Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SUR LA CONSTANCE DES FIDÈLES MARTYRS

DE

NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST

DONT IL EST FAIT MENTION DANS CE LIVRE.

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AD ECCLESIÆ CHRISTI CARNIFICES



On dit que le Phœnix de mort en vie va reprendre:

Sur un même bûcher est sa vie et sa mort.

Bourreaux, brûlé les Saints: vain sera votre effort;

Ceux-là que vous brûlez renaissent de leur cendre.

[traduction libre]


Phœnicem, si vera serunt, mors ipsa resingit,

Huic fit vt aui vnus vitaque morsque rogus.

Ite, ô carnifices, Sanctorum sancta create

Corpora : quos vultis perdere flamma parit.





SUR LA CONSTANCE DES FIDÈLES MARTYRS

DE

NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST

DONT IL EST FAIT MENTION DANS CE LIVRE.



En ce grand feu, la grande patience,

Qui en mourant fait le soldat vainqueur,

S’émeuvent en moi l'œil, l’oreille et le cœur

Quand je le vois, quand je l’entends, quand j’y pense.

Je vois souffrir avec joie et confiance,

J’entends chanter fort, même dans l’extrême douleur,

Je pense alors que, de Dieu, la grandeur

Brille dans la nuit de l'humaine impuissance.

Si l'on veut donc d'un vrai profit jouir,

Ce n’est pas assez, et de voir et d'entendre;

Car au penser est toute l’utilité.

Et celui qui vient dans ce lieu adresser,

Pour voir, entendre, et non pour y penser,

Voyant, entendant, il ne voit, et ne comprend rien.

Le zèle ardent que je vois en ce lieu

Parmi les feux, tout étonné j’admire;

Car il éclaire les bons pour les conduire,

Et les enflamme au service de Dieu.

En les voyant des tourments, au milieu,

Victorieux par-dessus leur martyre,

Je vois au feu un autre feu reluire,

Je vois un feu brûler un autre feu.

Car si l'ardeur, si la céleste flamme

Des saints Martyrs et éclaire et enflamme,

N'est-elle pas un feu clair et brûlant?

Et si, s'armant d'une vertu suprême,

Elle a vaincu la flamme l’assaillant,

N'est-ce pas feu, plus feu que le feu même?







PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION DU MARTYROLOGE


JEAN CRESPIN


À TOUS LES FIDÈLES QUI DÉSIRENT

L'AVANCEMENT DU RÈGNE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST.



Une des principales marques de la vraie Église de Dieu, est qu’elle a, de tout temps, soutenu les assauts des persécutions. Puisque Dieu habite au milieu d’elle, et que sa vérité a toujours été maintenue par son ministère, il est dans l’ordre des choses que Satan, père du mensonge et meurtrier dès le commencement, fasse tous ses efforts pour opprimer cette vérité afin d'obtenir les deux royaumes: le spirituel et le corporel. Le spirituel par des mensonges et de fausses doctrines, le corporel par la cruauté et des oppressions tyranniques.

D’autant plus que la bonté de Dieu s'est manifestée en donnant une plus grande lumière et une plus grande ouverture à sa vérité, d’autant plus Satan a, lui aussi, rassemblé des gens de tous côtés pour faire plus facilement ses entreprises et exercer sa cruauté.

C’est pour cela qu’il est nécessaire que les fidèles, comme remède dans leurs faiblesses, gardent ces choses en mémoire et mettent sous leurs yeux les exemples de ceux qui ont maintenu la vérité de la doctrine du Fils de Dieu, ceux qui ont constamment enduré la mort pour l’avoir confessé constamment.

C’est un bon exemple qui nous est adressé pour nous faire marcher avec plus de courage sous la bannière de notre chef et capitaine dans ce temps d'adversité et de confusion qui nous environnent. Levons donc les yeux en haut, et contemplons la main forte du Dieu vivant, qui a, d'une façon si admirable, assisté dans tous les siècles et de tout temps ses fidèles Martyrs. Il a rempli leurs bouches tout en leur donnant une telle force et une telle confiance, que lorsqu’il a semblé qu'ils étaient vaincus, c'est alors qu'ils ont obtenu une glorieuse victoire.

Or si jamais il y eut un temps favorable pour mettre en avant leurs exemples, si jamais les fidèles ont eu besoin d'être encouragés au milieu de tant d'afflictions, on peut bien penser que notre temps plein de calamités demande aujourd'hui la même chose.

N’y a-t-il jamais eu pareil miroir proposé au monde pour représenter au mieux les furies infernales qui se sont déchaînées pour remplir toute la terre de troubles?

N’y a-t-il jamais eu d’orgueil plus furieusement emporté contre Dieu?

N’y a-t-il jamais eu une ignorance plus effrontée?

Les consciences des hommes n’ont-elles jamais été plus opposées à ce dont elles sont néanmoins convaincues?

N’y eut-il jamais des hérésies plus monstrueuses que celles imaginées?

À t-on déjà vu des sectes plus pernicieuses?

La vérité ne fut-elle jamais foulée aux pied avec autant d’arrogance?

Le nom de Dieu ne fut-il jamais blasphémé plus hardiment qu'il ne l’est aujourd'hui?

Les Athées, les Libertins, les Epicuriens et les transgresseurs de la parole de Dieu n’ont-ils jamais dressé le poing d'une façon plus audacieuse?

Et pour résumer en un mot, le diable ne s'est-il jamais mieux montré diable qu'aujourd'hui? N’y a-t-il jamais eu une plus grande confusion au monde que celle d’aujourd’hui?

Cependant voici la bonté de Dieu qui survient. Dans ce grand désordre il nous a placés et nous entretient encore par sa bonté dans la forteresse de sa vérité. Il nous donne une armée de fidèles champions qui nous environne comme la nuée de ses témoins qui sont pour nous de vrais exemples de la confiance et de la patience.

Si nous regardons ce qui a été fait, et à ce qui se fait journellement devant nos yeux, il y en a assez pour nous faire courir en paix à la bataille qui nous est proposée. Mais le mal est ainsi!

Il y avait assez de matière pour encourager les esprits de ceux qui avaient reçu la grâce afin qu’ils rédigent, sous forme d'histoire, ce qui est arrivé depuis toutes ces dernières années, ces siècles dans l'Église de Dieu. Cependant, comme si cela n'eût point appartenu à la gloire de Dieu ni servi à fortifier ses pauvres fidèles, on a laissé, pour ainsi dire, ensevelir la mémoire de ces nombreuses morts précieuses qui devaient servir à l'Église de Dieu pour enseigner sa bonté et son admirable vertu. Est-ce par nonchalance ou par ingratitude?

Les profanes, eux, sont empressés de rédiger par écrit les faits et gestes de leurs contemporains, dans le but de perpétuer leur mémoire, sans pour autant avoir égard à la gloire et à l’honneur de Dieu.

Quant aux Chrétiens… ! Ils semblent endormis lorsque Dieu leur met la plume dans la main pour mettre par écrit ses faits et ses œuvres admirables par lesquelles il met en avant ses Martyrs, afin que sa gloire brille partout, et que tous ses fidèles aient encore plus de raison de se réjouir et de se confier dans sa vertu et sa bonté. Cette attitude n'est pas excusable. Il n'y a aujourd'hui aucune région, aucun pays, pas même les peuples païens, où Dieu n'ait suscité quelque nombre de Martyrs pour rendre à toutes les nations le témoignage à sa vérité.

C’est avec peine que nous pourrions trouver, depuis l’Église primitive, un siècle dans lequel Dieu ait, plus excellemment, fait briller sa puissance au travers de l'infirmité des hommes. C’est ainsi que même les réprouver et les ennemis jurés de la vérité, sont contraints de se fermer la bouche, étant étonnés des merveilles de Dieu. Ils sont au bout du rouleau, et ne savent plus que dire. L’esprit du diable, par lequel ils sont furieusement poussés, a déployé toutes ses ruses et ses finesses; à tel point que s’il voudrait maintenant faire pire qu'il n'a fait, il ne ferait rien de nouveau.

Après ces ruses (je laisse la cruauté de faire couper les langues) pourrait-il encore en inventer et en forger d'autres plus subtiles, sachant qu’il a trouvé bon, dans ces derniers temps, de faire brûler les procès-verbaux de ceux qui ont été exposés à une mort cruelle pour le nom du Seigneur? Ainsi, par ces actes, nous voyons, d'un côté, la bonne cause des innocents opprimés être détruite et, d'autre part, l'iniquité, plus que barbare, des juges ne pouvant plus être connue?

De plus, le diable a si bien endormi les esprits et éblouit les yeux des hommes, que, sans discernement, ils ont qualifié d’hérétiques ceux qui ont parlé dans la vérité, de la même façon que ceux qui ont corrompu la vérité par de fausses doctrines.

Et c'est afin que cette vérité fût rendue plus odieuse, que se soit par les Anabaptistes, les Libertins, les Athées, les Épicuriens, les Servetistes, les moqueurs et les contempteurs de toute religion, des gens sans conscience, fussent, sans recours et sans jugement, enveloppés dans un même jugement.

Il a fallu que les pauvres Chrétiens, communément nommés Luthériens en ce temps-ci, aient porté toutes ces ordures et infections sur leurs épaules, et que toute l'ignominie et l’opprobre soient tombés sur eux.

Mais, louange et gloire soit donnée à notre Dieu, le temps de faire la différence, le temps du discernement est venu! Le temps de visitation est à présent comme Daniel l’a prédit. La fureur et la colère sont finies; le Seigneur, père de miséricorde et de bonté, le Dieu de toute consolation a commencé à envoyer ses vrais messagers pour retirer de son royaume de tels scandales. Il a, pour la plupart, renversé les adversaires de son Fils par le souffle de sa bouche. Les choses sont maintenant manifestes, grâce à Dieu, et la lumière luit à présent au plus haut du jour. Elle montre et découvre ouvertement le tout, et fait en sorte que l’on peut aisément reconnaître les vrais Martyrs du Seigneur Jésus d’avec les suppôts enragés de Satan. C’est pourquoi je prie de bon cœur et j’exhorte tous ceux qui favorisent, et qui veulent le bien de l'Évangile. Où qu'ils soient, que d’un même consentement, d'une même bouche et d’un même cœur ils louent avec nous et rendent grâces au Dieu éternel et tout puissant.

En même temps qu'ils aident à maintenir cette bonne et juste cause de son Fils Jésus Christ, et de son Église, contre ce basilic [ce serpent] et Antéchrist romain, contre sa synagogue maudite et pleine de blasphèmes, mère de toutes les abominations qui sont sur la terre; et qu'ils lui payent au double selon ses œuvres, comme il est dit en l'Apocalypse «Payez-la comme elle a payé, et rendez-lui au double selon ses oeuvres. Dans la coupe où elle a versé, versez-lui au double» (18: 6.)

Que tous fidèles, dis-je, soient réprimandés et promettent par serment au nom de ce grand chef et capitaine des Martyrs notre Seigneur Jésus Christ:

de ne plus être indifférents concernant les grandes grâces que Dieu fait journellement à son Église;

de ne plus mettre en oubli les morts heureuses et précieuses de ses enfants, mais de garder fidèlement en mémoire tout ce qu'ils en pourront avoir entendu;

de ce qu'ils pourront recueillir, non point de leurs os, ou de leurs cendres, à la façon de ce serpent venimeux forgeur d'idoles et nouveau monstre; mais leur confiance, leurs paroles et leurs écrits, leurs réponses, la confession de leur foi, leurs dernières paroles et adorations; pour rapporter le tout au sein de l'Église, afin que le fruit en revienne à la postérité.

Pour conclusion, ce présent travail a été fait le plus fidèlement et le plus abondamment qu'il a été possible de le faire. J'espère donc qu'il vous servira grandement, selon que chacun de vous aura besoin ou de consolation ou de confirmation.

Vous avez ici de merveilleux miroirs et de toutes sortes d'exemples, de tous états, sexes, âges et nations. Vous voyez comme les enfants de Dieu sont traités, comment ils sont diversement interrogés, de quelles finesses usent les ennemis pour les surprendre. Vous y trouvez toutes espèces de tourments: les uns exécutés rapidement, les autres tourmentés par de longs jours de prison.

Bref il y en a de toutes sortes et de différents manières pour se fortifier.

Vous, anciens et jeunes, nobles et méprisés, il y a ici, dans ces livres, ceux vous précèdent.

Vous maris ne faites aucune difficulté à laisser derrière vous femmes et enfants, car un avenir de meilleure condition vous est préparé.

Vous, femmes, que l'infirmité de votre sexe ne vous fasse pas reculer; il y a eu des femmes vertueuses qui par leur exemple vous ouvrent le chemin.

Allons donc tous, et montons à la montagne, regardant au triomphe magnifique que Dieu a préparé à tous les vaillants combattants.




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