Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

AU LECTEUR CHRÉTIEN

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(de l'édition de Genève -1619)

AU LECTEUR CHRÉTIEN



PARCE qu'au titre de cette histoire il est dit que l'œuvre a été augmentée de moitié dans cette dernière Édition, j'ai pensé qu'il ne serait pas mauvais de vous avertir de la procédure tenue en cet endroit.

M. JEAN CRESPIN, homme savant qui, dans sa vie, a travaillé avec joie pour avancer la gloire du Fils de Dieu – spécialement par une grande quantité de saints livres qu'il a imprimés dont la mémoire est précieuse devant Dieu et son Église – est celui que le Seigneur a encouragé en accordant une faveur spéciale pour faire ces recueils de l'histoire des Martyrs de notre temps.

S'étant employé dans l'espace de plusieurs années, et ayant vu en lumière la plupart de cette œuvre-ci, rassasié d'ans et de travail dans l’œuvre du Seigneur, il fut retiré dans la joie et le repos de son Maître, il y a maintenant plus de quarante ans.

Depuis, ayant plu au sage gouverneur de l'Église de nous faire voir autant de merveilles au travers de l'infirmité, de la souffrance et de la patience des siens, et désirant nous-mêmes, vous représenter cette histoire, le nombre des témoins de l'Évangile s’était accru depuis le décès de ce bon personnage – premier et principal architecte de leurs précieux tombeaux – j'ai estimé faire une chose qui vous serait agréable, si je poursuivais ce travail.

Sur cette pensée, un des amis de feu EUSTACHE VIGNON, gendre de Crespin, présenta cette histoire augmentée de deux livres, ce qui obligea Vignon à remettre le tout sur la presse, et à ajouter une quatrième édition.

Au lieu de huit livres dans la troisième édition de Crespin, cette quatrième en contenait dix. Le premier et le dernier étant ajouté et les autres enrichis de plusieurs martyres, de confessions, de lettres, de doctrines excellentes, de même que de recueils de discours et d’autres particularités importantes, comme la conférence avec les précédentes éditions en font foi.

Depuis, le même personnage, employé depuis longtemps au service de l'Église de notre Seigneur, ayant remarqué de nombreuses particularités et des choses à ne pas oublier en divers endroits de ces dix livres, a continué l'histoire jusqu’à la mort du Roi Henri III, de la maison de Valois.

M'ayant communiqué son dessein et ce volume augmenté à douze livres, voyant un si digne accroît et tant utile pour votre édification, sans perdre courage à cause des grands frais de la présente impression et assisté de la faveur de Dieu avec un saint désir de procurer votre avancement dans l'amour de la piété, j'ai surmonté finalement toutes les difficultés.

La rage de l'antéchrist et de ses serviteurs a encouragé mes prédécesseurs et moi-même à cette nécessité d’accomplir cette grande œuvre. Dieu veuille que nous puissions arriver jusqu’à la fin de notre travail sans contrainte en vous présentant ainsi quelques volumes des persécutions de son Église. Une Église à laquelle Satan en veut plus que jamais en demandant toujours plus de nouveaux massacres.

En plus de plusieurs additions qui rendent la présente œuvre comme accomplie, nous y avons ajouté des préfaces et des indices nécessaires, car nous désirons que vous receviez toujours plus d’instruction et de consolation. Souvenez-vous que ceux qui souffrent avec Jésus Christ, régneront avec lui!

Que le Dieu de paix, qui a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis, par le sang d’une alliance éternelle, notre Seigneur Jésus, vous rende capables de toute bonne oeuvre pour l’accomplissement de sa volonté, et fasse en vous ce qui lui est agréable, par Jésus Christ, auquel soit la gloire aux siècles des siècles! Amen! (Héb. 13. 20-21)


HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE

ET

ACTES DES MARTYRS

LIVRE PREMIER


Ce 1er livre n'est pas de Crespin. Il ne se trouve pas dans l'édition de 1570, la dernière dont il ait surveillé l'impression. Il fut ajouté, ainsi que les trois derniers, par Simon Goulart (voir ce qui est dit de lui dans l'Introduction) et ne commença à paraître que dans l'édition de 1582. Il est moins important que les suivants. C'est un résumé, chargé de noms et de faits de l'histoire ecclésiastique depuis les origines jusqu'au temps de Wiclef. Nous l'accompagnerons de fort peu de notes, laissant à l'auteur la responsabilité de ses assertions, et nous contentant de renvoyer aux nombreux ouvrages modernes sur la matière, en particulier aux Encyclopédies d'Herzog et de Lichtenberger et aux volumes de E. Chastel, Histoire du christianisme depuis son origine jusqu'à nos Jours, et de E. de Pressensé, Histoire des trois premiers siècles de l'Église chrétienne.

Livre comprenant les choses plus remarquables arrivées dans l’Église du Fils de Dieu, depuis la persécution contre les chrétiens sous l'Empire de Néron, trente et un ans après l’ascension de Jésus Christ au ciel, jusqu’au temps de Jean Wiclef.

Que ce soit une parole certaine et tout digne d'être reçue, que les chrétiens sont régénérés, non point par une semence corruptible, mais incorruptible, savoir par la parole de Dieu, vivante et demeurante à toujours [d’après 1 Pier. 1.23 & Rom. 1.16]. C’est à cette vérité céleste écrite dans les livres des Prophètes et des Apôtres, triomphante par le ministère de l'Église, et accompagnée du Saint-Esprit qu’il faut attribuer le changement du cœur, ayant en elle la puissance de Dieu pour le salut de tout croyant. Cela ne nous empêche pas toutefois de recevoir et de tenir pour véritable cette belle sentence, vérifiée par tant de témoignages depuis plusieurs centaines d'années: Que le sang des Martyrs est la semence de l'Église (Semen ecclesiæ sanguis christianorum. Tertullien, Apolog., 2. L.). Car les fidèles qui ont cru et connu cette précieuse maxime comme étant vraie, se sont souvenus que la vérité de Dieu n'a point été révélée à l'Église pour demeurer simplement dans des livres. Ces derniers ne sont que des prêcheurs muets, aussi faut-il les mettre dans la bouche des élus de Dieu, afin de maintenir par cette belle sentence, leur vocation et la gloire de leur Seigneur et Père ainsi que le témoignage de leur salut. «Voici mon alliance avec eux, dit l’Éternel: Mon esprit, qui repose sur toi, et mes paroles, que j’ai mises dans ta bouche, ne se retireront point de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, ni de la bouche des enfants de tes enfants, dit l’Éternel, dès maintenant et à jamais.» (Ésaïe 59.21.)

Pourtant toutes les fois qu'il a plu au Père de la sainte famille qu'il s'est acquise par Jésus-Christ d’ouvrir la bouche à quelques-uns de ses serviteurs et enfants pour les faire parler aux hommes de ce monde, et éclairer de sa lumière ceux qui croupissaient dans les ténèbres,

s'il est arrivé que les aveugles au lieu d'accepter le bien qui leur était présenté ont préféré l’éteindre, si les sourds rejetant le message de salut qu'on leur apportait ont bouché leurs oreilles, et si les incrédules et les profanes, non contents de dédaigner la voix du Fils unique de la maison de Dieu et de tant de ses fidèles serviteurs, les ont mis à mort,

il ne faut pourtant penser que les fidèles aient perdu leurs peines, et que la vérité de Dieu, laquelle est incorruptible, se soit évanouie avec le son de leur voix! Au contraire, si j’ose ainsi parler! Le Seigneur l'a comme cachée dans la terre avec le sang de ses témoins, afin d’y faire germer une maison spirituelle, c'est-à-dire de nouveaux peuples quittant les impostures de Satan pour se ranger à Jésus Christ.

Donc le sang des Martyrs, dont la mort est précieuse devant le Seigneur, (Ps. 116.15) crie de la terre vers le ciel, est exaucé par le mérite de l'Agneau. Cet Agneau sans tache et mort pour la réconciliation de l'Église avec son Dieu, ayant attiré, d'une part, de nouvelles faveurs du Seigneur, pour manifester sa miséricorde en appelant à sa connaissance un nombre infini de personnes, et, d’autre part, en faisant tomber de terribles traits de la vengeance du Tout-Puissant sur les hommes mortels qui se sont réjouis en répandant ce sang.

Et par la constance de cette belle armée de témoins, Dieu a utilisé leur faiblesse pour combattre, renverser et éteindre l'orgueil et l'effort de Satan , de l'Antechrist , et de leurs serviteurs. Ceci montre clairement qu'il y a eu une vertu plus qu'humaine qui les accompagnait et les vivifiait (comme c'est son propre) au milieu de la mort.

C'est cette semence de vie qui donne de l’efficacité à leurs confessions, leurs avertissements, leurs paisibles plaisirs et leurs invocations du Nom de Jésus Christ au milieu des tourments. Cette semence a fait que cette voix des Martyrs, morts pour le témoignage de Jésus Christ, retentit encore puissamment en joie dans le cœur des élus de Dieu.

Elle influence aussi la méchante conscience des réprouvés qui tremblent à sa voix parce que la vérité qui accompagnait cette voix n'est point un bruit qui passe, mais elle est la parole vivante et permanente à jamais vivifiée par celui sur qui le temps n'a aucune puissance, car il demeure et vit éternellement.

Cette semence fait que le sang des Martyrs a porté beaucoup de fruits de tout temps, spécialement depuis l'Ascension de Jésus Christ! Et même dans ce dernier âge, plein de miracles du Seigneur, bien plus que l'on ne saurait le remarquer dans les siècles précédents comme nous le verrons par la lecture des livres que nous présentons maintenant.

Mais avant d’entrer en matière, nous avons encore ce mot à ajouter, après celui d’un bon docteur de l'Église: ce n’est pas le supplice, mais la cause qui fait le martyr (Ce n'est pas le supplice, c'est la cause qui fait les martyrs. C'est la pensée développée par Cyprien, De unitate Ecclesiæ, c. XIV, en parlant des souffrances de l'hérétique: «Non crit religiosæ virtutis exitus gloriosus, sed desperationis interitus. Occidi talis potest, coronari non potest.»).

Voilà peu de mots qui contiennent beaucoup, et qui servent grandement à l'instruction et consolation de tous les chrétiens.

L'Apôtre S. Pierre avait dit de même en autres termes, y ajoutant quelque pointe pour réveiller et réjouir les âmes fidèles. «Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. Que nul de vous, en effet, ne souffre comme meurtrier, ou voleur, ou malfaiteur, ou comme s’ingérant dans les affaires d’autrui. Mais si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait point honte, et que plutôt il glorifie Dieu à cause de ce nom. (1 Pierre 4.13-16)»

S. Pierre suit en cela (comme en toutes autres choses) la doctrine de son maître, lequel avait, quelques années auparavant, déclaré: «HEUREUX CEUX QUI SONT PERSÉCUTÉS POUR LA JUSTICE, car le royaume des cieux est à eux! (Math. 5.10)»

Ainsi donc souffrir pour la justice, souffrir comme Chrétien, et non comme malfaiteur, EST LA CAUSE QUI FAIT LE MARTYR. Nous appelons maintenant à cet examen tous ceux qui peuvent avoir souffert de diverses façons. Où la cause (c'est-à-dire la justice et piété) font défaut, là où l'athéisme, l'idolâtrie, la superstition, l'épicurisme, l'injustice et l'ordure se découvre, la cause en est éloignée, et le supplice mérité est proche et très redoutable. Que les profanes vantent leurs hommes courageux; que les idolâtres mettent en avant les troupes de leurs fanatiques; que les superstitieux produisent tant de millions de fêtes écloses par l'ignorance et travaillées par tant de peines; que les violents et les injustes avancent : les dangers et les morts dans lesquelles leurs adhérents se lancent allègrement et à tête baissée, nous dirons en un mot que ce sont des soldats de Satan , puisqu'ils accomplissent les désirs de ce Père de meurtre et de mensonge!

Cette sentence distingue entre les souffrances de la vraie Église, et les tourments que les incrédules et méchants endurent, soit que leur malheur soit couvert, soit qu'il apparaisse aux hommes.

Au reste, ceux que Dieu reçoit pour témoins de sa vérité ce sont ceux qui bien souvent ne sont pas moins impurs que les autres. Recommandés à sa grâce, il soutient ces vases préparés pour l’honneur par le moyen de Jésus Christ. Ainsi, ceux que le Père céleste a adoptés à cause de leur foi seront à jamais dans sa maison, raison pour laquelle il leur apprend à cheminer toujours plus dans sa dépendance. [Hors de l’Église de christ, il n’y a point de martyrs.]

Mais ailleurs, c'est la confusion des idolâtres, superstitieux, hérétiques, incrédules et profanes! Entendre tout ce qu'ils endurent n'est qu’une triste préface de malheurs indicibles, et le faubourg d'enfer. Parfois il semble que telles gens aient un sentiment tout contraire à la compréhension que nous leur attribuons par laquelle nous pensons que plus ils sont éloignés, plus ils sont malheureux et proches d'une grande ruine.

Par contre, c'est une indicible consolation à tous les fidèles, d'entendre, de lire, de savoir, de voir:

que leurs cheveux sont comptés,

que leurs larmes ne se perdent point,

que Dieu les tient aussi chers qu'un homme délicat ferait la prunelle de son œil,

que leurs jours sont comptés,

que celui qui veille pour eux ne sommeille point,

qu'il est à leur droite afin qu'ils ne chancellent,

qu'il est au milieu d'eux,

qu'il est en eux,

que Christ est leur chef, et eux ses membres,

qu'il veut habiter, vivre et régner en eux et avec eux,

qu’il veut qu'ils habitent, vivent et règnent en lui et avec lui,

voir s'ils souffrent avec lui,

s'ils n'ont point honte de lui ni de ses paroles,

s'ils le confessent devant les hommes,

s'ils portent leur croix tous les jours après lui,

s'ils sont prêts, non seulement d'être liés, mais aussi de mourir pour le Nom du Seigneur Jésus,

et s'ils sont résolus à ce point qu'en perdant la vie pour lui ils la trouveront.

C'est la CAUSE qui a fait les martyrs et qui les a fortifiés parmi tant d'ignominies, tant de supplices, tant de morts qui seront mentionnés un peu plus loin. Ils se font armés de cette pensée, que cette cause n'était point leur cause, mais celle de Dieu!

Pourtant ne se sont-ils point beaucoup tourmentés pour résoudre en eux mêmes ce qu'ils auraient à répondre à leurs plus hardis et importuns adversaires, ni n'ont point trop redouté leurs propres infirmités? Mais ils ont aussi espéré et senti le secours de la sagesse et la puissance de celui qui les conduisait, lequel, de nombreuses fois, a fait sentir aux persécuteurs qu'il ne regardait pas de loin pour juger des coups, comme on dit. Il était dans la mêlée, pour encourager, bénir, diriger, consoler, guérir, vivifier et sauver les siens. Il leur servait de cœur, de mains, d'yeux, de pieds, de bouclier, d'épée, de harnais, c'est-à-dire de tous les moyens, et bien plus encore qu'ils n'eussent osé désirer, pour les maintenir d'une façon spéciale. Il renversait au contraire ses ennemis, exterminant les uns d'une façon, les autres d'une autre: mais avec telle promptitude, vigueur et adresse, qu'il faut que chacun reconnaisse qu’une main toute puissante y a passé. Nous en produisons les preuves maintenant.

Que les athées froncent le nez contre cet ouvrage, pour s'en moquer parmi leurs compagnons; que les faux docteurs fassent autant d’invectives qu'ils pourront à l’encontre des Martyrs, dont la cause est reconnue par le Seigneur Dieu en sa sainte parole; que le mondain estime que son seul bien consiste dans ses folles opinions; que l'hérétique, le libertin, le malfaiteur prenne son plaisir dans ses erreurs, ses rêveries, et ses méchancetés, fuyant la croix de Jésus Christ pour porter celle du diable: les fidèles témoins de la vérité de l'Évangile, eux, se contentent de savoir que Dieu les approuve, son esprit rendant témoignage au leur qu'ils sont de ses enfants.

Or sans disputer davantage de cela avec la sagesse du monde, ennemie jurée de la gloire du Seigneur Jésus, considérons en premier lieu les Martyrs du temps de l'Église ancienne, sous l'empire de Néron, ensuite, nous traiterons du reste en son temps.

Sur quoi il faut dire encore ceci, qu'il suffira de revoir simplement ce qui est arrivé, auprès des historiens tant anciens que modernes qui en ont couché par écrit plusieurs choses. Ajoutons encore que si nous disons beaucoup, ce sera toujours trop peu, pour un sujet aussi fertile: d'autre part en disant peu, ce fera une exhortation à tout lecteur chrétien de recourir plus avidement à l'histoire de la primitive Église Chrétienne. Ainsi il pourra rassasier son saint désir, sans oublier de bien prendre garde à la conformité et la concordance qui apparaît entre les Martyrs anciens et modernes, tant en conversion, qu'en doctrine, patience, vraie invocation, constance, et heureuse fin dans le Seigneur.

Au reste, la raison pour laquelle nous n'avons pas fait ici mention des martyrs qui ont précédé le temps de Néron, c’est parce que ce qui en est dit dans l'Écriture sainte doit suffire à tout fidèle. Les choses y étant proposées et déduites en toute perfection. Ce serait une témérité trop grande de notre part de vouloir spécifier et éclairer ce qui se découvre de prime abord aussi ouvertement que la clarté d'un jour serein. Venons-en donc à notre récit.


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