Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TRAITÉ DES AFFLICTIONS ET PERSÉCUTIONS

QUI ARRIVENT ORDINAIREMENT AUX FIDÈLES.

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CHAPITRE PREMIER.

Les afflictions sont inévitables aux Fidèles.

Nous fuyons et nous reculons toujours devant les afflictions, et il y en a qui ne cherche qu'à trouver quelque moyen pour s'en exempter. Plusieurs pensent qu'ils pourront se sauver en dissimulant leur foi, les autres en se cachant, les autres en fuyant les lieux où les tyrans règnent et dominent. D'autres se fient dans leur grandeur et le crédit qu'ils ont à cause de leurs maisons, ou de leurs parents, ou des services qu'ils ont rendus; à leur avis, toutes ces choses doivent être respectées et prises en compte pour leur éviter d'être assaillis et offensés par ceux qui les haïssent à cause de leur foi. Bref, il y a celui qui espère trouver quelque trappe ou porte de derrière pour échapper si d’aventure il était cherché et poursuivi.

En pensant ainsi, il y a peu de personnes qui se préparent et qui prennent le temps pour les choses qui leur seraient utiles pour supporter la honte et les ennuis d'une longue prison ou les tourments et les douleurs de quelque cruelle mort, s'il plaisait à Dieu de les y destiner afin de se servir d'eux, par ce moyen, à glorifier son saint Nom.

Mais tout cela ne sont que vaines espérances, qui, en flattant notre désir, nous aveuglent, et nous abusent et sont la cause que nous restons nonchalants et qu'à tout moment nous nous trouvons dépourvus de ce qui serait nécessaire pour répondre et résister à nos ennemis. Nous nous tenons, sans y penser, comme des prisonniers liés et garrottés dans leurs mains, et quand nous serons interrogés, nous n'aurons aucune parole pour nous défendre.

Il faut donc, pour s’opposer à cet inconvénient, que nous prenions fassions nôtre cette conclusion en notre esprit, c'est que:

2. Tim. 3. 12; tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés.

Les persécutions sont inévitables pour tous ceux qui veulent suivre droitement Jésus Christ, et faire une vraie profession de son Évangile:

Rom. 8. 28, Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein.

Dieu le père a ordonné que pour participer à la gloire de son Fils, nous lui serons premièrement fait conforme à sa mort et à sa passion:

Actes 14. 22, les exhortant à persévérer dans la foi, et disant que c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu.

Que c'est par plusieurs tribulations que nous entrerons dans son Royaume et que, pour y parvenir, nous passerons par la voie étroite et difficile.

Matthieu 7. 14, étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent.

Que pour être disciples et écoliers de Jésus Christ, il nous faut prendre notre croix sur nos épaules pour le suivre:

Luc 14. 27, quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple.

Que si nous sommes les enfants, il nous convient d'avoir part à la discipline qui est commune à tous ceux qui sont de sa maison:

Hébreux 12. 7, Supportez le châtiment: c’est comme des fils que Dieu vous traite; car quel est le fils qu’un père ne châtie pas?

Qu'en ce monde nous serons et ne vivrons toujours que comme des brebis au milieu les loups:

Matthieu 10. 16, Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups.

Il faudrait encore que, dans notre nature, il n'y eût plus de vice et que notre chair ne produise plus ses œuvres (par lesquelles en provoquant sans cesse la colère de Dieu, elle ensemence la terre de persécutions et de bien d'autres maux) si nous en voulions entièrement être délivré. Car tandis qu'elle vivra, et se renouvellera en nous, comme elle le fait, Dieu ne cessera point de nous susciter des tyrans, et d'envoyer d'autres persécutions pour la mortifier.

Il faudrait qu'il n'y eût plus de diables et que la paix fût faite entre la semence de la femme et celle du serpent si nous voulions vivre en sûreté.

Il faudrait qu'en ce monde il n'y eût plus d'orages, de vents, de vagues, ni de tempêtes et que l'Église, qui est comme une petite barque flottante au milieu, n'y soit plus sujette si nous voulions qu'elle n'en fût plus agitée.

Bref il ne faudrait:

ni espérer, ni désirer le ciel et la couronne,

si nous ne voulons pas ici-bas batailler;

ni la joie et repos

si nous refusions, dans ce monde, les ennuis et le travail:

ni que la vie du Fils de Dieu se manifeste en nous,

si nous fuyons afin de ne pas porter la mortification dans notre corps:

2 Timothée 4. 7, J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi.

2 Corinthiens 4, 10, portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps.

Que cela soit donc résolu pour tout homme Chrétien: il ne peut pas vivre sans ennuis et sans persécutions dans ce monde, pas plus que le monde ne peut être sans haine et le diable sans envie, et que les grands puissent être exemptés plus que les petits:

Genèse 3. 15, Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

C'est l'une des choses qui est commune entre tous les saints et tous les membres de l'Église que sont la foi, le Baptême, et l'adoption.

Moïse, quoiqu'il fût fils adoptif de la Reine présomptueuse d'Égypte, n'était pourtant pas hors du danger de la mort s'il n'eût fui:

Exode 2. 15, Pharaon apprit ce qui s’était passé, et il cherchait à faire mourir Moïse.

Il en fut de même David, bien qu'il fût gendre du Roi et que par ses mains Dieu eût souvent sauvé Israël tant de la main des Philistins, que de ses autres ennemis:

1 Samuel 19. 10, Saül voulut le frapper avec sa lance contre la paroi. Mais David se détourna de lui, et Saül frappa de sa lance la paroi. David prit la fuite et s’échappa pendant la nuit.

Ésaïe et Daniel étaient de sang royal, toutefois cela n'empêcha point que l'un ne fût cruellement scié après avoir prêché soixante ans et que l'autre, quoiqu'il gouvernât tout l'empire des Babyloniens et qu'il tînt la première place auprès de son Prince n'en fût pas moins jeté dans la fosse des lions:

Daniel 6. 16, Alors le roi donna l’ordre qu’on amenât Daniel, et qu’on le jetât dans la fosse aux lions.

Au temps de la grande persécution, qui sous l'Empire de Dioclétien fut ébranlé par tout le monde, les premiers qui furent pris et sacrifié à Dieu, furent le prévôt de Nicomédie et les principaux favoris de sa cour. Chacun sait comment, dans notre temps les deux plus nobles Princes (Il s'agit de l'électeur de Saxe et du landgrave de Hesse-Cassel, faits prisonniers par Charles-Quint, à la bataille de Muhlberg, en 1547.) qui fussent en Allemagne ont, malgré les grandes forces et les moyens qu'ils avaient pour résister à leurs ennemis, été faits prisonniers par l'Empereur, qui les a tenus captifs cinq ou six ans dans une grande calamité.

Il est aussi arrivé en Angleterre, que les plus grands seigneurs, et même une princesse, qui par l'autorité du conseil et le consentement du peuple, la volonté et les ordonnances du dernier Roi Édouard, avait été proclamée, et couronnée Reine du pays, ont été exécutés cruellement à mort (Jeanne Grey, proclamée reine d'Angleterre à la mort d'Édouard VI, et décapitée en 1554).

Et que, peu après, les plus apparents évêques qui fussent dans tout le Royaume (entre autres le Primat (Thomas Cranmer, évêque de Cantorbéry, brûlé en 1556.) qui du temps du feu Roi Henri avait toujours été employé dans les affaires d'État) ont été honteusement traînés sur des claies au gibet avec dix mille outrages et insolences qu'on leur faisait par le commandement ou, pour le moins, par la dissimulation de la Reine Marie et de ses officiers.

À noter que toutes ces grandes afflictions leur arrivèrent au plus heureux temps qu'ils eussent pu désirer puisque tout le monde pensait que c'était que ce pays était la retraite la meilleure et la plus sûre qui fût dans toute l'Europe pour tous ceux qui voulaient servir à Dieu avec pureté.

Cela montre bien que nous ne saurions fuir les jugements, et qu'il n'y a aucun lieu, aucun pays, aucune force ni aucune puissance, qui nous sauve de ses mains, et qui l'empêche que, par ses officiers, il ne nous corrige, nous face fouetter, quand, et autant que bon lui semble.

Ainsi soit donc Dieu ne promet pas à ses enfants autre chose dans ce monde que tourments et ennuis! Les persécutions sont inévitables pour les causes mentionnées ci-dessus!

Il faut que tous, de quelque état, âge, sexe, condition ou qualité qu'ils soient, s'y préparent de bonne heure et que durant l’été et le beau temps ils ne s'endorment pas, telle la fourmi, mais travaillent, et fassent une bonne provision de toutes les choses qui leur sont nécessaires pour passer l'hiver et les froidures, afin qu'ils ne s'étonnent point quand elles viendront, comme le sont ordinairement ceux qui se trouvent surprit et que les ennemis assiègent avant qu'ils aient prévu leur venue.



Chap. II.

Quelles choses le fidèle doit-il considérer pour supporter patiemment la persécution?

Si les persécutions sont nécessaires et inévitables pour les fidèles, et qu'il leur faut passer par ce chemin étroit, ils doivent regarder comment ils pourront les rendre moins difficiles et mal aisées à supporter en suivant la façon de ceux à qui les médecins ordonnent une purgation de pilules, qui, pour ne pas en sentir toute l'amertume, ont pris l'habitude de les dorer, ou de les tremper dans du sirop, afin qu'étant ainsi couvertes et adoucies, ils n'aient point tant d'horreur pour les prendre, ni tant de peine pour les avaler.

Aussi nous faut-il concevoir et arrêter fermement dans notre esprit certaines sentences touchant les persécutions qui nous effraient afin de les paraître toutes autres que nous ne les appréhendons.

Ce qui nous fait ainsi les craindre et les fuir c'est que nous les imaginons, toujours dans nos esprits, comme des choses horribles et épouvantables. C'est pour cette raison que nous ne voulons nullement pas les goûter pensant que nous avons-là les drogues les plus amères du monde.

Or ce qui nous fait tomber et demeurer dans cette erreur est que nous en jugeons (comme presque de toutes autres choses) par le sens et l'avis de notre chair et non par la parole de Dieu qui devrait être la règle et la balance de toutes les fantaisies et les idées que nous prenons et mettons dans nos esprits.

Si nous voulons croire ce que les Prophètes et les Apôtres, inspirés de Dieu, ont prêché dans leur temps et laissé par écrit pour la postérité touchant les persécutions, nous les estimerons certainement honorables pour ceux qui veulent les porter patiemment.

S. Pierre dit: «Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous.» (1 Pierre 5, 14)

Et S. Paul parlant de lui et de ses compagnons: «nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance» Rom. 5, 3

Gal. 6. 14. Et ailleurs: «Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde!» Gal. 6, 14.

Ces passages, avec plusieurs autres, déclarent combien l'homme chrétien se doit d'être estimé et honoré de Dieu quand il lui accorde la grâce de souffrir pour son Nom et la défense de sa Parole.

En guerre la plus grande honte que nous puissions encourir, c'est d'abandonner l'étendard de notre Roi qui marche devant toutes ses troupes, pour aller contre ses ennemis! Pensons à l'honneur que cela peut être pour ceux qui le suivent de près! Selon que nous sommes proches ou éloignés de sa personne en combattant, nous sommes aussi dignes d'une louange plus ou moins grande.

Si c'est un honneur pour un capitaine d'abandonner sa vie plutôt que de violer la parole donnée à son Prince: ainsi en est-il aussi pour un chrétien de garder jusqu'à la fin celle qu'il a jurée à Jésus Christ, et de mourir plutôt que de revenir sur son engagement.

Anciennement il n'y avait un acte de vertu qu'on estimât digne des plus grandes louanges que la bienveillance et la force de ceux qui se présentaient courageusement à la mort pour défendre les droits et la liberté de leur patrie. Et il n'y a point de doute que de là ne soit extraite la noblesse des maisons, et que ce qui les a élevées par-dessus les autres n'ait été la générosité des ancêtres qui avaient cette liberté plus chère de tenir plus à leur parole qu'à leur bien, leur aise et leur propre vie.

À plus forte raison, un homme peut-il être anobli par le zèle qu'il a à maintenir la liberté de l'Église qui est sa patrie où il a été engendré et nourri, alors que cette liberté n'est point dissolue ni débauchée, comme sont ordinairement toutes les autres, mais grave, sévère et mère de toute honnêteté.

Les mêmes anciens (je les cite volontiers, parce que nous n'avons point de meilleurs exemples que ceux qu'ils nous ont proposés au travers de leur vie) estimaient un homme qui avait empêché ou défait une tyrannie, non seulement d'être digne, mais aussi supérieur à toutes les louanges qu'on aurait pu lui donner, surtout si la tyrannie était forte et bien fondée.

Est-il donc possible qu'on puisse suffisamment louer ceux qui n'épargnent ni bien, ni labeur, ni vie, ni chose généralement qui soit en leur mains, que tout ne soit entièrement et joyeusement exposé pour ruiner et abattre la tyrannie du diable et de l'Antéchrist?

Une tyrannie qui est la plus cruelle, la plus inique et la plus insupportable qui ait jamais existé, et qui, comme les autres, ne se contente pas d'ôter et de ruiner les biens, mais détruit la vie des corps et le salut des âmes.

Quelle est, je vous supplie, cette gloire dont l'espérance réjouit et console ainsi S. Paul?

Quelle est celle que Jésus Christ a acquise par sa mort, et dont il est maintenant environné au Royaume de son Père?

Quelle est finalement celle qui a été promise aux élus, pour récompense et salaire de leur service et de la foi qu'ils auront ici eue dans les promesses de Dieu, si ce n'est celle-ci?

Quelle gloire attribuons-nous aux Martyrs?

La principale, n'est-ce pas que par la patience et la confession de leur foi, ils ont vaincu le monde et leur propre chair, ce qui est loin d'être une petite et légère victoire?

Si Alexandre pour avoir vaincu Darius, si Marius pour avoir défait les Cimbres, si Scipion pour avoir déconfit Hannibal et les Carthaginois, et Jules César pour avoir subjugué les Gaules et gagné la bataille contre Pompée: si d'autres pour avoir défait et mis à mort quelque nombre d'hommes mortels comme eux ont acquis tant et de si grandes louanges:

combien doivent être estimé, en comparaison d'eux, ceux qui ont bien combattu, non seulement contre les menaces, les horreurs, les flèches, les feux et flammes de la mort, mais qui l'ont elle-même abattue et jetée par terre, et lui ont après marché sur le ventre, suivant les pas et trace de leur capitaine?

On admire les forces de Samson et de Schamgar:

Il y eut Schamgar, fils d’Anath. Il battit six cents hommes des Philistins avec un aiguillon à boeufs. Juges 3, 31

Samson trouva une mâchoire d’âne fraîche, il étendit sa main pour la prendre, et il en tua mille hommes. Juges 15, 15

Mais leur force n'était point autant admirable que celle des fidèles, qui, seulement avec la parole, chassent et surmontent les diables avec toute leur armée.

Tertullien raconte qu'il n'y a point de plus bel ordre de chevalerie, ni de plus beaux colliers que les chaînes, dont sont attachés les Martyrs de Jésus Christ et qu'il n'y a point de plus précieux bracelets que font les menottes dont on les lie et enserre les mains. Il est raconté, dans l'histoire Ecclésiastique, qu'un bon père (Ce fut Babyla, évêque d'Antioche, du temps de l'Empereur Décius, environ l'an 250.) qui, étant misérablement détenu dans une sale et vilaine prison pour le Nom de Jésus Christ, ordonna à ses amis qui venaient quelquefois le visiter, qu'après son trépas ils enterrassent avec lui ses ornements et les objets de sa prouesse, entendant par cela les fers qu'il avait aux pieds et aux mains.

C'est ainsi qu'il nous enseigne que quand il plaît à Dieu de nous accorder ces marques, ce faisant il nous fait chevaliers de son ordre, nous ne devons pas moins estimer cet honneur comme un gentilhomme à celui que le Roi lui fait quand, pour récompense de ses services et des mérites de sa vertu, il lui donne le sien, et non nous plaire et nous pavaner avec ces ornements comme le fait une femme quand elle se voit bien accoutrée, et que de tous côtés elle reluit en or, en perles et en pierreries.

Si ce que dit Cicéron est vrai, qu'il n'y a point de vertu qui face mieux connaître et renommer les hommes que la magnanimité, il faut conclure par là qu'il n'y a personne plus à louer ou à estimer que le fidèle qui recherche, n'aime, n'estime, n'admire que ce qui est honnête et bien séant, et ne recherche d'autres biens que ceux qu'il connaît être certains et qu'il s'attend à posséder dans le Royaume de Dieu.

C'est pour cette raison qu'il et ne tient aucun compte de sa fortune, ni de toutes les faveurs ou défaveurs; mais, comme d'un grand cœur il méprise les unes quand elles lui sourient, et ne s'étonne point des autres quand elles lui tournent le visage, sachant bien que tout ce qui est en ce monde n'est que vanité, et qu'il n'y a rien qui ne soit muable et changeant avec les siècles et les saisons.

On raconte encore, dans l'histoire Ecclésiastique, qu'une personne à qui on avait crevé un œil, durant les grandes persécutions de Maximin, ne paraissait jamais devant Constantin le grand sans que ce bon Empereur ne s'approchât immédiatement de lui pour baiser cet œil malgré que ce fut une partie fort difforme et hideuse, montrant par cette façon de se conduire qu'il n'y a rien en nous de si louable et de si glorieux que la croix de Jésus Christ et ses marques quand nous les portons en notre corps.

Si un homme a fait un acte de prudence, de justice, de tempérance ou de quelque autre vertu, nous le louons.

Combien donc doit être plus excellente la vertu qui nous approche plus près de Dieu, soit la foi en faisant, devant les hommes, une vraie et entière confession de ce qu'il croit.

Son zèle et la piété étant placés devant toutes autres choses afin que la gloire de Dieu soit toujours relevée alors qu'elle est maintenant abattue et altérée dans plusieurs endroits...

Si c'est une chose précieuse et honorable qu'une bonne et sainte vie, à combien plus forte raison nous devons estimé une mort chrétienne et courageuse comme celle de tous ces martyrs qui souffrent si joyeusement la persécution pour le Nom de Dieu, car alors même que la vie de Jésus Christ ait été très sainte et très parfaite, et qu'au jugement même de Dieu son Père, il n'y eût rien à désirer; toutefois ce n'est pas à elle, mais à la mort, à qui le S. Esprit fait cet honneur (Phil. 2. 8: il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix) en disant que, par elle, il est entré dans sa gloire et qu'il a acquis un nom au-dessus tout autre nom, c'est à dire une puissance et une autorité si grande et redoutable, qu'il n'y a maintenant aucun genou au ciel, sur la terre, ni dans les enfers, qui ne fléchisse devant lui.

Si l'honneur et la gloire de Dieu doivent être préféré à toutes choses et même à notre propre salut, et la mort que Jésus Christ a soufferte pour nous sauver lui a été plus honorable que tout autre chose qu'il eût jamais été fait; alors..., que doit-on penser de celle que nous souffrons pour son honneur, pour sa parole, et pour maintenir la vérité et le service de Dieu dans leur entier?

La plus grande et honorable chose que fit jamais Abraham, et par laquelle il a montré avoir une plus grande crainte de Dieu, et par conséquent acquis plus de louange, fut quand, pour obéir au commandement de Dieu, il fut aussitôt prêt à tuer et à sacrifier son propre fils (Gen. 22. 3: Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l’holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit.).

Je demande, attendu que notre vie nous est toujours plus chère et précieuse que n'est celle d'autrui, si les martyrs qui, pour l'honneur de Dieu, sont si prodigues de leur sang, ne sont pas dignes de plus grande ou pour le moins semblables louanges?

Quand les deux enfants de Zébédée (Matt. 20, 20: Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils, et se prosterna, pour lui faire une demande; Marc 10, 35: Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, s’approchèrent de Jésus, et lui dirent: Maître, nous voudrions que tu fisses pour nous ce que nous te demanderons.) allèrent avec leur mère requérir Jésus-Christ, qu'étant une fois dans son royaume il les il plaçât, l'un à la droite et l'autre à sa gauche, il leur demanda alors s'ils pourraient boire son calice: comme si par cela il eut voulu donner à entendre que c'était le moyen pour parvenir à l'honneur qu'ils prétendaient.

Anciennement les grands Capitaines estimaient tant l'honneur de triomphe, qu'ils ne demandaient d'autre récompense de tous leurs labeurs et des dangers où ils s'étaient mis pour la patrie, que celui d'être menés comme triomphateurs à la vue de tout le peuple Romain, au Capitole, accompagnés de leurs ennemis qui suivaient leur chariot comme de pauvres esclaves.

Quel honneur donc l'homme fidèle doit-il estimé que Dieu lui fait, quand, après la bataille et la victoire qu'il a obtenue contre ses ennemis, il le reçoit dans son royaume, menant en triomphe devant lui le monde, la mort, le diable, le mensonge et les erreurs comme des captifs, et, qui plus est, les tenant comme esclaves au-dessous de ses pieds?

On dit de Thémistocles qu'avoir vaincu et chassé les Perse de la Grèce, comme il entrait une fois au théâtre d'Athènes, il vit le peuple détourner les yeux des loueurs et les jeter sur lui avec une grande admiration de sa vertu, comme on pouvait l'apercevoir et le juger par leur façon de faire, il dit alors à ses amis qu'il avait à cette heure-là reçu le loyer et le salaire de tous ses labeurs.

Or, si ce grand personnage estimait tant un honneur si vain, comme celui d'un peuple fort léger et inconstant, combien devons-nous priser celui que Dieu nous a promis, si nous bataillons virilement, et que nous espérons recevoir à l'entrée de son Royaume où il nous recueillera en grand fête avec la cour de tous ses Anges, comme de preux, et de vaillants combattants. Les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs et généralement tous les esprits bienheureux nous regarderons; ne s'émerveilleront-ils pas de notre vaillance?

Perse (dans sa première satyre) dit que c'est une belle et honorable chose que d'être montré avec le doigt, et qu'un chacun nous regardant dise: C'est celui-là!

C'est cet honneur qui sera fait aux enfants de Dieu, même par leurs ennemis qui les contemplant au Royaume de Dieu après leur victoire et le grand honneur qui leur sera fait par ses créatures, diront tout haut avec un mortel regret: Ce sont ceux-là desquels nous nous sommes quelquefois moqués, et que nous réputions comme insensés, et toutefois voyez la part qu'ils ont de l'héritage, dans la gloire, et au repos du Seigneur!

Plutarque raconte de Theseus , que son aïeul Pitheus voulant le persuader d'aller par mer vers son père Aegeus qui se tenait à Athènes, pour éviter les dangers des brigands qui tenaient les chemins assiégés par où il fallait passer, l'encouragea à y aller par terre; il répondit que ce ne serait pas un honneur pour lui de rapporter et de présenter son épée à son père si premièrement elle ne fût teinte du sang des tyrans et des ennemis publics.

Pensons aussi que ce n'est pas grand honneur à un chrétien, si quand il part de ce monde, pour retourner au ciel, revoir son père, il ne lui présente pas son bouclier, qui est la foi, et sa lance, qui est la parole et universellement toutes ses armes, rouges et teintes, tant de son sang que de celui des ennemis de l'Église.

Nous nous moquerions si, dans ce monde, nous voyons un homme recevoir des honneurs, et la couronne d'autrui. Et de même nous aurions honte de nous, si on voulait nous faire chevaliers et que nous n'eussions jamais été à la guerre ni donner coup de lance, ni coup d'épée.

Nous voulons être glorifiés avec Jésus Christ?

Nous voulons être élevés à la droite de son Père?

Nous voulons être couronnés au ciel, comme Rois avec lui...  ?

Et cela sans avoir bataillé premièrement et montré avec quel cœur nous avons défendu son parti et sa parole?

On se moque des docteurs de Bulle, c'est à dire de ceux qui reçoivent l'honneur et la dignité sans que, premièrement, ils aient étudié, et que par des sermons, des lectures, et d'autres preuves leur suffisance ait été connue.

Ainsi en serait-il des disciples de Jésus Christ, s'ils demandaient être réputés, et honorés comme maîtres, avant qu'ils eussent prouvé à tout le monde, le profit et le devoir qu'ils ont fait de bien étudié, et d'apprendre cette leçon qui est de porter patiemment la croix de Jésus Christ?

Les anciens évêques estimaient les martyrs tellement honorables, qu'ils les préféraient à la dignité épiscopale; et eux, et les autres fidèles qu'ils enseignaient, étaient si ambitieux, que quand l'occasion de souffrir leur manquait, et qu'à la poursuite de leurs parents et amis ils s'enfuyaient, ou bien s'ils n'étaient pas appelés les premiers à souffrir, ils en avaient du regret toute leur vie, plus grand encore que n'en ont ces glorieux Sorbonistes, quand on ne leur donne pas les diplômes, le lieu ou la place qu'ils demandaient et pourchassaient.

Pensez quelle honte ce serait et comme on se moquerait d'un gentilhomme, qui ne ferait autre chose à la guerre, que de se peigner, se testonner (se friser les cheveux) se parfumer, et qui tout le jour se regarderait dans un miroir pour s'habiller?

Pensez aussi quels vaillants soldats nous sommes et quelle belle réputation nous aurions, si à la guerre où nous devons être toute notre vie, si durant que les alarmes se donnent et que tout le monde monte à cheval pour aller à l’escarmouche, nous voulions faire la cane (manquer de courage) et nous cacher derrière un buisson, comme font les enfants qui n'osent aller à l'école de peur d'être fouettés?

Bonté de Dieu, les seigneurs affectent tant la gloire et le renom d'être vaillants qu'il n'y a rien qu'ils craignent plus que d'être catalogués de lâches et de couards à tel point qu'il y en a qui se font prendre tout exprès, afin de ne point être soupçonné d'avoir fui; toutefois toute cette vaillance dont ils désirent tant le renom, ne consiste en d'autre chose que de savoir bien tuer et défaire les hommes.

Or nous sommes Rois et enfants de Dieu et si la grandeur de cœur devait suivre la noblesse de la maison et de la race, il n'y a point de gens au monde qui dussent être plus vaillants que les fidèles et qui dussent plus craindre encore de souiller leur honneur.

Ce qui devrait encore plus accroître leur courage, est que leur force ne sert pas à tuer, et à détruire, comme celle des mondains, mais à sauver, recueillir, guérir, supporter et consoler, comme celle de Dieu, qui est une chose bien plus honorable que n'est l'autre.

On loue, et louera-t-on à jamais Godefroy de Bouillon et les Princes, qui entreprirent la guerre pour défendre la religion chrétienne contre les Turcs et les Sarrasins de l'Orient! Il n'y pas d'homme de bien qui ne désire encore aujourd'hui que nos Princes suivent leur exemple.

Et pourquoi luttent donc sans cesse les fidèles qu'on persécute aujourd'hui si ce n'est pour maintenir la religion de Jésus Christ, et abattre les erreurs, non seulement de Mahomet, mais aussi de tous les autres faux Prophètes et imposteurs?

Pourquoi ne seraient-ils pas dignes d'aussi grande louange, comme ceux-là?

Je dis, quant à moi, qu'ils en méritent encore une plus grande, d'autant que les autres allaient armés à la guerre, non tant pour être tués que pour tuer les ennemis de notre religion, et ceux-ci n'ayant d'autres armes que la foi, la raison, la parole, s'en vont au combat, se présenter à des gens furieux et enragés, des mains desquels ils n'estiment ne pouvoir s'en sortir autrement que par la mort.

Et bien plus encore! Les Princes ne bataillent avec leurs épées que contre les hommes seulement pour les tuer tandis que les erreurs continueront à survivre et à demeurer dans leur vigueur.

Mais nous maintenant, nous bataillons contre les mensonges, les abus et les fausses religions qui ne sont pas si faciles à extirper.

Hercule est loué pour avoir, par une magnanimité et vertu héroïque, délivré son pays et celui de ses voisins, des monstres qui y étaient; il l'a fait sans refuser le labeur ni fuit le danger pour batailler et défaire les tyrans qui opprimaient toute la Grèce.

Y eut-il rien de plus effroyable et de monstrueux par toute la terre, même dans la Chrétienté, qui devrait être la plus pure partie comme un paradis au milieu d'elle... que d'entendre l'horreur des mensonges, des erreurs, des abus et des blasphèmes qui se prêchent publiquement?

Qui est-ce qui ne déteste, dans son cœur, les idolâtries et idoles qui sont élevées et adorées dans le temple de Dieu?

Qui n'a pas pitié de ceux qui s'appellent pasteurs en les voyant si avares, si ambitieux, si inhumains, si ignorants, si scandaleux et désordonné dans toute leur vie, et d'un autre côté ces pauvres brebis qui sont ainsi délaissées, séduites, écorchées, et étranglées par ces loups et lions ravisseurs?

Qui est la roche, ou le cœur de fer ou d'acier qui ne jetterait une fontaine et d'abondance de larmes, considérant le sac, les ruines, et désolations de l'Église, qui est la sainte cité de Dieu?

Ou les dégâts que les sangliers et autres bêtes ont fait dans sa vigne?

Ou les meurtres de ses serviteurs, que commettent journellement les vignerons, à qui elle avait été louée, quand on leur en demande les fruits?

Ou le mauvais traitement que reçoit son peuple en cette Égypte et cette Babylone?

Ou la cherté et famine de sa Parole, qui est en sa maison?

Ou l'irrévérence dans laquelle ses Sacrements, et autres institutions sont maniés?

Ou l'ingratitude, la rébellion, la désobéissance, le mépris et l'obstination que les hommes montrent contre les remontrances?

Ou Jésus Christ exilé de ses pays, et le diable et ses autres ennemis, qui les lui occupent?

Qui est celui (dis-je) qui voyant une telle confusion et un épouvantable chaos dans lesquels l'Église est retournée, n'en ait compassion, et ne bénisse, et veuille célébrer d'une éternelle louange, tous ceux qui, d'un viril courage, et d'un labeur herculéen (comme l'on dit) veulent s'employer à défaire ces monstres et abolir les tyrannies qui géhennent ainsi les âmes et pauvres consciences opprimées?

Il y a parmi les ennemis de Jésus Christ et de son Église, ceux qui veulent se faire renommer en les persécutant et qui sont plus ambitieux de la gloire et de la réputation de Dioclétien que de celle de Constantin, aimant mieux perpétuer la mémoire de leurs noms par le vice et l'impiété QUE PAR LA VERTU ET LE ZÈLE POUR DIEU, ou à sa religion, afin qu'étant au catalogue des tyrans, à l'avenir on dise d'eux qu'ils ont choisi la compagnie d'Hérode et de ses satellites plutôt que celle des Innocents.

Au moins (mes frères) prenons exemple sur eux, et ne souffrons point qu'ils s'estiment plus honorés en persécutant la vérité et l'Église, que nous en la défendant.

Ils estiment être honorés et réputés d'être défenseurs de la foi du pape, que pour la maintenir ils ne ne veulent pas penser qu'il font la guerre à Dieu, et qu'ils s'exposent au danger d'être totalement accablés par son jugement!

Nous, nous estimons glorieux d'être tenus et réputés défenseurs de celle de Jésus Christ, que pour l'acquérir nous ne refuserons pas de mettre nos corps dans un seul petit danger..., douteux encore et incertains d'être fouettés ou emprisonnés ou autrement maltraités par les hommes.

Je n'ajouterai plus qu'un mot à ce propos: c'est que, comme l'amitié du monde est inimitié devant Dieu, aussi est la paix et la bénédiction de l'un, une guerre et une malédiction envers l'autre.

Et il faut nécessairement, si nous voulons être honorés de Dieu, que nous soyons injuriés et déshonorés des hommes, et que pour le servir et acquérir sa grâce nous les abandonnions. Et qu'en somme, nous pensions que, pour avoir l'esprit sain et gaillard, il faut que notre chair soit malade et tourmentée.

«Jugeons donc (comme dit S. Cyprien) si la mort n'est pas honorable et précieuse, par laquelle l'immortalité est rachetée et acquise, et si ces prisons, ces bannissements, et autres semblables afflictions, ne sont pas honnêtes et heureuses puisque par elles nous parvenons au Royaume de Dieu, et à la liberté et la gloire éternelle


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