant contraste.

Si votre vie avait été cachée jusques à ce jour au fond d'un noir cachot, puis, que, tout à coup, vous fussiez en présence de la création, et que, pour la première fois, vous vinssiez à comprendre toute cette miraculeuse bonté, votre cœur ne se répandrait-il pas en actions de grâce, ne serait-il pas pénétré des émotions les plus généreuses? Débuteriez-vous par vous livrer à l'égoïsme dans un monde soutenu par charité? et par une charité si grande que le divin donateur semble avoir voulu y rendre le mal impossible? Ne voulez-vous pas devenir des serviteurs de son amour envers ses créatures?

Pouvez-vous vivre jour après jour dans ce théâtre de la bonté de Dieu, vous croire ses enfants et l'héritier de ses miséricordes infinies en conservant un esprit étroit, égoïste, replié en soi-même? — Le seigneur Jésus lui-même vous a commandé d'être miséricordieux comme son père est miséricordieux.

Mais, jusques à présent nous nous sommes arrêtés sur le seuil du temple de la miséricorde; la grande manifestation de la bonté divine, le grand don demeure encore dans l'ombre. Votre misère comme pécheur avait excité la compassion de Dieu, votre culpabilité demandait un sacrifice; votre faiblesse spirituelle n'avait rien à offrir. Approchez-vous de l'autel du sacrifice et contemplez le substitut que Dieu y a placé pour vous. Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique au monde.

 L'univers est rempli des preuves de sa munificence, mais en voici une qui les surpasse toutes. Nous ne saurons jamais combien Dieu nous aima; nous n'avons aucune sonde qui puisse atteindre la profondeur de ses compassions, aucun objet suprême auquel les comparer, mais nous savons qu'il nous a assez aimés pour nous envoyer son fils bien aimé afin qu'il accomplit la propitiation de nos péchés: Grâces soient rendues pour cet inénarrable bienfait!

Et tandis que vous demeurez muet en présence de cette preuve d'amour que vous est-il demandé en retour? Dieu vous demande de l'aimer et par là d'être heureux: à l'égard de vos frères «Celui qui vous a donné son fils vous demande de contribuer par le sacrifice de vos biens au bonheur de l'humanité.»

C'est en oubliant Dieu que l'homme a été réduit à chercher son bonheur dans la création et parce qu'aucune des choses créées ne peut satisfaire son âme, il a cherché à accumuler les biens de toute espèce et à les monopoliser sans cesse; il est devenu égoïste; il lui est arrivé de considérer les biens possédés par ses semblables comme ayant été enlevés de la part qu'il devait posséder; nous le répétons, il est devenu égoïste. Mais Dieu, en vous offrant de revenir à Lui, vous offre de vous rendre indépendant des choses inférieures; de vous mettre en possession d'un trésor qui vous rendra capable de regarder avec mépris les choses qui rendent les hommes égoïstes; de vous conduire à la possession d'un bien infini, d'un bien qui ne saurait vous rendre égoïste, car si l'univers entier devait en jouir et le partager avec vous, ce serait, par cela même, la cause d'une joie sans bornes.

Comprenez-vous ce que c'est que d'être mis en possession d'un tel bien? Comment est-il possible alors que vous puissiez demeurer étroitement attaché à la misérable et périssable poussière d'ici bas? — Votre participation future à des biens infinis n'apportera-t-elle aucune différence à votre conduite actuelle? Serez-vous aussi adonné aux biens de la terre en vivant avec la pensée de Dieu que si vous ne possédiez pas son amour? — Ne sentez-vous pas, au contraire, que le monde n'est rien, tandis que vous contemplez les richesses éternelles? — Tous ceux qui sont sincèrement retournés à Dieu ont senti cette vérité; ils ont perdu leur égoïsme. Ils ont vu la gloire éternelle et le monde s'est éclipsé à leurs yeux; ils ont pensé à cette gloire et leur cœur s'est élargi durant leur pèlerinage terrestre; après avoir trouvé la véritable source du bonheur ils auraient voulu voir tous leurs semblables s'y désaltérer à leur tour et pour répondre au commandement qui leur ordonnait de les exhorter à s'en approcher, ils ont donne tout ce qu'ils possédaient, ils ont donné jusqu'à leurs vies.

Nous l'avons déjà dit vos obligations envers Dieu sont les mêmes que celles qui agirent sur de tels hommes. Tout ce poids demeurera-t-il sur vous? Ne rendrez-vous rien à Dieu pour tous ses bienfaits? Auriez-vous supposé que vos biens seraient acceptés comme l'une des offrandes que vous devez présenter? — Ce genre de sacrifice est l'un des moins nobles que vous puissiez offrir au Seigneur, cependant, il l'accepte. Quoiqu'il n'y ait aucune proportion entre votre dette envers Dieu et tous les biens du monde, il daigne cependant considérer chaque fraction de ces biens comme une expression de votre amour pour Lui, lorsque vous les employez en son nom. Que cette pensée ennoblisse la fortune à vos yeux; faites en cas sous ce point de vue; réjouissez-vous d'avoir en votre pouvoir une oblation qui lui soit agréable; soyez aussi reconnaissants quoique vous n'ayez que peu de chose à lui offrir; mettez l'abnégation en pratique, afin que ce peu acquière plus de valeur; cherchez les objets que vous croyez devoir être les plus intéressants à ses yeux; cherchez-les avec soin, avec empressement; donnez en songeant aux nombreuses obligations dont vous êtes redevables et vous sentirez que c'est là un moyen de bonheur; que c'est un acte par lequel vous recevrez plus que vous ne donnerez.

Afin de rendre plus positive la nécessité de donner, votre Père céleste en a fait un ordre, un commandement. Il vous ordonne de faire du bien à tous les hommes, de revêtir des entrailles de miséricorde; d'être prompts à donner et libéraux. Il dépeint souvent la charité comme étant une sorte d'équivalent de la justice relative et sans doute il a voulu nous faire comprendre qu'elle fait partie de cette justice. Lorsqu'il abrège la seconde table de la loi, en réduisant à quelques mots les devoirs qu'elle impose, la charité non seulement n'est pas omise, mais elle occupe le premier rang. Dans tous les portraits de la piété, cette vertu est présentée comme l'un de ses principaux éléments; comme l'une des expressions de notre amour de Dieu, les plus acceptables à sa miséricorde. Ses bénédictions, les meilleures de toutes les bénédictions, sont promises à la charité. Au dernier jour, quand le fils de l'homme jugera le monde, la présence ou l'absence de la bienfaisance chrétienne déterminera, le Seigneur lui-même l'a dit, le sort final des hommes. Toutes ces injonctions divines sont autant de moyens par lesquels Dieu a voulu rendre l'expression de sa volonté plus positive, plus obligatoire pour nous.

En lui consacrant vos biens, non seulement vous remplirez une partie de vos obligations, mais vous-sentirez que vous obéissez à la volonté de Dieu à l'égard d'un devoir sur lequel II s'est expliqué d'une manière toute particulière. Où chercheriez-vous un motif plus puissant, ou une jouissance plus réelle que dans l'accomplissement de ce devoir? — Dans les cieux sa volonté est le seul motif qui soit nécessaire pour exciter l'obéissance; et ne vous réjouirez-vous pas de vous trouver une fois d'accord avec les anges, en suivant ses commandements.

Les ordres et les encouragements à la bienfaisance que présente la Bible, tendent à nous montrer qu'ils renferment un principe d'intérêt personnel sagement calculé. Au lieu de supposer que nous aimerons notre devoir par amour du devoir lui-même, notre Père céleste, n'oubliant pas notre état de misère, notre chute morale, accompagne ses commandements de promesses et de bénédictions toutes spéciales. Il nous engage à cultiver l'arbre de la charité en nous disant que son fruit sera pour nous. Celui qui sèmera abondamment, moissonnera abondamment.

Les directions, les bénédictions temporelles les plus évidentes ont constamment accompagné la bienfaisance chrétienne. On pourrait remplir des volumes entiers par le récit des exemples qui nous montrent clairement que Dieu a honoré et récompensé ceux qui, par la foi et par l'obéissance, lui ont consacré leurs biens. Pourquoi l'Église se sent-elle si peu émue au souvenir de pareils exemples, pourquoi nos cœurs sont-ils si lents à les croire, que prouvent-ils, si ce n'est que Dieu n'oublie point ses promesses?

La prospérité spirituelle est aussi inséparable de la libéralité chrétienne: Dieu aime celui qui donne gaiement.

Il est assez puissant pour vous combler de ses bénédictions et faire qu'ayant toutes choses en abondance, vous puissiez abonder en bonnes œuvres. Aussi souvent que vous pratiquez ce devoir dans un esprit évangélique, vous pouvez être certain que la meilleure partie de votre nature est mise en exercice; votre cœur se trouve délivré d'une portion de l'égoïsme qui lui reste; votre âme est animée d'une plus grande activité chrétienne: vous éprouvez plus de sympathie envers les hommes; votre bienfaisance vous rend capable de vous réjouir de votre union spirituelle avec Christ et ajoute un nouveau lien au pouvoir d'affection qui vous lie à sa cause.

Le chrétien croit fermement que tout ce qu'il consacre à Dieu compose pour lui un trésor dans le ciel. Voulez-vous rendre vos propriétés solides, stables; placez-les dans la main du Tout-Puissant, de Celui qui est fidèle par dessus toutes choses?

Dès que vous vous flattez de conserver votre fortune par votre seule volonté, elle est soumise à la plus grande insécurité, mais du moment que vous la possédez comme appartenant à Dieu, elle est marquée de son sceau et placée sous sa protection. 

Voulez-vous jouir de votre fortune? Donnez en aumônes ce que vous avez et toutes choses vous seront pures. L'oblation de vos premiers fruits sanctifiera tout le reste; ainsi que les premiers chrétiens vous mangerez votre repas avec joie et simplicité de cœur.

Voulez-vous augmenter votre fortune? Honore l'Éternel de tes biens et des prémices de tout ton revenu. L'Éternel ton Dieu te bénira dans toutes tes oeuvres, et dans toutes les choses auxquelles tu mettras la main. Répandez vos biens comme si la main de Christ guidait la votre, cette main qui a nourri la multitude avec quelques morceaux de pain et multipliait à volonté tout ce qu'elle touchait.

Voulez-vous croître en grâce et dans l'amour de Christ? Voulez-vous recevoir les fruits de l'esprit? Voulez-vous être riche pour l'éternité? Confiez vos biens à Christ; Il s'engage à vous les rendre, non pas à la vérité en qualité de dettes, car la magnificence des dons qu'il vous accorde prouverait le contraire, mais il vous a dit qu'il vous les rendrait au centuple, dans le monde à venir, dans la vie éternelle. Tout ce que vous avez consacré à sa cause , quoique ce soit bien peu de chose à vos yeux a été reçu par lui et le souvenir en demeurera et tout ce que vous lui consacrerez encore vous précédera dans le ciel et sera changé pour vous en trésor incorruptible.

Serait-ce le bien-être de vos enfants qui fait l'objet de votre sollicitude? Les païens qui se servent de ce prétexte pour ne rien consacrer à la cause de Dieu se livrent à un manque de sage prévoyance du genre le plus grave, le plus dangereux; mais plutôt, que votre sollicitude pour leur avenir se combine avec les droits de la bienfaisance; vous amasserez ainsi sur leurs têtes le trésor de la bénédiction, divine.

Désirez-vous peut-être n'être pas oublié, voulez-vous que votre mémoire demeure parmi les hommes? La mémoire du juste sera perpétuelle, on doit entendre ici par le juste l'homme bienfaisant. Son caractère est comme embaumé dans sa propre piété, et sa mémoire étant liée par ses bienfaits à la gloire de Dieu, revêt un caractère d'immortalité plus désirable que tout autre genre d'illustration parmi les hommes.

Il est dit à l'égard du pauvre que celui qui le repousse insulte Dieu; c'est en effet insulter Dieu que de l'accuser d'injustice parce qu'il permet qu'il y ait des pauvres qui, chaque jour, doivent s'attendre à sa bonté; on l'insulte dans la personne du pauvre, en refusant de prendre soin des malheureux qui viennent à nous avec les promesses de la Parole. C'est se refuser à accomplir une partie des plans de Dieu, qui en créant les riches comme ses agents à l'égard des pauvres, a voulu les lier les uns aux autres par un échange de reconnaissance et de bienfaisance. Il a de même confié les intérêts du christianisme à son peuple et le monde examine la conduite de l'Église à l'égard de sa fidélité à remplir sa grande mission. Si ces devoirs divers sont accomplis avec langueur, Dieu doit être offensé de ce manque d'amour; mais, si nous nous en acquittons avec joie, avec empressement, le monde reconnaîtra la sagesse des arrangements suprêmes et l'Église triomphera en tous lieux.

Le plus fort des arguments en faveur de la libéralité chrétienne est certainement l'exemple divin de Jésus-Christ, qui a donné sa vie pour nous; nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères. C'est en ceci que nous connaissons son amour, comme si toute autre preuve de son amour était effacée par celle-ci, — mais Celui qui aura les biens de ce monde et qui, voyant son frère dans le besoin, lui fermera ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui? Comment l'amour de Christ pourrait-il habiter un cœur qui demeurerait sans sympathie envers les hommes? — En vérité, celui qui se croirait capable de mourir pour Christ et qui ne donnerait pas volontiers quelque argent pour sa cause, se tromperait étrangement à l'égard de ses propres sentiments

Lorsque S. Paul enjoint aux Philippiens de ne pas regarder chacun à son intérêt particulier, mais d'avoir aussi égard à celui des autres, il leur dit encore: ayez les mêmes sentiments que Jésus-Christ, et ne se borne pas à leur expliquer la grande condescendance du Seigneur envers nous et à nous parler de sa mort; mais il se plaît à s'étendre sur ce sujet, le développe, le suit pas à pas, comme si l'immensité de l'espace parcouru par Christ en notre faveur était trop grand pour être compris tout à la fois. S. Paul le divise et suit la marche du Seigneur depuis le point culminant de sa gloire, jusqu'au dernier degré de son humiliation.

Il semble persuadé que cette étonnante vérité, cette scène de grandeur céleste et d'abaissement volontaire ne pourrait manquer d'anéantir l'égoïsme dans tous les cœurs, si elle était bien présentée. Sa seule inquiétude semble être de ne pas l'expliquer avec assez de force et de clarté. «Lequel étant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à saisir d'être égal à Dieu; Mais il s'est dépouillé lui-même, ayant pris la forme de serviteur, devenant semblable aux hommes; Et, revêtu de la figure d'homme, il s'est abaissé lui-même, en se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix.»

Chrétiens, pouvez-vous relire avec attention les lignes dont nous vous parlons et ne pas éprouver de nouvelles émotions d'amour et de reconnaissance? — Sans sentir que vous ne vous appartenez pas? Un tel maître doit-il être servi par des serviteurs égoïstes, avares, est-ce ainsi qu'ils doivent reconnaître de telles compassions envers eux !...

Le sauveur de nos âmes devrait-il avoir à se plaindre que ceux qui savent qu'ils ont été rachetés, non par des choses périssables, telles que l'or ou l'argent, mais par son précieux sang, sont si fortement attachés à ces biens passagers qu'ils ne peuvent s'en séparer quoiqu'ils soient réclamés par les droits de ce sang précieux? — Quelle honte pour l'humanité? Quel reproche à faire au nom de chrétien !... Efforcez-vous, disciples de Christ, d'effacer cette tache; économisez pour le Seigneur, retranchez de vos dépenses superflues, afin que vous puissiez augmenter vos dons charitables! Souvenez-vous que vous prétendez suivre et servir Celui qui a porté vos péchés en son corps sur le bois.

L'apôtre, dans la première épître aux Corinthiens, cherche à engager les nouveaux chrétiens à pratiquer la charité; les motifs qu'il leur présente pour exciter leur bienfaisance sont puissants et variés; mais nous pouvons être certains qu'il ne demeurera pas longtemps sans se servir du plus fort de tous, de l'exemple de notre Seigneur lui-même. L'amour de Christ était le principe dominant de sa conduite: ce sentiment avait sur lui plus d'influence que tous les autres motifs réunis; en s'adressant aux hommes il ne manquait jamais de leur en faire sentir toute la force.

Combien son appel est tendre, pressant, pathétique !... Car vous connaissez la charité de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, étant riche, s'est fait pauvre pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez rendus riches.

Vous connaissez la hauteur de laquelle il a daigné descendre: vous connaissez la profondeur de l'humiliation à laquelle il s'est abaissé; il ne s'est, entre le trône et la croix, reposé nulle part. Vous savez pour qui Il donna sa vie; pour ses ennemis mêmes, ceux qui l'ont fait mourir.... Vous savez qu'il le fit volontairement, qu'il n'était sous le poids d'aucune obligation à votre égard, que son amour pour nous fut son seul motif, et qu'il supporta avec bonté chaque indignité, chaque douleur.... Vous savez avec quel zèle, quelle persévérance Il travailla à la grande œuvre de notre salut. Vous savez dans quel but II fit toutes ces choses; Il voulut répandre sa richesse sur notre pauvreté, nous élever jusques à Lui et nous rendre participants de son éternelle félicité.

Vous le savez, sans le comprendre, car c'est là un amour qui surpasse toute intelligence humaine; mais vous l'avez appris et l'univers chrétien répète cette vérité. Le ciel en est rempli: l'Église sur la terre la proclamera chaque jour et le Père éternel a commandé qu'elle fût publiée dans le monde entier. Elle est si merveilleuse que l'égoïsme devrait se changer en amour dès que l'on vient à la connaître. Vous la connaissez par expérience, car vous pouvez vous souvenir d'une époque où vous viviez loin de Dieu, dans un état voisin de la perdition: vous avez été arraché du feu comme un tison brûlant, et maintenant vous pensez à la vie éternelle avec Jésus dans le ciel, et vous savez que vous devez votre délivrance et toutes vos espérances à l'amour de Christ pour les pécheurs.

N'est-ce pas pour opérer votre salut qu'il mit en œuvre sa céleste puissance ?... Oui, sans nul doute, car il a dit: «Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés par la vérité.»

Quand le vit-on négliger de faire le bien? Quand le vit-on ouvrir sa main si ce n'était pour bénir, ou pleurer si ce n'était par sympathie pour les misères humaines? — N'a-t-il pas sans cesse exercé la bienfaisance, accordant la vie aux mourants, le pardon aux pécheurs, la pureté à l'homme dépravé et des bienfaits sans nombre à tous ceux qui se trouvaient autour de lui: «Ayez les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus.»

Il est le maître des richesses, l'héritier de toutes choses, mais il a donné tout ce qu'il possédait pour votre salut et vous devriez à votre tour consacrer à sa gloire ce que vous possédez. Vous jouissez d'une partie des biens de ce monde; considérez l'usage que Christ en aurait fait et cherchez à imiter son exemple divin.

Étudiez donc vos obligations envers Christ au pied de la croix. Jusqu'à ce que vous le fassiez journellement vous ne sentirez point les droits qu'il a sur vous; mais quand vous aurez contemplé le grand amour par lequel il vous a aimés, nous vous défions d'être avares, inactifs, égoïstes en ce qui concerne sa cause. Vous ne pourrez manquer de l'aimer, son amour vous contraindra, vous pressera, vous forcera à devenir un serviteur dévoué auquel il dira: «Cela va bien, bon et fidèle serviteur,» — jusqu'au jour où il ajoutera: «Entre dans la joie de ton Seigneur.»

Si donc, vous êtes réellement chrétien, vous sentirez que vous ne vous appartenez pas et que vous avez été racheté à grand prix; en d'autres termes, vous verrez clairement, vous sentirez positivement que vous vous devez à Christ et que vos biens font en ce sens partie de vous même.

L'histoire nous raconte que lorsque le peuple du mont Collatin se rendit à l'autorité de Rome en lui demandant sa protection, il lui fut répondu: «Vous livrez-vous vous-même, peuple Collatin, vos villes, vos champs, vos eaux, vos bornes, vos temples, vos ustensiles, tout ce qui vous appartient, les choses divines comme les choses humaines, entre les mains du peuple romain?» Sur leur réponse: «Nous livrons tout», ils furent admis dans le sein de la nation nouvelle.

Le chrétien qui s'est rendu volontairement à Christ ne s'est pas lié par des promesses aussi détaillées, mais il ne doit pas moins reconnaître l'étendue des engagements qu'il a pris. Comment pourrait-il stipuler une exception relative à ses biens, quand il contemple la grandeur des bienfaits qu'il a reçus et la misère dont il a été tiré!....

Et maintenant, Chrétiens, quel sera l'effet pratique des vérités qui viennent de vous être rappelées? Permettez-moi, avant de terminer, de vous suggérer ce qu'il devrait être et puisse l'Esprit saint vous aider par sa grâce à mettre en exécution ce qui nous reste à vous dire.

Avez-vous senti en nous lisant une seule émotion généreuse réchauffer, élargir votre cœur? — Ne la laissez pas s'effacer comme un vague souhait, une impulsion passagère, mais plutôt, empressez-vous de faire à l'instant quelque chose pour l'avancement du règne de Dieu. Votre bienfaisance est-elle encore sans plans?... alors, à moins que vous ne puissiez prouver que nous nous sommes trompés sur la nécessité d'un système arrêté, ne perdez pas de temps à vous en former un et suivez-le avec persévérance.

Êtes-vous encore étranger au renoncement en fait de charité? Songez, dans ce cas, que jusqu'à présent vous êtes demeuré étranger à la véritable bienfaisance, car, d'après les principes du christianisme, il n'y a pas de bienfaisance sans renoncement.

Que cette vérité vous conduise au pied du trône des miséricordes; répandez votre âme entière devant Dieu. Confessez l'égoïsme par lequel vous avez absorbé une si grande partie de vos biens en jouissances mondaines, tandis qu'il eut fallu les consacrer au service de Dieu. Demandez-lui de vous inspirer le renoncement à ce qui vous est agréable, afin que vos offrandes puissent désormais être proportionnées à l'étendue de ses droits. Suppliez-le de répandre sur tout son peuple un esprit de libéralité, de sainteté et que ces mots consacrés au Seigneur puissent bientôt être inscrits sur toutes les propriétés de l'Église «Au reste, je vous avertis que celui qui sème peu, moissonnera peu; et que celui qui sème abondamment, moissonnera abondamment.»


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