Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

FIN DE LA LUTTE

MÉMOIRE D'UN PRISONNIER

CAPTIVITÉ ET DISPERSION DES VAUDOIS EN DIVERSES VILLES

(1686. De mai à septembre.)


Il ne restait plus, dans les vallées vaudoises, de tant de courageux, mais trop crédules défenseurs, qu'une petite troupe de combattants, qui luttait encore sur la montagne de Vandalin.
Le dernier espoir de la patrie abattue, le dernier rayon de la liberté mourante, reposait sur leurs nobles efforts.
Mais un esprit de perdition semblait avoir soufflé sur toutes ces contrées. Un vertige fatal jetait les plus mâles courages dans le piège grossier de ces promesses illusoires dont on avait déjà tant abusé.

Le gouverneur de la province, (c'était M. de La Roche), après avoir dirigé plusieurs attaques inutiles contre ce groupe de héros, recourut à la trahison, afin d'enlever à leur vaillance ce glorieux drapeau de liberté qu'ils faisaient encore flotter sur les Vallées.
Il leur écrivit pour leur promettre comme magistrat, comme citoyen et comme homme d'honneur, la grâce de leurs familles et leur propre liberté, si, conformément aux dispositions de l'édit du 28 mai, ils consentaient à se retirer dans leurs demeures respectives. Les Vaudois avaient trop oublié qu'à la simplicité de la colombe, ils devaient joindre la prudence du serpent. Ils crurent à ces paroles perfides, se retirèrent; et immédiatement après, le loyal gouverneur fit occuper le poste retranché qu'ils venaient d'abandonner, arracha à leurs mains le billet qu'il leur avait écrit, et les fit jeter dans les prisons déjà remplies de leurs frères.

«Dans la vallée de Saint-Martin, dit Brez (1), quelques hommes, s'étant encore ralliés, avaient pris la résolution de défendre le sol natal jusqu'à la dernière extrémité.
Les persécuteurs ne pouvaient être indifférents à ces faibles restes, qu'il était moins facile de dompter par la force que par la ruse; et comme il y avait parmi les prisonniers beaucoup de Vaudois qui jouissaient de la confiance de leurs concitoyens, le marquis de Parelles les fit marcher à la tête de son armée pour s'avancer contre leurs frères; puis il les força le pistolet sur la gorge, d'écrire plusieurs billets par lesquels ils exhortaient leurs compatriotes à poser les armes pour s'en remettre à la clémence du souverain, dont la grâce, disaient-ils, était offerte à tous ceux qui voudraient en profiter.
À la vue de ces caractères bien connus, les Vaudois, exténués de fatigue, de faim et de misère, se rendirent presque tous, et, loin d'obtenir leur grâce, augmentèrent soudain le nombre des captifs.» 

Ainsi, après avoir massacré plus de mille personnes, fait par surprise plus de six mille prisonniers et dispersé deux mille enfants protestants dans toutes les directions; après avoir déclaré coupables de lèse-majesté tous les Vaudois qui restaient encore dans les Vallées, et prononcé la confiscation universelle de leurs biens, il semblait qu'on n'eût plus rien à faire dans ce malheureux pays que d'abandonner à son propre silence la tombe des Églises vaudoises et de laisser pour jamais s'étendre sur elles les solitudes de la désolation.
Mais, qui l'eût dit?

C'est alors au contraire que les Vaudois reprirent courage, et puisèrent une nouvelle énergie dans l'excès de leur désespoir. L'esprit de force souffle où il veut; ils n'avaient plus ni temples, ni foyers, ni patrie; aucune perspective de clémence ne pouvait désormais les tromper; ils ne devaient attendre leur salut que d'eux-mêmes et de Dieu: et c'est alors qu'ils reparurent animés d'une confiance plus invincible qu'auparavant.

Les troupes françaises s'étaient retirées. La milice de Mondovi venait de rentrer dans ses foyers. Ainsi avaient disparu les principaux adversaires des Vaudois; les premiers par leur nombre, les seconds par leur férocité: car, en 1681, les révoltés de Mondovi avaient été vaincus par la milice vaudoise, et l'esprit de vengeance s'était joint chez eux aux excitations du fanatisme et des camps, pour augmenter, en 1686, la cruauté des représailles qu'ils nous firent subir.

L'armée piémontaise commençait aussi d'abandonner cette terre appauvrie, sanglante et dépeuplée. Déjà de riches Savoyards venaient examiner les biens qu'ils se proposaient d'acquérir dans ces lieux dévastés. Le duc de Savoie voulait les repeupler, comme pour défendre, même au désert, d'y conserver le souvenir d'un peuple disparu.
Alors, du fond des bois, du creux des ravins, des fentes des rochers, du haut des cimes escarpées, sortirent des hommes amaigris, des patriotes à moitié nus, des proscrits battus par l'orage, aguerris au danger, familiers aux fatigues et à la faim: qui, pour échapper à la persécution, s'étaient nourris, pendant des mois entiers, de l'herbe des montagnes, de la chair des chamois, ou même de la sauvage géniture des loups, vaguant pour dévorer les corps laissés sans sépulture.
Peu à peu ces rudes montagnards se rapprochèrent, se réunirent, s'organisèrent, et s'étant comptés dans la vallée de Luserne, sur les hauteurs ombragées du Becès, ils se trouvèrent en tout quarante-deux hommes, quelques femmes et quelques enfants.
Un nombre à peu près égal surgit de la vallée de Saint-Martin.

Quels étaient leurs noms? Qui fut leur chef? Quels actes d'héroïsme et de valeur extraordinaire accomplirent-ils depuis lors pour affranchir, à eux seuls, leur patrie opprimée, tirer de prison leurs compatriotes trahis, regagner tous leurs biens confisqués et obtenir, avec armes et bagages, pour eux et pour leur peuple, une glorieuse retraite en pays étranger?
C'est ce que l'on ignore. Nul n'a écrit les annales de ces enfants perdus, mais victorieux, des montagnes vaudoises. Leurs expéditions se jugent par les résultats.
Ah! si toutes les forces d'un tel peuple s'étaient trouvées dès l'abord bien unies et bien dirigées! si Janavel avait été écouté! s'il s'était trouvé là !...
Mais son esprit, du moins, paraît avoir animé ces derniers défenseurs des Vallées. Poussés par la main de Dieu, ils tombèrent comme la foudre sur les persécuteurs qui les croyaient anéantis, défirent successivement les garnisons du Villar, de La Tour, de Luserne et de Saint-Segont, enlevèrent des convois de ravitaillement qui se rendaient à Pignerol, refirent ainsi leur équipement, leurs munitions et leurs vivres. Puis, rentrant dans ces montagnes invaincues dont eux seuls connaissaient les détours, ils multiplièrent leur nombre par leur activité, leurs forces par leur valeur, leur pouvoir par la crainte qu'ils inspiraient, et leurs chances de salut par les pertes réitérées qu'ils faisaient subir à leurs ennemis.

Imprévus dans l'attaque, insaisissables dans la fuite, ils tombaient à l'improviste sur un poste négligé, sur un cantonnement endormi, mettaient tout à feu et à sang et s'étaient retirés avant qu'on eu le temps de se reconnaître autour d'eux.
D'autres fois, au milieu de la nuit, ils venaient surprendre un des villages de la plaine, mettaient le feu aux deux bouts, et menaçaient de l'incendier tout entier s'il refusait de payer une forte contribution.

Le marquis de Panelles se remit en mouvement du côté de Rocheplate et de la vachère, Gabriel de Savoie remonta vers Luserne et Bora, car ce n'était jamais par le bas des vallées, mais par les caps avancés des montagnes intermédiaires, que ces hardis flibustiers faisaient leur incursion. Comme des Corsaires des Alpes, traités en ennemis par tous leurs alentours, ces montagnards désespérés causèrent une terreur qui croissait avec leurs victoires.

Les troupes qui marchaient contre eux furent deux fois repoussées. Le marquis de Parelles occupa les hauteurs de Saint-Germain et d'Angrogne, qui séparent la vallée de Luserne de celle de Saint-Martin, afin d'empêcher la jonction des deux petits corps de troupes volantes qui occupaient ces vallées.
Mais quoique divisés de terrain, ils ne le furent pas de sentiments. On leur fit offrir isolément de traiter avec chacun d'eux, aux conditions les plus avantageuses; mais chacun d'eux refusa.
On leur fit offrir, aux uns et aux autres, des sauf-conduits pour qu'ils pussent se retirer librement en pays étranger; mais ils exigèrent que la même liberté fût accordée à tous leurs compatriotes prisonniers.
On parut disposé à entrer en négociations sur cette base; mais ils ne voulurent capituler qu'en ayant des otages.
La négociation leur était favorable, mais on faisait des réserves pour les prisonniers. Ils la rompirent brusquement, en disant qu'ils mourraient tous dans les Vallées, ou n'en sortiraient qu'accompagnés de leurs compatriotes.
Enfin, la retraite de tous les Vaudois survivants fut  accordée. Les montagnards stipulèrent qu'un officier de la garde royale accompagnerait chaque division d'exilés pour lui servir d'otage; ils demandèrent, en outre, et obtinrent que leur voyage, jusqu'aux frontières des États de Savoie, s'effectuerait aux frais de Victor-Amédée.

Ils devaient partir en deux brigades, après quoi on ferait partir successivement, de la même manière, tous les autres prisonniers. Chacun d'eux serait libre de faire l'usage qu'il voudrait de ses biens.
Mais, hélas! tout avait été la proie du pillage ou de l'incendie; et de ces affreuses prisons, où leurs frères avaient été entassés, combien ne ressortirent pas!
Il en périt alors un plus grand nombre en peu de jours, dans les longues souffrances de la captivité, qu'il n'en avait péri dans les combats depuis trois siècles, à travers toutes les persécutions (2).
Le courage a toujours eu moins de danger que la faiblesse. 

Un journal, écrit en italien par un de ces malheureux, nous permet d'initier le lecteur à une partie de leurs souffrances.

«Le vingt-trois avril, dit-il (3), a commencé la désolation de nos vallées. Le vingt-six, je me retirai dans les montagnes de Rora; car ailleurs on ne pouvait dormir nulle part, et tout avait été tellement saccagé qu'on ne trouvait plus rien pour vivre.

Bientôt je ne sus plus que devenir; mais je pensai que Dieu ne m'abandonnerait pas, si je lui restais fidèle; aussi m'envoya-t-il un homme sur lequel je pouvais me fier (4). Il demeurait à Lusernette, et me dit que, si je voulais aller avec lui, je n'aurais rien à craindre.

«Nous descendîmes de la montagne, et, vers la nuit, étant arrivés au hameau des Bonnets, où était ma maison, il me demanda s'il y avait du vin pour se rafraîchir. Je lui en montrai d'une qualité inférieure; mais je lui dis que j'en avais aussi d'une autre qualité, qui était du meilleur que produisît la Giovanèra de Saint-Jean (5).»

Étant arrivé à Lusernette, Salvajot remit ses armes à son ami, qui les cacha et qui fit ensuite coucher le fugitif dans un grenier, afin que les voisins ne s'aperçussent pas de sa présence; cas il était défendu, sous de très grandes peines, de donner asile à aucun Vaudois.

Il demeura dans ce galetas trois jours et trois nuits, après quoi il dit à Martina d'aller trouver le seigneur de Rora, dont il était féal, et qui demeurait à Gampillon, pour le prier de lui accorder quelque emploi.
Je lui avais, dit-il, écrit un billet de ma propre main; mais dès qu'il l'eut vu, il se mit à jurer et le déchira, disant qu'il ne pouvait rien faire pour moi.
Je ne savais quel parti prendre, et j'hésitais à retourner dans les montagnes, lorsque Martina alla, sans m'en rien dire, parler à Luserne au préfet de La Tour, qui se rendit immédiatement auprès de S. A. R. pour obtenir ma grâce. Je passai tout le jour fort inquiet. Mon ami n'arriva qu'à deux heures après minuit et me réjouit fort le cœur en me disant que je pouvais m'en retourner sans danger pour ma vie.
Je rendis grâce à Dieu, et le lendemain, 4 de mai, j'allai à Luserne en compagnie du curé de Lusernette et de Martina. Ils m'escortèrent jusqu'au couvent du Pin, où l'on me fit beaucoup d'accueil (grande carezze), pensant que je voulusse changer de religion. Mais je dis aux moines que, pour le moment, j'avais bien autre chose en tête; que ma femme et ma petite fille étaient encore par les montagnes, et que je les priais de m'aider à les en retirer, afin que les soldats ne les tuassent pas.
«Aussitôt ils allèrent parler au président Palavicino, qui se rendit avec bonté (délia sua grazzia) vers S. A. R., et me fit dire que tous ceux des nôtres qui voudraient se rendre vers le prince, le pourraient.»


Salvajot ignorait encore le sort qu'avaient subi ceux qui s'étaient rendus; car les défenseurs de Pomian, trahis par Catinat, étaient déjà emprisonnés. Lui-même le fut bientôt, dans les caves de ce même couvent, dès qu'on eut reconnu l'impossibilité d'obtenir son apostasie.


Il continue ainsi:

«J'envoyai donc deux enfants pour faire venir ma femme: car je ne voulais pas écrire un billet qui eût pu faire croire aux nôtres que je les avais abandonnés. Ces enfants furent accompagnés jusqu'au Villar par leurs propres pères, qui apportaient au comte de Massel l'écrit de Palavicino, ordonnant de les laisser passer et revenir avec ma famille.

De là, ces enfants allèrent seuls à la recherche de ma femme, jusqu'à la Baudeina, où ils la trouvèrent faisant du pain. Avant de descendre, elle voulut aller chercher sa fille qui était au fourest; mais l'ennemi arriva, et ils furent tous obligés de se cacher pendant dix jours.

Ma femme arriva enfin à Luserne avec notre enfant; on la pressa de se catholiser, mais elle dit qu'elle ne ferait rien sans en parler à son mari.Le père président (6) la conduisit à ma prison et me dit de lui laisser croire que j'étais déjà catholique (7); mais cela me fut impossible.

Elle voulait entrer dans la prison, avec ma fille qu'elle tenait par la main, mais le Père leur dit: Prenez garde, pauvres femmes, car si vous entrez là-dedans, vous n'en sortirez plus. Mais j'étais si joyeux de les revoir, et elles si heureuses d'être près de moi, que nous ne pûmes nous résoudre à nous séparer. Elles entrèrent, et passèrent cette nuit à mes côtés, au milieu des autres prisonniers.
Elles dormirent sur la terre, sans paille, sans couverture et sans souper; car bienheureux était ce lui qui appuyait sa tête sur une pierre: les ministres aussi bien que les autres.
Chacun tirait à soi tout ce qu'il pouvait, et plusieurs d'entre ceux qui avaient été amis, devinrent ennemis. Tant la faim est un cruel démon!

Le lendemain ma femme voulut sortir pour aller chercher quelque chose à Luserne, chez notre ami Martina; mais il fallut avoir recours au major et payer due crosasi au capitaine des gardes, afin de pouvoir sortir.
J'indiquai alors à ma femme un endroit où j'avais laissé tomber un chaudron en cuivre dans le torrent de Laigha, et lui dis de l'apporter chez Martina; car il m'avait coûté una doppia d'Italia (8), et il était presque neuf.
Elle devait aussi lui remettre une somme de cent francs, que j'avais en écus et en petite monnaie; ainsi que vingt livres de sel et dix-huit livres de lard qui nous restaient encore.Martina lui promit de garder toutes ces choses, et de me les rendre quand je les ferais réclamer.»


Ces détails peuvent paraître minuteux; mais la préoccupation des soins ordinaires de la vie ne saurait être retranchée, même des plus graves événements. Ils ne sont pas inutiles, d'ailleurs, pour faire connaître l'esprit d'ordre, d'économie et d'équité qui animait nos pauvres montagnards.
Beaucoup d'autres détails du même genre se trouvent encore dans le mémoire d'où nous tirons ceux-ci.


«Dans les premiers jours de ma captivité je vis arriver quatre cents personnes de Pral, tant femmes qu'enfants et vieillards; et tous dans un état si déplorable, si malheureux, que les prisonniers même en étaient affligés.
Ces pauvres gens avaient conduit avec eux quelques ânes et quelques mulets; mais les soldats s'emparèrent de ces montures, et en jetaient bas ces pauvres enfants et ces pauvres femmes si brutalement, que c'était une véritable compassion. Deux d'entre elles, qui étaient enceintes, accouchèrent sur le coup, et on les mena dans un autre cachot.

Un jour le président Palavicino me fit appeler dans le jardin du couvent et me demanda si je savais le chemin du col Julian et de Barma d'Hant; mais je lui dis que je n'étais jamais allé de ces côtés-là.
«Puis il signor Glaudi Brianza, me prenant à part, vint me dire: — À présent, Salvajot, il vous faut faire en sorte que les autres habitants des Vallées se rendent, parce qu'alors on vous mettra en liberté.

Ah! monsieur, je ne puis absolument rien en cela.
Prenez garde! Si vous faites le récalcitrant, vous aurez à vous en repentir.
Deux jours après, le président vint me demander si je voulais voir nos ministres. — Bien volontiers, lui dis-je.

Eh bien, venez avec moi.
«Il me fit alors sortir du couvent des missionnaires; nous passâmes devant le palais du marquis, où je vis le duc de Savoie à la fenêtre, et bientôt nous arrivâmes à la prison des ministres. En entrant je saluai; et, voyant leur misérable état, je demandai s'ils n'avaient rien pour dormir, car il n'y avait que le pavé. Ils me répondirent que non.
Alors le major de Luserne, qui était entré, me dit en ricanant: — Eh bien, monsieur le capitaine Salvajot, comment trouvez-vous cela? Mais nous ne sommes pas au bout; et vous verrez, vous verrez comment nous traiterons tout ça! — Il parla même de me pendre, sur ce que je ne voulais pas abjurer, et dégueula (9) de la sorte assez longtemps.
Je voulais m'en retourner avec lui, mais il me dit de rester là jusqu'au soir; et on m'y laissa deux semaines.

Or, tous les jours on amenait de nouvelles bandes de prisonniers. Il y avait quelquefois des familles entières; mais les soldats arrachaient les petits enfants d'entre les bras de leurs mères, avec tant de violence que plusieurs de ces faibles créatures furent étranglées du coup et restèrent mortes entre leurs mains.
Il n'y avait point d'humanité dans ces gens-là! observe Salvajot avec une laconique simplicité.
«Nous demeurâmes si longtemps sans paille, ajoute-t-il, que la vermine couvrait les murs; et l'on ne pouvait sortir de la salle, parce qu'à la porte était le corps-de-garde. On ne pouvait pas non plus avoir de l'eau pour se laver, ni même pour boire; et l'on avait aussi bien peu à manger.

Enfin on nous mena dans un nouveau cachot, sous les voûtes d'une maison qui était anciennement del signor Bastero. Mais là ce fut encore pis! Heureusement qu'on ne nous y laissa que deux ou trois jours.

Un soir le chevalier Morosa vint nous voir, et dit à MM. les ministres:
C'est vous qui avez causé cette rébellion! vous eussiez mieux fait d'obéir.
Vous savez, répondirent-ils, que nous avons fait notre possible pour l'empêcher; car nous voulions que nos gens profitassent des ordres de Son Altesse, pour sortir du pays; mais nous n'avons jamais pu leur faire entendre raison.
Vous dites cela pour vous excuser, reprit-il; mais je sais bien ce qui s'est passé dans vos assemblées.
Toutefois il n'insista pas là-dessus, et en se retirant il leur dit: Bon soir, messieurs, et les ministres répondirent: Bon soir à Votre Seigneurie.

C'est le 16 de mai que l'ordre arriva de nous faire partir. Je pris ma fille par la main; ma femme alla déposer chez diverses personnes des objets que nous  ne pouvions emporter (10); nous étions environ cent soixante personnes. Les hommes étaient attachés deux à deux; il y avait vingt-sept couples, rattachés encore les uns aux autres par une longue corde.

Quand nous sortîmes de Luserne, il y avait là beaucoup de peuple rassemblé; et ce peuple nous disait de mauvaises paroles. — Satanés hérétiques, on va voir votre fin, etc. — Et quand nous prîmes la route de Turin: — Regardez encore une fois vos montagnes, car vous ne les verrez plus! — Il y en avait plusieurs parmi nous qui pleuraient.

Des soldats se tenaient à droite et à gauche de notre ligne enchaînée; et nous allâmes ainsi jusques à Briquéras.
Là on s'arrêta un peu sous la halle, et ceux qui avaient de l'argent achetèrent du pain. Puis on nous remit en route, et nous allâmes dormir à Osasco. Ceux qui avaient les mains liées et qui en outre étaient attachés les uns aux autres étaient fort gênés, car lorsqu'il fallait passer les rivières sur de petites planches, si l'un d'eux faisait un faux pas, ils risquaient tous de tomber; et lorsqu'ils avaient soif, ils ne pouvaient boire, à moins que quelqu'un ne leur donnât de l'eau. 

Le lendemain nous arrivâmes de bonne heure à Turin. À l'entrée de la ville on fit une halte pour attendre les charrettes qui étaient encore en arrière, chargées de malades, de femmes et d'enfants.
À peine entrés dans Turin, il nous fallait une grande surveillance pour qu'on ne nous enlevât pas nos enfants. On s'était déjà saisi de ma petite fille, et on l'emportait à la hâte, lorsque la femme de Barthélemi Ruetto, s'en étant aperçue, courut après le ravisseur et me la ramena. Mais la foule était si pressée et la poussière si épaisse qu'on ne pouvait presque pas se voir.

Nous arrivâmes à la citadelle vers dix heures du soir.
On fit l'appel des prisonniers et l'on envoya les ministres dans un endroit séparé; puis ceux qui étaient liés ensemble furent poussés dans une chambre, mais si étroite qu'ils ne pouvaient s'y remuer et s'étouffaient de chaleur.
«Quant à moi, je restai avec ceux de Rora (11).

On nous mit dans une tour où il y avait des matelas, et nous étions mieux traités qu'à Luserne.De temps en temps nous recevions quelques aumônes: on nous donnait de la soupe, du linge, un peu de vin; ce qui faisait beaucoup de bien à chacun, mais principalement aux malades et à ceux qui n'avaient point d'argent.
II y avait encore des personnes de la ville qui nous faisaient de grandes charités (12).

Par intervalles on nous laissait sortir et promener sur les bastions. Mais cela n'eut lieu que depuis le retour des gardes royales (13); car auparavant la citadelle était confiée à des citoyens de Turin, et nous étions moins bien traités par eux que par les soldats. Avec ces derniers on pouvait au moins aller chercher de l'eau, laver son linge, et jouir de quelque liberté.
Cela dura jusqu'au 26 de juillet qu'arriva l'ordre de S. A. R. de nous faire partir pour Verceil; car il fallait faire place à d'autres.

«Le signor Blaygna, qui veillait sur nous lorsque le comte Santus était forcé de s'absenter, établit Bastie et moi pour veiller sur les autres (14).
Je le priai de m'accorder une petite place particulière pour ma femme, qui était sur le point d'accoucher. — Ne savez-vous pas, me dit-il, que vous devez partir demain? — Et en effet, le lendemain matin, on fit sortir du donjon tous ceux qui s'y trouvaient à la réserve des ministres (15). Plusieurs étaient malades et gémissaient; mais il fallait avoir patience, puisque tel était l'ordre de Son Altesse.

À peine fûmes-nous dehors que M. Blaygna me dit: — Salvajot, venez ici. — Et, me tirant à part, il ajouta: — Prenez votre femme et votre petite fille, et rentrez. — Ainsi fîmes-nous; et il fit encore rentrer M. Paul Gonin avec son fils.
Puis on mit ensemble ceux qui ne voulaient pas changer de religion et ceux qui avaient abjuré. On traita ces derniers un peu mieux; on les conduisait à la messe, et chaque jour des prêtres venaient pour les instruire dans les nouvelles doctrines.

Au commencement, ils reçurent beaucoup plus d'aumônes que nous; mais, par la suite, les secours qui nous étaient destinés furent répartis également entre tous. Les premiers en étaient offensés et disaient que nous étions la cause de ce qu'ils étaient encore retenus en prison, parce que nous ne voulions pas abjurer.

Huit jours après, ma femme accoucha d'une fille, et le comte Santus vint me dire: — Il faut la faire baptiser. — Je fus fort étonné de cela, parce que je pensais qu'il ignorait encore sa naissance. — L'enfant se porte bien, lui dis-je, et on pourra la baptiser plus tard. — Du tout, répliqua-t-il, il faut que cela se fasse tout de suite. Voilà M. de Rocheneuve et Mme la baronne de Palavicino qui lui serviront de parrain et de marraine, et qui feront votre fortune.
Alors je n'osai plus rien dire, et on apporta la nouveau-née dans la chapelle du fort, où je suivis le cortège avec Mademoiselle Jahier de Rocheplate, qui manqua tomber évanouie en voyant toutes les cérémonies que l'on faisait (16).

On donna à mon enfant les noms de Louise-Caroline, qui étaient ceux du parrain et de la marraine. Le lendemain on apporta à l'accouchée une chemise et deux draps blancs qu'avait fait donner le père Valfrédo, confesseur de S. A. R., et l'on nous offrit d'aller habiter une pièce séparée; mais ma femme refusa, dans la crainte que ce ne fût pour nous engager à une apostasie.

Le gouverneur du fort me dit une heure après: — Pourquoi n'avez-vous pas voulu sortir de ce donjon? — Je lui répondis que l'accouchée était encore trop faible pour cela. — Tu es un vrai coquin! s'écria-t-il; mais tu la payeras. Et s'adressant aux ministres: — C'est vous qui êtes cause de ce qu'ils ne se catholisent pas; mais prenez garde à vous!


L'auteur des mémoires inédits que nous venons de citer raconte ensuite que sa femme mourut au bout de quelques jours, et qu'il se servit de l'un des draps qu'on leur avait donnés pour l'ensevelir.


«Un mois après, l'enfant qu'elle avait mis au monde dans la prison expira aussi. Salvajot resta seul avec sa petite Marie, alors âgée de cinq ans et demi.
Beaucoup d'autres femmes enceintes, qui accouchèrent dans les prisons, perdirent leurs enfants; et elles-mêmes moururent presque toutes.
Enfin, ajoute le captif, il n'y avait peut-être pas un seul d'entre nous qui ne souffrit de quelque maladie. Par la grâce de Dieu, j'ai été épargné dans ces épreuves; mais aussi nous étions mieux traités que les autres prisonniers.

Les malades étaient soignés par des médecins; on leur fournissait les médicaments nécessaires, et le père Valfrédo ainsi que le père Morand les visitaient avec empressement. S'il y en avait qui n'eussent point d'argent, ils leur en donnaient quelque peu, faisaient distribuer des bouillons aux plus faibles, et généralement nous fournissaient de tout ce dont nous avions besoin.»


C'est avec bonheur que je relève ces détails. Autant la mauvaise foi et l'inhumanité causent d'indignation, autant ces soins et ces prévenances méritent d'approbation chrétienne.


«Et ce qu'il y a de remarquable, ajoute Salvajot en parlant de ses bienfaiteurs, c'est qu'ils n'établissaient aucune différence entre ceux qui s'étaient catholisés et ceux qui demeuraient fidèles à leur religion. Ils semblaient même avoir plus d'égards et de respect pour ces derniers.»


Je voudrais terminer ce chapitre par le trait que l'on vient de lire, et qui est aussi un hommage rendu à la dignité des convictions. Mais quelques paroles sont encore nécessaires pour rappeler que tous les prisonniers vaudois n'avaient pas été transportés à Turin, et qu'il en périt un grand nombre par les rigueurs de la faim, des maladies ou de l'angoisse, dans les fossés, les prisons, les citadelles ou les basses fosses de Queyrasque, de Mondovi, de Rével, d'Asti, de Carmagnole, de Fossan, de Villefranche et de Saluces (17). 



«Enfin, dit notre narrateur, on commença à parler
de notre prochaine sortie du pays. Déjà on laissait quelques-unes de nos femmes passer les portes de la citadelle et aller en ville pour faire leurs provisions; puis on permit aussi à quelques hommes de sortir, pourvu qu'ils fussent accompagnés par deux sergents; plus tard ils purent aller seuls; et ainsi, observe-t-il, s'acheminaient les choses vers notre liberté,» c'est-à-dire vers leur exil!


1) La partie imprimée de l'Histoire des Vaudois par BEEZ (quoiqu'elle ne porte pas son nom) ne va que jusqu'aux événements de 1655. La suite de ce travail est inédite. Mon vénérable ami feu M. Appia, originaire des vallées vaudoises et pasteur à Francfort-sur-Ie-Mein, a eu la bonté de m'en procurer une copie. C'est du chapitre VIII de cette seconde partie de l'ouvrage de Brez que sont extraites les lignes que je cite ici, non comme autorité, mais comme narration; car, sous le rapport scientifique, ce travail ne contient aucun fait nouveau, aucune recherche approfondie. Quelques expressions, enflées ou inexactes, ont même été modifiées dans cette citation.


2) Il en mourut, dit ARNAUD, jusques à onze mille. (Rentrée: 1e édit. fol. 25.) On lit aussi dans une lettre écrite de Genève au ministre des affaires étrangères à Turin (marquis de Saint-Thomas): Les Vaudois sont arrivés en Suisse, au nombre de 2,600, misérable reste de 15,000 qui existaient il y a une année. Datée du 19 mars 1687. Archives de Berne, onglet. C (Communiqué par M. Monastier.)


3) Voici le titre de ce manuscrit: Memorie di me Bartolomeo Salvajot, nelli anni 1686, 1687 e 1688 - L'auteur fut au nombre des Vaudois dont parlent ERMAN et ROCLAN (t. VI), qui allèrent en Brandebourg en 1688 et revinrent en 1690; car on trouve dans ces mémoires l'itinéraire qu'il a suivi jusqu'à Stendal, et on le retrouve lui-même assistant au synode de La Tour, comme député laïque de Rora, le 15 septembre 1693.
Son manuscrit, qui a été longtemps ignoré, commence au 23 d'avril 1686, et finit au mois d'août 1688. — Il a 64 pages. — M. Torn, instituteur des vallées vaudoises, a eu la bonté de m'en transmettre une copie. — Salvajot était un ancien capitaine des milices vaudoises, né aux Bonnets, habitant à Rora, ayant épousé une femme de la Baudeina, près de Bobi, en 1678.


4) Et cet homme, cet ami était un catholique. Il se nommait Martinet. Il est consolant de voir, au milieu de tant de crimes commis au nom de la religion, un pauvre homme qui demeure fidèle à la sainte humanité. Le protestant se confiait au catholique, comme autrefois les catholiques s'étaient fiés aux protestants en leur remettant la garde de leurs filles. Les peuples valent toujours mieux que ceux qui les dirigent.


5) Qu'on nous pardonne de citer ces détails Ils montrent la vie dans ce qu'elle est, avec ses besoins et ses préoccupations vulgaires (sans le soin desquels, après tout, on ne pourrait pas subsister); et le caractère abstrait des événements historiques ne saurait toujours les remplacer. 


6) Le Supérieur de la mission établie au couvent du Pin.


7) Ce qui prouve qu'on avait affirmé à sa femme qu'il s'était catholisé. Que penser d'un système qui prétend amener à la vérité, et qui emploie le mensonge?


8) La doppia ou double livre ducale valait, avant 1755, 41 fr. 7 c.; après cette époque, sur un édit rendu à ce sujet, la doppia ne valut plus que 30 fr. 2 c.


9) Fece grandissima goula.


10) Je supprime ici des détails inutiles.


11) Je supprime encore des détails. Salvajot donne le nom de tous ses coprisonniers: ils étaient quinze. Les prisonniers détenus à Turin étaient alors au nombre de 222. Mais il y en avait dans beaucoup d'autres villes; et les souffrances multipliées dont ils furent victimes sont attestées par le chiffre énorme de leur mortalité. Les sept dixièmes des Vaudois périrent en prison.


12) J'insiste avec plaisir sur ces détails, n'omettant aucun des faits qui peuvent adoucir le tableau des cruautés que j'ai dû raconter.


13) Régiment qu'on avait fait marcher sur les Vallées.


14) Il signor Bastia ne aveva 60 da tener conta, ed io 43.


15) Ils étaient au nombre de neuf, ayant chacun leur famille. Quatre autres familles étaient jointes aux leurs: ces familles étaient celles de MM. Moudon , Malanot, Goante et Gauthier.


16) Je n'aurais pas reproduit ces détails, non plus que beaucoup d'autres, si j'avais dû les extraire de diverses pièces remises à la disposition de l'historien, pour en tirer, sous sa propre responsabilité et à son choix, les matériaux également assortis d'une partie de son ouvrage; mais comme il s'agit ici d'un ouvrage original, j'ai cru devoir en conserver autant que possible les nuances et les dispositions, même lorsqu'elles ne sont pas d'un intérêt général: parce que le caractère particulier de ce récit fait ressortir les traits généraux de toute la scène dont il n'est qu'un épisode et, pour ainsi dire, un échantillon d'autant plus précieux qu'il est moins apprêté.


17) Il y en avait encore en d'autres prisons. — J'ai vu une lettre écrite par les pasteurs Jahier et Malanol, du château de Nice, le 1er mai 1686; et une autre écrite par les pasteurs Giraud, Chauvie et Jahier (cousin du précédent), du château de Violent (près de Montmellian, en Savoie), le 40 juin de la même année. L'une et l'autre de ces lettres attestent la profonde misère de leurs auteurs, et ont pour but de réclamer quelques secours. L'histoire de la persécution de 1686, imprimée à Rotterdam en 1689, dit que les Vaudois prisonniers avaient été répartie en quatorze prisons ou châteaux forts du Piémont.

1) La partie imprimée de l'Histoire des Vaudois par BEEZ (quoiqu'elle ne porte pas son nom) ne va que jusqu'aux événements de 1655. La suite de ce travail est inédite. Mon vénérable ami feu M. Appia, originaire des vallées vaudoises et pasteur à Francfort-sur-Ie-Mein, a eu la bonté de m'en procurer une copie. C'est du chapitre VIII de cette seconde partie de l'ouvrage de Brez que sont extraites les lignes que je cite ici, non comme autorité, mais comme narration; car, sous le rapport scientifique, ce travail ne contient aucun fait nouveau, aucune recherche approfondie. Quelques expressions, enflées ou inexactes, ont même été modifiées dans cette citation.


2) Il en mourut, dit ARNAUD, jusques à onze mille. (Rentrée: 1e édit. fol. 25.) On lit aussi dans une lettre écrite de Genève au ministre des affaires étrangères à Turin (marquis de Saint-Thomas): Les Vaudois sont arrivés en Suisse, au nombre de 2,600, misérable reste de 15,000 qui existaient il y a une année. Datée du 19 mars 1687. Archives de Berne, onglet. C (Communiqué par M. Monastier.)


3) Voici le titre de ce manuscrit: Memorie di me Bartolomeo Salvajot, nelli anni 1686, 1687 e 1688 - L'auteur fut au nombre des Vaudois dont parlent ERMAN et ROCLAN (t. VI), qui allèrent en Brandebourg en 1688 et revinrent en 1690; car on trouve dans ces mémoires l'itinéraire qu'il a suivi jusqu'à Stendal, et on le retrouve lui-même assistant au synode de La Tour, comme député laïque de Rora, le 15 septembre 1693.
Son manuscrit, qui a été longtemps ignoré, commence au 23 d'avril 1686, et finit au mois d'août 1688. — Il a 64 pages. — M. Torn, instituteur des vallées vaudoises, a eu la bonté de m'en transmettre une copie. — Salvajot était un ancien capitaine des milices vaudoises, né aux Bonnets, habitant à Rora, ayant épousé une femme de la Baudeina, près de Bobi, en 1678.


4) Et cet homme, cet ami était un catholique. Il se nommait Martinet. Il est consolant de voir, au milieu de tant de crimes commis au nom de la religion, un pauvre homme qui demeure fidèle à la sainte humanité. Le protestant se confiait au catholique, comme autrefois les catholiques s'étaient fiés aux protestants en leur remettant la garde de leurs filles. Les peuples valent toujours mieux que ceux qui les dirigent.


5) Qu'on nous pardonne de citer ces détails Ils montrent la vie dans ce qu'elle est, avec ses besoins et ses préoccupations vulgaires (sans le soin desquels, après tout, on ne pourrait pas subsister); et le caractère abstrait des événements historiques ne saurait toujours les remplacer. 


6) Le Supérieur de la mission établie au couvent du Pin.


7) Ce qui prouve qu'on avait affirmé à sa femme qu'il s'était catholisé. Que penser d'un système qui prétend amener à la vérité, et qui emploie le mensonge?


8) La doppia ou double livre ducale valait, avant 1755, 41 fr. 7 c.; après cette époque, sur un édit rendu à ce sujet, la doppia ne valut plus que 30 fr. 2 c.


9) Fece grandissima goula.


10) Je supprime ici des détails inutiles.


11) Je supprime encore des détails. Salvajot donne le nom de tous ses coprisonniers: ils étaient quinze. Les prisonniers détenus à Turin étaient alors au nombre de 222. Mais il y en avait dans beaucoup d'autres villes; et les souffrances multipliées dont ils furent victimes sont attestées par le chiffre énorme de leur mortalité. Les sept dixièmes des Vaudois périrent en prison.


12) J'insiste avec plaisir sur ces détails, n'omettant aucun des faits qui peuvent adoucir le tableau des cruautés que j'ai dû raconter.


13) Régiment qu'on avait fait marcher sur les Vallées.


14) Il signor Bastia ne aveva 60 da tener conta, ed io 43.


15) Ils étaient au nombre de neuf, ayant chacun leur famille. Quatre autres familles étaient jointes aux leurs: ces familles étaient celles de MM. Moudon , Malanot, Goante et Gauthier.


16) Je n'aurais pas reproduit ces détails, non plus que beaucoup d'autres, si j'avais dû les extraire de diverses pièces remises à la disposition de l'historien, pour en tirer, sous sa propre responsabilité et à son choix, les matériaux également assortis d'une partie de son ouvrage; mais comme il s'agit ici d'un ouvrage original, j'ai cru devoir en conserver autant que possible les nuances et les dispositions, même lorsqu'elles ne sont pas d'un intérêt général: parce que le caractère particulier de ce récit fait ressortir les traits généraux de toute la scène dont il n'est qu'un épisode et, pour ainsi dire, un échantillon d'autant plus précieux qu'il est moins apprêté.


17) Il y en avait encore en d'autres prisons. — J'ai vu une lettre écrite par les pasteurs Jahier et Malanol, du château de Nice, le 1er mai 1686; et une autre écrite par les pasteurs Giraud, Chauvie et Jahier (cousin du précédent), du château de Violent (près de Montmellian, en Savoie), le 40 juin de la même année. L'une et l'autre de ces lettres attestent la profonde misère de leurs auteurs, et ont pour but de réclamer quelques secours. L'histoire de la persécution de 1686, imprimée à Rotterdam en 1689, dit que les Vaudois prisonniers avaient été répartie en quatorze prisons ou châteaux forts du Piémont.

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