Pendant le cours des événements que nous venons de rappeler, un grand nombre de lettres avaient été écrites en Suisse, en Hollande, et en Prusse (alors le Brandebourg), ainsi qu'en Wurtemberg, pour éveiller en faveur des Vaudois la sollicitude des puissances protestantes, qui eussent pu les secourir par leur intercession, leurs aumônes ou leur hospitalité.
L'expression
des
sympathies les plus généreuses répondit à cet appel. Dès le
commencement de la persécution, l'Avoyer de Berne avait adressé
dans toutes les paroisses du canton, et probablement aussi dans
les autres cantons protestants de la Suisse (1),
une circulaire pressante pour recommander la célébration d'un
jeûne public, accompagné de collectes universelles en faveur des
Vaudois.
Cette circulaire commençait ainsi: «Comme dans ces temps
douloureux, nos frères de Piémont, poursuivis par le fer et par
le feu, tués, faits prisonniers, et bannis de leurs pays, sont
fugitifs et à l'état le plus déplorable, etc.... (2);»
d'où il résulte qu'à cette époque déjà, un certain nombre de
Vaudois avaient été bannis de leurs pays et se
trouvaient fugitifs. Dès le commencement de
l'année, il paraît même que l'idée d'un inévitable et prochain
exil s'était répandue aux Vallées,
puisqu'on s'y préoccupait déjà d'assurer à leurs habitants un
asile en pays étranger (3).
On sait comment ils furent décimés par le massacre et les prisons. L'héroïque résistance des derniers défenseurs de ces montagnes dépeuplées prépara la délivrance des captifs qui s'étaient rendus. Les combattants ne consentirent à terminer la lutte qu'à la condition de pouvoir se retirer librement avec leurs frères prisonniers; et ils se hâtèrent d'en donner connaissance aux cantons évangéliques. Victor-Amédée, sans paraître accepter nulle condition de la part de ses sujets rebelles, comme on les appelait, ratifia implicitement cette clause, en disant de ses prisonniers: «Je souhaite que la résolution que je prendrai à leur égard vous soit agréable (4).»
Huit jours après la réception de cette lettre, les cantons protestants de la Suisse nommèrent des députés, qui se réunirent à Arau (5), pour conférer sur la sortie projetée des Vaudois, et l'asile qu'on pouvait leur offrir. Ayant pris connaissance de tous les documents, cette assemblée remit à deux mandataires, nommés par elle, le soin de s'entendre à cet égard avec le comte Gavon, chargé d'affaires du Piémont près le gouvernement helvétique. Ils se rendirent à Luserne, où il résidait; et leurs négociations ne firent qu'arrêter d'une manière officielle les bases de l'accord sur lequel les derniers combattants des Vallées avaient posé les armes.
Quant
à
la route que les Vaudois devraient suivre pour sortir des États de
Savoie, Victor-Amédée avait d'abord désigné celles du
Saint-Bernard et du Valais; mais comme ils n'eussent pu traverser
ce dernier territoire sans l'assentiment préalable de l'évêque de
Sion, les délégués des cantons protestants qui étaient demeurés à
Luserne, auprès de l'ambassadeur piémontais, demandèrent que les
proscrits Vaudois fussent dirigés sur la Suisse par la route du
mont Cenis. Le comte Gavon écrivit à Turin dans ce sens, et cette
direction fut adoptée.
Alors
aussi
commencèrent d'arriver à Genève les deux détachements vaudois qui
avaient lutté avec tant de courage dans les vallées de Luserne et
de Saint-Martin, et dont la glorieuse capitulation avait déterminé
la délivrance de leurs frères. Ils étaient les premiers à en
jouir, comme ils avaient été les derniers à se rendre; et n'ayant
point passé par les prisons, ils avaient aussi moins souffert: car
les maladies des cachots sont plus meurtrières que les blessures
du combat. Les magistrats de Genève n'avaient pas même encore
connaissance de leur départ des Vallées, lorsqu'ils entrèrent dans
cette ville avec armes et bagages, le 25 novembre 1686.
Ils étaient quatre-vingts personnes, tant hommes que femmes et
enfants. Le Conseil d'État décida que leurs armes seraient
déposées sous les halles pour leur être rendues au sortir de la
cité (6).
Bientôt on reçut avis que le duc de Savoie avait élargi une partie
des prisonniers (7). C'était
ceux de Turin. Salvajot, dont on connaît les mémoires, faisait
partie de ce premier départ; mais ce n'était pas encore là une
mesure générale. Les mandataires suisses renouvelèrent leurs
instances, et le 3 de janvier 1687 parut enfin un édit par lequel
il était accordé aux Vaudois non catholisés d'être mis en liberté,
quel que fût le motif pour lequel ils fussent détenus, à condition
qu'ils sortiraient immédiatement des États de Savoie, sans
s'écarter, sous peine de la vie, de la route qui leur serait
désignée.
Mais ils ne partirent pas sans éprouver de nouvelles peines.
La Propagande voyait avec regret un si grand nombre d'hérétiques
échapper, même par l'exil, à ses tentatives de conversion.
On
sait
combien d'éminents personnages et de grandes familles s'étaient
intéressées à son œuvre avec une ferveur mal éclairée, sans doute,
mais peut-être sincère. Leur prosélytisme avait d'abord été du
zèle; il devint ensuite de l'ambition.
Les faveurs de la cour et du clergé avaient récompensé le
dévouement des premières personnes qui s'étaient généreusement
chargées de l'entretien et de l'éducation de quelques enfants
vaudois. Ce fut un moyen de parvenir; chacun voulut avoir son
converti. Le
beau monde fit une mode de cet empressement, et l'on écrivait de
Turin: «On voit rarement passer un carrosse
qui n'ait son Barbet (8)
derrière lui; il y en a même quelquefois jusqu'à deux, distingués
par leur bonnet à la dragonne (9).»
Mais, comme tout ce qui est une affaire de mode, cet engouement
passa vite, et ces pauvres enfants tombèrent dans l'oubli, souvent
dans la misère, parfois dans la dégradation.
Lors
du
départ de leurs familles, on cherchait encore à s'emparer de
quelques-uns d'entre eux.
«Les prisonniers de ma brigade, écrivait le directeur de l'une
d'elles, m'ont dit qu'à leur sortie de la citadelle de Turin le
major leur avait enlevé plusieurs enfants par force (10).»
Les Vaudois qui avaient abjuré dans les Vallées ou dans les prisons, étaient aussi fort nombreux (11). On conçoit l'entraînement, ou plutôt le vertige, qui, pour les esprits faibles, avait dû multiplier de tels moments d'oubli dans la terreur de la persécution. Plusieurs des convertis n'avaient d'ailleurs abandonné leur Église qu'avec l'espoir de demeurer dans leur patrie; mais ils en furent bien cruellement punis. Pour les empêcher de se joindre à ceux qui se rendaient en Suisse, on ne les laissa sortir de prison qu'après le départ du dernier de leurs frères.
La vogue des convertis était alors passée; les Vaudois fidèles avaient conquis les égards et l'admiration, même de leurs ennemis; les apostats demeuraient suspects, même à leurs nouveaux coreligionnaires; et enfin, au lieu de pouvoir rentrer dans leurs Alpes natales, ils se virent relégués dans les plaines marécageuses de Verceil (12), avec défense d'en sortir, sous peine de dix ans de galères. Leur vie y fut très misérable; plusieurs d'entre eux moururent des fièvres typhoïdes qu'ils contractèrent dans ces climats, si différents des leurs. Leurs compatriotes, qui avaient préféré l'exil à l'apostasie,étaient libres de choisir un asile en pays étranger, tandis que, pareils aux descendants de Jacob en Égypte, les malheureux déportés se virent retenus comme des esclaves dans les rizières méphitiques de Verceil. Une peine de dix ans de galères était prononcée contre tout habitant qui, hors de cette province, aurait reçu chez lui un des Vaudois catholisés. Ils ne pouvaient s'en éloigner, même momentanément, sans une autorisation formelle du gouvernement, étant tenus, en outre, de produire à leur retour des attestations d'exactitude aux offices de l'Église romaine, signées par les curés de toutes les paroisses dans lesquelles ils auraient séjourné. N'a-t-on pas raison de dire qu'au lieu de la dignité de l'exil, ils avaient choisi la honte de la servitude?
Enfin, il leur était interdit de la manière la plus rigoureuse de jamais remettre le pied dans les vallées vaudoises, pour quelque motif et avec quelque autorisation que ce fût. Quiconque y eût été surpris devait être puni de mort; et deux mille francs de récompense (13) étaient assurés à qui celui arrêterait un tel contrevenant.
On voit que ces malheureux déportés, qui avaient espéré un sort plus doux par leur apostasie, furent au contraire bien moins favorablement traités que leurs compatriotes fidèles et proscrits. Ces derniers, après être sortis sans bassesse des États de Savoie, furent accueillis par l'estime, l'affection, les sympathies universelles des pays étrangers, et parvinrent plus tard à rentrer dans leur patrie, qu'ils ne quittèrent plus; tandis que les misérables catholisés, objet de défiance et de mépris pour tout le monde, abandonnés de leur propre estime, languissant loin de leurs montagnes, et sans perspective d'y rentrer jamais, traînèrent dans l'oubli les derniers restes d'une existence pénible et dédaignée. Quelles hautes leçons ressortent de ce profond abaissement!
Avant l'arrivée de ces tristes colons, Verceil déjà avait eu des Vaudois dans ses murs; mais comme ils n'étaient que prisonniers et non catholisés, ils furent appelés à s'expatrier avec leurs fidèles coreligionnaires et partirent en même temps que les prisonniers de Turin.
C'était dans l'hiver de 1686 à 1687. Ces montagnards, autrefois si vigoureux, étaient maintenant pâles, débiles, sans habits, sans souliers, atteints de fièvres et de dysenteries (14). La mort avait éclairci leurs rangs dans une longue réclusion; les rigueurs de l'hiver menaçaient maintenant ces existences affaiblies à peine échappées aux rigueurs des cachots (15).Ils arrivèrent à Turin; là des scènes plus tristes encore les attendaient. À cause du mauvais temps, sans doute, on avait donné l'ordre de ne pas laisser partir les enfants au-dessous de douze ans; mais on avait promis à leurs parents de les leur renvoyer au retour de la belle saison. Ces pauvres gens, déjà si souvent trompés, ne virent là qu'une ruse par laquelle on voulait les priver de leurs enfants, les retenir loin d'eux, les faire catholiques et les leur enlever pour jamais.
Les
cris,
les larmes et les gémissements remplissaient toutes les prisons;
les mères surtout étaient désolées; plusieurs d'entre elles
eussent préféré voir leurs enfants sans vie que livrés à leurs
persécuteurs.
Au premier acte d'enlèvement que l'on voulut tenter en vertu de
cet ordre, il y eut du sang répandu; la résistance fut si vive
qu'on renonça à faire exécuter cette mesure, dont
l'humanité eût approuvé l'exécution si le souvenir des perfidies
passées n'eût trop permis d'en suspecter le but. Non seulement les
enfants que ces familles émigrantes gardaient avec elles leur
furent donc laissés, mais encore plusieurs de ceux qui leur
avaient été précédemment enlevés, apprenant que leurs parents
allaient partir, quittèrent les grandes maisons dans lesquelles
ils avaient été placés et se sauvèrent pour venir se joindre au
cortège des exilés (16).
Mais la plupart de ces pauvres enfants se virent poursuivis,
atteints
et ramenés des bras de leur famille proscrite dans les palais qui
leur servaient de prisons. En traversant la Savoie, quelques-uns
de ceux qui avaient pu partir furent encore enlevés: ici par des
religieux (17), là par des
gentilshommes (18),
ailleurs
par des soldats (19).
Il faut néanmoins observer que la plupart de ces enfants furent
plus tard rendus (20).
Mais combien de peines de tout genre ajoutées aux souffrances de
leurs parents! «Ces misérables, dit Arnaud (21),
étaient accablés d'infirmités et de langueur: les uns rongés par
la vermine, d'autres épuisés par leurs blessures; couverts de
plaies et de haillons, ils ressemblaient à des ombres plutôt qu'à
des êtres humains.»
Tel est l'état dans lequel les premiers détachements de ce peuple
expatrié parurent sous les murs de Genève.
«Enfin,
les
voici qui arrivent, ces braves gens, ces généreux
confesseurs
de notre Seigneur Jésus-Christ!» s'écriait un témoin oculaire de
leur entrée dans cette ville.
«Nous n'avons encore que la première brigade, composée de
soixante-dix personnes, de tout sexe et de tout âge, arrivées par
un froid qui a gelé le Rhône jusque dans son fond. Ils sont le
reste de plus de mille qui étaient emprisonnés en deux lieux
différents, et ont encore laissé une vingtaine des leurs sur les
chemins où ils ont achevé d'expirer de froid, de faim et de
misère. Leurs conducteurs n'ont pas voulu leur permettre de les
secourir. Peut-être était-ce un père qui laissait son enfant; une
mère, sa fille; des enfants, les auteurs de leurs jours (22).»
Ils
arrivèrent
en divers temps et en diverses brigades, au nombre d'environ trois
mille personnes (23). Mais
ils étaient presque tous dans un tel état de dénuement que la
plupart d'entre eux n'eussent pu atteindre les
frontières
de la Savoie sans de nombreux secours. Les uns, courbés par l'âge
et par la maladie, ne possédaient rien pour se
vêtir, d'autres, percés de blessures qui s'étaient agrandies
et envenimées dans l'oubli des cachots, avaient à peine du linge
pour les panser, plusieurs étaient perclus de leurs membres, gelés
en route, et ne pouvaient se servir de leurs mains même pour
recevoir ou porter à leur bouche les aliments qu'on leur offrait;
il y en avait dont l'estomac souffrant ne pouvait digérer sans des
douleurs cuisantes la moindre nourriture. Les plus malades
avaient été entassés sur des charrettes ou
des montures; les uns chancelaient sous le poids d'une extrême
langueur; d'autres étaient si transis qu'ils n'avaient pas la
force de parler; plusieurs enfin étaient tellement accablés de
peines morales qu'ils eussent préféré mourir. Il y en eut qui
rendirent le dernier soupir sur la frontière comme s'ils n'avaient
pu survivre à la perte de leur cruelle patrie; d'autres moururent
en arrivant à Genève, entre les deux portes de la ville, trouvant
ainsi la fin de leurs maux au moment où ils eussent pu en être
soulagés.
Tous ces détails sont tirés des relations du temps; et il n'en est
pas un seul, qui ne s'appuie sur quelque témoignage contemporain.
Les
habitants
de Genève furent admirables de dévouement, de générosité, de
sympathies délicates et empressés pour secourir d'aussi grandes
infortunes.
C'est avec une sorte d'enthousiasme qu'ils accueillirent les
proscrits. La moitié de la population s'était portée à leur
rencontre jusque sur les bords de l'Arve qui servait de limite à
leur noble pays, si restreint sur la carte, mais si grand dans le
monde.
«Les Genevois s'entrebattaient, dit un contemporain, pour
recueillir les plus misérables de ces pauvres Vaudois.
C'était à qui les aurait plus tôt conduits dans sa demeure. Il y
en eut qui les portèrent entre leurs bras depuis les frontières
jusqu'à la ville.»
Cet empressement à les accueillir était si grand que, pour éviter l'encombrement des routes et la surcharge des maisons, le Conseil d'État de Genève se vit obligé de rendre un arrêté par lequel il fut prescrit à chaque citoyen d'attendre, pour recevoir les nouveaux venus, la distribution de leurs billets de logement (24).
Mais
quelle
douleur pour les uns et les autres, lorsque, se cherchant dans la
foule, les membres de la même famille ne se retrouvaient pas! Les
Vaudois qui étaient arrivés les premiers, et à qui la généreuse
hospitalité de cette ville chrétienne avait rendu quelques forces,
accouraient à leur tour à la rencontre des nouvelles brigades dont
on annonçait l'arrivée, pour s'informer des parents ou des amis
qui leur manquaient.
«Un père demandait son enfant, et un enfant son père; un mari
cherchait sa femme, et une femme son mari (25).»
Ces recherches n'étaient souvent suivies que des plus tristes
déceptions, «Cela produisait un spectacle si triste et si lugubre,
que tous les assistants fondaient en
larmes, pendant que ces malheureux, oppressés et abattus par
l'excès de leur douleur, n'avaient ni la force de pleurer ni de se
plaindre (26).»
Janavel
fut
un des premiers à sortir de Genève pour aller au-devant de ses
compatriotes. Ses tristes prévisions s'étaient réalisées; ses
conseils n'avaient pu prévenir une aussi grande catastrophe, et
lui qui, depuis trente-deux ans, avait mangé du pain de l'exil,
eût voulu d'autant plus en éviter l'amertume aux enfants des
montagnes vaudoises, ah! s'il avait pu quelquefois regretter d'en
être séparé, qui dira si maintenant le bonheur de revoir les
familles qu'il avait chéries, le peuple qu'il avait défendu, ne
combattait pas dans son patriotisme la douleur de cette nouvelle
proscription! Mais au pénible tableau de tant de misères, errantes
et sans patrie: à chaque débris de ce grand naufrage qui jetait
sous les murs de Genève les déplorables restes de tout un peuple
expatrié: cette ville généreuse, aussi vaillante dans la charité
que Janavel l'avait été dans les combats, répondait aux proscrits
par de nouveaux secours.
D'ailleurs, il se trouvait encore, parmi les exilés, des bandes
épargnées
et courageuses, des familles privilégiées, qui excitaient
l'admiration en même temps que la pitié.
On
citait,
parmi les Vaudois, un de leurs Barbas, âgé de quatre-vingt-dix
ans, qui menait avec lui une tribu de soixante et douze enfants ou
petits enfants (27).
Ces dignes débris de l'Église vaudoise semblaient faire revivre au
milieu des peuples modernes les imposantes images des émigrations
patriarcales, dont la Bible avait rendu le souvenir familier à
tous les protestants.
Ces exilés arrivèrent à Genève en chantant, d'une voix grave et
triste, ce psaume d'Israël fugitif, que Théodore de Bèze avait
traduit dans la langue de Calvin:
«Faut-il, grand Dieu, que nous soyons épars (28)!»
et dans lequel, en parlant des ennemis du peuple de Dieu, le
psalmiste a introduit des détails qui se rapportaient
si fidèlement aux excès commis dans les Vallées par les
persécuteurs de l'Israël
des Alpes.
Pillons,
brûlons,
ont dit ces furieux;
Et trop cruels dans cette injuste guerre,
Ils ont partout ravagé notre terre,
Et par le feu (Seigneur!) consumé tes saints lieux.
Mais
les
malheurs de la guerre n'avaient été que le prélude de plus longues
et plus grièves souffrances que les Vaudois avaient subies dans
les prisons. Ils y étaient entrés au nombre d'environ douze mille,
et n'en ressortirent que trois mille cinq cents (29).
Dans quelques-uns de ces lieux de captivité, on ne leur donnait à
boire que de l'eau corrompue; ailleurs ils n'avaient pour se
nourrir que d'insuffisants et mauvais aliments. À Queyrasque et à
Asti, ils furent entassés dans les fossés de la ville, exposés à
toutes les intempéries des saisons; ailleurs, couchés sur le pavé
ou sur la terre nue, et quelquefois si serrés dans une enceinte
étroite, qu'ils avaient de la peine à se remuer.
La chaleur de l'été en 1686 avait, disent les relations du temps, engendré une telle quantité de poux, que les captifs ne pouvaient dormir; il y avait même de gros vers qui déchiraient la peau (30); on a vu plusieurs de ces pauvres malades tellement rongés, que leur chair s'en allait en pièces. On a compté jusqu'à soixante et quinze malades dans une seule chambrée, et lorsqu'ils sortirent de là, au milieu de l'hiver, sans transition de la captivité au voyage, dénués de forces et de vêtements (31), il y en eut plusieurs qui ne marchèrent qu'à la mort.
À
Mondovi, l'ordre de laisser partir les Vaudois ne leur fut
communiqué que la veille du jour de Noël , à cinq heures du soir (32);
et l'on dit en même temps aux prisonniers que, s'ils n'en
profitaient pas tout de suite, ils ne pourraient plus sortir le
lendemain. Aussitôt les prisons se vidèrent; tous ces malheureux
se précipitèrent, malgré la nuit et les neiges, au milieu des
grands chemins glacés; ils firent cinq lieues sans s'arrêter;
mais cent cinquante des leurs moururent en
route.
Quelle barbarie de la part de ceux qui les avaient trompés et qui
célébrèrent, le lendemain, la fête de Noël, sans embarras dans
leur église!
À Fossan, on les fit partir pour le mont Cenis au milieu d'un
violent orage; quatre-vingt-six de ces malheureux proscrits
périrent dans les neiges, et beaucoup d'autres eurent les pieds ou
les mains gelés (33).
La brigade suivante, qui traversa le mont Cenis vers la fin de
février (34), put encore reconnaître sur la
neige les cadavres de ceux qui avaient péri en janvier. Mais les
réclamations adressées par le gouvernement suisse à la cour de
Turin, sur le peu d'égards témoignés
aux Vaudois, et le dénuement dans lequel ils étaient laissés,
malgré l'article des stipulations par lequel Victor-Amédée s'était
chargé de pourvoir à leurs besoins jusqu'aux frontières de Savoie;
l'indignation que l'on ressentit à la vue de tant de malheurs, la
voix même de l'humanité, décidèrent le duc de Savoie à prendre des
mesures plus efficaces pour leur conservation. Il fit transporter
à la Novalèze, au pied du mont Cenis, quinze balles de casaques en
gros drap noir, destinées aux convois ultérieurs.
Celui qui traversa cette montagne un mois après la catastrophe qui l'avait couverte de deuil, était composé de deux bandes de prisonniers, venues l’une de Luserne et l'autre de Turin, mais réunies à Saint-Ambroise, au nombre de deux cents deux personnes. Une quarantaine de ces capotes de laine, envoyées par Victor-Amédée, leur furent distribuées.
Le
chevalier
de Parelles les avait accompagnés jusques au pont de Frèlerive, et
le capitaine Carrel, son frère, les conduisit de là jusques aux
frontières de Genève. Ils se louèrent beaucoup des soins qu'on
avait eus pour eux pendant ce voyage, et donnèrent une attestation
dans ce sens au capitaine qui la leur avait demandée. Cette
dernière circonstance prouve que le duc de Savoie avait
enfin
pris à cœur de veiller sincèrement au soin des malheureux
proscrits (35).
Ils ne laissaient pas néanmoins d'avoir encore à subir de grandes
privations. «Ils sont dans un pitoyable état,» écrivait un des
commissaires suisses envoyés à leur rencontre (36).
«Presque tous sont malades, et sans nos secours, la moitié
seraient morts en chemin. J'ai pu ravoir la fille qui avait été
enlevée à Lanslebourg, et un joli garçon que le maître de La
Ramassa avait gardé au mont Cenis. J'ai écrit au commissaire de
Son Altesse Royale pour faire rendre les enfants retenus à
Saint-Jean et à Aiguebelles; on en a renvoyé quatre; il en reste
encore cinq, qu'on a promis de faire prendre avec les treize
malades qui sont restés en route.»
«Ces gens ont bien souffert. Cependant ils sont patients et contents, et remercient Dieu aux larmes, en vous faisant d'actuelles (37) bénédictions de voir les soins qu'on prend pour les secourir.» Ces dernières paroles sont extraites textuellement de la lettre que nous avons citée.
Voici
maintenant
les détails que donne Salvajot sur la marche de ce convoi dont il
faisait partie.
«Après nous avoir fait beaucoup de promesses pour nous engager à
embrasser le catholicisme, on nous laissa partir le 27 février
1687 (38). Le départ se fit en
bon ordre. On mit sur des charrettes les enfants et les personnes
qui ne pouvaient marcher. Lorsque la route était trop mauvaise
pour les voitures, on nous donnait des mulets, des ânes et des
chevaux. Nous traversâmes presque toute la Savoie à cheval, et
quand les Savoyards ne faisaient pas leur devoir, le sergent leur
donnait des coups de bâton.»
On voit que les mœurs de ce temps n'étaient guère plus douces à
l'égard des sujets catholiques, que des proscrits protestants.
Ils
n'étaient les uns et les autres, pour l'entourage des souverains,
que des manants, corvéables et taillables selon
leur bon plaisir.)
«Nos
sergents
étaient très bons, ajoute Salvajot. Ils avaient soin qu'on ne nous
fit aucun tort.» (Par crainte, sans doute, des châtiments
corporels qui les eussent attendus eux-mêmes, en suite des
nouvelles dispositions d'esprit qu'avaient produites les accidents
survenus par la dureté des premiers conducteurs.)
À Genève, dit la relation de 1689, «les Vaudois furent reçus, non
seulement comme des frères, mais comme des personnes qui portaient
avec elles, la paix et la bénédiction dans les familles (39).
On leur prépara des places réservées dans le temple de
Saint-Pierre, derrière celles des syndics de la ville (40).
On avait fait disposer pour eux l'hospice Plain-Palais (41);
mais presque tous les proscrits, même ceux qui étaient malades,
furent logés et soignés par les habitants de Genève.
Les autres villes protestantes de la Suisse s'empressèrent de
concourir
à ce généreux accueil. Celle de Berne avait offert aux magistrats
de Genève, de faire vêtir les Vaudois à ses frais (42);
mais
on y avait déjà pourvu (43).
Cependant,
toutes
ces bandes successives d'émigrants ne pouvaient s'entasser dans
une seule ville. De fréquents courriers étaient échangés entre
tous les cantons protestants de la Suisse, pour arriver à y
répartir le plus avantageusement possible un aussi grand nombre
d'exilés.
Une partie d'entre eux fut dirigée en Wurtemberg et en Brandebourg
dans le courant de l'année 1687; mais la plupart hivernèrent en
Suisse, en attendant qu'une station définitive leur eût été
assignée.
Quelques-uns allèrent en Hollande, et de là en Amérique; le plus
grand nombre cependant répugnait à s'éloigner des vallées
vaudoises. Les pauvres bannis espéraient encore pouvoir y rentrer
quelques jours, et retardaient autant que possible la fixation
d'un établissement qui les eût enchaînés sur la terre
étrangère.
Janavel
nourrissait
ces sentiments de patriotisme dans leur cœur. Ils avaient
d'ailleurs laissé une partie de leurs compatriotes en Piémont;
car, indépendamment de ceux qui se trouvaient à Verceil, tous les
Vaudois qui, durant la guerre de 1686, avaient été pris les armes
à la main, loin de se voir relâchés avec les autres prisonniers,
furent condamnés aux galères, et plus tard, employés aux travaux
des fortifications (44).
Enfin tous les pasteurs vaudois, à l'exception d'Arnaud et de
Montoux, étaient retenus, malgré les fréquentes et vives
représentations de la Suisse, à qui l'on répondait que
Victor-Amédée s'était réservé de prononcer sur leur sort, au
retour d'un voyage qu'il venait de faire à Venise (45).
«Deux jours avant notre départ de Turin, raconte Salvajot, on mit tous nos ministres avec leurs familles dans une chambre séparée; des gardes furent placés à la porte, afin que nul ne pût en sortir, et ainsi nos pauvres ministres restèrent en prison, eux qui croyaient devoir être les premiers à partir.»
Mais
Victor-Amédée ne se hâta pas de statuer sur
leur sort; car on lit dans un ouvrage publié en 1690: «Les
pasteurs vaudois sont toujours prisonniers; on a essayé tour à
tour des promesses et des menaces pour les faire abjurer; et à
présent encore, ils gémissent dispersés et retenus dans trois
châteaux forts, où ils sont exposés à beaucoup d'incommodités et
de misères, sans qu'on voie encore aucune apparence à leur
délivrance» (46).
Ils ne furent élargis qu'en juin 1690 (47),
lorsque les Vaudois victorieux eurent reconquis leurs vallées, et
que Victor-Amédée eut intérêt à se les rattacher par suite de la
rupture politique qui venait d'éclater entre le Piémont et la
France.
Le secret de la puissance des rois est d'avoir su opprimer les
hommes les uns par les autres; leurs armées sont tirées du peuple
et dirigées contre le peuple.
Les
guerres
qui surgissent entre les nations ne sont jamais dans l'intérêt des
nations: c'est l'ambition des dynasties qui les produit et en
profite.
Aussi, tout peuple opprimé est le complice du tyran qu'il subit;
car, s'il était isolé, nul tyran ne pourrait prévaloir contre un
peuple tout entier.
Mais Dieu a permis cette tutelle rigoureuse des sociétés humaines,
afin de leur faire sentir le prix de l'émancipation; et pour avoir
la liberté, il faut en être digne.
Une âme indépendante, même dans l'oppression, même dans le
martyre, est plus libre encore qu'une âme servile privée de ses
maîtres.
Terminons par ces paroles de l'Évangile: «Si Christ vous
affranchit, vous serez véritablement libres.»
1) Ce qui paraît résulter des termes
suivants de cette circulaire: Tous les pays confédérés
et alliés sont invités, etc...
2) Cette circulaire est datée du 14 mai
1686; et le jeûne qu'elle indique devait
avoir lieu le 24 du même mois. Archives de Berne. Communication
de M. Monastier.
3) Lettres écrites dans ce but, en janvier
1686, par les députés vaudois:
1° au Grand Électeur de Brandebourg (Frédéric-Guillaume);
2° au duc de Wurtemberg;
3° à l'électeur du Palatinat;
4° au comte de Waldeck.
Réponse favorable de l'électeur de Brandebourg, le 31
janvier; autre lettre du même aux cantons suisses, du 12
mars, pour leur recommander les Vaudois, et du 3 juin, pour
demander des renseignements sur leur nombre, leur fortune,
leurs industries, etc.. (Citées par Dieterici.)
4) Lettre aux cantons évangéliques, du 17
d'août 1686. (Archive
de cour, Turin.)
5) En septembre 1686. Introduction de
la Rentrée, par Arnaud.
6) Registres du Conseil d'État de Genève,
séance du 26 novembre 1686.
7) Id. séance du 3
décembre.
8) Terme de mépris par lequel on avait
désigné les Vaudois, en raison du nom de Barbas qu'ils
donnaient anciennement à leurs pasteurs.
9) Lettre des commissaires suisses à leurs
seigneurs de
Berne, 24 mars 1687. (Archives de Berne, onglet
C.)
10) Lettre à M. Panchaud, 12 mars. (Archives
de Berne, C.)
11) Leur recensement donne le chiffre
2,226. (Archives d'État, Turin, pièces
diverses.)
12) L'ordre de les y diriger arriva le 3
mars 1687. Un premier départ de 650 personnes, toutes de la
vallée de Saint-Martin, eut lieu le 8. Elles furent
embarquées sur le Pô. Un second convoi partit le 15. D'après
un dénombrement fait à Cigliano, le 17, il se composait de
792 hommes, 260 femmes, 501 infirmes et 23 enfants.
Ce petit nombre d'enfants s'explique par les nombreux
enlèvements dont ils avaient été l'objet. Les chiffres qui
précèdent sont tirés d'une pièce intitulée: Dislribuzione
delle cattolizati delle valli di Luzerna, nella città e
terre della provincia di Vercelli. (Archives de
cour.)
Un autre tableau, où le peuple vaudois est groupé par
familles, porte à 1973 le nombre des familles qui existaient
dans les Vallées avant 1686, et à 424 le nombre de celles
qui se sont catholisées. (Même source, Ristretto
degli abilanti delie Valli etc...)
13) ... Insistance qui prouve le peu
de foi qu'on mettait et qu'on ajoutait alors aux promesses même
les plus authentiques: ce caractère apparaît partout où le
catholicisme a été triomphant...
14) Rapports sur la prochaine arrivée des
premières bandes de proscrits vaudois, dressés par les
commissaires qui avaient été envoyés à leur rencontre. (Registres
du Conseil d'État de Genève, séances du 14, du
15, du 24 et du 31 janvier 1687.)
15) Il en mourut plusieurs en route.
(Lettres et rapports des commissaires.)
16) Dissipation des Églises
vaudoises, p. 29.
17) À Aiguebelle.
18) A Suze, à Saint-Jean de Maurienne, à
Annecy.
19) A Frangy, à Saint-Julien.
20) «Toutes les personnes enlevées depuis
le mont Cenis ont été rendues, quoiqu'avec assez de peine, à
la réserve d'une jeune fille, qu'un gentilhomme de
Saint-Jean-de-Maurienne, nommé M. Galaffre, n'a
pas voulu rendre, malgré mes instances et celles du
commissaire de S. A. R.» (Lettre du 1er mars. Archives
de Berne, C. D.)
21) Rentrée, p. 4.
22) JURIEU. Lettres
pastorales; édition de Rotterdam, 1688, t. I, p. 287.
23) Voici sur quelles bases ce chiffre
est établi:
Sont arrivées le 25 novembre 1686: 80 personnes. (Le 10
décembre, même année, le Conseil d'État de Genève est averti
que prochainement devaient arriver encore quatre brigades,
de mille personnes chacune.)
Nouveaux proscrits arrivés le 14 janvier 1687, au nombre de
70. Le 24 du même mois, 208; le 26, item, 340.
À partir de cette époque, je ne trouve plus d'évaluation
précise, jusqu'au 31 d'août 1687, où arrivèrent à
Genève de nouvelles troupes d'exilés, au nombre de 800
personnes, la plupart de la vallée de Pragela. Tous ces
chiffres réunis donnent le nombre 1640. Mais les groupes
auxquels ils se rapportent n'ont certainement pas été les
seuls; il doit y avoir eu des convois plus forts et plus
nombreux.
Nous savons, par les mémoires de Salvajot, que celui dont il
faisait partie arriva à Genève le 10 février 1687; et il
ajoute qu'il était des premiers. De février au mois d'août,
plusieurs autres caravanes d'exilés ont dû se succéder à
Genève. Un grand nombre de pièces en font foi. Dans les
registres du Conseil d'État de cette ville, à la date du 13
d'août (par conséquent avant l'arrivée de la plus forte
brigade mentionnée dans cette liste, nous trouvons la
distribution suivante des Vaudois déjà expatriés:
en Brandebourg, 700; en Wurtemberg, 700;
dans le Palatinat, 800; dans les cantons
de Zurich et de Berne, 150;
à Genève (d'après une note mentionnée au
procès-verbal de la séance du 1er juin 1687), 150; total:
2,500; et, en ajoutant le chiffre de la brigade du 31
d'août, on obtient le nombre de 3,800.
Le mémoire présenté en juin 1687 à l'électeur de Brandebourg
par le délégué suisse David Holzhatb, de Zurich, donne ainsi
le recensement des Vaudois recueillis à cette époque dans la
Confédération helvétique: 1,001 hommes, 801 femmes, 764
enfants au-dessous de quinze ans; total: 2,656 personnes.
24) Séance du 2 février 1687.
25) BOYER, p. 281.
26) Dissipation, etc. p.
34.
27) Cette famille faisait partie de la
troisième bande des exilés. Il en est question dans un
manuscrit de l'époque qui m'a été communiqué par M.
Lombard-Odier de Genève. Ce MS. dit que les Vaudois étaient
déjà sous la conduite d'Arnaud pasteur de leur
nation. Mais ces derniers mots ne suffisent pas à
établir qu'Arnaud fût d'origine vaudoise, surtout en
présence des preuves qui le présentent comme un Français
réfugié aux Vallées.
28) C'est le psaume 74, du recueil en
usage dans les Églises réformées.
29) C'est le chiffre approximatif; mais à
un petit nombre d'unités près, je crois pouvoir le donner
comme exact. Il avait été dit, dans la séance du 10 décembre
1686 du conseil d'État de Genève: il en doit venir au plus
tôt mille, et puis trois autres
bandes chacune d'autant. Il y eut un plus
grand nombre de bandes, mais chacune d'entre elles
était composée d'un moins grand nombre d'émigrants.
30) Probablement des larves de divers
insectes.
31) «Ces pauvres gens des Vallées sont la
plupart très mal vêtus ou nus. «(Registres du Conseil
d'État de Genève; séance
du 2 janvier 1687.)
32) À Luserne, l'ordre fut d'abord
affiché dans les rues, sans être communiqué aux prisonniers
qu'il concernait exclusivement.
33) Avis d'un grand malheur
arrivé aux Vaudois sur le mont Cenis. Note
adressée au Conseil d'État de Genève, par les commissaires
suisses envoyés à la rencontre des exilés. Elle est datée du
3 février. — Une lettre de Me Truchet, écrite d'Annecy à M.
le colonel Perdriol à Genève, sous la date du 14, donne des
détails sur cette catastrophe. (Archives de Berne, C
et D.)
La troupe vaudoise était de 320 personnes; elle fut réduite
à 230, non seulement par cet accident, mais encore par
divers enlèvements qui eurent lieu à travers la Savoie.
Ainsi Marie Sarrette de Prarusting, Marie Cardon d'Angrogne,
Jean Pasquel, Jacques Pascal, Paul et Jean Cardon furent
enlevés à Saint-Jean de Maurienne. Les trois filles de Jean
Pasquet avaient été précédemment enlevées à Rivoli, etc.
Si le cadre de ce travail me l'avait permis, j'aurais donné,
sur ce point et sur bien d'autres, des détails beaucoup plus
étendus.
34) Elle arriva à Genève le 1er de mars.
(Lettre de Me Paschaud, conseiller d'État, à L. L. E. E. de
Berne.)
35) Dans tout ce qui s'est passé de
pénible à l'égard des Vaudois, on doit moins accuser les
intentions de leur souverain, que les menées de leurs
ennemis. Il est même des choses qui prouveraient que ces
derniers se défiaient encore des bonnes dispositions de
Victor-Amédée à l'égard des Vaudois.
Salvajot raconte dans ses mémoires que ce prince venait
souvent passer des revues dans la citadelle de Turin; mais
qu'on défendait alors aux prisonniers vaudois de sortir des
bâtiments dans lesquels ils étaient renfermés, et même de se
montrer aux fenêtres; et que l'on mettait en prison, in
un crottone, quiconque
faisait la moindre tentative pour demander grâce à S. A. R.
36) Lettre du commissaire Commun,
datée d'Annecy.... Mars 1687. (Archives de
Berne, onglet D.) J'en abrège quelques expressions.
37) De continuelles.
38) Voici l'indication de leurs étapes,
de Turin à Genève: 1° Saint-Ambroise; 2° Bussolino; 3° la
Novalèze, où ils arrivèrent le 1er de mars; 4° Lanslebourg;
5° Modane; 6° Saint-Jean de Maurienne; 7° Aiguebelles; 8°
Grisy; 9° Favergie; 10° Annecy; 11° Crusiglia; et après
douze jours de marche, ils arrivèrent le 10 de mars à
Genève, où ils séjournèrent jusques au 24.
39) Dissipation.... p.
M.
40) Conseil d'État de Genève, séance du 5
février 1687.
41) Registres du Conseil d'État. Séance
du 15 janvier.
42) Même source. Séance
du 2 février.
43) Plusieurs sources de secours y
contribuèrent; 1° le gouvernement (séance du Conseil d'État,
du 2 février); 2° la bourse italienne (séance
du 8 février) 3° les particuliers; (séances du 19 février,
du 12 mars art.)
44) Lettre du comte de Gavon à M. de
Murat, lue au Conseil d'État de Genève, séance du 7 février
1687. Voy. Registres du conseil.
45) Même source.
46) Hist. de la dissip. des Egl.
vaud., p. ,35. Ces pasteurs étaient au nombre de
neuf. {Mémoire de DAVID HOLZHALB au
grand Électeur de Brandebourg. — Sur l'état des
Vaudois: juin 1687. Archives de Berlin.)
Six autres, savoir: MM. Arnaud, Montoux, Bayle père et fils,
Dumas etc., Javel, avaient pu sortir du pays. Un seul avait
abjuré: c'était J. P. Danne. On fit un jeu de mots sur son
nom en disant qu'il suffisait d'un accent aigu sur la
dernière lettre pour indiquer ce qu'il était devenu. Cet
homme qu'il est plus facile de croire égaré que convaincu,
écrivit quelques ouvrages en faveur de l'Église romaine.
47) Mercure historique, t.
VII, p. 667.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |