Il
ne
restait plus, dans les vallées vaudoises, de tant de courageux,
mais trop crédules défenseurs, qu'une petite troupe de
combattants, qui luttait encore sur la montagne de Vandalin.
Le dernier espoir de la patrie abattue, le dernier rayon de la
liberté mourante, reposait sur leurs nobles efforts.
Mais un esprit de perdition semblait avoir soufflé sur toutes ces
contrées. Un vertige fatal jetait les plus mâles courages
dans le piège grossier de ces promesses
illusoires dont on avait déjà tant abusé.
Le
gouverneur
de la province, (c'était M. de La Roche), après avoir dirigé
plusieurs attaques inutiles contre ce groupe de héros, recourut à
la trahison, afin d'enlever à leur vaillance ce glorieux drapeau
de liberté qu'ils faisaient encore flotter sur les Vallées.
Il leur écrivit pour leur promettre comme magistrat, comme citoyen
et comme homme d'honneur, la grâce de leurs familles et leur
propre liberté, si, conformément aux dispositions de l'édit du 28
mai, ils consentaient à se retirer dans leurs demeures
respectives. Les Vaudois avaient trop oublié qu'à la simplicité de
la colombe, ils devaient joindre la prudence du serpent. Ils
crurent à ces paroles perfides, se retirèrent; et immédiatement
après, le loyal gouverneur fit occuper le poste retranché qu'ils
venaient d'abandonner, arracha à leurs mains le billet qu'il leur
avait écrit, et les fit jeter dans les prisons déjà remplies de
leurs frères.
«Dans
la
vallée de Saint-Martin, dit Brez (1), quelques
hommes,
s'étant encore ralliés, avaient pris la résolution de défendre le
sol natal jusqu'à la dernière extrémité.
Les persécuteurs ne pouvaient être indifférents à ces faibles
restes, qu'il était moins facile de dompter par la force que par
la ruse; et comme il y avait parmi les prisonniers beaucoup de
Vaudois qui jouissaient de la confiance de leurs concitoyens, le
marquis de Parelles les fit marcher à la tête de son armée pour
s'avancer contre leurs frères; puis il les força le
pistolet sur la gorge, d'écrire plusieurs billets par lesquels ils
exhortaient leurs compatriotes à poser les armes pour s'en
remettre à la clémence du souverain, dont la grâce, disaient-ils,
était offerte à tous ceux qui voudraient en profiter.
À la vue de ces caractères bien connus, les Vaudois, exténués de
fatigue, de faim et de misère, se rendirent presque tous, et, loin
d'obtenir leur grâce, augmentèrent soudain le nombre des
captifs.»
Ainsi,
après
avoir massacré plus de mille personnes, fait par surprise plus de
six mille prisonniers et dispersé deux mille enfants protestants
dans toutes les directions; après avoir déclaré coupables de
lèse-majesté tous les Vaudois qui restaient encore dans les
Vallées, et prononcé la confiscation universelle de leurs biens,
il semblait qu'on n'eût plus rien à faire dans ce malheureux pays
que d'abandonner à son propre silence la tombe des Églises
vaudoises et de laisser pour jamais s'étendre sur elles les
solitudes de la désolation.
Mais, qui l'eût dit?
C'est alors au contraire que les Vaudois reprirent courage, et puisèrent une nouvelle énergie dans l'excès de leur désespoir. L'esprit de force souffle où il veut; ils n'avaient plus ni temples, ni foyers, ni patrie; aucune perspective de clémence ne pouvait désormais les tromper; ils ne devaient attendre leur salut que d'eux-mêmes et de Dieu: et c'est alors qu'ils reparurent animés d'une confiance plus invincible qu'auparavant.
Les troupes françaises s'étaient retirées. La milice de Mondovi venait de rentrer dans ses foyers. Ainsi avaient disparu les principaux adversaires des Vaudois; les premiers par leur nombre, les seconds par leur férocité: car, en 1681, les révoltés de Mondovi avaient été vaincus par la milice vaudoise, et l'esprit de vengeance s'était joint chez eux aux excitations du fanatisme et des camps, pour augmenter, en 1686, la cruauté des représailles qu'ils nous firent subir.
L'armée
piémontaise
commençait aussi d'abandonner cette terre appauvrie, sanglante et
dépeuplée. Déjà de riches Savoyards venaient examiner les biens
qu'ils se proposaient d'acquérir dans ces lieux dévastés. Le duc
de Savoie voulait les repeupler, comme pour défendre, même au
désert, d'y conserver le souvenir d'un peuple disparu.
Alors, du fond des bois, du creux des ravins, des fentes des
rochers, du haut des cimes escarpées, sortirent des hommes
amaigris, des patriotes à moitié nus, des proscrits battus par
l'orage, aguerris au danger, familiers aux fatigues et à la faim:
qui, pour échapper à la persécution, s'étaient nourris, pendant
des mois entiers, de l'herbe des montagnes, de la chair des
chamois, ou même de la sauvage géniture des loups, vaguant pour
dévorer les corps laissés sans sépulture.
Peu à peu ces rudes montagnards se rapprochèrent, se réunirent,
s'organisèrent, et s'étant comptés dans la vallée de Luserne, sur
les hauteurs ombragées du Becès, ils se
trouvèrent en tout quarante-deux hommes, quelques femmes et
quelques enfants.
Un nombre à peu près égal surgit de la vallée de Saint-Martin.
Quels
étaient
leurs noms? Qui fut leur chef? Quels actes d'héroïsme et de valeur
extraordinaire accomplirent-ils depuis lors pour affranchir, à eux
seuls, leur patrie opprimée, tirer de prison leurs compatriotes
trahis, regagner tous leurs biens confisqués et obtenir, avec
armes et bagages, pour eux et pour leur peuple, une glorieuse
retraite en pays étranger?
C'est ce que l'on ignore. Nul n'a écrit les annales de ces enfants
perdus, mais victorieux, des montagnes vaudoises. Leurs
expéditions se jugent par les résultats.
Ah! si toutes les forces d'un tel peuple s'étaient trouvées dès
l'abord bien unies et bien dirigées! si Janavel avait été écouté!
s'il s'était trouvé là !...
Mais son esprit, du moins, paraît avoir animé ces derniers
défenseurs des Vallées. Poussés par la main de Dieu, ils tombèrent
comme la foudre sur les persécuteurs qui les croyaient anéantis,
défirent successivement les garnisons du Villar, de La Tour, de
Luserne et de Saint-Segont, enlevèrent des convois de
ravitaillement qui se rendaient à Pignerol, refirent ainsi
leur équipement, leurs munitions et leurs vivres. Puis, rentrant
dans ces montagnes invaincues dont eux seuls connaissaient les
détours, ils multiplièrent leur nombre par leur activité, leurs
forces par leur valeur, leur pouvoir par la crainte qu'ils
inspiraient, et leurs chances de salut par les pertes réitérées
qu'ils faisaient subir à leurs ennemis.
Imprévus
dans
l'attaque, insaisissables dans la fuite, ils tombaient à
l'improviste sur un poste négligé, sur un cantonnement endormi,
mettaient tout à feu et à sang et s'étaient retirés avant qu'on eu
le temps de se reconnaître autour d'eux.
D'autres fois, au milieu de la nuit, ils venaient surprendre un
des villages de la plaine, mettaient le feu aux deux bouts, et
menaçaient de l'incendier tout entier s'il refusait de payer une
forte contribution.
Le marquis de Panelles se remit en mouvement du côté de Rocheplate et de la vachère, Gabriel de Savoie remonta vers Luserne et Bora, car ce n'était jamais par le bas des vallées, mais par les caps avancés des montagnes intermédiaires, que ces hardis flibustiers faisaient leur incursion. Comme des Corsaires des Alpes, traités en ennemis par tous leurs alentours, ces montagnards désespérés causèrent une terreur qui croissait avec leurs victoires.
Les
troupes
qui marchaient contre eux furent deux fois repoussées. Le marquis
de Parelles occupa les hauteurs de Saint-Germain et d'Angrogne,
qui séparent la vallée de Luserne de celle de Saint-Martin, afin
d'empêcher la jonction des deux petits corps de troupes volantes
qui occupaient ces vallées.
Mais quoique divisés de terrain, ils ne le furent pas de
sentiments. On leur fit offrir isolément de traiter avec chacun
d'eux, aux conditions les plus avantageuses; mais chacun d'eux
refusa.
On leur fit offrir, aux uns et aux autres, des sauf-conduits pour
qu'ils pussent se retirer librement en pays étranger; mais ils
exigèrent que la même liberté fût accordée à tous leurs
compatriotes prisonniers.
On parut disposé à entrer en négociations sur cette base; mais ils
ne voulurent capituler qu'en ayant des otages.
La négociation leur était favorable, mais on faisait des réserves
pour les prisonniers. Ils la rompirent brusquement, en disant
qu'ils mourraient tous dans les Vallées, ou n'en sortiraient
qu'accompagnés de leurs compatriotes.
Enfin, la retraite de tous les Vaudois survivants fut accordée.
Les
montagnards stipulèrent qu'un officier de la garde royale
accompagnerait chaque division d'exilés pour lui servir d'otage;
ils demandèrent, en outre, et obtinrent que leur voyage, jusqu'aux
frontières des États de Savoie, s'effectuerait aux frais de
Victor-Amédée.
Ils
devaient
partir en deux brigades, après quoi on ferait partir
successivement, de la même manière, tous les autres prisonniers.
Chacun d'eux serait libre de faire l'usage qu'il voudrait de ses
biens.
Mais, hélas! tout avait été la proie du pillage ou de l'incendie;
et de ces affreuses prisons, où leurs frères avaient été entassés,
combien ne ressortirent pas!
Il en périt alors un plus grand nombre en peu de jours, dans les
longues souffrances de la captivité, qu'il n'en avait péri dans
les combats depuis trois siècles, à travers toutes les
persécutions (2).
Le courage a toujours eu moins de danger que la faiblesse.
Un journal, écrit en italien par un de ces malheureux, nous permet d'initier le lecteur à une partie de leurs souffrances.
«Le vingt-trois avril, dit-il (3), a commencé la désolation de nos vallées. Le vingt-six, je me retirai dans les montagnes de Rora; car ailleurs on ne pouvait dormir nulle part, et tout avait été tellement saccagé qu'on ne trouvait plus rien pour vivre.
Bientôt je ne sus plus que devenir; mais je pensai que Dieu ne m'abandonnerait pas, si je lui restais fidèle; aussi m'envoya-t-il un homme sur lequel je pouvais me fier (4). Il demeurait à Lusernette, et me dit que, si je voulais aller avec lui, je n'aurais rien à craindre.
«Nous descendîmes de la montagne, et, vers la nuit, étant arrivés au hameau des Bonnets, où était ma maison, il me demanda s'il y avait du vin pour se rafraîchir. Je lui en montrai d'une qualité inférieure; mais je lui dis que j'en avais aussi d'une autre qualité, qui était du meilleur que produisît la Giovanèra de Saint-Jean (5).»
Étant arrivé à Lusernette, Salvajot remit ses armes à son ami, qui les cacha et qui fit ensuite coucher le fugitif dans un grenier, afin que les voisins ne s'aperçussent pas de sa présence; cas il était défendu, sous de très grandes peines, de donner asile à aucun Vaudois.
Il
demeura
dans ce galetas trois jours et trois nuits, après quoi il dit à
Martina d'aller trouver le seigneur de
Rora, dont il était féal, et qui demeurait à Gampillon, pour le
prier de lui accorder quelque emploi.
Je lui avais, dit-il, écrit un billet de ma propre main; mais dès
qu'il l'eut vu, il se mit à jurer et le déchira, disant qu'il ne
pouvait rien faire pour moi.
Je ne savais quel parti prendre, et j'hésitais à retourner dans
les montagnes, lorsque Martina alla, sans m'en rien dire, parler à
Luserne au préfet de La Tour, qui se rendit immédiatement auprès
de S. A. R. pour obtenir ma grâce. Je passai tout le jour fort
inquiet. Mon ami n'arriva qu'à deux heures après minuit et me
réjouit fort le cœur en me disant que je pouvais m'en retourner
sans danger pour ma vie.
Je rendis grâce à Dieu, et le lendemain, 4 de mai, j'allai à
Luserne en compagnie du curé de Lusernette et de Martina. Ils
m'escortèrent jusqu'au couvent du Pin, où l'on me fit beaucoup
d'accueil (grande carezze), pensant que je
voulusse changer de religion. Mais je dis aux moines que, pour le
moment, j'avais bien autre chose en tête; que ma femme et ma
petite fille étaient encore par les montagnes, et que je les
priais de m'aider à les en retirer, afin que les soldats ne les
tuassent pas.
«Aussitôt ils allèrent parler au
président Palavicino, qui
se rendit avec bonté (délia sua grazzia) vers S.
A. R., et me fit dire que tous ceux des nôtres qui voudraient se
rendre vers le prince, le pourraient.»
Salvajot ignorait encore le sort qu'avaient subi ceux qui s'étaient rendus; car les défenseurs de Pomian, trahis par Catinat, étaient déjà emprisonnés. Lui-même le fut bientôt, dans les caves de ce même couvent, dès qu'on eut reconnu l'impossibilité d'obtenir son apostasie.
Il continue ainsi:
«J'envoyai donc deux enfants pour faire venir ma femme: car je ne voulais pas écrire un billet qui eût pu faire croire aux nôtres que je les avais abandonnés. Ces enfants furent accompagnés jusqu'au Villar par leurs propres pères, qui apportaient au comte de Massel l'écrit de Palavicino, ordonnant de les laisser passer et revenir avec ma famille.
De là, ces enfants allèrent seuls à la recherche de ma femme, jusqu'à la Baudeina, où ils la trouvèrent faisant du pain. Avant de descendre, elle voulut aller chercher sa fille qui était au fourest; mais l'ennemi arriva, et ils furent tous obligés de se cacher pendant dix jours.
Elle
voulait
entrer dans la prison, avec ma fille qu'elle tenait par la main,
mais le Père leur dit: Prenez garde, pauvres femmes, car si vous
entrez là-dedans, vous n'en sortirez plus. Mais j'étais si joyeux
de les revoir, et elles si heureuses d'être près de moi, que nous
ne pûmes nous résoudre à nous séparer. Elles entrèrent, et
passèrent cette nuit à mes côtés, au milieu des autres
prisonniers.
Elles dormirent sur la terre, sans paille, sans couverture et sans
souper; car bienheureux était ce lui qui
appuyait sa tête sur une pierre: les ministres aussi bien que les
autres.
Chacun tirait à soi tout ce qu'il pouvait, et plusieurs d'entre
ceux qui avaient été amis, devinrent ennemis. Tant la faim est un
cruel démon!
Le
lendemain
ma femme voulut sortir pour aller chercher quelque chose à
Luserne, chez notre ami Martina; mais il fallut avoir recours au
major et payer due crosasi au capitaine des
gardes, afin de pouvoir sortir.
J'indiquai alors à ma femme un endroit où j'avais laissé tomber un
chaudron en cuivre dans le torrent de Laigha, et
lui dis de l'apporter chez Martina; car il m'avait
coûté una doppia d'Italia (8),
et il était presque neuf.
Elle devait aussi lui remettre une somme de cent francs, que
j'avais en écus et en petite monnaie; ainsi que vingt livres de
sel et dix-huit livres de lard qui nous restaient encore.Martina
lui promit de garder toutes ces choses, et de me les rendre quand
je les ferais réclamer.»
Ces
détails
peuvent paraître minuteux; mais la préoccupation des soins
ordinaires de la vie ne saurait être retranchée, même des plus
graves événements. Ils ne sont pas inutiles, d'ailleurs, pour
faire connaître l'esprit d'ordre, d'économie et d'équité qui
animait nos pauvres montagnards.
Beaucoup d'autres détails du même genre se trouvent encore dans le
mémoire d'où nous tirons ceux-ci.
«Dans
les
premiers jours de ma captivité je vis arriver quatre cents
personnes de Pral, tant femmes qu'enfants et vieillards; et tous
dans un état si déplorable, si malheureux, que les prisonniers
même en étaient affligés.
Ces pauvres gens avaient conduit avec eux quelques ânes et
quelques mulets; mais les soldats s'emparèrent de ces montures, et
en jetaient bas ces pauvres enfants et ces pauvres femmes si
brutalement, que c'était une véritable compassion. Deux d'entre
elles, qui étaient enceintes, accouchèrent
sur le coup, et on les mena dans un autre cachot.
Un
jour
le président Palavicino me fit appeler dans le jardin du couvent
et me demanda si je savais le chemin du col Julian et de Barma
d'Hant; mais je lui dis que je n'étais jamais allé de ces
côtés-là.
«Puis il signor Glaudi Brianza, me prenant à
part, vint me dire: — À présent, Salvajot, il vous faut faire en
sorte que les autres habitants des Vallées se rendent, parce
qu'alors on vous mettra en liberté.
— Ah!
monsieur,
je ne puis absolument rien en cela.
— Prenez
garde! Si vous faites le récalcitrant, vous aurez à vous en
repentir.
Deux jours après, le président vint me demander si je voulais voir
nos ministres. — Bien volontiers, lui dis-je.
— Eh
bien,
venez avec moi.
«Il me fit alors sortir du couvent des missionnaires; nous
passâmes devant le palais du marquis, où je vis le duc de Savoie à
la fenêtre, et bientôt nous arrivâmes à la prison des ministres.
En entrant je saluai; et, voyant leur misérable état, je demandai
s'ils n'avaient rien pour dormir, car il
n'y avait que le pavé. Ils me répondirent que non.
Alors le major de Luserne, qui était entré, me dit en ricanant: —
Eh bien, monsieur le capitaine Salvajot, comment trouvez-vous
cela? Mais nous ne sommes pas au bout; et vous verrez, vous verrez
comment nous traiterons tout ça! — Il parla même de me pendre, sur
ce que je ne voulais pas abjurer, et dégueula (9)
de la sorte assez longtemps.
Je voulais m'en retourner avec lui, mais il me dit de rester là
jusqu'au soir; et on m'y laissa deux semaines.
Or,
tous
les jours on amenait de nouvelles bandes de prisonniers. Il y
avait quelquefois des familles entières; mais les soldats
arrachaient les petits enfants d'entre les bras de leurs mères,
avec tant de violence que plusieurs de ces faibles créatures
furent étranglées du coup et restèrent mortes
entre leurs mains.
Il n'y avait point d'humanité dans ces gens-là! observe Salvajot
avec une laconique simplicité.
«Nous demeurâmes si longtemps sans paille, ajoute-t-il, que la
vermine couvrait les murs; et l'on ne pouvait sortir de la salle,
parce qu'à la porte était le corps-de-garde.
On ne pouvait pas non plus avoir de l'eau pour se laver, ni même
pour boire; et l'on avait aussi bien peu à manger.
Enfin on nous mena dans un nouveau cachot, sous les voûtes d'une maison qui était anciennement del signor Bastero. Mais là ce fut encore pis! Heureusement qu'on ne nous y laissa que deux ou trois jours.
Un
soir
le chevalier Morosa vint nous voir, et dit à MM.
les ministres:
— C'est vous qui avez
causé cette rébellion! vous eussiez mieux fait d'obéir.
— Vous
savez,
répondirent-ils, que nous avons fait notre possible pour
l'empêcher; car nous voulions que nos gens profitassent des
ordres de Son Altesse, pour sortir du pays; mais nous n'avons
jamais pu leur faire entendre raison.
— Vous
dites
cela pour vous excuser, reprit-il; mais je sais bien ce qui
s'est passé dans vos assemblées.
Toutefois il n'insista pas là-dessus, et en se retirant il leur
dit: Bon
soir, messieurs, et les ministres répondirent: Bon
soir à Votre Seigneurie.
C'est le 16 de mai que l'ordre arriva de nous faire partir. Je pris ma fille par la main; ma femme alla déposer chez diverses personnes des objets que nous ne pouvions emporter (10); nous étions environ cent soixante personnes. Les hommes étaient attachés deux à deux; il y avait vingt-sept couples, rattachés encore les uns aux autres par une longue corde.
Quand nous sortîmes de Luserne, il y avait là beaucoup de peuple rassemblé; et ce peuple nous disait de mauvaises paroles. — Satanés hérétiques, on va voir votre fin, etc. — Et quand nous prîmes la route de Turin: — Regardez encore une fois vos montagnes, car vous ne les verrez plus! — Il y en avait plusieurs parmi nous qui pleuraient.
Des
soldats
se tenaient à droite et à gauche de notre ligne enchaînée; et nous
allâmes ainsi jusques à Briquéras.
Là on s'arrêta un peu sous la halle, et ceux qui avaient de
l'argent achetèrent du pain. Puis on nous remit en route, et nous
allâmes dormir à Osasco. Ceux qui avaient les
mains liées et qui en outre étaient attachés les uns aux autres
étaient fort gênés, car lorsqu'il fallait passer les rivières sur
de petites planches, si l'un d'eux faisait un faux pas, ils
risquaient tous de tomber; et lorsqu'ils avaient soif, ils ne
pouvaient boire, à moins que quelqu'un ne leur donnât de
l'eau.
Le
lendemain
nous arrivâmes de bonne heure à Turin. À l'entrée de la ville on
fit une halte pour attendre les charrettes qui étaient encore en
arrière, chargées de malades, de femmes et d'enfants.
À peine entrés dans Turin, il nous fallait une grande surveillance
pour qu'on ne nous enlevât pas nos enfants. On s'était déjà saisi
de ma petite fille, et on l'emportait à la hâte, lorsque la femme
de Barthélemi Ruetto, s'en étant aperçue, courut après le
ravisseur et me la ramena. Mais la foule était si pressée et la
poussière si épaisse qu'on ne pouvait presque pas se voir.
Nous
arrivâmes
à la citadelle vers dix heures du soir.
On fit l'appel des prisonniers et l'on envoya les ministres dans
un endroit séparé; puis ceux qui étaient liés ensemble furent
poussés dans une chambre, mais si étroite qu'ils ne pouvaient s'y
remuer et s'étouffaient de chaleur.
«Quant à moi, je restai avec ceux de Rora (11).
Par
intervalles
on nous laissait sortir et promener sur les bastions. Mais cela
n'eut lieu que depuis le retour des gardes royales (13);
car auparavant la citadelle était confiée à des citoyens de Turin,
et nous étions moins bien traités par eux que par les soldats.
Avec ces derniers on pouvait au moins aller chercher de l'eau,
laver son linge, et jouir de quelque liberté.
Cela dura jusqu'au 26 de juillet qu'arriva l'ordre de S. A. R. de
nous faire partir pour Verceil; car il fallait faire place à
d'autres.
«Le signor
Blaygna, qui veillait sur nous lorsque le
comte Santus était
forcé
de s'absenter, établit Bastie et moi pour veiller sur les autres
(14).
Je le priai de m'accorder une petite place particulière pour ma
femme, qui était sur le point d'accoucher. — Ne savez-vous pas, me
dit-il, que vous devez partir demain? — Et en effet, le lendemain
matin, on fit sortir du donjon tous ceux qui s'y trouvaient à la
réserve des ministres (15).
Plusieurs étaient malades et gémissaient; mais il fallait avoir
patience, puisque tel était l'ordre de Son Altesse.
À
peine fûmes-nous dehors que M. Blaygna me dit: — Salvajot, venez
ici. — Et, me tirant à part, il ajouta: — Prenez votre femme et
votre petite fille, et rentrez. — Ainsi fîmes-nous; et il fit
encore rentrer M. Paul Gonin avec son fils.
Puis on mit ensemble ceux qui ne voulaient pas changer de religion
et ceux qui avaient abjuré. On traita ces
derniers un peu mieux; on les conduisait à la messe, et chaque
jour des prêtres venaient pour les instruire dans les nouvelles
doctrines.
Au commencement, ils reçurent beaucoup plus d'aumônes que nous; mais, par la suite, les secours qui nous étaient destinés furent répartis également entre tous. Les premiers en étaient offensés et disaient que nous étions la cause de ce qu'ils étaient encore retenus en prison, parce que nous ne voulions pas abjurer.
Huit
jours
après, ma femme accoucha d'une fille, et le comte Santus vint me
dire: — Il faut la faire baptiser. — Je fus fort étonné de cela,
parce que je pensais qu'il ignorait encore sa naissance. —
L'enfant se porte bien, lui dis-je, et on pourra la baptiser plus
tard. — Du tout, répliqua-t-il, il faut que cela se fasse tout de
suite. Voilà M. de Rocheneuve et Mme la baronne de Palavicino qui
lui serviront de parrain et de marraine, et qui feront votre fortune.
Alors je n'osai plus rien dire, et on apporta la nouveau-née dans
la chapelle du fort, où je suivis le cortège avec Mademoiselle
Jahier de Rocheplate, qui manqua tomber
évanouie en voyant toutes les cérémonies que l'on faisait (16).
On donna à mon enfant les noms de Louise-Caroline, qui étaient ceux du parrain et de la marraine. Le lendemain on apporta à l'accouchée une chemise et deux draps blancs qu'avait fait donner le père Valfrédo, confesseur de S. A. R., et l'on nous offrit d'aller habiter une pièce séparée; mais ma femme refusa, dans la crainte que ce ne fût pour nous engager à une apostasie.
Le gouverneur du fort me dit une heure après: — Pourquoi n'avez-vous pas voulu sortir de ce donjon? — Je lui répondis que l'accouchée était encore trop faible pour cela. — Tu es un vrai coquin! s'écria-t-il; mais tu la payeras. Et s'adressant aux ministres: — C'est vous qui êtes cause de ce qu'ils ne se catholisent pas; mais prenez garde à vous!
L'auteur des mémoires inédits que nous venons de citer raconte ensuite que sa femme mourut au bout de quelques jours, et qu'il se servit de l'un des draps qu'on leur avait donnés pour l'ensevelir.
«Un
mois
après, l'enfant qu'elle avait mis au monde dans la prison expira
aussi. Salvajot resta seul avec sa petite Marie, alors âgée de
cinq ans et demi.
Beaucoup d'autres femmes enceintes, qui accouchèrent dans les
prisons, perdirent leurs enfants; et elles-mêmes moururent presque
toutes.
Enfin, ajoute le captif, il n'y avait peut-être pas un seul
d'entre nous qui ne souffrit de quelque maladie. Par la grâce de
Dieu, j'ai été épargné dans ces épreuves; mais aussi
nous étions mieux traités que les autres prisonniers.
Les malades étaient soignés par des médecins; on leur fournissait les médicaments nécessaires, et le père Valfrédo ainsi que le père Morand les visitaient avec empressement. S'il y en avait qui n'eussent point d'argent, ils leur en donnaient quelque peu, faisaient distribuer des bouillons aux plus faibles, et généralement nous fournissaient de tout ce dont nous avions besoin.»
C'est avec bonheur que je relève ces détails. Autant la mauvaise foi et l'inhumanité causent d'indignation, autant ces soins et ces prévenances méritent d'approbation chrétienne.
Je voudrais terminer ce chapitre par le trait que l'on vient de lire, et qui est aussi un hommage rendu à la dignité des convictions. Mais quelques paroles sont encore nécessaires pour rappeler que tous les prisonniers vaudois n'avaient pas été transportés à Turin, et qu'il en périt un grand nombre par les rigueurs de la faim, des maladies ou de l'angoisse, dans les fossés, les prisons, les citadelles ou les basses fosses de Queyrasque, de Mondovi, de Rével, d'Asti, de Carmagnole, de Fossan, de Villefranche et de Saluces (17).
1) La partie imprimée de l'Histoire des Vaudois par BEEZ (quoiqu'elle ne porte pas son nom) ne va que jusqu'aux événements de 1655. La suite de ce travail est inédite. Mon vénérable ami feu M. Appia, originaire des vallées vaudoises et pasteur à Francfort-sur-Ie-Mein, a eu la bonté de m'en procurer une copie. C'est du chapitre VIII de cette seconde partie de l'ouvrage de Brez que sont extraites les lignes que je cite ici, non comme autorité, mais comme narration; car, sous le rapport scientifique, ce travail ne contient aucun fait nouveau, aucune recherche approfondie. Quelques expressions, enflées ou inexactes, ont même été modifiées dans cette citation.
2) Il en mourut, dit ARNAUD, jusques
à onze mille. (Rentrée: 1e édit. fol. 25.) On
lit aussi dans une lettre écrite de Genève au ministre des
affaires étrangères à Turin (marquis de Saint-Thomas): Les
Vaudois sont arrivés en Suisse, au nombre de 2,600, misérable
reste de 15,000 qui existaient il y a une
année. Datée du 19 mars 1687. Archives de
Berne, onglet. C (Communiqué par M. Monastier.)
3) Voici le titre de ce manuscrit: Memorie
di me Bartolomeo Salvajot, nelli anni 1686,
1687 e 1688
-
L'auteur fut au nombre des Vaudois dont parlent ERMAN et
ROCLAN (t. VI), qui allèrent en Brandebourg en 1688 et
revinrent en 1690; car on trouve dans ces mémoires
l'itinéraire qu'il a suivi jusqu'à Stendal, et on le retrouve
lui-même assistant au synode de La Tour, comme député laïque
de Rora, le 15 septembre 1693.
Son manuscrit, qui a été longtemps ignoré, commence au 23
d'avril 1686, et finit au mois d'août 1688. — Il a 64 pages. —
M. Torn, instituteur des vallées vaudoises, a eu la bonté de
m'en transmettre une copie. — Salvajot était un ancien
capitaine des milices vaudoises, né aux Bonnets, habitant
à Rora, ayant épousé une femme de la Baudeina, près
de Bobi, en 1678.
4) Et cet homme, cet ami était un
catholique. Il se nommait Martinet. Il est
consolant de voir, au milieu de tant de crimes commis au nom
de la religion, un pauvre homme qui demeure fidèle à la
sainte humanité. Le protestant se confiait au catholique,
comme autrefois les catholiques s'étaient fiés aux protestants
en leur remettant la garde de leurs filles. Les peuples valent
toujours mieux que ceux qui les dirigent.
5) Qu'on nous pardonne de citer ces détails
Ils montrent la vie dans ce qu'elle est, avec ses besoins et
ses préoccupations vulgaires (sans le soin desquels, après
tout, on ne pourrait pas subsister); et le caractère abstrait
des événements historiques ne saurait toujours les
remplacer.
6) Le Supérieur de
la mission établie au couvent du Pin.
7) Ce qui prouve qu'on avait affirmé à sa
femme qu'il s'était catholisé. Que penser d'un système qui
prétend amener à la vérité, et qui emploie le mensonge?
8) La doppia ou double
livre ducale valait, avant 1755, 41 fr. 7 c.; après
cette époque, sur un édit rendu à ce sujet,
la doppia ne valut plus que 30 fr. 2 c.
9) Fece grandissima goula.
10) Je supprime ici des détails inutiles.
11) Je supprime encore des détails.
Salvajot donne le nom de tous ses coprisonniers: ils étaient
quinze. Les prisonniers détenus à Turin étaient alors au
nombre de 222. Mais il y en avait dans beaucoup d'autres
villes; et les souffrances multipliées dont ils furent
victimes sont attestées par le chiffre énorme de leur
mortalité. Les sept dixièmes des Vaudois périrent en prison.
12) J'insiste avec plaisir sur ces détails,
n'omettant aucun des faits qui peuvent adoucir le tableau des
cruautés que j'ai dû raconter.
13) Régiment qu'on avait fait marcher sur
les Vallées.
14) Il signor Bastia ne aveva 60 da
tener conta, ed io 43.
15) Ils étaient au nombre de neuf, ayant
chacun leur famille. Quatre autres familles étaient jointes
aux leurs: ces familles étaient celles de MM. Moudon ,
Malanot, Goante et Gauthier.
16) Je n'aurais pas
reproduit ces détails, non plus que beaucoup d'autres, si
j'avais dû les extraire de diverses pièces remises à la
disposition de l'historien, pour en tirer, sous sa propre
responsabilité et à son choix, les matériaux également
assortis d'une partie de son ouvrage; mais comme il s'agit ici
d'un ouvrage original, j'ai cru devoir en conserver autant que
possible les nuances et les dispositions, même lorsqu'elles ne
sont pas d'un intérêt général: parce que le caractère
particulier de ce récit fait ressortir les traits généraux de
toute la scène dont il n'est qu'un épisode et, pour ainsi
dire, un échantillon d'autant plus précieux qu'il est moins
apprêté.
17) Il y en avait encore en d'autres
prisons. — J'ai vu une lettre écrite par les pasteurs Jahier et Malanol,
du château de Nice,
le 1er mai 1686; et une autre écrite par les
pasteurs Giraud, Chauvie et Jahier (cousin
du
précédent), du château de Violent (près de
Montmellian, en Savoie), le 40 juin de la
même année. L'une et l'autre de ces lettres attestent la
profonde misère de leurs auteurs, et ont pour but de réclamer
quelques secours. L'histoire de la persécution
de 1686, imprimée à Rotterdam en 1689, dit que les
Vaudois prisonniers avaient été répartie en quatorze
prisons ou châteaux forts du Piémont.
1) La partie imprimée de l'Histoire des Vaudois par BEEZ (quoiqu'elle ne porte pas son nom) ne va que jusqu'aux événements de 1655. La suite de ce travail est inédite. Mon vénérable ami feu M. Appia, originaire des vallées vaudoises et pasteur à Francfort-sur-Ie-Mein, a eu la bonté de m'en procurer une copie. C'est du chapitre VIII de cette seconde partie de l'ouvrage de Brez que sont extraites les lignes que je cite ici, non comme autorité, mais comme narration; car, sous le rapport scientifique, ce travail ne contient aucun fait nouveau, aucune recherche approfondie. Quelques expressions, enflées ou inexactes, ont même été modifiées dans cette citation.
2) Il en mourut, dit ARNAUD, jusques
à onze mille. (Rentrée: 1e édit. fol. 25.)
On lit aussi dans une lettre écrite de Genève au ministre
des affaires étrangères à Turin (marquis de Saint-Thomas): Les
Vaudois sont arrivés en Suisse, au nombre de 2,600, misérable
reste de 15,000 qui existaient il y a une
année. Datée du 19 mars 1687. Archives de
Berne, onglet. C (Communiqué par M. Monastier.)
3) Voici le titre de ce manuscrit: Memorie
di me Bartolomeo Salvajot, nelli anni 1686,
1687 e 1688
-
L'auteur fut au nombre des Vaudois dont parlent ERMAN et
ROCLAN (t. VI), qui allèrent en Brandebourg en 1688 et
revinrent en 1690; car on trouve dans ces mémoires
l'itinéraire qu'il a suivi jusqu'à Stendal, et on le
retrouve lui-même assistant au synode de La Tour, comme
député laïque de Rora, le 15 septembre 1693.
Son manuscrit, qui a été longtemps ignoré, commence au 23
d'avril 1686, et finit au mois d'août 1688. — Il a 64 pages.
— M. Torn, instituteur des vallées vaudoises, a eu la bonté
de m'en transmettre une copie. — Salvajot était un ancien
capitaine des milices vaudoises, né aux Bonnets, habitant
à Rora, ayant épousé une femme de la Baudeina, près
de Bobi, en 1678.
4) Et cet homme, cet ami était un
catholique. Il se nommait Martinet. Il est
consolant de voir, au milieu de tant de crimes commis au nom
de la religion, un pauvre homme qui demeure fidèle à la
sainte humanité. Le protestant se confiait au catholique,
comme autrefois les catholiques s'étaient fiés aux
protestants en leur remettant la garde de leurs filles. Les
peuples valent toujours mieux que ceux qui les dirigent.
5) Qu'on nous pardonne de citer ces
détails Ils montrent la vie dans ce qu'elle est, avec ses
besoins et ses préoccupations vulgaires (sans le soin
desquels, après tout, on ne pourrait pas subsister); et le
caractère abstrait des événements historiques ne saurait
toujours les remplacer.
6) Le Supérieur de
la mission établie au couvent du Pin.
7) Ce qui prouve qu'on avait affirmé à sa
femme qu'il s'était catholisé. Que penser d'un système qui
prétend amener à la vérité, et qui emploie le mensonge?
8) La doppia ou double
livre ducale valait, avant 1755, 41 fr. 7 c.; après
cette époque, sur un édit rendu à ce sujet,
la doppia ne valut plus que 30 fr. 2 c.
9) Fece grandissima goula.
10) Je supprime ici des détails inutiles.
11) Je supprime encore des détails.
Salvajot donne le nom de tous ses coprisonniers: ils étaient
quinze. Les prisonniers détenus à Turin étaient alors au
nombre de 222. Mais il y en avait dans beaucoup d'autres
villes; et les souffrances multipliées dont ils furent
victimes sont attestées par le chiffre énorme de leur
mortalité. Les sept dixièmes des Vaudois périrent en prison.
12) J'insiste avec plaisir sur ces
détails, n'omettant aucun des faits qui peuvent adoucir le
tableau des cruautés que j'ai dû raconter.
13) Régiment qu'on avait fait marcher sur
les Vallées.
14) Il signor Bastia ne aveva 60 da
tener conta, ed io 43.
15) Ils étaient au nombre de neuf, ayant
chacun leur famille. Quatre autres familles étaient jointes
aux leurs: ces familles étaient celles de MM. Moudon ,
Malanot, Goante et Gauthier.
16) Je n'aurais pas
reproduit ces détails, non plus que beaucoup d'autres, si
j'avais dû les extraire de diverses pièces remises à la
disposition de l'historien, pour en tirer, sous sa propre
responsabilité et à son choix, les matériaux également
assortis d'une partie de son ouvrage; mais comme il s'agit
ici d'un ouvrage original, j'ai cru devoir en conserver
autant que possible les nuances et les dispositions, même
lorsqu'elles ne sont pas d'un intérêt général: parce que le
caractère particulier de ce récit fait ressortir les traits
généraux de toute la scène dont il n'est qu'un épisode et,
pour ainsi dire, un échantillon d'autant plus précieux qu'il
est moins apprêté.
17) Il y en avait encore en d'autres
prisons. — J'ai vu une lettre écrite par les pasteurs Jahier et Malanol,
du château de Nice,
le 1er mai 1686; et une autre écrite par
les
pasteurs Giraud, Chauvie et Jahier (cousin
du précédent), du château de Violent (près
de Montmellian, en
Savoie), le 40 juin de la même année.
L'une et l'autre de ces lettres attestent la profonde misère
de leurs auteurs, et ont pour but de réclamer quelques
secours. L'histoire de la persécution de 1686,
imprimée à Rotterdam en 1689, dit que les Vaudois
prisonniers avaient été répartie en quatorze prisons ou
châteaux forts du Piémont.
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