Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

L'homme nouveau

en préparation

dans l'Ancienne Alliance.

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Act. 14: 15,17; Rom. 2: 14 à 16 et 7: 7à 25.

TROISIÈME ÉTUDE

L'homme nouveau en préparation dans l'Ancienne Alliance.


I.

Il est des ruines qui sont plus belles que des monuments tout neufs: quand les siècles y ont apposé leur sceau royal, comme à Poestum ou en Égypte, ou que la nature a mis la dernière main au travail du génie de l'homme, comme à Heidelberg, alors ces grands pans de murs chargés de lierre, ces fûts de colonnes qui profilent leur silhouette élancée sur un ciel empourpré, ou ces colossales figures méditatives dont le temps n'a fait qu'adoucir les traits trop rudes, tous ces vestiges du passé évoquent dans l'âme des émotions que, toutes neuves, ces oeuvres d'art n'ont probablement pas pu produire.

Mais il est d'autres ruines qui ne sont que désolation et désastres; des ruines devant lesquelles se brisent les plus vaillants courages. Telles sont, par exemple, celles que font les torrents dévastateurs de nos Alpes, quand, en quelques heures, à la suite d'un effroyable orage, ils viennent parfois recouvrir d'un épais lit de boue, de rochers et de cailloux les champs cultivés, de père en fils, par des populations pauvres. Alors on comprend que, plutôt que d'essayer de réparer de tels désastres, ces pauvres gens préfèrent s'expatrier ou se mettent à vivre d'aumônes.

Me trompé-je, en disant que les ruines devant lesquelles je viens de vous laisser ont éveillé chez vous le souvenir de telles ruines absolument désespérantes? Quel chaos, mon Dieu! Et comment espérer que le Créateur voudra essayer de tirer le pur de l'impur?

Comment, devant ce triple désordre, songer à rétablir l'ordre primitif, cette harmonie si infiniment riche autant qu'infiniment simple, fondée sur une si indissoluble solidarité de tous ses éléments constitutifs que le moindre trouble sur un point peut s'étendre à tout l'ensemble?

Eh bien, gloire soit rendue à notre grand Dieu créateur qui, en face d'un tel désastre, notre chute, n'a pas renoncé à son but primitif en abandonnant l'homme à son sort. Il faut, en effet, que je rectifie une idée traditionnelle que me paraissent contredire les faits bibliques les plus évidents.

On parle d'un abandon de l'homme par Dieu, et d'une malédiction qui aurait frappé l'humanité dès le jour de sa révolte. Il n'y a qu'à lire la Genèse pour s'assurer que cet abandon et cette malédiction n'ont été ni immédiats ni complets.

En principe, il est vrai, oui, la séparation est faite, et la sentence éventuelle: «Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort,» cette sentence va déployer successivement tous ses effets terribles, depuis la mort spirituelle, qui ouvre la marche, jusqu'à la mort éternelle, qui en sera le terme, en passant par la mort physique. Car c'est bien cette triple mort qu'il faut pressentir dans cette mort! Mais c'est en principe, en droit que toute cette sentence atteint l'homme dès l'heure de sa chute; en fait la malédiction divine ne se déchaînera pas tout entière immédiatement. Elle va plutôt planer désormais, comme un nuage menaçant, sur cette humanité de plus en plus égarée; de ce nuage éclatera de temps à autre la foudre qui frappera ici un peuple, là une famille ou une seule personne de coups plus ou moins redoutables, c'est-à-dire de jugements partiels, avant-coureurs de jugements plus graves. Mais, comme à la grêle se mêle souvent une pluie bienfaisante qui en atténue les effets dévastateurs, ces jugements seront accompagnés encore de ménagements de la miséricorde divine, et les voies de Dieu à l'égard de l'homme seront ainsi un mélange de ces deux éléments, pitié et colère, mélange où tantôt la pitié l'emportera sur la colère, et tantôt la colère sur la pitié, jusqu'à ce qu'enfin, au terme de l'histoire, l'unité se rétablisse dans le gouvernement de Dieu, ou par l'expansion de tout l'amour envers ceux qui seront rentrés dans l'ordre, ou par le déchaînement de toute la justice contre les rebelles qui, au mépris des avances divines, seront devenus des réprouvés en s'identifiant définitivement avec le mal.

Ainsi, bien loin d'abandonner l'homme immédiatement à lui-même, Dieu se met sans tarder à l'oeuvre pour essayer de le sauver. Et quel spectacle que celui de ses efforts! J'ai parlé de champs ravagés par nos torrents. Eh bien, à lire la Genèse, on voit que Dieu ressemble à des montagnards qui, sans se laisser abattre, eux, par la grandeur du désastre, se mettraient à l'oeuvre avant même que les eaux se fussent retirées: ici pour leur opposer une digue construite au péril de leur vie; là pour ressaisir, par des prodiges de vaillance et de force, tel morceau de terrain en abandonnant momentanément le reste, et afin de transformer cet îlot reconquis en un point ou base solide de réaction victorieuse contre l'implacable adversaire.

C'est bien cela que fait Dieu; c'est bien un travail de défense qu'il entreprend sur l'heure. Après avoir prévenu le désespoir par la promesse qu'on a appelée à bon droit le Protévangile, le premier évangile: «La postérité de la femme écrasera la tête du serpent,» le voilà qui, pied à pied, dispute le terrain à l'envahisseur, le terrain, c'est-à-dire le coeur de l'homme, et, tout en faisant forcément la part du feu, soustrait à l'élément terrible tout ce qui est susceptible de salut.

Les Caïnites, gens aussi morts pour les choses de l'âme qu'entendus à celles de la terre, il les élimine, mais pour vouer d'autant plus de soins aux pieux Séthites, parmi lesquels se sont conservées les traditions d'Éden et le culte en esprit; puis, quand les Séthites, hélas! par des mésalliances religieuses — les premières d'une lugubre histoire! — se sont compromis avec les Caïnites, si l'Éternel doit les sacrifier à leur tour, c'est pour concentrer toute sa défense sur Noé et les Noachites, qui, bientôt envahis par le mal, devront être laissés de côté, à l'exception de Sem et des Sémites, plus tard de Japhet et des Japhétites.

Mais voilà que les Sémites, eux aussi, dégénèrent: le polythéisme les gagne; les idoles pénètrent dans leurs familles; et bientôt toute la terre va être de nouveau couverte par les flots montants de l'erreur et du péché, sans que nulle part l'arche de la grâce préparatoire puisse atterrir. Il n'y a peut-être plus qu'une âme, plus qu'un homme, un seul, qui puisse être le témoin de Dieu sur la terre et le premier atome de ce corps nouveau qui sera un jour le salut: cet homme, c'est Abram. Il faut donc à tout prix le soustraire, lui et ses descendants, à ce milieu corrupteur, et c'est pour cela que l'Éternel lui dit: «Sors de ton pays et de ta parenté.»

Et Abram obéit; et il devient Abraham, le père en espérance de beaucoup de peuples, en qui seront bénies un jour toutes les familles de la terre. De ses fils, Isaac seul sera son véritable héritier; Ismaël, lui, est écarté non sans emporter une promesse. Des fils d'Isaac, Jacob, à son tour, mais après une discipline de vingt années qui le transformera en Israël, le vainqueur de Dieu par la foi, Jacob est choisi, et Esaü, l'homme naturel, idéal par son esprit chevaleresque, mais homme naturel néanmoins, Esaü est rejeté. Enfin, les fils de Jacob peuvent, eux aussi, entrer dans le plan de Dieu, mais non sans avoir passé par le creuset qui les purifie. Et c'est ainsi qu'après avoir conquis, sur notre terre désolée, un premier point immuable, — je veux parler d'Abraham, — Dieu étend sa conquête à un second cercle, une famille, puis de là à un troisième, un peuple, pour pouvoir embrasser enfin de là un quatrième cercle, qui sera l'humanité tout entière, la famille de tous les peuples.


II.

En vue de cette expérience décisive Dieu a laissé les nations à elles-mêmes, dans une grande mesure du moins, et sans aller jusqu'à les priver totalement de son témoignage. (Act. 14: 16,17 — Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu’il n’ait cessé de rendre témoignage de ce qu’il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos coeurs de joie.) Et l'expérience a été faite, longue, variée, concluante, hélas! dans tous les domaines:

Et, après de séculaires, laborieuses, humiliantes et désolantes expériences, l'homme a dû reconnaître son impuissance et se tourner vaguement vers le ciel en s'écriant: «Donnez-nous des consolations nouvelles grandes et fortes!»

Et, d'autre part, avons-nous dit, il fallait que l'homme prît conscience, clairement conscience de la cause qui est à l'origine de tous ses maux.

Eh bien, c'est par la loi, par l'économie de la loi que Dieu voulait atteindre ce but; et c'est l'apôtre Paul qui nous en a merveilleusement révélé le rôle austère et salutaire. (Rom. 7: 7 et suiv. — Que dirons-nous donc? La loi est-elle péché? Loin de là! Mais je n’ai connu le péché que par la loi. Car je n’aurais pas connu la convoitise, si la loi n’eût dit: Tu ne convoiteras point. Et le péché, saisissant l’occasion, produisit en moi par le commandement toutes sortes de convoitises; car sans loi le péché est mort. Pour moi, étant autrefois sans loi, je vivais; mais quand le commandement vint, le péché reprit vie, et moi je mourus. Ainsi, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à la mort. Car le péché saisissant l’occasion, me séduisit par le commandement, et par lui me fit mourir.....)

Jusque-là, nous dit-il, le péché était dans l'homme un mal latent, mal vague, indéfini dans son principe, quoique certes il causât d'assez affreux ravages. Tel un de ces états morbides qui, tout en mettant en péril une vie précieuse, défient absolument la sagacité des plus clairvoyants médecins. Et, dans ce cas, que font-ils, les médecins? Ils donnent un remède dont le seul but sera de forcer le mal à se produire au-dehors, afin qu'on le connaisse bien désormais et qu'on puisse directement le combattre. Ç'a été, par exemple, le seul mérite du trop fameux remède de Koch, auquel restera attaché le souvenir de la plus navrante déception infligée à notre pauvre humanité souffrante: impuissant, paraît-il, pour guérir la tuberculose, ce remède était très propre à la révéler là où elle existait sans qu'on s'en doutât.

Eh bien, la loi est précisément cela: impuissante à guérir, mais souveraine pour manifester le mal. C'est que la loi exprime en dix paroles concrètes la volonté de Dieu à l'égard de l'homme; et il se trouve qu'ainsi formulée cette loi a l'air très facile, très simple, très élémentaire; c'est le minimum de ce que doivent à Dieu et de ce que se doivent les unes aux autres des créatures faites toutes à l'image de Dieu et par conséquent soeurs les unes des autres. Aussi la raison (l'homme intérieur, dit Paul) ne peut-elle que donner son acquiescement immédiat, et la volonté va suivre la raison; mais, qu'arrive-t-il? À l'instant où la volonté veut suivre l'élan de la raison, la voilà arrêtée, arrêtée par un obstacle intérieur dont elle n'avait pas conscience. Qu'est-ce à dire? Je veux et je peux pas, je ne suis pas libre. Meliora video, proboque, deteriora sequor, disait déjà un auteur latin. «Je vois le bien, je l'approuve, et c'est le mal que j'accomplis!»

D'où vient ce divorce intérieur qui rompt l'unité fondamentale de mon être? La cause n'en peut être que dans un état anormal, un désordre, la présence d'un corps étranger, en quelque sorte, d'un corps qui, introduit par quelque fatal accident, a dénaturé ma nature.

Et voilà comment la chute devient évidente. La chute, l'état de péché, le péché, «la loi de péché,» dit saint Paul, c'est-à-dire une institution contre nature, une puissance usurpatrice qui lie, qui asservit tellement la volonté de l'homme que, toute désireuse qu'elle soit par moments d'accomplir la volonté de Dieu, non seulement elle en est incapable, mais même elle n'aboutit qu'à d'incessantes transgressions qui provoquent chez les meilleurs ce cri de désespoir: «Misérable que je suis, moi homme, qui nie délivrera?» Et comme Christ seul pourra délivrer, la loi me conduit ainsi à Christ. (Rom. 10: 4 — Christ est la fin de la loi, pour la justification de tous ceux qui croient; Gal. 3: 24 — Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.)

Ajoutons qu'à ce rôle tout négatif ne se borne pas l'utilité de la loi; car toute l'économie qui s'y rattache, manifestation de la justice divine, tend à développer chez l'homme le sens de la justice, le sens moral, l'obligation, la conscience. C'est là, nous pouvons nous en apercevoir surtout quand il fait défaut et qu'il faut faire un sous-oeuvre laborieux pour le reconstituer après coup, c'est là, dis-je, un terrain solide pour l'édifice qu'élèvera la grâce. Sous ce rapport, nous ne pourrons jamais assez apprécier et utiliser l'Ancien Testament.

Mais les hommes qui n'ont reçu que cette forte éducation préparatoire de l'Ancienne Alliance ne pouvant être des hommes complets, ce serait être injuste de le leur demander. L'image de Dieu ne pouvait être entièrement restaurée dans leur âme. Jusqu'au jour de la Pentecôte, oeuvre de l'Esprit devait être limitée: limitée quant au nombre des personnes sur qui elle s'exerçait directement; limitée quant à sa durée; marquée, même chez les prophètes, par des intermittences qui expliquent, par exemple, que Jérémie ait pu se laisser aller à maudire le jour de sa naissance et à dire: «Que ne m'a-t-on tué dans le sein de ma mère!» (Jér. 20: 14-18 — Maudit soit le jour où je suis né! Que le jour où ma mère m’a enfanté Ne soit pas béni! Maudit soit l’homme qui porta cette nouvelle à mon père: Il t’est né un enfant mâle, Et qui le combla de joie! Que cet homme soit comme les villes Que l’Éternel a détruites sans miséricorde! Qu’il entende des gémissements le matin, Et des cris de guerre à midi! Que ne m’a-t-on fait mourir dans le sein de ma mère! Que ne m’a-t-elle servi de tombeau! Que n’est-elle restée éternellement enceinte! Pourquoi suis-je sorti du sein maternel Pour voir la souffrance et la douleur, Et pour consumer mes jours dans la honte?); limitée enfin quant à sa profondeur, sinon quant à son intensité.

Aussi la vie divine n'allait-elle pas, chez ces hommes, jusqu'à ce degré où elle déborde et se propage et se reproduit chez les autres. Grands pour glorifier les perfections augustes de Dieu et spécialement sa puissance, sa souveraineté et sa justice, les hommes de Dieu ne pouvaient pas régénérer les âmes comme le plus petit d'entre les chrétiens au jour de la Pentecôte. (Mat. II: 11 — Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui.) Ce que nous appelons l'amour des âmes leur était presque inconnu; l'esprit missionnaire n'était chez eux que très rare et très élémentaire; toutes ces vertus étaient autant de boutons appelés à s'épanouir en Christ. La joie du salut dont parle l'étonnant Psaume 51: 12 — O Dieu! crée en moi un coeur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé. Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton esprit saint. Rends-moi la joie de ton salut, Et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne!, le Psaume des plus extraordinaires contrastes, la joie du salut et l'esprit d'affranchissement subissaient chez eux des éclipses qui, chez nous, sont aussi anormales qu'elles leur étaient naturelles.

Tout était donc préparatoire, fragmentaire, incomplet chez ces hommes. Dieu ne voulait pas, nous dit l'épître aux Hébreux (Hébr. 10: 1 — En effet, la loi, qui possède une ombre des biens à venir, et non l’exacte représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu’on offre perpétuellement chaque année, amener les assistants à la perfection; 11: 40 — Dieu ayant en vue quelque chose de meilleur pour nous, afin qu’ils ne parvinssent pas sans nous à la perfection), qu'ils arrivassent à la perfection sans nous. Mais la main qui saisit toutes les grâces divines au fur et à mesure que Dieu les communique, cette main qui s'appelle la foi, oh! pour celle-là, ils l'avaient bien et aussi largement ouverte qu'il le fallait pour saisir ce que Dieu leur donnait! C'est par la foi qu'ils ont été des héros; et leur foi a inspiré le sublime chapitre 11e des Hébreux, ce chapitre qu'on peut appeler le tableau d'honneur de la foi. Et c'est parce que la condition humaine de tout le salut dans ses successifs développements était là, qu'en passant de ce monde dans l'autre ils ont pu être instantanément portés à la perfection —

(Or la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. Pour l’avoir possédée, les anciens ont obtenu un témoignage favorable. C’est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été formé par la parole de Dieu, en sorte que ce qu’on voit n’a pas été fait de choses visibles. C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn; c’est par elle qu’il fut déclaré juste... C’est par la foi qu’Enoch fut enlevé pour qu’il ne vît point la mort... C’est par la foi que Noé, divinement averti des choses qu’on ne voyait pas encore, et saisi d’une crainte respectueuse, construisit une arche pour sauver sa famille... C’est par la foi qu’Abraham, lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu’il devait recevoir en héritage, et qu’il partit sans savoir où il allait.....).

Mais reconnaissons que ces hommes, ici-bas forcément incomplets, n'en sont que plus étonnants pour notre faiblesse.

Oh! quels hommes que ces hommes! Et qu'eussent-ils donc été s'ils avaient possédé tout ce que le Seigneur dès lors nous a accordé!

Vous représentez-vous, par exemple, — mais non, ce n'est pas possible! — le livre des Psaumes quand David aurait pu chanter Bethléhem et le Calvaire, et le mont des Oliviers au jour de l'Ascension, et la chambre haute au jour de la Pentecôte?

Oh! quels privilèges que les nôtres, mon Dieu! et quelle joie et quelle gratitude, quelle consécration absolue et quelle sainteté doivent donc caractériser notre vie chrétienne! Quelle responsabilité, par conséquent, que la nôtre si de pareils privilèges viennent aboutir à des résultats spirituellement médiocres! Comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut (Hébr. 2: 3 — comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut, qui, annoncé d’abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu, Dieu appuyant leur témoignage par des signes, des prodiges, et divers miracles, et par les dons du Saint-Esprit distribués selon sa volonté), et quelles excuses allégueront-ils, ceux qui repoussent en fait les avances de la grâce prévenante?

Quoi, c'est en vue de notre âme que, dès le jour de la chute, le Seigneur a préparé l'oeuvre du salut à travers des obstacles qui auraient arrêté tout autre que lui? C'est en vue de notre âme que tant de souffrances ont été endurées sur notre terre, déjà bien avant Jésus-Christ, et comme préparation de son propre sacrifice? Et, lorsqu'enfin, à l'heure providentielle, le Seigneur peut nous apporter le fruit de tous ces sacrifices, nous hésiterions, nous mettrions en balance avec la grâce du Fils et les travaux du Père les sourires fallacieux de ce monde, quelques plaisirs équivoques, la perspective de gains tout matériels, notre volonté propre ou l'attrait d'un péché qui nous fait rougir?

Ne comprenons-nous pas qu'en face d'une aussi criminelle hésitation ce ne sera pas seulement la justice divine qui se dressera un jour contre nous, mais ces patriarches et ces prophètes, ces justes de l'Ancienne Alliance et ces martyrs qui auraient tant désiré voir ce que nous pouvons contempler, posséder pleinement tout ce qui nous est offert, et qui n'ont pu qu'espérer et croire à la promesse, avoir par la foi les avant-goûts de tant de biens, et saluer de loin ce pays de la nouvelle Alliance où nous tardons tant à entrer!

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