Félix
Neff - Homme de réveil
CONCLUSION
Nous avons voulu par cette étude, faire
connaître le caractère
« revivaliste » de l'oeuvre de
Félix Neff.
Cet homme, doué des talents les plus
précieux, venait à son heure. Homme
de foi, de prière et d'action, il se
distinguait, aussi par une grande humilité.
C'est cette humilité, jointe à un
profond amour, des âmes, qui lui a permis de
faire tant de bien.
L'oeuvre de Réveil de Neff s'est
accomplie plutôt parmi la jeunesse que parmi
les personnes d'âge mûr.
Il nous faut, à notre époque,
des hommes passionnés pour le salut des
âmes, comme « l'apôtre des
Hautes-Alpes ». Il nous faut des hommes
qui ne craignent pas de renoncer à leurs
aises, ni de « se faire tout à
tous ».
Il en faut, en particulier, à notre
patrie envahie par la libre-pensée et
l'incrédulité, pour opposer à
ces souffles empoisonnés le souffle pur et
vivifiant de l'Évangile de
Jésus-Christ.
Les pasteurs ne sauront jamais trop insister
sur l'importance primordiale de la nouvelle
naissance, ni sur la nécessité de
prêcher aux foules Christ et Christ
crucifié.
Pour que le Réveil devienne une
réalité dans nos églises, il
faut que les divisions ecclésiastiques qui
scandalisent beaucoup d'âmes et les
éloignent de l'Évangile,
cessent : il faut « l'unité
de l'esprit par le lien de la paix ». Il
faut surtout l'unité dans la foi.
THÈSES
I
La conversion de Félix Neff fut un des
fruits les plus remarquables du Réveil des
premières années du siècle
dernier à Genève.
II
Sa conversion fut une transformation radicale de
tout son être.
III
Sauvé par la grâce toute-puissante
de Dieu, il se sentit irrésistiblement
appelé à prêcher la
nécessité du salut en
Jésus-Christ : « Malheur
à moi, si je
n'évangélise ! »
IV
Sa fidélité inébranlable
dans sa prédication et ses diverses
méthodes d'action fut
récompensée par les beaux
réveils survenus à Mens et dans les
Hautes-Alpes, de 1821-1827.
V
Ces réveils se produisirent beaucoup plus
parmi la jeunesse et la jeunesse féminine,
que parmi les personnes d'âge
mûr.
VI
Il insista particulièrement dans sa
prédication et ses instructions
catéchétiques sur l'entière
corruption de l'homme, et sur le sacrifice
expiatoire du Christ pour le sauver.
VII
Son amour, pour les âmes ne
l'empêcha pas de s'occuper beaucoup de
bien-être matériel de ses paroissiens
pour lesquels il était comme un nouvel
Oberlin.
VIII
Un des traits les plus frappants du
caractère de Félix Neff, c'est son
humilité.
IX
La cure d'âme est un des
éléments les plus indispensables du
ministère évangélique.
X
Félix Neff a insisté d'une
manière particulière dans sa
prédication sur la conversion,
c'est-à-dire sur la transformation
spirituelle et morale de la vie individuelle. La
conversion, en effet, est le résultat de
l'oeuvre de Dieu et d'un acte de l'individu :
Dieu appelle et réveille la
conscience ; l'individu se repent et croit.
XI
« Loin de cacher la bonté
divine, la croix en constitue la
plus éclatante, la plus émouvante, la
plus indubitable manifestation ; loin
d'assombrir la joie du message
évangélique, c'est d'elle qu'il tire
sa victorieuse puissance et l'éclat, de sa
magnifique splendeur. Sommet de l'Évangile,
son axe, son centre et son pivot, elle est seule
à plonger jusqu'aux profondeurs de Dieu et
jusqu'aux profondeurs de l'âme ; elle
est seule à les conjoindre ». (G.
Frommel, « La Psychologie du Pardon dans
ses rapports avec la Croix de
Jésus-Christ »).
- Vu par le Président de la
soutenance
- Montauban, le 21 novembre 1913,
- L. MAURY.
- Vu par le Doyen :
- Montauban, le 24 novembre 1913,
- E. DOUMERGUE.
APPENDICE
Voici une lettre inédite de Félix
Neff où l'on constate, une fois de plus, sa
grande humilité et son profond amour des
âmes. Elle est adressée à Mlle
Myette Rambaud, dit Magnin, demeurant à
Mens. Cette jeune fille qui avait paru convertie
s'était laissée vaincre par le monde.
Neff, profondément affligé, et ne
pouvant se faire à l'idée qu'elle
pourrait être perdue pour
l'éternité, lui écrit afin
d'essayer de la ramener dans la bonne voie. On peut
vraiment lui appliquer cette parole de
l'apôtre Saint Paul : « Qui
vient à broncher que je n'en sois tout
brûlant de fièvre ? ».
Nous transcrivons la lettre telle que nous l'avons
eue entre les mains.
« Arvieux, le 18 May
1825.
« Ma chère Myette,
« Quand je prends la plume pour
écrire en Triève, c'est ordinairement
avec joie et une douce émotion de coeur.
Aujourd'hui, en vous traçant ces deux
lignes, mon coeur est bien ému, plus
même qu'à l'ordinaire, mais je ne puis
dire qu'il soit joyeux ; ô non, ma
chère Myette. Il n'est pas joyeux et il ne
peut pas l'être en voyant l'ennemi gagner
si facilement le butin qui a tant
coûté de sang et de larmes à
notre bon Sauveur !... je n'ai pas besoin de
m'expliquer beaucoup, vous ne me comprenez que
trop. Mais cependant, je ne dois pas m'en tenir
là, car mon coeur est plein, et j'ai tant de
choses à vous dire que je ne sais par
où commencer.
« Mais que pourrais-je vous dire
que vous ne sachiez déjà ? Si
vous pêchez, ce n'est pas par ignorance,
plût à Dieu ! Vous seriez moins
coupable et il y aurait plus à
espérer.
Voulez-vous donc, ma chère amie,
jouer avec l'éternité et
éprouver la patience de Celui qui tient en
sa main le souffle de votre courte vie ?
Avez-vous fait accord avec la mort, et
êtes-vous d'intelligence avec le
sépulcre ? (1)
N'avez-vous plus besoin de veiller et de
prier, ou bien n'avez-vous plus une âme
à sauver et un juge à attendre ?
Suspendez un instant votre course volage ;
jettez (sic) les yeux sur l'abyme (sic) au bord
duquel vous êtes suspendue ; accordez
quelques instants à la réflexion, et
dittes-moi (sic) si vous voudriez mourir dans
l'état où vous êtes ?
Prenez-y garde, ma chère amie, on ne
se moque pas de Dieu impunément ;
malheur à celui qui abuse de sa bonté
et tourne sa grâce en dissolution !
Lisez la sentence de ceux qui crucifient de nouveau
le fils de Dieu et qui l'expose à l'opprobre
(Hébreux 6 : 6).
« Voulez-vous essayer si Dieu
tiendra sa parole ?
Songez combien votre
légèreté expose à
l'opprobre ce Sauveur que vous faisiez profession
de servir. Entendez le monde et son prince infernal
chanter victoire et se glorifier de votre retour
dans son sein. Et cela n'est pas un conte.
Dans ma dernière tournée en
Champsaur, des gens qui ne vous ont jamais vue,
m'ont parlé de votre conduite
légère et ils tenaient ces
détails de gens étrangers au
Triève mais mondains et qui voyant là
des âmes sérieuses, pensaient, avec
raison, leur faire de la peine en leur contant d'un
air de triomphe que vous aviez secoué le
joug de Christ pour reprendre les chaînes du
monde.
C'est là que je l'ai appris, et n'en
voulant rien croire, je m'en suis informé,
et... pauvre Myette, faudra-t-il donc vous ajouter
à la liste funèbre de ceux qui sont
devenus la proye (sic) de la mort seconde ? et
pour lesquels il n'y a plus de Sauveur ? O si
vous pouviez sentir combien cela m'attriste et
opresse (sic) mon coeur ! Mais qu'est-ce de
moi, pêcheur, incapable d'une sincère
affection pour les âmes ?
Mais le Bon Berger, celui qui nous a
chéri plus que sa vie, qui a tant fait et
tant souffert pour vous, voulez-vous le forcer
à pleurer sur vous comme sur l'ingrate
Jérusalem ? Voulez-vous diriger ses
playes (Sic) et enfoncer de nouveau le fer dans son
coeur ? Mais j'ai bien peur de parler en vain.
Il est si rare qu'une âme se tourne à
Christ après l'avoir abandonné de
gayté de coeur (sic) et si longtems (sic).
Il est si rare que celui qui a tourné la
tête après avoir mis la main à
la charrue soit encore bon pour
le Royaume de Dieu. Quand un prisonnier s'est
échapé (sic) une fois et qu'il se
laisse reprendre, comme on a soin, ensuite, de le
veiller de près, de redoubler ses
chaînes, de renforcer ses liens pour qu'il ne
s'échappe plus. Ainsi en fait Satan envers
ses esclaves qui reviennent à lui une
seconde fois ; aussi est-il bien rare, bien
rare qu'ils en ressortent encore. C'est pour cela
que je n'ai qu'une bien faible espérance en
vous écrivant, mais je ne puis vous laisser
périr sans vous témoigner ma douleur,
et l'amour que j'ai pour votre âme ;
d'ailleurs c'est un devoir que je remplis, le
Seigneur en fera ce qui lui semblera bon.
« La légèreté
est votre ennemi, on vous l'a dit tant de
fois ; c'est le poison de la
piété et une porte toujours ouverte
à l'ennemi. Je dois l'avouer à ma
honte : loin de vous en détourner
toujours, j'ai eu la faiblesse de la partager
souvent, mais le ne l'ai jamais fait sans amertume
et sans de vifs remords. Et si vous aviez su de
votre côté la détester et vous
la reprocher sérieusement, elle n'eût
pas pris le dessus et vous eût fait moins de
mal.
D'ailleurs c'est chez vous un défaut
naturel et sur lequel vous deviez veiller plus que
personne, et, au contraire, personne ne s'y livrait
plus volontiers que vous. Aussi ne suis-je point
étonné de ce qui vous arrive ;
il eût même été
étonnant que cela n'eût pas eu lieu.
Vous avez jetter (sic) les fondements de votre tour
avant d'avoir calculé, le dépense, et
aujourd'hui vous n'avez pas de quoi l'achever.
Allez donc, si toutefois il en
est tems (sic) encore, allez à Celui qui
donne gratuitement, et dont vous connaissez
déjà toute la miséricorde,
allez vous jetter (sic) à ses pieds et les
arroser de vos larmes, donnez-lui votre coeur afin
qu'il le garde lui-même ;
vous-même, ne savez pas le garder.
« Adieu, ma chère Myette.
Donnez-moi la joie d'avoir bientôt à
vous adresser des paroles plus consolantes. Puisse
le Bon Berger vous faire entendre encore sa douce
voix, vous ramener à Lui et ne plus
permettre que personne vous ravisse de sa main.
Amen !
« Votre
dévoué serviteur en
Jésus-Christ,
« Félix NEFF »
(2).
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