Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XI

LE SYNODE CONSTITUANT

(NOVEMBRE 1873 ET JANVIER 1874)

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L'Église réformée du canton de Neuchâtel, abstraction faite du culte allemand, comptait 36 paroisses, desservies par 43 pasteurs et 9 ministres auxiliaires. De ce nombre, 22 pasteurs et 5 ministres auxiliaires avaient démissionné, ainsi que les trois professeurs de théologie et la plupart des pasteurs en retraite. Dix-huit paroisses, déjà constituées, et deux, encore en formation, étaient représentées (la vingt et unième ne devait envoyer ses délégués qu'à la seconde séance), lorsque le synode constituant, convoqué par les soins du comité d'initiative, se rassembla le 3 novembre 1873, à Neuchâtel.

Après les temps douloureux que l'on venait de traverser, ce fut un vrai jour de fête. Pasteurs et laïques avaient été appelés à agir isolément, chacun dans sa localité, sans contact avec le dehors; maintenant, pour la première fois, tous se trouvaient réunis; les amertumes de la décision à prendre étaient passées: les regards, pleins d'espérance, se portaient vers l'avenir. Le besoin de solidarité s'était fortement développé: on se sentait membre d'une Église, et l'on s'étonnait de ce sentiment très nouveau: mais surtout on se savait libre, n'ayant d'autre chef que le Chef de l'Église.

Les membres du synode se rendirent, au son des cloches, dans la vieille collégiale, le berceau de toutes les Églises neuchâteloises. M. Robert-Tissot prononça un discours émouvant sur le texte du Psaume CXXVI, 5: «Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chants de triomphe.» On était à la veille du 4 novembre, le jour anniversaire de la réformation de 1530. L'orateur montra l'Église indépendante ressaisissant l'héritage de ses pères, que l'on avait tenté de lui ôter. Puis il invita les membres du synode à se lever pour répéter le serment que prêtèrent jadis les bourgeois, réunis dans ce même temple: «Nous voulons suivre la religion évangélique, nous et nos enfants, et nous voulons vivre et mourir en icelle.»

Après ce culte, dont tous les assistants ont gardé le souvenir, le synode entra en séance et ce fut de nouveau l'occasion d'impressions toutes nouvelles. Qui avait vu l'ancien synode siégeant au salon rouge du château, ne pouvait croire qu'il s'agit d'une assemblée du même genre. Plus de cent délégués remplissaient la chapelle des Bercles: car toutes les paroisses étaient représentées par leurs pasteurs et un nombre triple de laïques. La séance s'ouvrit par le chant d'un cantique: grande innovation! jamais, à Neuchâtel, on n'avait entendu chanter un synode. Et puis quelle liberté d'allure dans les discussions! C'est l'Église s'organisant elle-même et confessant joyeusement la foi; personne, certes, ne regrettait la tutelle de l'État. Les membres de l'ancien synode étaient les premiers frappés de cette transformation, qu'ils avaient puissamment contribué à réaliser, après l'avoir longtemps appelée de leurs vœux. Cinq d'entre eux faisaient partie du bureau: c'étaient MM. Cuche, président; E. Perret, vice-président: Robert-Tissot, secrétaire: Léopold Jacottet et H. de Meuron; à côté d'eux, le comité de l'Union évangélique était représenté par MM. F. Richard et J. Calame-Robert.

Le premier soin du synode fut de voter une Adresse à tous les membres de l'Église indépendante, pour leur annoncer qu'il était entré en fonctions et leur envoyer la salutation évangélique. (Voir le texte de cette adresse dans le Journal religieux, 1873, n° 46.) Puis il entendit avec émotion la lecture de nombreuses lettres d'Églises étrangères, qui avaient suivi, avec une sympathie dont on ne se doutait guère, les événements qui s'étaient déroulés dans le pays. Encore une impression bien nouvelle pour la plupart! On savait sans doute que les synodes suisses échangeaient leurs bulletins: mais jamais les membres de l'Église n'avaient entendu l'expression des vœux et de l'affection d'autres Églises, partageant leurs soucis et leurs joies. La première lettre reçue était celle de l'Église libre de Morges, puis ce fut le tour de la Conférence du Montbéliard, des Églises évangéliques libres de Neuchâtel, de l'Église libre du canton de Vaud, de l'Union des églises évangéliques de France, de l'Église libre d'Écosse et de l'Église de l'Unité des frères.

L'œuvre capitale du synode devait être d'élaborer une constitution. Il chargea une commission nombreuse de préparer un projet, qui lui serait soumis dans une prochaine séance. (Cette commission fut composée de MM. J. Cuche. Paul Jacottet, L. DuBois-DuRois. Arnold Guyot. F de Perregaux, Ch. Favarger, F. de Rougemont père. G. de Montmollin. Aug. Petitpierre, Ch. Chappuis, L.-A. de Dardel. Colin-Vaucher. E. Perret, F. Godet, P. Comtesse, L. Henriod. G. Borel et Ch. Monvert.) Le président de cette commission, M. L. Henriod, ainsi que son secrétaire, M. F. de Perregaux et M. F. Godet, professeur, furent invités à rédiger un avant-projet qui servit de base à la discussion.

La composition de cette sous-commission était un signe des temps et une preuve frappante de la grande évolution qui s'était opérée depuis vingt-cinq ans: deux anciens membres de la Vénérable Classe, après avoir fait partie du synode de l'Église nationale, étaient chargés d'élaborer la constitution d'une Église séparée de l'État!

La commission travailla avec ardeur et, au bout de deux mois, elle présenta au synode, réuni à cet effet le 12 janvier, son projet de constitution, accompagné d'un rapport de M. Henriod. La discussion dura trois jours: elle n'apporta pas de modifications sérieuses au projet de la commission, et la constitution, adoptée à l'unanimité par le synode, le 15 janvier, le fut également par les Églises, par 2059 voix sur 2064 votants.

Cette constitution est une œuvre simple et pratique, et, depuis qu'elle a été promulguée, personne n'a demandé qu'elle fût revisée.

«Nous n'avons pas prétendu, dit le rapporteur, donner à l'Église une constitution irréprochable en théorie, mais simplement recueillir l'héritage de l'ancienne Église, que nous désirons continuer dans tout ce qu'elle avait d'excellent, en développant son organisation, en vertu de cette pleine indépendance vis-à-vis de l'État qui a succédé à l'indépendance incomplète, quoique déjà remarquable et précieuse, dont a joui, dès les jours de Farel, l'Église de nos pères.»

Les deux premiers articles, dont l'un définit l'Église indépendante et l'autre formule sa foi, donnèrent plus à faire à la commission que tout le reste du projet.

Ce n'était pas en vertu d'une théorie sur la nature de l'Église et de ses rapports avec l'État, mais en suite d'un fait historique, que les diverses communautés indépendantes s'étaient formées, et c'est ce qu'exprime très bien l'article premier:

Les Églises qui, par suite de la promulgation de la loi du 20 mai 1873, se sont formées dans le canton de Neuchâtel pour maintenir, conformément aux principes de l'ancienne Église neuchâteloise, la souveraineté du Seigneur Jésus-Christ sur son Église et la prédication du pur Évangile, s'unissent par la présente constitution en un seul corps, sous le nom d'Église évangélique neuchâteloise, indépendante de l'État.

On remarquera que l'adjectif national a disparu du nom de l'Église; on avait reconnu qu'il prêtait à équivoque, mais on n'entendait pas pour cela renoncer au multitudinisme.

La constitution emploie indistinctement les mots d'Église et de paroisse pour désigner les communautés particulières: elle n'est pas congrégationaliste, en ce qu'elle attribue au pouvoir central, au synode, une autorité effective, mais elle laisse à chaque paroisse une grande liberté d'action.

On trouvera peut-être qu'en donnant comme raison d'être à l'Église indépendante un fait historique, tel que la promulgation d'une loi, on présente sa fondation comme un acte qui ne se justifie qu'à un moment donné. Mais la loi visée compromettait un principe essentiel et permanent, celui de la souveraineté de Christ sur l'Église. Et c'est ce principe qui légitime l'existence de l'Église indépendante, aussi longtemps que la dite loi accordera un droit égal aux doctrines chrétiennes et antichrétiennes; et, comme il n'est pas probable, ni même possible, que l'État légifère jamais dans un sens différent, il est probable aussi que cette légitimation aura une valeur permanente.

L'Église indépendante affirme enfin qu'elle continue la tradition de l'ancienne Église, en n'autorisant que la prédication du pur Évangile; toute l'histoire qui précède prouve, en effet, que l'unité de doctrine avait toujours, jusqu'alors, été défendue à Neuchâtel, sous tous les régimes et par toutes les autorités ecclésiastiques.

Mais il s'agissait, pour éviter des malentendus, de dire en quoi consistait ce pur Évangile: car on a vu plus haut que les libéraux entendaient aussi posséder l'Évangile de Jésus-Christ. La tâche de définir la foi est toujours délicate. On pouvait s'en tenir à la déclaration sommaire de l'ancien synode qui proclamait l'Écriture sainte comme règle de foi, et les formules des sacrements, ainsi que le symbole des apôtres, comme confession naturelle de cette foi. (Voir ci-dessus, p. 60.) On pouvait aussi élaborer un exposé plus ou moins étendu de la doctrine chrétienne.

«Il ne nous a pas paru, dit le rapporteur, que notre Église pût, dans un acte aussi considérable qu'une constitution nouvelle, se borner à la formule laconique du synode de 1852; tout au moins fallait-il expliquer dans quel sens les sacrements sont notre confession de foi, et il n'était guère possible de faire du symbole des apôtres l'expression adéquate de la foi de l'Église. Nous avons donc essayé de formuler brièvement et, en quelque sorte, complètement, les grands points de la vérité chrétienne; mais, malgré nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à éviter totalement le langage théologique, qui donne inévitablement un caractère doctrinal à une confession de foi et qui prête aux reproches souvent fondés que l'on peut faire à une doctrine se présentant comme seule orthodoxe. La majorité de la commission a fini par adopter une forme intermédiaire. L'article 2, tel que nous vous le proposons, rattache la foi de notre Église à celle des apôtres et des réformateurs; il reconnaît comme unique règle de notre foi la sainte Écriture: il fait ensuite mention du symbole des apôtres, mais d'une manière indirecte, et en insistant plus sur les faits du salut résumés dans ce symbole, que sur les termes de ce document. Puis il résume en quelques mots ce qui est pour nous le centre de la foi évangélique. Et, après avoir ainsi exprimé les grandes vérités, concentrées, par la parole du Seigneur lui-même, dans l'institution des deux sacrements, nous rappelons ces deux actes, qui sont comme la confession de foi permanente de ceux qui y participent.»

La commission, on le voit, avait été fidèle à l'ancienne tradition de l'Église neuchâteloise, qui n'avait jamais voulu exiger de ses membres l'adhésion à une formule dogmatique détaillée, pas même à la confession helvétique. L'article, tel qu'il fut adopté, est ainsi conçu:

Fidèle à la sainte vérité que les apôtres ont prêchée et que les réformateurs ont remise en lumière, l'Église évangélique neuchâteloise reconnaît comme source et unique règle de sa foi les saintes Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament; elle proclame, avec toute l'Église chrétienne, les grands faits du salut, résumés dans le symbole appelé symbole des apôtres; elle croit en Dieu le Père, qui nous a sauvés par la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ, son Fils unique, notre seul Seigneur, et qui nous régénère par le Saint-Esprit; et elle confesse cette foi en célébrant, selon l'institution du Seigneur, les sacrements du baptême et de la sainte Cène.

Après avoir défini, d'une manière aussi nette que sobre, la foi de l'Église, la constitution devait dire à quelles conditions on devient membre de l'Église. C'était un point capital, puisque le premier défaut de toute loi ecclésiastique élaborée par un corps politique, c'est d'identifier le membre de l'Église avec le citoyen. Mais, si l'on n'entre pas dans l'Église indépendante par droit de naissance, mais par un acte d'adhésion personnelle, les conditions posées pourraient être plus ou moins larges; elles pourraient avoir un caractère séparatiste ou multitudiniste. La commission se prononça dans ce dernier sens:

«En réponse à l'accusation qui tendrait à représenter notre Église comme ayant des prétentions à être une Église de convertis, l'article 3 atteste le caractère franchement multitudiniste de cette Église et justifie le nom d'Église neuchâteloise qu'elle conserve en même temps que celui d'Église évangélique et d'Église indépendante de l’État. Elle est nationale par son but, si ce n'est pas sa prétention de contenir dans son sein la totalité ou la grande partie de la nation.»

Sont membres de l'Église évangélique neuchâteloise indépendante de l'État, tous ceux qui, ayant été baptisés et admis à la sainte Cène, ont témoigné le désir d'en faire partie et adhèrent à sa constitution.

Cette Église travaille au bien du peuple tout entier.

Son culte est public et l'accès de la Cène y est ouvert aux personnes des autres Églises, sous leur propre responsabilité.

Cette largeur dans les conditions d'admission n'était point favorable à l'introduction d'une discipline plus ou moins sévère. La constitution ne confère point, en effet, aux conseils d'Église, ni aux assemblées de paroisse, le droit de refuser d'admettre un

membre nouveau ou d'exclure celui qui se rendrait indigne. Voici en quels termes s'exprime le rapporteur sur cette question épineuse:

«Il peut sembler que notre projet présente une lacune, en ne parlant pas plus directement de ce qui concerne la discipline. Mais ce n'est pas sans y avoir réfléchi et sans motifs sérieux que nous avons écarté cette question. La discipline dans l'Église est avant tout, à nos yeux, un acte individuel et pastoral, tous les chrétiens étant appelés à s'affliger des scandales, à reprendre, à corriger ceux qui pèchent, à prier surtout, pour demander à Dieu lui-même d'écarter ceux qui troubleraient l'Église, et les pasteurs étant tout spécialement chargés de remplir ce devoir. Rien n'est plus difficile et plus délicat, en échange, que de réglementer ces choses ou de les confier à des corps disciplinaires, surtout dans une Église qui tient à demeurer multitudiniste; et c'est la raison qui nous a engagés à ne pas aborder ce terrain difficile, l'essentiel étant, nous semble-t-il, de mettre l'Église en mesure d'agir disciplinairement, s'il en est besoin, sur les ministres et les pasteurs, comme notre projet en offre le moyen.» L'art. 14 de la constitution confère, en effet, au synode les attributions suivantes:

Il exerce une haute surveillance sur les Églises et sur les fonctionnaires ecclésiastiques et prend à leur égard les mesures qui peuvent devenir nécessaires. Il peut faire procéder à des visites d'Église.

Il a le droit de censure, de suspension et de révocation à l'égard des ecclésiastiques qui seraient infidèles à leurs engagements.

Les trois premiers articles de la constitution sont la base sur laquelle tous les autres reposent; ils affirment les principes qui ont amené la fondation de l'Église indépendante, parce qu'ils étaient méconnus par la loi ecclésiastique. Ces principes sont:

le droit de l'Église de confesser sa foi.

l'obligation pour le pasteur de s'y conformer,

et la nécessité d'un acte d'adhésion personnelle pour faire partie de cette Église.

La loi ecclésiastique statuait au contraire:

la liberté de toutes les opinions religieuses dans le sein de l'Église,

la liberté absolue d'enseignement du pasteur,

et l'identité du citoyen et du membre de l'Église.

Ces principes une fois posés, il suffira d'indiquer les traits principaux de l'organisation de l'Église, sans entrer dans le détail.

La constitution reconnaît comme autorités ecclésiastiques:

l'assemblée paroissiale, composée de tous les hommes inscrits comme membres d'une Église locale:

le collège des anciens et le conseil d'Église, élus par l'assemblée paroissiale et dont le pasteur fait partie de droit;

le synode, composé de tous les pasteurs et d'un nombre triple de laïques, ainsi que des professeurs de théologie.

L'assemblée paroissiale est souveraine, dans les limites de la constitution et sous réserve de l'autorité du synode; elle délibère sur tous les intérêts de la paroisse. La constitution de l'Église libre du canton de Vaud, qui a fourni tant de précieux éléments à celle de Neuchâtel, accentue au contraire, ou du moins accentuait alors beaucoup plus fortement, l'autorité du conseil d'Église, auquel l'assemblée de paroisse ne peut que présenter des vœux. L'Église indépendante est plus démocratique: les membres de l'Église, réunis en assemblée, discutent le rapport annuel du conseil et se prononcent sur son adoption; ils ont le droit de casser ses décisions; et ce sont eux qui nomment les pasteurs, en les choisissant parmi ceux qui ont été consacrés ou agrégés par le synode, le conseil n'ayant qu'un droit de présentation.

La commission ne jugea pas à propos de fixer un âge minimum pour l'exercice des droits électoraux; elle estima qu'il y avait tout avantage à ce que la coopération active à la vie ecclésiastique commençât avec le moment où le cœur a reçu les fraîches et vives impressions du catéchuménat.

«Nous n'avons rien dit, ajoute le rapporteur, de la part que pourraient prendre les femmes aux assemblées de la paroisse, non pas que nous doutions de l'intérêt qu'elles peuvent y porter, mais parce qu'il nous semble qu'il leur convient mieux, d'après l'Évangile, d'agir sur l'Église par la prière et par une influence indirecte, qu'en ayant voix délibérative dans une assemblée.»

Le collège des anciens n'a pas seulement à s'occuper du service de la table sainte et de la répartition des aumônes. «L'ancien a des fonctions spirituelles: il a sa part dans le pastorat, soit en jouant un rôle actif dans le culte, soit en s'intéressant à l'instruction religieuse des enfants, soit en assistant les pauvres et en visitant les malades.» Les fonctions administratives proprement dites sont confiées à un conseil d'Église, qui peut, suivant les circonstances locales, ne former qu'un seul et même corps avec le collège des anciens ou être composé de ce conseil et d'un certain nombre de membres qui ne sont pas anciens, mais qui sont, eux aussi, élus par l'assemblée de paroisse.

Le synode enfin prend les mesures réclamées par l'intérêt général de l'Église. Si la commission maintint la proportion de trois délégués laïques pour un ecclésiastique, déjà adoptée pour le synode constituant, «c'est qu'elle tenait à assurer à l'élément laïque une certaine prépondérance et qu'elle entendait intéresser aux affaires d'Église autant de personnes que possible.»

Dans l'intervalle des sessions, le synode exerce son autorité par ses commissions permanentes, commission synodale, commission des études et commission des finances.

Un dernier trait à relever dans cette constitution, c'est l'importance qu'elle donne au ministère évangélique; «elle ne l'envisage point comme une émanation de l'Église ou comme une simple fonction que remplissent certains membres de l'Église, mais comme une institution du Seigneur lui-même et qui réclame une vocation spéciale.» L'Église neuchâteloise a toujours fortement accentué la notion du ministère: l'Église indépendante n'a fait que continuer cette tradition: les consécrations ont lieu d'après le même rite que du temps de la Vénérable Classe, sauf que la cérémonie est publique; elle est accordée aux candidats à l’issue de leurs études, même s'ils n'ont pas immédiatement de poste à occuper; elle constitue ainsi un ordre, une sorte de caste, indépendamment des fonctions que le ministre peut avoir à remplir dans l'Église. Le synode comprenait le ministère de la même manière et il refusa même plus tard d'admettre comme député laïque d'une paroisse un ecclésiastique qui n'exerçait plus de fonctions. Dans l'Église libre vaudoise, le pasteur est beaucoup plus rapproché de l'ancien, et, par là même, la charge d'ancien prend une importance qu'elle n'a pas au même degré, en pratique du moins, dans l'Église indépendante.

La constitution institua une faculté de théologie. (Nous rappelons ici l'intéressante brochure de M. F. Godet: Trois dates dans nos annales ecclésiastiques, 1838-1848-1873, Neuchâtel, 1874. L'auteur fait l'historique des relations de L'Église avec sa faculté de théologie.) Plusieurs paroisses l'avaient réclamé dès le jour de leur fondation; c'est un fait intéressant à noter que ce zèle dont firent preuve même de simples Églises de campagne, pour rétablir immédiatement les études théologiques: elles ne craignirent pas de s'imposer des sacrifices pour assurer la continuité d'un ministère évangélique qui demeurât au service de l'Église.

Pendant que la sous-commission de trois membres rédigeait l’avant-projet de constitution, les députés laïques de Neuchâtel préparaient des statuts financiers qui ne furent pas joints à la constitution, mais qui furent cependant adoptés par le synode constituant. D'après ces statuts, une caisse centrale, alimentée par les subventions volontaires des paroisses, pourvoit au traitement des pasteurs et des professeurs de théologie; le traitement minimum des pasteurs est fixé uniformément à 2500 fr., avec une augmentation de 300 fr., après six ans de service, et une indemnité de logement de 400 fr. Les paroisses demeurent chargées de leurs dépenses locales et du complément éventuel des frais de logement du pasteur. La caisse centrale est administrée par la commission des finances, composée de cinq membres laïques. Sans que les statuts financiers le prescrivent, les dons pour la caisse centrale ont toujours été recueillis dans les sachets tenus à la porte des temples et ils sont ainsi absolument anonymes. L'Église s'est interdit de capitaliser, elle veut ne dépendre que de la libéralité de ses membres et de la grâce de Dieu.

(Comme nous n'avons pas à raconter l'histoire de l'Église indépendante depuis 1873, nous nous bornons à mentionner, au commencement du chapitre suivant, les deux Églises qui se sont jointes, depuis cette date, à celles représentées au synode constituant.

M. Gustave Rosselet, pasteur à Cortaillod, après avoir fait partie du synode national, fut froissé de certaines conséquences de la loi, qu'il n'avait pas prévues Quelque temps après, il donna sa démission; il se rapprocha de l'Église indépendante et réunit des adhérents, disséminés dans les villages des alentours. Ce fut l’origine de l'Église indépendante de Bôle-Colombier et annexes.

Quant à Motier-Vully, une minorité évangélique y organisa des cultes libres pendant le ministère libéral de M. Chavannes. Plus tard, en 1890, elle se constitua définitivement; elle appela pour la diriger un jeune pasteur neuchâtelois, M. Paul Perret, et, le 13 mars 1894, elle fut admise, par le synode, dans l'Église indépendante neuchâteloise.)



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