Les généreux ambassadeurs de la Suisse, voyant avec douleur que leur médiation toute désintéressée ne pouvait satisfaire aucun des deux partis, qu'elle était écartée à la fois par les Vaudois et par le duc de Savoie, et que toute nouvelle tentative d'accommodement demeurerait forcément inutile, résolurent de quitter le Piémont, ayant le cœur plein d'amertume et de regrets.
Mais prévoyant l'inévitable et prochaine destruction de cette Église vaudoise qui leur était si chère, ils écrivirent à Frédéric-Guillaume, Grand Électeur du Brandebourg, pour s'informer auprès de lui, des terres disponibles qu'il y aurait dans ses États afin de recevoir une colonie de Vaudois, s'ils devaient être expatriés. L'électeur répondit avec le plus généreux empressement que rien ne lui coûterait pour leur donner un asile. Tous ces écrits dénotent les craintes universelles qu'inspirait alors l'état précaire de l'Israël des Alpes. Ces lugubres et croissantes appréhensions ne furent que trop justifiées.
Déjà
les
forces réunies de la France et du Piémont se rapprochaient en bon
ordre des vallées vaudoises. Victor-Amédée II passa la revue de
ses troupes dans la plaine de Saint-Segont. Son armée se composait
de 2,386 hommes tirés des divers régiments (1)
de la milice de Mondovi, de Barges et de Bagnol; d'un corps
d'infanterie piémontaise et d'un corps de cavalerie. Elle était
suivie de 50 mulets chargés de munitions de guerre, et de 85
portant des provisions de bouche (2)
16 mulets devaient en outre charrier des pelles et des haches,
ainsi que des sacs vides destinés à être remplis de
terre, sur les lieux, pour garantir les soldats des balles
ennemies; d'autres enfin portaient divers engins, propres aux
fortifications et aux retranchements. La vieille réputation de
bravoure des montagnards vaudois avait dicté ces précautions.
Les troupes françaises étaient formées de plusieurs régiments de
cavalerie et de dragons; de sept ou huit bataillons d'infanterie
venus du Dauphiné, ainsi que d'une partie des garnisons de
Pignerol et de Casal.
Des volontaires et des fourrageurs accouraient au butin, comme des
oiseaux de proie à la suite des deux armées.
De
nouvelles Pâques piémontaises se préparaient. Les
Vaudois venaient de communier; les catholiques accouraient au
carnage.
Le signal devait être donné le lundi de Pâques 22 avril, par trois
coups de canon, tirés au petit point du jour (3),
du
haut de la colline de Briquéras. Une attaque générale des deux
vallées devait suivre immédiatement: le duc de Savoie assaillant
celle de Luserne, et Catinat, général en chef des troupes
françaises, envahissant celle de Saint-Martin. Ce général partit
de Pignerol au milieu de la nuit du dimanche au
lundi
de Pâques 1686. Il marcha pendant deux heures à la clarté des
torches et des flambeaux, devant laquelle semblaient reculer les
masses noires et grandissantes de nos montagnes. Bientôt une
clarté plus douce tomba du ciel sur les plus hautes cimes; la
neige des glaciers rougit au premier rayon du matin; les
massacreurs éteignirent leurs torches; ils étaient arrivés en face
du village de Saint-Germain.
Catinat
y
envoya un détachement d'infanterie (4),
commandé par le lieutenant-colonel Villevieille qui s'empara du
bourg et chassa les Vaudois de leurs premiers retranchements; mais
les Vaudois, s'étant retirés plus haut et se voyant encore
poursuivis, firent volte-face et repoussèrent à leur tour les
agresseurs. Catinat envoya alors un détachement de cavalerie et de
dragons pour soutenir son infanterie. Le combat s'engagea sur
toute la ligne, et le feu dura dix heures consécutives.
L'infanterie française commençait à se lasser; la cavalerie ne
pouvait manœuvrer sur les pentes couvertes de broussailles, où nos
braves montagnards résistaient avec tant de vigueur; voyant tomber
le feu de l'armée assaillante, ils firent tout à coup une sortie
si impétueuse, que les Français, surpris et renversés, furent mis
en déroute et chassés du territoire de Saint-Germain, jusque sur
la rive gauche du Cluson.
Il y eut dans cette affaire plus de cinq cents Français tués ou
blessés, et deux Vaudois seulement qui perdirent la vie (5).
Le village de Saint-Germain était donc dégagé... pourtant un petit corps de troupes qui s'était jeté avec le valeureux lieutenant-colonel Villevieille , dans le temple des Vaudois où il tint ferme jusqu'au soir (6).
Henri
Arnaud,
originaire des environs de Die en Dauphiné, avait quitté cette
province avec les protestants fugitifs qui s'étaient réfugiés dans
les vallées du Piémont, pour se soustraire aux persécutions
iniques de Louis XIV.
De pasteur français il était devenu pasteur vaudois; et de pasteur
il devint capitaine en face des révoltantes agressions dont les
Vallées allaient être victimes.
Apprenant que le lieutenant-colonel Villevieille s'était fait une redoute du temple de Saint-Germain, il accourut avec un petit détachement d'hommes déterminés à s'en rendre maîtres. Mais une mousqueterie formidable, dirigée en éventail de la porte du temple sur l'esplanade qui s'étendait en face, balayait les abords de cette forteresse improvisée, avec une puissance trop meurtrière pour les assiégeants et trop avantageuse pour les assiégés. Il fallut renoncer à l'attaquer par là. Arnaud commanda à ses hommes de prendre le temple par derrière (7), d'escalader les murs, de couper la charpente du toit et d'écraser l'ennemi sous le poids des ardoises pesantes dont elle était couverte, pendant qu'une autre partie de ses hommes creuseraient des canaux à l'entour des murailles, afin de remplir d'eau le temple, et d'y noyer Villevieille, s'il refusait de se rendre. Mais la nuit vint interrompre ces travaux; le gouverneur de Pignerol envoya des troupes fraîches, et Villevieille fut dégagé à son tour de la position dangereuse qu'avait acceptée sa bravoure.
Sans revenir sur Saint-Germain, Catinat poursuivit sa route vers la Pérouse. Là il partagea ses forces en deux divisions: la première, commandée par Mélac, tourna les hauteurs du Pomaret, en pénétrant dans la vallée de Pragéla, du côté de Salvage; la seconde, conduite par Catinat lui-même, fut dirigée sur les Clots; et le lendemain, 23 avril, ce général attaqua Rioclaret, situé en face de la position qu'il avait prise.
Les habitants de toute la vallée de Saint-Martin avaient déclaré, quatre jours auparavant, vouloir profiter des dispositions de l'édit du 9 d'avril, et ne point prendre les armes. Mais leur résolution ne fut connue de Victor-Amédée que l'avant-veille de l'attaque; il refusa de l'accepter en déclarant qu'il était trop tard. Ses troupes occupaient déjà les abords des Vallées; le mandataire envoyé par celle de Saint-Martin ne put y rentrer; les habitants de cette contrée ignoraient la réponse du duc; ils se fiaient aux dispositions de l'édit, et, ne comptant pas être attaqués, ils n'avaient fait aucun préparatif de défense. L'armée de Catinat les surprit donc à l'improviste et les tailla en pièces.
Ils
avaient
manqué à l'union jurée entre tous les Vaudois, et cette lâcheté
leur coûta plus cher que n'eussent fait les efforts, même
désespérés, d'un généreux courage.
Les troupes ennemies se répandirent sans résistance dans la
vallée, pillant, tuant, saccageant tout.
Six familles, faites prisonnières et envoyées à la Pérouse, y
furent lâchement massacrées.
Deux jeunes filles de Ville-Sèche furent tuées pour avoir résisté
aux outrages des soldats, qui assouvirent sur leurs cadavres la
brutalité sauvage dont ils n'avaient pu les rendre victimes
pendant leur vie.
Jean Ribet, de Macel, eut tous les membres brûlés l'un après
l'autre, à la suite des refus successifs qu'il opposait aux
menaces et aux instances que, dans l'intervalle de ses tortures,
on faisait auprès de lui pour obtenir son abjuration.
Au hameau des Fontaines, près de Rodoret, quatre femmes furent
saisies au moment où elles fuyaient en emportant
leurs enfants. Ces innocentes créatures furent égorgées sous les
yeux de leurs mères, et celles-ci massacrées sur les cadavres de
leurs nourrissons.
Les
horreurs
de 1655 se renouvelèrent partout dans ce malheureux pays; et comme
si ce n'avait pas été assez de l'épée et des bûchers pour
martyriser les Vaudois, les plus cruels supplices furent employés
contre eux. Les uns furent attachés à leur charrue et mis en
pièces dans la terre entr'ouverte qui devait recevoir le grain
nourricier.
D'autres furent précipités dans les rochers, ou écartelés par des
chevaux. Les arbres de la route servaient de gibet pour d'autres
victimes, et des mutilations abominables étaient subies par ces
nouveaux martyrs.
Après
avoir
ainsi ravagé la vallée de Saint-Martin, Catinat y laissa quelques
troupes et marcha sur Pramol.
Mélac
ne
tarda pas de l'y joindre, après avoir commis les mêmes
horreurs au Pomaret. Il poussa même plus loin la barbarie et
l'impudeur. Ignorant les sentiers qu'il devait suivre dans la
montagne, il se fit guider pendant quelque temps par les
femmes et les filles vaudoises qu'il y avait saisies, et qu'il
obligeait à coups d'épée de marcher
toutes nues à la tête de son année.
Les
troupes
réunies de Mélac et de Catinat campèrent dans le bassin de Pramol,
au hameau de La Rua, situé en face de celui de Pœmian. Les Vaudois
s'étaient retirés dans ce dernier village au nombre de plus de
quinze cents. Leurs frères de Saint-Germain, qui avaient repoussé
avec tant de succès la première attaque des ennemis, vinrent se
joindre à eux; ils étaient donc en mesure de résister encore, et
probablement qu'ils l'eussent fait avec un pareil avantage.
On songea à les vaincre par la trahison. Ces héritiers de la
primitive Église étaient toujours vulnérables de ce côté, car ils
croyaient à la foi de leurs ennemis.
Catinat leur fit dire que les habitants de la vallée de Luserne
avaient posé les armes et s'étaient rendus à Victor-Amédée, qui
leur avait fait grâce. Il les exhortait à suivre cet exemple pour
jouir des mêmes bienfaits.
Les Vaudois envoyèrent au général français deux députés pour
recevoir de sa propre bouche la confirmation de cette nouvelle et
de ces promesses.
L'honneur
militaire ne se révolta pas dans le cœur de
cet homme de guerre, et il certifia le mensonge avec l'assurance
de la vérité.
«Posez les armes, ajouta-t-il, et tout est pardonné.»
— Mais, général,
ajoutèrent les députés, bien que nous ne doutions nullement de
votre parole, nous craignons les excès de ces mêmes soldats qui
viennent d'ensanglanter la vallée de Saint-Martin.
«Par la sambleu! repartit Catinat, toute mon armée traverserait
vos maisons qu'elle n'y toucherait pas seulement une poule.»
Pouvait-on soupçonner, dans le héros de tant de batailles, les basses perfidies si familières à l'esprit du système papal? Non: les Vaudois ne s'en doutèrent pas; et ils lui laissèrent un de leurs députés en otage, pendant que les autres allaient engager leurs coreligionnaires à poser les armes et à réunir leurs familles dispersées.
Catinat triomphait déjà du succès de son artifice. Ces montagnards, pour lui, n'étaient que des hérétiques, des gens voués à l'enfer et au carnage, dont la tuerie sans résistance épargnait le sang de ses braves et loyaux compagnons d'armes qui eussent péri dans le combat. Tel est l'esprit du papisme: orgueil et tyrannie pour lui, dédain et cruauté pour les autres.
Dans
la
soirée du même jour, Catinat envoya un courrier à Gabriel de
Savoie, oncle de Victor-Amédée, qui avait envahi la vallée de
Luserne et qui se trouvait campé à la Vachère. Ce courrier passa
par Pœmian, et dit aux Vaudois qu'il allait avertir le prince de
la paix proposée. Le lendemain il revint et dit que la paix était
conclue.
Les Vaudois se croyaient donc assurés d'un paisible avenir;
c'était leur perte qu'on venait de décider.
Les troupes françaises entrèrent à Pœmian. On les reçut sans armes
et sans défiance. Le chef qui les commandait (8)
renouvela aux Vaudois les assurances de son général, se fit
présenter les chefs de familles, sépara les hommes d'avec les
femmes, et dit aux premiers qu'il allait les faire conduire au duc
de Savoie, pour qu'ils fissent leur soumission devant lui.
Ayant ainsi privé ces malheureuses familles de tous leurs
défenseurs, n'ayant plus devant eux que des femmes, des enfants et
des vieillards, les soldats de Catinat se ruèrent comme des bêtes
sauvages sur cette multitude inoffensive et si lâchement abusée;
massacrèrent les uns, torturèrent les autres, les
dépouillèrent de tout ce qu'ils avaient de
précieux; s'emparèrent des femmes et des filles pour les
brutaliser; assouvirent sur elles les passions les plus infâmes,
et leur firent subir toutes les horreurs de l'outrage et de
l'assassinat.
Il y en eut qui résistèrent avec tant de courage, que l'insulte de
leurs bourreaux ne put en avoir raison qu'après les avoir mutilées
des quatre membres, ne laissant plus ainsi qu'un torse ensanglanté
en proie à ces démons.
D'autres ne furent vaincues que clouées au sol par une épée qui
traversait leur poitrine.
Il y en eut que l'on ne put forcer et qu'on enterra vivantes;
d'autres, les plus heureuses, furent tuées, fuyantes dans le bois,
et abattues comme un gibier timide par le plomb de leurs
persécuteurs.
Quant aux enfants, ils furent enlevés et dispersés en Piémont,
soit dans les couvents, soit au sein de diverses familles
catholiques. Quelle éducation chrétienne y pouvaient-ils recevoir?
Leurs pères qui avaient été envoyés au camp de Victor-Amédée pour faire leur soumission à ce monarque, furent jetés dans les prisons de Luserne, de Cavour et de Villefranche, où plusieurs périrent de maladie et de chagrin.
Mais le papisme triomphait; la trahison l'avait servi; la moitié du peuple des Vallées était massacrée ou prisonnière; le carnage avait fait son œuvre, et ce qui restait de l'Israël des Alpes ne pouvait longtemps subsister. Les Te Deum de la Saint-Barthélemy allaient de nouveau retentir!
Victor-Amédée
s'était
tenu dans la plaine que forme l'ouverture de la vallée de Luserne,
du côté de La Tour et de Rora. C'est là que plus tard, après
la merveilleuse rentrée des Vaudois dans leur patrie, ce prince,
vaincu et fugitif à son tour, vint chercher un asile auprès de ces
mêmes montagnards qu'il voulait maintenant détruire ou disperser.
Son oncle, Gabriel de Savoie, général en chef des troupes ducales,
s'était dirigé vers les hauteurs d'Angrogne. Sa ligne d'opérations
s'étendait de Briquéras à Saint-Jean. Les Vaudois occupaient, sur
le sommet des collines de la Costière, une série de petits postes
situés dans une zone supérieure, mais parallèle à son front de
bataille.
Le 22 d'avril don Gabriel fit attaquer ces postes par tous les points à la fois. Les Vaudois combattirent tout le jour, et, fidèles à la tactique de Janavel, concentrèrent leurs forces en élevant leur front de résistance sur les retraits supérieurs de la montagne, se resserrant ainsi entre des points moins nombreux et de plus en plus rapprochés.
La
nuit
venue, les feux du bivouac s'allumèrent des deux côtés. Cette
ceinture lumineuse coupait la montagne vers le tiers de sa
hauteur. Les Serres et Castelluz appartenaient aux ennemis;
Rochemanant et les portes d'Angrogne étaient au pouvoir des
Vaudois.
Dans le camp piémontais, le culte ridicule des reliques se mêlait
aux plaisanteries grossières des soldats, et l'invocation de la
Vierge aux récits indécents des atrocités commises déjà dans les
Vallées.
Dans le camp des persécutés la prière du soir s'élevait fervente
et humble au milieu du recueillement, de la tristesse et de la
résignation. On se souvient que cette prière avait été mise à
l'ordre du jour de toutes les compagnies vaudoises, et qu'elle se
trouve inscrite au bas de leur règlement militaire qui nous a été
conservé. La voici:
«Seigneur,
notre
grand Dieu et Père de miséricorde, nous nous humilions devant ta
face, pour te demander
le
pardon de tous nos péchés, au nom de Jésus-Christ notre
Sauveur, afin que par ses mérites ton
ire (ta
colère) soit apaisée envers nous, qui t'avons tant
offensé par notre vie perverse et corrompue.
Nous te rendons aussi nos très humbles actions de grâce, de ce
qu'il t'a plu nous avoir conservé jusqu'à présent contre toute
sorte de dangers et de malheurs: et te supplions humblement de
nous continuer à l'advenir ta sainte protection et bonne
sauvegarde contre tous nos ennemis, de la main desquels nous te
prions aussi de nous délivrer et garantir.
Et puisqu'ils attaquent la Vérité pour la combattre, bénis nos
armes pour la soutenir et la défendre! Sois toi-même notre force
et notre adresse dans tous nos combats, afin que nous en sortions
victorieux. Et s'il arrivait à quelqu'un d'entre nous de mourir
dans cette cause, reçois-le, Seigneur, en ta grâce, en lui
pardonnant tous ses péchés, et fais que son âme soit recueillie
dans ton paradis éternel!
Seigneur,
exauce!
Seigneur, pardonne! pour l'amour de ton
Fils bien-aimé Jésus-Christ, notre Sauveur, au nom duquel nous
te prions en disant: «Notre
Père
qui es aux cieux... (etc.
jusqu'à
la fin de «l'Oraison dominicale.)
Seigneur, augmente-nous la foi, et nous accorde «la grâce de t'en
faire de cœur et de bouche une franche confession, jusqu'à la fin
de notre vie. Je crois en Dieu.... (et
ainsi de suite jusqu'à la fin du Symbole des Apôtres.)
La sainte paix et bénédiction de Dieu notre Père, l'amour et la
grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, la conduite, consolation et
assistance du Saint-Esprit, nous soient données et multipliées,
dès maintenant et à tout jamais! Ainsi soit-il!»
Ces
dernières
paroles étaient prononcées, au nom de tous les assistants, par le
pasteur ou l'officier qui avait présidé à ce modeste culte.
Telle est cette prière que nous avons cru ne pas devoir
retrancher, même d'un résumé historique, et qui était faite soir
et matin dans le camp des Vaudois.
Le
23 d'avril l'attaque recommença contre eux. Ils se replièrent
encore vers les crêtes de la montagne, mais
en bon ordre et sans cesser de combattre durant toute la journée.
Vers le soir ils se réunirent en un seul camp au pied de la
Vachère, et fortifièrent cette position avantageuse par des
retranchements en terre et en rocaille, promptement élevés par
leur intrépide vigueur dès longtemps habituée au travail.
Le
lendemain
matin, Gabriel de Savoie eut connaissance de la reddition des
Vaudois de Pramol, qui s'étaient livrés avec confiance aux mains
de leurs ennemis et dont les familles ensuite avaient été
massacrées sans défense.
Il résolut d'employer le même moyen contre ses adversaires, et
leur fit dire à son tour que, leurs coreligionnaires du val
Saint-Martin ayant posé les armes et obtenu leur grâce, il leur
conseillait de suivre cet exemple pour éviter de plus grands
malheurs; car, s'ils ne se rendaient pas, les troupes françaises
qui occupaient la vallée de Saint-Martin et le vallon de Pramol
viendraient les prendre par-derrière, et qu'alors ils seraient
infailliblement écrasés.
Les Vaudois du Val Luserne, retranchés au pied de la Vachère, ne
pouvaient croire à cette nouvelle. Janavel, dans les
recommandations qu'il leur avait adressées, avait
mis en première ligne la nécessité pour tous les enfants des
Vallées de demeurer constamment unis: comment se pouvait-il que la
moitié des leurs eût traité avec l'ennemi, sans leur avoir fait
part de cette résolution?
Ils envoyèrent, à leur tour aussi, des mandataires à Gabriel de
Savoie qui confirma cette nouvelle et leur remit un billet, signé
de sa propre main, dans lequel il était dit: «N'hésitez pas à
poser les armes, et soyez certains qu'en vous remettant à la
clémence «de S. A. R. il vous sera fait grâce, et que l'on ne
touchera ni à vos personnes ni à celles de vos femmes et de vos
enfants.»
Devant
une
promesse aussi formelle, signée d'une main royale, il n'y avait
pas à hésiter. Mais cette main auguste était une main catholique,
instruite à signer sans frémir les plus coupables trahisons.
Peut-être
aussi
l'oncle du souverain était-il sincère dans ses promesses, je
voudrais le croire; mais il connaissait la perfidie de
Catinat: lui-même avait contribué, la veille, à la captivité
déloyale des Vaudois de Pramol, et il osait dire qu'on leur
avait fait grâce! La mauvaise foi me paraît évidente; or, si
le jugement de l'histoire doit être sévère pour tout ce qui
dégrade la dignité humaine, il ne
saurait frapper d'une réprobation trop rigoureuse des actions
si basses venues de si haut.
D'ailleurs, on pourra juger du caractère de cet engagement par les
fruits qu'il ne tarda pas à produire. Les Vaudois de la Vachère
ouvrirent leurs retranchements à Gabriel de Savoie, et se
portèrent eux-mêmes, sans armes et sans défiance, au-devant de ses
troupes.
Elles se mêlèrent à eux sous les dehors les plus pacifiques, les
environnèrent, puisse saisirent d'eux, et les ayant garrottés
comme des forçats, les menèrent prisonniers à Luserne, où ils
furent jetés dans les cachots, jonchés déjà de leurs frères
trahis.
Oh!
combien
les conseils de Janavel durent alors se présenter à eux dans toute
leur puissance! Mais il était trop tard.
L'ennemi s'était emparé, presque sans coup férir, de ces
redoutables Vallées où les Vaudois avaient des postes si
avantageux, dit un contemporain, et des
retranchements si forts, qu'on eut pu y rester dix ans (9).
Pendant
que
ces choses se passaient à Angrogne, Victor-Amédée avait poursuivi
sa marche dans la vallée de Luserne.
Les Vaudois y occupaient encore deux postes importants: l'un
au hameau des Geyniets, et l'autre à Champ-la-Rama. Ils couvraient
ainsi l'entrée du Pra-du-Tour d'un côté, et le chemin du Villar de
l'autre.
Ces deux postes, étant attaqués à la fois, tinrent ferme pendant
toute une journée. L'ennemi ne put gagner un pouce de terrain, et
perdit beaucoup de monde, entre autres le commandant de la milice
de Mondovi. Les Vaudois n'eurent que six morts et autant de
blessés.
Vers le soir, les assaillants, dont les munitions étaient
épuisées, parurent songer à la retraite; mais dans la crainte
d'être poursuivis, ils tentèrent à tout hasard d'abuser leurs
adversaires par quelque promesse illusoire, et sous le nom de ruse
de guerre, de les rendre victimes de quelque perfidie, comme cela
avait déjà si bien réussi à la Vachère et à Pœmian.
Plusieurs officiers piémontais, ayant mis leurs armes et leur
chapeau à terre, s'approchèrent des retranchements que les Vaudois
avaient élevés à Champ-la-Rama; ils faisaient flotter un mouchoir
blanc au bout d'un bâton et dirent qu'ils apportaient la paix.
On les laissa avancer. Ils déployèrent un papier, disant que
c'était une lettre du Victor-Amédée, qui avait fait grâce à tous
ses sujets; qu'il ordonnait à ses troupes
de se retirer, et engageait les Vaudois à en faire de même.
Le
podestat
de Luserne, nommé Prat, magistrat fort connu des Vaudois,
accompagnait ces officiers, et attesta la vérité de leur
déclaration, assurant ces pauvres montagnards qu'ils auraient la
vie et la liberté, à condition que les hostilités cesseraient à
l'instant.
Les Vaudois eussent pu, par une sortie vigoureuse, mettre en
déroute ces troupes épuisées, ou du moins s'emparer de leurs
officiers. Mais se confiant en leur parole, ils ne tirèrent plus,
laissèrent l'ennemi se replier en paix, et allèrent eux-mêmes
chercher quelque repos.
À peine s'étaient-ils retirés, que les soldats catholiques
revinrent sur leurs pas avec de nouveaux renforts, et s'emparèrent
du poste abandonné.
Ceux qui se défendaient encore au hameau des Geymets, moins élevé
que Champ-la-Rama, se voyant dominés par
l'ennemi, abandonnèrent aussi leur poste et se retirèrent au
Villar.
Il semblerait que tant de perfidies réitérées eussent dû épuiser la mesure de la déloyauté catholique et de la trop facile confiance des Vaudois: il n'en fut pas ainsi.
Les
troupes
ennemies, après avoir poursuivi les montagnards qui se repliaient
sur la combe du Villar, s'arrêtèrent au hameau
des Bonnets et y demeurèrent deux jours sans oser en venir aux
mains. Mais pendant ce temps, ils envoyèrent aux Vaudois plusieurs
émissaires successifs pour leur assurer, au nom des choses les
plus sacrées, que ceux qui se rendraient obtiendraient leur grâce,
tandis que les châtiments les plus sévères atteindraient les
récalcitrants.
Plusieurs se rendirent et furent jetés en prison. Ainsi le nombre
des Vaudois diminuait de jour en jour. Ils pouvaient être encore
cinq à six cents hommes. Cette troupe eût suffi à Janavel pour
faire des prodiges; mais l'illustre proscrit, banni depuis trente
ans de sa patrie, ne pouvait plus la servir que de ses conseils,
et ses conseils n'avaient pas été suivis. L'intrépide capitaine
n'avait rien perdu de son courage, mais les infirmités de l'âge
avaient brisé ses forces sans fléchir son grand cœur.
Au bout de quelque temps, les Vaudois du Villar se voyant décimés par la surprise ou par la trahison, affaiblis par les intrigues d'un ennemi sans loyauté et sans courage, abandonnèrent encore le poste qu'ils occupaient et se replièrent sur Bobi, dernier village important de la vallée.
Ainsi
se
passa le mois d'avril. Le 4 de mai, Gabriel de Savoie fit marcher
toutes ses troupes contre eux. Cette attaque fut repoussée. Les
Vaudois, retranchés sur les hauteurs de Subiasc, lui tuèrent
quelques officiers et beaucoup de soldats.
Le 12 de mai l'armée française, s'étant jointe à celle de
Victor-Amédée, renouvela l'attaque, qui fut encore repoussée par
les Vaudois avec un grand succès. Mais le lendemain, le marquis de
Parelles, qui avait remonté la vallée de Saint-Martin avec un
détachement des troupes de Catinat, traversa le col Julian et vint
attaquer par derrière les valeureux défenseurs de Bobi.
Se voyant pris entre deux feux, les Vaudois abandonnèrent une
position impossible à conserver et se dispersèrent sur les
montagnes latérales de la Sarcena et de Garin.
On leur expédia de nouveaux émissaires, pour leur promettre la
liberté, s'ils voulaient se rendre à leur souverain. Plusieurs se
rendirent encore, et comme les précédents ils furent jetés en
prison.
Le cœur se révolte au règne prolongé d'une fourberie toujours
puissante et toujours désastreuse! Le triomphe de ce qui est
honteux ravale la nature humaine.
Cependant
les
plus sanglantes horreurs ne cessaient de se commettre de toute
part sur cette terre désolée.
Deux sœurs, Anne et Madeleine Vittoria, furent brûlées vives sur
la paille du hangar où s'était accomplie la défaite de leur
honneur.
Daniel Pellenc fut écorché vivant, et comme les soldats ne
pouvaient parvenir à faire remonter la peau de son corps
par-dessus ses épaules, ils le mirent à terre, jetèrent une grosse
pierre sur son corps déchiré, mais palpitant encore, et le
laissèrent expirer dans cet état.
Vingt-deux personnes furent précipitées dans les ravins du Cruel,
des hauteurs de Bariound et de Garneyreugna. Plusieurs d'entre
elles, suspendues aux arêtes des rochers, ayant les os brisés et
les chairs en lambeaux, restèrent encore vivantes pendant quelques
jours.
Une jeune mère, qui fuyait, emportant son enfant dans ses bras, et
qui en portait un autre dans son sein, fut
atteinte par les massacreurs. Ils lui enlevèrent son nourrisson,
le prirent par les pieds et lui fracassèrent la tête contre les
rochers. Puis, s'élançant l'épée à la main sur la mère évanouie,
ils firent encore deux meurtres d'un seul coup.
Une autre fut mise nue, avec son enfant dans ses bras, et les
soldats s'amusaient de loin à lancer leurs poignards, les uns
contre la mère, d'autres contre l'enfant. Cette malheureuse femme
se nommait Marguerite Salvajot.
Une autre femme s'était retirée dans une caverne avec son enfant
et une chèvre. La chèvre, broutant l'herbe dans les broussailles,
nourrissait de son lait la pauvre mère, qui à son tour allaitait
son enfant.
Des soldats les surprirent. L'enfant fut jeté dans un gouffre,
comme on jette à la voirie la progéniture trop abondante des bêtes
dont on veut se défaire. La mère fut conduite devant le marquis de
Bénil, colonel du régiment de Savoie. On voulut savoir d'elle où
s'étaient retirés ses coreligionnaires qui avaient disparu. Elle
n'en savait rien. Pour la faire parler, on lui écrasa les doigts
entre des barres de fer; mais ce fut inutilement. Alors, les
défenseurs, les héros, les soutiens de la foi catholique, lui
brisèrent les jambes; et, lui ayant lié la tête aux talons,
la firent rouler dans le même gouffre où ils avaient jeté son
enfant.
Pourquoi
raconter
ces atrocités? s'écriera plus d'une voix émue.
— Pour inspirer
l'horreur des principes odieux qui les ont produites!
Ah! vous croyez que le compte du sang répandu ne sera pas
redemandé!
Non: ces vils oppresseurs des peuples, tyrans par le glaive,
tyrans par la fourberie, tyrans par la cupidité; ces héros de la
superstition et de l'intolérance, qui auraient mille fois étouffé
le christianisme, s'il avait pu périr; non, les auteurs de tant de
plaies, encore saignantes dans le monde, doivent subir l'histoire
jusqu'au bout: leurs œuvres sont leur condamnation.
Le
marquis
de Parelles lui-même était indigné de rencontrer des bandes de ses
soldats portant à leurs chapeaux les trophées hideux des diverses
mutilations qu'ils avaient fait subir aux malheureux Vaudois.
Daniel Mondon, l'un des anciens de la paroisse de Rora, fut le
témoin désespéré et impuissant du meurtre de ses deux fils,
décapités à coups de sabre, puis, de sa belle-fille, à qui on
ouvrit le corps depuis le ventre jusqu'au sein. Les quatre petits
enfants de cette malheureuse furent également égorgés sous les
yeux de leur mère. On réserva le vieillard
pour le contraindre à porter sur ses épaules les têtes de ses deux
fils et les débris sanglants de sa famille massacrée. Il fut
obligé de marcher ainsi de Rora à Luserne. Arrivé dans cette
dernière ville, il fut pendu à un gibet.
«Toutes les Vallées sont exterminées, les habitants tués, pendus ou massacrés:» tels sont les termes dans lesquels un officier français annonçait à l'étranger le résultat de cette lutte fratricide, par une lettre du 26 mai 1686.
Sous
la
même date, Victor-Amédée rendit un décret par lequel tous les
Vaudois, sans exception, étaient déclarés coupables du crime de
lèse-majesté (10), pour
n'avoir pas déposé les armes à la première sommation, et tous
leurs biens confisqués au profit du domaine royal (11).
Le peu de Vaudois échappés au carnage ou aux prisons, erraient
misérablement dans les montagnes. Ceux qui se trouvaient encore
dans leurs demeures écartées reçurent l'ordre de ne pas en sortir
(12).
Plusieurs
de
leurs enfants luttaient encore dans cette extrémité; les uns par
leur courage, d'autres par leur martyre.
Le pasteur de Pral, nommé Leydet, s'était retiré dans une caverne
pour échapper aux massacreurs. Au bout de deux jours, il crut que
les troupes s'étaient retirées, et rendait grâces à Dieu, en
chantant à demi-voix un cantique de délivrance. Mais ces accents
pieux, sortant des fentes du rocher, trahirent sa retraite. Les
soldats l'entendirent, accoururent dans la caverne, s'emparèrent
du pasteur, et le conduisirent à Luserne, où il fut présenté à
Victor-Amédée, comme une capture d'importance. On lui promit la
liberté et une pension de deux milles livres, s'il voulait
consentir à changer de religion. Il refusa. Alors il fut
emprisonné dans une tour, ayant les jambes pressées entre deux
poutres réunies par un écrou.
Il y demeura longtemps, réduit au pain et à l'eau, et sans pouvoir
se coucher à cause des ceps dans lesquels ses jambes endolories
étaient retenues.
Dans cette triste position, il avait à soutenir chaque jour
de longues discussions théologiques avec les prêtres et les moines
qu'on envoyait pour le convertir.
Comme
une
vermine éclose autour de toutes les tortures, cette engeance de
mort se retrouve partout: depuis les cachots de l'inquisition
espagnole, jusques à ceux du saint-office de Rome et de Turin.
Leur saint-office, on le connaît; mais
l'Évangile
l'a-t-il jamais connu?
Enfin, ne pouvant convaincre leur prisonnier, les prêtres lui
dirent qu'on allait le faire mourir.
— Que
la
volonté de Dieu s'accomplisse! répondit-il avec tranquillité.
— Vous
pouvez
sauver votre vie en vous faisant catholique.
— Ce
ne
serait pas la volonté de Dieu.
De
nouvelles
discussions recommençaient encore; et, pour dernier argument, on
finissait derechef par lui annoncer son supplice.
Mais rien ne l'ébranla. Alors on le condamna à mort, et pour
trouver un prétexte à cette condamnation, le jugement porta qu'il
avait été pris les armes à la main.
La veille et le jour même de son exécution, les moines
l'assaillirent encore, pour le faire abjurer; ils espéraient que
l'émotion toujours inséparable de ces instants suprêmes aurait
brisé sa fermeté ou troublé ses esprits. Mais il demeura calme,
serein, convaincu et résigné.
En sortant de prison pour aller au dernier supplice, il dit aux
exécuteurs: C'est pour moi une double délivrance dont mon âme et
mon corps doivent se réjouir.
Puis, étant monté sur l'échafaud, il ne prononça que ces paroles
sans ostentation: O mon Dieu, je remets mon âme entre tes mains!
1) Les régiments de Nice et de Montferrat étaient
logés à Bubiane. Ceux de Savoie et de la
Croix-Blanche, à La Tour; ceux d'Aoste et de Saluces, à
Luserne; celui de la marine, à Fenil; le corps de la
gendarmerie, à Garsiliane, et les gardes du corps, le
régiment des gardes et la cavalerie étaient à Briquéras.
2) 70 mulets étaient chargés de vin; 15,
portaient 150 rups de viande chaque jour.
3) Ce sont les termes de l'ordre écrit
d'après le plan arrêté...
4) Relations del succeduto al
primo atlaco fatto dai Francesi nella valle di San
Martino. (Turin, Archives de cour,
Valdesi, no de série 300.)
Cette pièce est écrite en français, quoique l'inscription
dorsale soit en italien; elle commence ainsi:
«Hier matin 22, M. de Catinat fit un détachement du
régiment Limosin et du Plessis... Ce régiment poussa les
Barbets un peu trop loin et se retint presque au pied du
fort de ces huguenots. Les dragons de La Lande poussèrent
sur la droite et s'embarrassèrent dans des rochers, où ils
perdirent quelque monde. Le capitaine qui le commandait
fut blessé au bras, etc...»
On lit plus loin: «Le major de Provence fut blessé à
mort; M. de Brienne fut
blessé à la tête, M. de Goutaud au bras, etc.. »
5) Dissipation des Églises
Vaudoises en 1686, p. 15.
6) Voici comment le bulletin cité plus
haut raconte cette affaire.
«Le chevalier de Villevieille fut attaqué par une troupe nombreuse qui était cachée dans un ravin, sur sa gauche, et par ceux du fort qui sortirent en même temps pour le charger. Il perdit du monde en se retirant et tout ce qu'il put faire fut de gagner une maison, avec trente hommes seulement, dans laquelle il a été attaqué pendant plus de quatre heures par 500 hommes, qui lui proposèrent de lui faire bon quartier pour l'obliger à se rendre, à quoi il ne répondit qu'à coups de mousquet...»
7) Arnaud, Glorieuse
rentrée, rapporte
ce
fait p. 49 de la préface. Les bulletins n'en font aucune
mention.
8) C'était le capitaine Saint-Pierre.
9) Lettre écrite de Pignerol, le 26
d'avril 1686. Archives
de
Berne. C.
II,
a.
10) Quelle majesté y a-t-il
dans un pouvoir injuste?
11) Turin, Archives de la cour
des comptes. Ordini, 1685-1686, no 103, fol. 33,
et 104, fol. 6. Se trouve aussi dans les Archives de
cour: portefeuille des édits de S. A. R., de 1686
à 1698.
12) Le 28 d'avril. (Dubois, t.
Il,
p. 243.)
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