CCXCIII. Données historiques. Divisions à Corinthe; la parole de la croix; la vraie sagesse; l'homme naturel et l'homme spirituel; Christ, le seul fondement; le temple de Dieu. Exhortations paternelles.
§ 1396. En rassemblant les renseignements historiques contenus dans cette épître, on voit que, lorsqu'il l'écrivit, Paul, revenu de Macédoine (§ 1361), était encore à Éphèse, où il se proposait de demeurer jusqu’à Pentecôte et d'où il salue les Corinthiens au nom des églises d'Asie, particulièrement au nom de l'église qui s'assemblait chez Aquilas et Priscille , leurs anciens amis, maintenant établis à Éphèse (Act. XVIII, 2, 19). On se trouvait alors, pense-t-on, à l'époque des fêtes V de Pâques, ce que l'on conjecture d'une allusion que Paul fait à cette solennité. Timothée venait de partir pour la Macédoine (Act. XIX, 22), avec la mission de pousser jusqu'à Corinthe, nous l'apprenons ici, mais sans qu'il y eût certitude qu’il pût accomplir ce dessein et Paul l'attendait à Éphèse, avant de se transporter lui-même en Macédoine et en Achaïe, où il se proposait de passer l'hiver (Act. XIX, 21). À ce moment aussi, Paul avait près de lui plusieurs frères de Corinthe: Stéphanas, le premier grec d'Achaïe qui eût reçu l'Évangile, Fortunat, Achaïque, dont les noms se trouvent seulement ici, et Sosthènes, ce même Sosthènes probablement qui, encore Juif et opposé au Seigneur lorsqu'il fut maltraité par la populace de Corinthe (Actes XVIII, 17), avait, dès lors, pris place parmi les frères. C'est par eux sans doute que Paul avait reçu de Corinthe une lettre à laquelle celle-ci est, en grande partie, une réponse, et, par leurs mains, que cette réponse devait atteindre Corinthe. Paul aurait voulu qu'Apollos lui-même y accompagnât les frères; d'où il résulte que ce docteur était, à cette époque, revenu à Éphèse (Actes XVIII, 27). — L'épître aurait donc été écrite de cette dernière ville, très peu de temps avant que Paul en partît pour n'y plus revenir (Act. XX, 1), et lorsque, de retour de son voyage présumé en Macédoine (§ 1361), il y avait envoyé Timothée et Éraste, avec invitation à pousser plus loin, s'il était possible.
1:
1-3
§ 1397. Comme dans l'Épître aux Galates, Paul
commence par rappeler la sainte origine de sa mission. Il
s'associe toutefois le frère Sosthènes, de même qu'écrivant aux
Thessaloniciens, il avait joint à son nom ceux de Silas et de
Timothée, tant il était loin de sa pensée et de celle du
Saint-Esprit, que le nom et l'autorité d'un apôtre dussent effacer
toute autre influence. Il qualifie l'église de Corinthe de la même
manière que celle de Thessalonique (§1273), en ajoutant quelques
mots que je recommande à l'attention de ceux qui estiment faire
partie du peuple de Dieu. Il s'agit de savoir si, appelés par
Jésus-Christ et portant le nom de saints I (§ 1173), ils sont
vraiment sanctifiés par Jésus-Christ. C'est d'ailleurs à tous les
saints, quel que soit le lieu de leur résidence, que cette lettre
est adressée, et je ne crains pas d'ajouter qu'elle l'est par cela
même aux fidèles de tous les temps. Cette épître est donc pour
nous aussi, mes chers lecteurs, bien qu'elle semble d'abord
n'avoir trait qu'aux circonstances particulières de l'église de
Corinthe. Or, dans ce préambule déjà, nous voyons de nouveau (§
1166), que ce qui caractérise la piété des saints, c'est qu'ils
invoquent le Seigneur Jésus-Christ, proclamation fort claire, bien
qu'indirecte, de sa divinité.
1:
4-9
§ 1398. Le cœur toujours plein d'amour pour ses frères, aussi bien
que de zèle pour Dieu, Paul sentait avec une vive reconnaissance
les grâces qui leur avaient été accordées. Remarquez cependant
qu'il ne parle pas ici, comme lorsqu'il s'était agi des
Thessaloniciens, (§ 1274) de la foi, de la charité et de
l'espérance des Corinthiens. Il y avait sans doute parmi eux bon
nombre de vrais croyants; mais ce qui distinguait cette église
entre beaucoup d'autres, et nous verrons qu'elle n'avait pas le
meilleur lot peut-être, c’était une grande richesse de parole et
de connaissance; de parole de Dieu et de connaissance de Dieu sans
doute, mais ce sont là des dons en dépit desquels on peut demeurer
hors du salut, tandis qu'avec la foi, l'espérance et l'amour on
est infailliblement sauvé. Toujours est-il que là où la Parole de
Dieu abonde, là où la connaissance de Dieu est richement répandue,
il ne manque rien aux âmes qui se prévalent de ces heureuses
circonstances. Si donc, éclairé d'en haut, on attend avec foi,
comme le faisaient beaucoup de Corinthiens, le retour glorieux du
Seigneur Jésus, on est sûr d'être affermi jusqu'à la fin et rendu
irréprochable par Celui qui a fait les promesses; par ce Dieu
fidèle qui appelle les âmes à lui et les met en communication
vivante avec son Fils Jésus-Christ.
1:
10-17
§ 1399. Après avoir donné cours à sa
reconnaissance, Paul entre en matière; et d'abord, il reproche aux
Corinthiens l'esprit de parti qui s'était glissé parmi eux. Cela,
certes, ils n'avaient eu garde de le lui marquer dans leur lettre;
mais il l'avait appris, on ne sait quand, par des gens appartenant
à une femme, membre de l'église, nommée Chloé. Il y avait donc au
milieu d'eux des disputes, et ces disputes provenaient de ce qu'il
s'était formé certaines coteries, qui, sans se constituer en
églises différentes, se rattachaient chacune à quelque nom d'homme
et se croyaient plus excellentes que les autres. Paul introduit
ici son propre nom et ceux d'Apollos, de Céphas, c'est-à-dire de
Pierre; même celui de Christ. Je ne pense pas qu'on en doive
nécessairement conclure que ces coteries étaient juste au nombre
de quatre, ayant pour drapeau les quatre noms indiqués. Il se
pourrait que, par ménagement pour les personnes, Paul eût
substitué aux vrais noms ceux que nous lisons ici, et je me
confirme dans cette pensée en lisant ce qui est écrit deux pages
plus loin, chap. IV verset 6. C'est par figure, dit Paul,
qu'il avait tourné son discours sur Apollos et sur lui. Quoi qu'il
en soit, voici ce qui résulte du passage que nous avons sous les
yeux. Paul, Apollos et Pierre enseignant tous les trois le même
Christ, dire: Moi je suis à Paul, moi à Apollos, moi à Céphas et
moi à Christ, ce n'était pas se poser comme étant en différend
quant aux dogmes de la foi; mais c'était, pour les trois premières
catégories, se rattacher à des noms d'hommes, et pour toutes les
quatre, c'était diviser ce qui aurait dû demeurer uni. À Éphèse
même, d'où Paul écrivait cette lettre, il avait séparé les
disciples de ceux qui ne l'étaient pas (§ 1317): toute séparation
n'est donc pas criminelle; mais elle le devient, du moment qu'on
ne peut alléguer de différence essentielle entre soi et ceux dont
on se sépare.
§ 1400. Rien, je le répète, n’autorise à penser que les Corinthiens fissent autant d'églises qu'il y avait de noms auxquels ils se rattachaient. Tout en continuant à ne former, en Christ, qu'un seul corps extérieur, leur faute était d'avoir, chacun, son docteur de préférence, comme le public des théâtres se passionnait pour certains acteurs et se partageait en autant de camps; leur autel encore était de faire au défi, non à qui aurait le plus de zèle dans le service du Seigneur, mais à qui prônerait le plus son docteur favori. C'est un mal qui n'est que trop commun dans beaucoup d'églises, et de véritables sectes sont sorties de là. Eh! quoi, dit l'apôtre: «Christ est-il divisé?» N'est-ce pas un seul et même Christ que vos docteurs vous annoncent? Sont-ce vos docteurs qui ont été crucifiés pour vous? Est-ce pour faire de vous leur propriété qu'ils vous ont baptisés? Et parce que l'homme dont le Seigneur s'est servi dans le but de vous amener à lui, est mieux doué que tel autre, en appartenez-vous d'autant plus à Jésus-Christ? Or, comme Paul «tournait tout ce discours» sur lui-même, il en est conduit à bénir Dieu de ce qu'il n'avait du moins pas à craindre de voir se former une coterie qui pût dire: Et nous, nous sommes les baptisés de Paul! car il n'avait baptisé personne à Corinthe, sinon Crispus, ancien chef de la synagogue (Act. XVIII, 8), Caïus (son hôte, comme nous le verrons ailleurs), et la maison de Stéphanas, les premiers convertis de l’Achaïe (1 Cor. XVI, 17). Du reste, il attachait si peu d'importance à l'acte du baptême, comparativement à la prédication de la bonne nouvelle, qu'il ne se rappelait pas s'il avait baptisé quelqu'un d'autre. A. défaut de cela, ce n'était pas son éloquence ou sa philosophie qui aurait pu lui faire une secte d'admirateurs; car il avait annoncé la bonne nouvelle, sans y mêler quoi que ce soit qui sentit l'homme, de peur d'affaiblir le grand mystère de la croix et d'en rendre la prédication infructueuse.
1:
18-21
§ 1401. Un racheté de Jésus ne saurait
prononcer ce mot solennel, «la croix de Christ», sans que tout son
cœur se porte de ce côté. Aussi voyons-nous l'apôtre
s'interrompre, pour s'arrêter quelques moments sur cet important
sujet. Ce n'est pas, à bien dire, une digression, puisqu'il
s'agissait de ramener les Corinthiens à plus d'humilité et de
charité. La parole de la croix, dit Paul; la prédication qui, du
haut de ce bois infâme et béni, nous est faite, et sur notre
profonde misère, et sur l'amour incompréhensible de Dieu; cette
parole de la croix, parole de malédiction contre le péché et
parole de grâce en faveur des élus, semble une folie incroyable,
non pas à tout le monde, mais à ceux qui se perdent: car, pour
ceux qui se sauvent, c'est la puissance de Dieu. Qui le savait
mieux que Paul? Par la croix, il était passé de la mort à la vie.
D'orgueilleux, devenu humble, et de persécuteur, persécuté, il
avait trouvé la paix et la sainteté au pied de la croix de Jésus.
Il avait aussi compris, par expérience, la prophétie que le
Saint-Esprit met ici sous sa plume (Ésaïe XXIX, 14). Lui-même fut
une fois un de ces sages et de ces intelligents, un de ces scribes
et de ces disputeurs du siècle, dont Dieu avait brisé la vaine
sagesse par la parole de la croix; car, par elle Dieu rend folle
la sagesse de ce monde; c'est-à-dire que la sagesse de l'homme,
toute sa philosophie n'est qu'aberration d'esprit, en comparaison
de ce que le monde appelle folie dans l'Évangile et qui est la
vraie sagesse. Bien plus, c'est par un effet de la sagesse
adorable de Dieu que, les sages du monde, même un Socrate, n'ayant
pas connu Dieu par leur sagesse (§ 901), il a voulu sauver les
croyants au moyen de la prédication de la croix, toute folle et
absurde qu'elle paraît à la vaine raison de l'homme: c'est ce que
nous verrons bientôt.
1:
22-25
§ 1402. Folie pour tout le monde, la parole de
la croix l'était surtout pour les Grecs. Le Seigneur du ciel et de
la terre, mort dans le plus infâme supplice! Quant aux Juifs, ce
qu'ils voulaient alors, comme du passé et sans que cela pût les
convertir, c'étaient des miracles (§§ 624, 629). Mais nous, dit
Paul, sans nous inquiéter des exigences, ni des uns, ni des
autres, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, le laissant être pour
les uns une folie, pour les autres un scandale ou une occasion de
chute, mais sachant que, pour ceux qui sont appelés d'une vocation
intérieure et efficace par le Saint-Esprit, il est la puissance et
la sagesse de Dieu, le moyen par lequel Dieu triomphe des
résistances du monde et s'empare des âmes qu'il a élues (§ 96).
1:
26-31
§ 1403. Pour preuve, voyez, dit-il aux
Corinthiens, voyez quel a été parmi vous l'effet de l'appel divin.
Bien des personnes avaient été converties; entre elles, quelques
sages, quelques puissants, quelques nobles, mais ce n'était pas,
il s'en fallait, le plus grand nombre. Au contraire, des gens que
le monde appelait fous, des petits et des faibles, de ces hommes
qui ne comptent pas et qu'on dédaigne; voilà de quoi se composait
essentiellement l'église, voilà par qui cependant Dieu agissait
avec puissance, voilà ceux qui allaient exercer une influence
irrésistible sur les peuples. Et d’où vient que Dieu choisit les
choses faibles pour confondre les fortes, et non pas les fortes
pour confondre les faibles? C'est afin que les forts et les sages
soient convaincus d'impuissance dans les choses de Dieu, et
qu'aucune chair n'ait à se glorifier devant lui. Le grand péché de
l'homme, c'est d'avoir voulu s'élever (I, § 82): la grande sagesse
de Dieu est de nous abaisser, et de nous abaisser si bien, que,
lorsqu'il lui plaira de nous relever, il n'y ait, dans ce
relèvement même, rien qui puisse nous enorgueillir. C'est pour
cela qu'il ne permet pas que nous trouvions ailleurs qu'en la
croix de Jésus-Christ, sagesse, justice, sanctification et rachat.
Il est vrai que, si nous croyons, toutes ces grâces nous sont
acquises; mais remarquez d'abord que si nous croyons ou, comme le
dit l'apôtre, si nous sommes en Christ, c'est par lui et par sa
grâce; remarquez ensuite que si Jésus-Christ est notre sagesse,
notre justice, notre sanctification et notre rachat, c'est encore
de Dieu que cela vient et non pas de nous. D'où il résulte qu'il
n'y a rien dans l'œuvre de notre salut dont nous puissions nous
attribuer la gloire, et que «celui qui se glorifie, doit se
glorifier dans le Seigneur» (II, §1164). Toute gloire ne nous est
donc pas interdite, mais il n'y a pour nous de gloire possible que
celle qui résulte de notre union avec notre glorieux Rédempteur.
2:
1-5
§ 1404. Ce ne fut donc pas en cherchant sa
force dans les ressources de l'éloquence et de la philosophie, que
Paul se présenta jadis à Corinthe; mais en rendant simplement
témoignage, de la part de Dieu, aux souffrances et à la mort
expiatoire de Jésus. La croix de Christ, cette folie et ce
scandale, voilà ce qui fut le point de départ, la base de toutes
ses prédications. Et même, à ne voir que l'homme, il s'était
acquitté de sa charge au milieu des circonstances les plus
défavorables; car, jusqu'à l'arrivée de Timothée à Corinthe, Paul
n'avait éprouvé que faiblesse et qu'appréhension, soit par suite
de ses infirmités (§ 1331), soit par l'émotion que lui causaient
le mouvement et la dépravation de cette ville populeuse (§ 1261).
Mais s'il s'était vu privé de toute force humaine, sa prédication
n'en avait pas moins été accompagnée de la puissance du
Saint-Esprit; et, de cette manière, ceux qui s'étaient convertis,
avaient une certitude d'autant plus grande que leur foi provenait
d'une sainte origine. Les conversions qui s'opèrent par la simple
exposition du mystère de Christ, sont de vraies conversions;
tandis que les effets produits par des prédications, même fidèles,
lorsque la vérité y est présentée avec tout le talent de l'orateur
ou le savoir du philosophe, peuvent laisser des doutes sur leur
durée et leur réalité.
2:
6-13
§ 1405. Le mystère du Christ est pourtant
aussi une sagesse ou une philosophie; mais la philosophie «des
parfaits», nouvelle manière de désigner les disciples du Sauveur,
soit à cause de la perfection à laquelle ils sont appelés (§ 311),
soit parce que leur foi est l'œuvre de Dieu et que l'œuvre de Dieu
est parfaite (Deut. XXXII, 4). C'est une philosophie divine,
longtemps cachée en Dieu (c'est le sens du mot mystère),
philosophie révélée pour la gloire de ses élus. Aucune des
célébrités de ce monde ne l'a connue, et nul homme ne peut y
parvenir par les efforts de la raison; mais le Saint-Esprit
l'enseigne à ceux pour qui Dieu l'a préparée. Le Saint-Esprit
scrute les profondeurs divines, comme nous connaissons nos propres
pensées, et mieux encore; et nul ne connaît Dieu que Dieu
lui-même, ou, ce qui est tout un, l'Esprit de Dieu. Or, voici ce
qui fait la gloire des fidèles; c'est qu'ils ont reçu l'Esprit qui
vient de Dieu, esprit tout autre que celui du monde. Par lui, ils
connaissent les choses qu'il a plû à la grâce de Dieu de leur
révéler, et s'ils en parlent, ils le font avec la sagesse
qu'enseigne l'Esprit, non avec celle du monde. Encore faut-il,
pour qu'un homme s'approprie leurs enseignements, qu'il soit
lui-même sous l'action de l'Esprit (§§ 612,1238).
2:
14-16
§ 1406. Il est en effet deux classes d'hommes
qu'il ne faut pas confondre: l'homme naturel, l'homme ayant l'âme,
l'homme doué d'intelligence et de sensibilité, mais n'ayant que
cela; en un mot, l'homme tel que nous sommes tous avant la
conversion; puis il y a l'homme spirituel, celui qui a reçu dans
son âme le Saint-Esprit. Le premier ne saurait accepter les choses
de l'Esprit de Dieu: elles lui paraissent une folie, parce que
c'est spirituellement, ou par l'Esprit, qu’on les discerne; en
sorte que, même pour comprendre la doctrine du salut, il faut
naître de nouveau, comme Jésus le disait à Nicodème (§ 198). Il
n'y a non plus que l'homme spirituel qui possède la clef du cœur
humain, tandis qu'il demeure, lui-même, tout à fait incompris. Le
monde ne voit dans les chrétiens que des insensés, par la raison
qu'il ne voit dans la croix du Christ qu'une absurde folie. En
somme donc, la différence entre ces deux classes d'individus
provient de ce que les uns connaissent, comprennent, aiment,
possèdent la pensée de Jésus-Christ, tandis que les autres y
demeurent étrangers. À laquelle de ces deux classes
appartenez-vous, ô vous qui lisez ces lignes?
3:
1-8
§ 1407. Et les Corinthiens? Si l'on se reporte
au moment où Paul arriva chez eux, la réponse ne saurait être
douteuse. Mais, maintenant qu'ils ont été les objets de tant de
grâces, ils sont tous probablement des hommes spirituels, qui,
ayant été nourris du lait de la Parole, peuvent recevoir
aujourd'hui la nourriture plus forte que cette même parole
contient! Hélas! quand on se laisse dominer par l'esprit de parti,
on marche selon l'homme et non pas selon Dieu, l'on est charnel et
non spirituel. Voilà comment l'apôtre renoue le fil de ses idées
(§ 1400). Ce n'était pas dire qu'il n'y eût personne de vraiment
converti à Corinthe; mais en tant que les membres de cette église
se livraient à des divisions et à des disputes, fruit de la
jalousie et de l'esprit de parti, ils étaient encore
prodigieusement charnels. Se rattacher au nom, même d’un Paul et
d'un Apollos, qu'était-ce, sinon subordonner le Seigneur à ses
ministres, oublier celui qui donne l'accroissement, pour ne voir
que ceux qui ne sont rien auprès de Dieu et dont toute l'œuvre est
de planter et d'arroser?
3:
9-15
§ 1408. Ainsi, dit Paul, nous sommes de
simples coopérateurs de Dieu et non pas Dieu lui-même; vous,
Corinthiens, vous êtes le champ de Dieu et non le nôtre, l'édifice
de Dieu et non point notre propre maison. Tout ce que j'ai fait,
et encore selon la grâce qui m'a été donnée, c'est de poser le
fondement de l'édifice. . Que d'autres aient édifié dessus, soit;
toujours s'agit-il de savoir comment ils l'ont fait. D'abord, nul
ne peut poser d'autre fondement que Christ (§ 1111). Puis, si les
constructeurs élèvent sur ce fondement la saine doctrine tout
entière et sans mélange, leur édifice sera d'or, d'argent et de
pierres précieuses; sinon, ce ne sera que bois, foin et chaume.
Quand donc se fera le jugement éternel, alors que l'œuvre de
chacun subira l'épreuve du feu, la paille sera consumée, l'or seul
subsistera; le bon constructeur recevra un salaire, mais non pas
l'autre: toutefois celui-ci se verra sauvé comme au travers du
feu, parce qu'il a construit sur le fondement, bien qu'avec les
pauvres matériaux de la sagesse humaine. Dans tous les cas (cette
idée est sous-entendue), celui qui édifie n’est rien, pas plus que
celui qui plante et que celui qui arrose.
§
1409. «Il sera sauvé, mais comme au travers du
feu!» Parole à la fois redoutable et consolante pour ceux qui
s'occupent des âmes et de Dieu. D'abord, tout enseignement
religieux qui n'a pas pour base la doctrine du salut par
Jésus-Christ, est un enseignement qui n'a rien de commun avec
l'Évangile; et si, après avoir posé Christ pour fondement, on veut
n'édifier dessus que de l'or, de l'argent et des pierres
précieuses, il faut tirer du fondement lui-même ou de Christ, tout
le reste de l'édifice. C'est ce que je me suis efforcé de faire
dans ces Études, mes chers lecteurs; mais c'est ce que ne font ni
les papistes, ni les rationalistes. Ceux-là semblent élever fort
haut la croix de Jésus-Christ, et néanmoins il est de fait que
c'est le pape, non Jésus-Christ, qui est la pierre angulaire de
l'Église romaine; en sorte que, s'il y a, comme je me plais à le
reconnaître, des catholiques dont la foi repose sur le vrai
fondement, c'est parce qu'ils ne sont pas vraiment de leur
religion. Alors même, c'est du bois, du foin et du chaume, ce
qu'ils édifient sur le fondement. Donc, leur édifice sera brûlé;
voilà ce qu'il y a de redoutable dans la parole: toutefois ils
seront sauvés comme au travers du feu: c'en est le côté consolant.
Quant au rationalisme, le fondement qu'il pose, c'est la raison
humaine, la dignité et les forces morales de l'homme, doctrine
entièrement subversive de la croix de Christ et qui ne laisse
place à aucune espérance.
Toutefois, si, après quelques entretiens avec un homme qui vous
avait d'abord paru fort éloigné du véritable Évangile, vous croyez
vous apercevoir que, par une de ces inconséquences assez communes,
son cœur vaut mieux que son système et qu'au fond c'est à
Jésus-Christ crucifié qu'il regarde, il vous est permis de nourrir
l'espoir que son bois et son chaume ayant été brûlés, il sera
sauvé comme au travers du feu. Hélas! c'est une supposition de
charité que je fais ici; mais l'office le plus sûr de la charité
sera toujours, que nous nous efforcions d'amener les âmes à la
vraie connaissance de Jésus-Christ et que nous n'accueillions,
quant à nous, aucune doctrine, aucune opinion, aucune vue qui ne
soit tirée de l'or pur de ce divin sanctuaire.
3:
16-23
§ 1410. L'apôtre venait de dire: «Vous êtes
l'édifice de Dieu;» il reprend maintenant cette image, sans
toutefois abandonner son idée principale, car il signale le crime
dont on se rend coupable, quand, au lieu d'édifier sur le
fondement, on fait de préférence tout ce qu'il faut pour ruiner
l'édifice; or il n'est piques ni pioches qui sapent plus
activement que l'orgueil et les divisions (§ 1353). L'église de
Corinthe, malgré ses misères, était donc un temple de Dieu. Avant
la venue du Christ, il n'y avait qu'un temple, celui de Jérusalem:
aujourd'hui, le Seigneur possède ici-bas autant de temples qu'on y
compte d'assemblées de chrétiens. Ces temples ne consistent pas en
des matériaux magnifiques superposés avec art: ce qui les forme,
c'est l'assemblage des fidèles, sainte habitation de l'Esprit.
Mais deux choses tendent à exclure le Saint-Esprit d'une
assemblée: la première, c'est lorsque ceux qui la composent
recherchent une autre sagesse que la folie de Dieu; la seconde,
c'est lorsqu'ils se glorifient dans les hommes, c'est-à-dire
lorsque, se laissant entraîner par les séductions du talent, ils
se rattachent à quelque nom humain, que ce nom soit celui de Paul,
d'Apollos ou de Céphas, n'importe. Or, se glorifier d'appartenir à
certain parti religieux, se rattacher à un homme, c'est oublier ce
qui fait la vraie gloire des rachetés. Ils sont à Jésus-Christ
comme Christ est à Dieu; et en lui, ils possèdent toutes choses.
Quelle folie et quel crime de vouloir plus et mieux que cela!
4:
1-5
§ 1411. On ne saurait se donner à certains
docteurs, sans dénigrer ceux de qui l'on se détache, et il arrive,
la plupart du temps, que ces derniers ont infiniment plus de
droits à notre confiance et à notre affection. Tel était le cas à
Corinthe. Des partis n'avaient pu s'y former, sans qu'on eût
d'abord tâché d'affaiblir dans les cœurs l'autorité qu'y
exerçaient justement Paul et ses collègues. Il rappelle donc à
quel titre ils avaient parlé de Jésus-Christ et des mystères de
Dieu. Il se rend témoignage d’avoir été fidèle dans la décharge de
son mandat: tout ce qu'on peut demander d'un administrateur. Il
fait sentir d'ailleurs, combien sa position le mettait au-dessus
des jugements humains. En paix dans sa conscience, ce n'était
pourtant pas là-dessus qu'il comptait pour être justifié devant
Dieu; toujours est-il que Dieu seul devait être son juge. C'est
lui qui fera venir au grand jour ce qui est caché dans les cœurs;
lui qui distribuera, sans erreur, la louange ou le blâme, grande
raison pour ne juger personne avant le temps.
4:
6-13
§ 1412. Si d'ailleurs l'apôtre a tout du long
parlé d'Apollos et de lui, c'est par ménagement. 11 n'a pas voulu
afficher les noms des coupables, anciens de l'église probablement;
puis il a eu l'intention de montrer que, fut-il question de Paul
et d'Apollos, encore y aurait-il eu du péché dans leurs débats et
dans la passion qu'ils mettaient à se distinguer, en élevant aux
nues quelques-uns de leurs docteurs aux dépens des autres. Il est
vrai que tous ne reçoivent pas la même mesure de grâces; mais
encore, qui établit cette différence? Et si tout vient de Dieu,
pourquoi se glorifier comme si on s'était fait soi-même ce qu'on
est? Afin que les Corinthiens sentissent mieux l'indignité de leur
conduite, Paul oppose leur vaine gloire à sa propre situation.
Dans ce langage doucement ironique qu'un père se permet avec ses
enfants: «Vous, leur dit-il, vous êtes riches et rassasiés; vous
régnez, vous êtes forts et prudents; tout est honneur pour vous,
et nous....» Relisez ce morceau plein d'une éloquence divine. Non
seulement vous y verrez la misérable vie que menaient les apôtres
du Seigneur, et les admirables sentiments dont les revêtait
l'Esprit de Dieu, en regard de leurs persécuteurs; mais encore
vous comprendrez tout ce qu'il y avait d'odieux dans la conduite
de disciples qui passaient leur temps à se disputer la
prééminence, tandis que leurs maîtres et leurs pères en la foi se
voyaient traités comme les balayures du monde.
4:
14-21
§ 1413. Oui, c'est en sa qualité de père, que
Paul parle aux Corinthiens; non pour les couvrir de honte, mais
pour leur témoigner son amour. C'est aussi par cette raison qu'il
les exhorte à suivre son exemple dans les souffrances et dans les
humiliations. Afin de se rappeler à leur souvenir, il avait prié
Timothée de les aller voir, Timothée déjà connu d'eux et l'enfant
bien-aimé de Paul (1 Tim. 1, 2). C'était probablement depuis le
départ de ce jeune disciple pour la Macédoine que la députation et
la lettre des Corinthiens étaient arrivées à Éphèse; mais
auparavant déjà l'apôtre avait pensé à eux. Bien plus, il songeait
lui-même très sérieusement à leur faire bientôt une visite (§
1321), pour ramener dans le devoir ceux qui, profitant de son
éloignement, s'arrogeaient une autorité qui ne leur appartenait
pas, et pour juger si les hommes qui prenaient le ton si haut en
son absence, tenaient réellement leurs pouvoirs de Celui à qui
appartient le royaume de Dieu. Mais si je vais, dit l'apôtre,
sera-ce avec la verge d'un père qui se voit dans la douloureuse
nécessité de corriger ses enfants, ou sera-ce avec amour et dans
un esprit de douceur? Il ne répond pas à cette question; la suite
ne montre que trop ce qu'il craignait d'être obligé de faire.
CCXCIV. L'Incestueux; discipline; les procès; ce qui est permis n’est pas toujours convenable; l'Impureté, le célibat, le mariage, l'esclavage; les veuves; les viandes sacrifiées aux idoles; le salaire dû aux prédicateurs de l'Évangile.
5:
1-5
§ 1414. Un horrible désordre régnait dans une
des familles de l'église de Corinthe. Au vu et au su de tous, un
homme avait pris pour femme sa belle-mère. Les Corinthiens
s'étaient bien gardés d'en parler dans leur lettre, mais l'apôtre
en avait été informé par le bruit public, car ce crime était
universellement connu: il avait scandalisé les idolâtres mêmes.
«Et vous vous êtes enflés,» dit l'apôtre! Vos cœurs peuvent se
livrer à l'orgueil, tandis que vous devriez être tous dans le
deuil, jeûner et prier, jusqu'à ce que celui qui a fait cette
œuvre de ténèbres fût ôté du milieu de vous! Voilà donc le premier
devoir de la discipline. Il faut que l'église s'humilie
profondément, lorsque quelqu'un de ses membres s'écarte, avec
scandale, du droit chemin. Mais dans le cas actuel, il ne
s'agissait pas de s'en tenir là. Avec une solennité d'expression
qui ne saurait échapper à personne, l'apôtre, bien qu'absent de
corps, mais présent d'esprit, prononce, au nom du Seigneur Jésus,
les Corinthiens et son esprit étant assemblés, et la puissance du
Seigneur étant avec eux, que cet homme soit livré au Satan pour la
ruine de la chair, afin que l'esprit puisse être sauvé dans le
jour du Seigneur Jésus. Il est clair, d'après ces paroles mêmes,
que Paul agit ici en vertu des pouvoirs extraordinaires qui lui
avait été conférés avec l'apostolat; car personne aujourd'hui ne
pourrait juger à distance, ni livrer qui que ce soit au Satan,
n’importe le sens qu'on donne à cette formule. Il n’est pas moins
clair ni moins remarquable que, malgré les pouvoirs
extraordinaires dont il était investi, l'apôtre ne pense pas
pouvoir prendre cette décision disciplinaire sans le concours de
l'église elle-même (vous et mon esprit étant assemblés);
seulement, le cas était si grave, le crime si manifeste, l'urgence
tellement grande, qu'il ne doute pas de l'assentiment de ses
frères. On ne saurait disconvenir d'autre part, qu'il n'y ait une
très grande obscurité dans la sentence elle-même. J'ai dit
ailleurs comment on cherche à l'expliquer (§ 1367).
5:
6-8
§ 1415. Quelle que soit au reste la nature de
la discipline ecclésiastique, répétons avec l'apôtre que les
fautes d'un seul invitent l'église entière à s'humilier. Il y a
une certaine solidarité entre tous les fidèles; la honte de
l'individu devient celle de tous et le péché étend aisément ses
ravages; c'est comme une pâte dont la masse entière se pénètre du
levain qu'on y a déposé (§ 1352). Il faut donc qu'une église fasse
son possible pour que, purifiée du vieux levain, elle soit une
nouvelle pâte, chaque fidèle étant un des pains sans levain de la
Pâque dont Jésus-Christ est l'agneau. Les Corinthiens assurément
ne faisaient pas la Pâque des Juifs; ils avaient toutefois, ainsi
que nous, une grande fête à célébrer sans cesse, en vertu de la
délivrance que Jésus nous a procurée par son sang. Mais pour que
nos cœurs ressentent la joie de cette fête, il faut qu'au lieu de
la malice et de la méchanceté qu'ils recèlent, ils soient remplis
de sincérité et de vérité par le Saint-Esprit. Ainsi, maintenir la
pureté du corps de l'église, et à cet effet, se maintenir chacun
dans la pureté, telle est la condition requise pour être en fête
continuelle devant le Seigneur.
5:
9-13
§ 1416. Ce double devoir se lit en traits fort
nets dans les paroles que l'apôtre ajoute immédiatement. Il avait,
paraît-il, écrit aux Corinthiens une précédente lettre qui ne nous
a pas été conservée, par la raison sans doute qu'elle ne traitait
que d'un seul point, lequel se trouve exposé plus amplement dans
celle-ci. Paul leur avait enjoint de ne pas se rencontrer avec des
hommes de mœurs déréglées; par où il avait entendu, non pas les
hommes légers et dépravés dont le monde est plein, car il faudrait
pour cela sortir du monde; mais ceux qui, se nommant frères,
vivaient dans la dissolution, ou dans l'avarice, ou dans une
habitude quelconque de péché notoire. Bien qu'ils se nommassent
frères, ou plutôt à cause de cela, il était interdit de s'associer
avec eux, de vivre dans leur intimité, d'accepter des invitations
chez eux, comme de les inviter chez soi. Membres gangrenés de
l'église, il importait de leur faire sentir qu'on les tenait pour
tels, et c'est en les évitant, en les notant de la sorte (§ 1312),
après les avoir toutefois avertis et repris (§ 1355), que le
méchant devait être ôté de l'assemblée. Sous la loi, V d'où cette
parole est extraite (Deut. XVII, 7), on faisait mourir les
profanateurs et les pécheurs incorrigibles: sous la grâce, on
s'éloigne d'eux comme d'un cadavre; c'est ainsi qu'ils sont ôtés
ou retranchés. Que tous s'entendent pour les tenir à distance, et
ils finiront bien par se retirer d'eux-mêmes; voilà comment le
Seigneur purifiera son Église, par la pureté même de ceux qui sont
purs.
6:
1-9
§ 1417. Un autre grief de l'apôtre contre les
frères de Corinthe, c'est qu'ils se faisaient des procès les uns
aux autres et qu'ils n'avaient pas honte d'en soumettre la
décision aux tribunaux ordinaires. Dans une ville de commerce, où
se traite une foule d'intérêts, il est fort difficile qu'il n’y
ait, de temps en temps, quelque différend entre des frères même;
mais ces différends doivent se terminer à l'amiable, car l'esprit
processif est incompatible avec l'esprit de Christ. Lors donc que
vous avez quelque affaire litigieuse à régler, faites-vous juger
par les saints (§ 1173) et non par les injustes ou autrement par
les gens du monde: ce qui serait encore préférable, c'est qu'il
n'y eût jamais rien de pareil entre vous. Les considérations que
l'apôtre invoque à l'appui de sa double exhortation, sont fort
remarquables. C'est, pour le premier point, que les saints, réunis
au Seigneur avant le jugement universel, jugeront avec lui le
monde des impies et même Satan et ses anges. Or, comment les
saints peuvent-ils consentir à se faire juger par des hommes dont
ils seront un jour les juges? Comment ne voient-ils pas de plus
que, prendre pour arbitres les moindres d'entre eux, serait une
voie plus digne et plus sûre tout à la fois, que de se présenter
devant des gens qui ne sont pas animés de l'Esprit de Dieu?
Quant au second point, mieux vaut mille fois supporter l'injustice
et subir quelque perte que de se disputer avec un frère (§ 306).
Il y a toujours dans les procès un esprit d'avarice, qui,
aveuglant même les meilleurs, non seulement leur fait attacher
trop d'importance à leurs intérêts matériels, mais encore les
entraîne à ne pas respecter comme ils le devraient les intérêts
d'autrui. De là vient qu’ils commettent l'injustice; car il est
évident que, dans tout procès, une des parties au moins se rend
coupable de ce péché. Or «les injustes», dit l'apôtre,
«n'hériteront point du royaume des Cieux».
6:
9-11
§ 1418. Et non pas uniquement les ravisseurs
du bien d'autrui ou les gens peu délicats dans les affaires, ce
que le monde, adorateur de l'argent, n'a pas trop de peine à
admettre; mais les fornicateurs, les idolâtres, les adultères, les
efféminés, les abominables, les avares, les ivrognes, les
diffamateurs, aucun de ceux-là n’héritera mieux du ciel que les
voleurs et les filous. Marcher dans ces voies criminelles, c'est
marcher dans les voies de l'enfer. Or, ne pensez pas que le
Saint-Esprit ait entendu donner ici une nomenclature complète des
péchés dont l'habitude exclut du royaume des cieux. S'il ne parle
pas de la gourmandise, du mensonge, de la dissipation, et que
sais-je encore? c’est qu'il lui suffisait d'indiquer les grands
traits, et que d'ailleurs il n'est pas de désordre qui ne se
trouve implicitement contenu dans ceux qu'il signale. Mais, à bien
considérer la chose, est-il un seul fidèle qui, avant sa
conversion, n'ait eu quelque habitude de péché grave? est-il
quelqu'un, en conséquence, qui ait droit par ses œuvres à
l'héritage céleste? Remarquons toutefois que l'apôtre dit
seulement: «Et c'est là ce qu'étaient quelques-uns d'entre vous.»
Par où il entend que, si tous les frères de Corinthe avaient été
jadis des pécheurs dignes de la condamnation, tous cependant
n'avaient pas vécu d'une vie ouvertement scandaleuse. Toujours
est-il qu'il y en avait parmi eux qui avaient à se reprocher tous
ces crimes, et c'est d'eux que l'apôtre dit comme des autres:
«Vous avez été lavés, sanctifiés, justifiés par le nom du Seigneur
et par l'Esprit de notre Dieu»; c'est-à-dire par la foi que le
Saint-Esprit leur avait donnée en notre Seigneur Jésus-Christ.
Voici donc un passage important. Il nous rappelle tout à la fois
notre profonde misère et l'immensité de la grâce de Dieu. Deux
choses sont parfaitement certaines: l'une, que, par le péché, nous
sommes déshérités du ciel; l'autre, que, par le sang et par
l'Esprit de Christ, nous sommes lavés (§§ 838, 839), sanctifiés (§
1301) et justifiés (§1340).
6:
12-20
§ 1419. L'église de Corinthe n'avait pas été,
comme celles de Galatie, travaillée par des docteurs judaïsants et
menacée de se voir enlever la liberté dont les fidèles jouissaient
en Jésus-Christ (§ 1351); mais elle était tombée dans un autre
extrême, paraît-il. Sous prétexte de spiritualité et
d'indépendance des formes légales, on y était venu, soit en
théorie, soit en pratique, à des excès qui ne se sont que trop
reproduits dès lors. Serait-ce les calomnier, si l'on concluait
des exhortations mêmes de l'apôtre, qu'il en était parmi eux qui
allaient jusqu'à ne pas voir plus de mal dans certaines souillures
de l'impureté, que dans l'usage de certains aliments déclarés
impurs par la loi de Moïse? On s'expliquerait ainsi toute la suite
des idées de Paul à cet endroit de sa lettre et la nouvelle
plainte qu'il y formule contre les frères de Corinthe.
§ 1420. Commençant par les choses permises, il déclare qu'elles ne sont pas toujours avantageuses, et qu'il faut savoir, à l'occasion, s'affranchir en quelque sorte de sa liberté; car celui-là est esclave de la liberté, qui ne sait pas s'assujettir par amour pour autrui. Ainsi en est-il de l'usage «des viandes,» sur lequel il reviendra plus tard. Mais à côté des choses permises, il est des choses défendues. Si le corps est destiné à recevoir toute espèce d'aliments, comme les aliments eux-mêmes sont destinés au corps, et si l’usage ou l'abstinence de certaine nourriture n'est d'aucun intérêt en vue de l'éternité, il n'en est pas ainsi des désordres du libertinage. «Le corps n’est pas pour la fornication, mais pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps.» Le Seigneur Jésus-Christ, en revêtant un corps, en souffrant dans ce corps et en le retirant de la tombe, a racheté nos corps et se les est acquis; en sorte que si nous lui appartenons par la foi, nos corps sont les membres mêmes de son humanité sur la terre, comme son corps glorifié est notre humanité dans le ciel. Après cela, dit l'apôtre, irez-vous faire des membres du Christ, les membres d'une prostituée? Si vous êtes un seul esprit avec le Seigneur, consentirez-vous jamais à être un seul corps avec elle? Ne comprenez-vous pas que, de tous les péchés, il n'en est pas un qui souille le corps comme celui-ci? Or, si votre église est un temple de Dieu (§ 1410), ce n'est qu’autant que le Saint-Esprit habite en chacun de vous; mais si cet Esprit habite en vous, vous ne vous appartenez point à vous-mêmes; vous n'êtes pas libres de vous abandonner à la souillure: au contraire, rachetés au prix du sang de Jésus, vous devez glorifier Dieu dans vos corps et dans vos esprits, qui appartiennent à Dieu.
§ 1421. J'ai dit ailleurs (§1283) combien de telles exhortations étaient nécessaires aux fidèles sortis du paganisme, et cela n'avait pas échappé aux apôtres et aux anciens assemblés précédemment à Jérusalem (§ 1228). Ah! plût à Dieu qu’il n'y eût plus personne parmi nous à qui il fût besoin de rappeler que le corps n'est pas pour la fornication, mais pour le Seigneur! Il est certain que la foi seule peut, non seulement préserver des péchés de la chair, mais encore corriger l'opinion générale, sur ce point si pervertie. Le monde verra toujours dans ces désordres une faiblesse plutôt qu'un péché; à savoir même s'il ne les estimera pas une simple obéissance au vœu de la nature, et, en certaines circonstances, un bien comparativement à d'autres maux. Reconnaissons, dans tous les cas, combien il est nécessaire que les personnes mêmes les plus affermies, veillent et prient sans cesse, afin d'être rendues capables de fuir toute souillure de la chair et de l'esprit.
7:
1-9
§ 1422. Ici vient la réponse à l'une des
questions que les fidèles de Corinthe avaient adressées à
l'apôtre. Le mariage, relation honorable, sainte et bienfaisante,
n'est pourtant encore qu'une relation terrestre dont il ne restera
rien dans l'éternité (Luc XX, 37). À ce point de vue, on conçoit
que la Parole de Dieu puisse nous présenter le célibat, mais le
célibat pur de toute souillure, comme un état supérieur à celui du
mariage, même le plus sanctifié (§ 734). Mais cette absolue pureté
du célibat étant, dans tous les cas, fort difficile à conserver,
Dieu veut, en thèse générale, que, non seulement dans le monde,
mais encore dans son église, chacun ait sa femme et que chaque
femme ait son mari, sans qu'il y ait d'exception faite, ni pour
prêtres, ni pour moines ou nonnes d'aucune espèce. Il veut qu'une
fois marié, l'on s'envisage comme s’appartenant réciproquement,
qu'on ne se dérobe point l'un à l'autre, qu'on se soit
mutuellement fidèle; moyen d'éviter l'impureté. Mais si je dis que
Dieu veut le mariage, ce n'est pas qu'il interdise absolument le
célibat. Paul n'était pas marié et il aurait voulu que tous
pussent être comme lui; seulement il reconnaît qu'il faut avoir
reçu de la grâce divine une grande continence et que tous ne
peuvent demeurer seuls: c'est déjà ce qu'avait dit Jésus-Christ (§
734).
7:
10-16
§ 1423. Après cela, Paul ayant rappelé, du
moins en partie, de quelle manière le Seigneur s'était prononcé
sur le divorce (§§ 301, 733), il détermine à son tour ce qu'il y
avait à faire dans un cas dont notre Seigneur n'avait point parlé,
celui d'un frère dont la femme, incrédule, consent à demeurer avec
lui, ou d'une femme fidèle, dont le mari, non converti, consent à
la garder pour sa femme. En de telles circonstances, le mariage
est indissoluble: il suffit que l'un des époux soit au Seigneur
pour que l'union, jadis contractée, soit sainte, et tout à la
fois, pour que les enfants, nés de ce mariage soient saints ou
consacrés à Dieu. De même que Timothée, fils d'une mère juive,
faisait partie du peuple de Dieu, encore que son père fût païen (§
1233); l'enfant dont le père ou la mère sont à Christ, appartient
à l'Église et naît sous une promesse de grâce dont il aura plus
tard à se prévaloir par la foi. Mais si l'incrédule, mari ou
femme, se sépare, celui qui est délaissé est libre de divorcer,
seul moyen de recouvrer la paix à laquelle le Seigneur appelle les
siens. Et il ne faut pas se laisser retenir par l'idée, souvent
bien chimérique, qu'en demeurant avec l'époux incrédule on
deviendra l'instrument de son salut; car, dit l’apôtre, «Que
sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari? ou que sais-tu, mari, si
tu sauveras ta femme?» — Nos anciennes versions portent: «si tu ne
sauveras pas;» mais ce n'est pas le vrai sens.
7:
17-24
§ 1424. À cette occasion, Paul établit d'une
manière générale que chacun doit demeurer dans l'état où il était
lorsque Dieu le prit à son service; si d'ailleurs, et cela va sans
dire, ce n'est pas un état de péché. Marié ou non, circoncis ou
incirconcis, libre ou esclave, on peut glorifier le Seigneur.
Toutefois, l'esclavage met tellement sous la dépendance de
l'homme, que si l'esclave peut devenir libre, il faut qu'il
profite de cette possibilité, par la raison qu'il est un affranchi
du Seigneur et que, rendu à lui-même, il pourra d'autant mieux
remplir ses devoirs d'esclave de Jésus-Christ. Dans aucun cas
d'ailleurs, celui qui fut affranchi du péché et qui est ainsi
devenu l'esclave du Seigneur, ne se rendra, de son plein gré,
l'esclave des hommes: le motif est le même que celui pour lequel
nous devons glorifier Dieu dans nos corps et dans nos esprits (VI,
20; § 1420). — Remarquez en cet endroit un mot qui rappelle deux
paroles semblables de l'épître aux Galates (Gal. V, 6; VI, 15). Du
rapprochement de ces trois passages il résulte qu'avoir la foi,
être une nouvelle créature, observer les commandements de Dieu,
sont les trois faces d'une même œuvre: la foi en est le moyen; la
nouvelle naissance, le principe; l'observation des commandements
de Dieu ou la sainteté, en est pour ainsi dire la substance
(§714).
7:
25-38
§ 1425. L'apôtre retourne à son sujet. Sans
donner ce qu'il va dire comme un ordre formel du Seigneur, mais
comme un avis, un conseil venant d'un de ses fidèles ministres, et
tout en répétant, sous diverses formes, que le mariage est une
situation parfaitement légitime, il insiste pour que ceux qui ne
sont pas mariés examinent sérieusement si, à raison des
circonstances où se trouvait l'Église, ils ne feraient pas mieux
de demeurer dans le célibat. Par cela même que le mari et la femme
s'appartiennent réciproquement, il leur est moins facile, à l'un
et à l'autre, de se dévouer pour le Seigneur; sans parler des
persécutions, qu'il est plus aisé d'affronter quand on n'a pas les
douceurs et les charges d'une famille. Dans tous les cas, il n'est
rien qui rattache autant à la vie, si l'on n'y prend garde. Ici
donc, plus qu'en aucune autre circonstance, il faut se rappeler
que tout est passager et précaire ici-bas; de sorte que ceux qui
ont une femme doivent être comme n'en ayant point. En général, le
disciple de Jésus-Christ évite de mettre son cœur aux affections,
aux douleurs, aux joies et aux affaires même les plus légitimes;
car la figure de ce monde passe.
7:
39,
40
§ 1426. Pour ne rien laisser en arrière,
l'apôtre en vient aux femmes que Dieu a privées de leur mari. Ce
qui vaut le mieux pour elles, c'est de demeurer veuves et tout
entières au service du Seigneur. Elles sont libres néanmoins de se
remarier, pourvu que ce soit de manière à ne pas se séparer de
Jésus-Christ. C'est du reste ce qui est sous-entendu dans tous les
cas. Le mariage est permis au chrétien, mais non pas toute espèce
de mariages. Il faut qu'il n'y ait, dans les liens que l'on
contracte, rien qui soit de nature à diminuer l'intimité et la
fréquence de nos relations avec le Seigneur. Pour cela, il doit
exister entre les époux une entière communauté de foi, d'espérance
et d'amour en Christ; c'est-à-dire qu'ils doivent être convertis
l'un et l'autre, enseignement qui s'est présenté plus d'une fois à
nous, dans l'étude de l'Ancien Testament. L'Esprit qui y parle
parlait également par la bouche de Paul, comme il le déclare; en
sorte que, soit qu'il reproduise les paroles du Seigneur, soit
qu'il donne quelque commandement nouveau, ou de simples conseils,
c'est par l'Esprit de Dieu qu'il le fait, et nous devons écouter
sa voix, comme la voix de Dieu même.
8:
1-13
§ 1427. Quant aux choses sacrifiées aux
idoles, autre point sur lequel les Corinthiens avaient
probablement consulté leur père en la foi, voici la réponse du
Saint-Esprit. À cet égard, le péché, quand il y en a, vient moins
d'un manque de connaissance que d'un manque de charité. En
général, la connaissance sans l'amour n'est qu'une source
d'orgueil. Pour être en édification aux âmes, il faut connaître et
aimer, et, fallut-il choisir, mieux vaudrait la charité sans la
connaissance, que la connaissance sans la charité. Voici donc ce
que tous les frères de Corinthe savaient parfaitement, c'est
qu'une idole n’est rien, qu'une viande consacrée aux idoles ne
saurait contracter aucune souillure par ce simple fait, et, en
conséquence, que manger de ces viandes ne séparait aucunement de
Celui par qui et pour qui sont toutes choses, et les fidèles plus
que nulle chose au monde. Mais il est tellement difficile de se
dépouiller des impressions de l'enfance, que plusieurs se
faisaient encore scrupule de manger de la viande qui avait été
offerte aux idoles, soit qu'on l'achetât au marché, soit qu'elle
se trouvât sur la table de quelque idolâtre. Après avoir vu si
longtemps dans ces viandes une nourriture particulièrement sainte,
ils ne pouvaient se décider à n'y pas voir maintenant une
nourriture souillée, bien qu'ils sussent au fond que l'idole n'est
rien. La règle que l'apôtre prescrit à ce sujet est fort simple.
Comme, après tout, il n'y avait pas devoir à manger de la viande
consacrée aux idoles, mais simplement liberté de le faire, on
devait s'abstenir d'en manger lorsque cela pouvait étonner quelque
frère ou l'entraîner à l'imitation, bien que sa conscience le lui
défendît; auquel cas c'était le faire pécher. Mais plutôt que
d'être une occasion quelconque de péché pour un frère, nous
devrions, dit Paul, nous abstenir totalement de manger de la
viande. Telle est la loi de la charité, loi suprême.
9:
1-15
§ 1428. Ce cas n’est pas le seul où, par amour
pour ses frères et par intérêt pour la gloire de Dieu, il est bon
de renoncer à son droit en s'abstenant de ce qui d'ailleurs est
permis. Ainsi, il eût été permis à Paul de se marier et d'avoir
partout sa femme avec lui, comme les frères du Seigneur et comme
Pierre (les apôtres n'étaient donc pas catholiques romains); il
eût eu le droit de vivre aux dépens de ceux auxquels il annonçait
Jésus-Christ, ce que faisaient tous les autres, sauf Barnabas et
lui; mais il avait mis sa gloire à prêcher l'Évangile sans rien
prendre de personne, afin qu'on ne pût, dans aucun cas, l'accuser
de motifs intéressés et que sa parole trouvât plus facilement
l'accès des cœurs. A cette occasion, pour qu'on ne songeât point à
faire de l'exception la règle et de son exemple un commandement,
il établit, comme dans deux de ses épîtres précédentes (§§ 1356,
1384), le droit des prédicateurs de l'Évangile à recevoir, de ceux
qu'ils enseignent, leur entretien, mais rien de plus. Un soldat ne
va pas à la guerre à ses dépens; nul ne plante une vigne pour ne
pas en recueillir le fruit, et nul ne paît un troupeau sans manger
du lait du troupeau. La loi a dit: «Tu n'emmuselleras pas le bœuf
qui foule le grain (Deut. XXV, 4);» or Dieu a plus soin assurément
de ses serviteurs que des bœufs. Le laboureur aussi sème pour
récolter, et ceux qui, dans l'intérêt des âmes, sèment les choses
spirituelles, peuvent bien aspirer à moissonner de leurs disciples
les choses charnelles. L'apôtre est tellement explicite et
abondant sur ce point, que plusieurs penseront peut-être qu'il
l'est trop. Je ne m'étonnerais pas en conséquence, si l'on
trouvait quelque peu mondaine sa manière de traiter cette question
d'argent. Mais il y a une vraie et une fausse spiritualité.
Persuadé que l'apôtre Paul possédait la spiritualité véritable,
convaincu d'ailleurs qu'il parlait par l'Esprit de Dieu, je
conclus qu'il y a souvent plus de piété réelle à savoir envisager
avec calme ces questions, qui ne sont délicates que par suite de
l'avarice de nos cœurs. Il y a là-dessus un commandement formel du
Seigneur (Luc X, 7; Gal. VI, 6), et peut-il jamais être mauvais
d'insister sur le devoir de faire ce que Dieu commande? Au
surplus, personne n'était mieux placé que Paul pour agiter ce
sujet, puisqu'il n'avait jamais rien reçu des Corinthiens; ce qui
ne veut pas dire que celui qui touche un salaire, soit tenu de
garder un silence absolu sur cette portion de la parole de Dieu.
Remarquons enfin, qu'en renonçant à ses droits, Paul montrait
admirablement par son propre exemple que «tout ce qui est permis
n'est pas avantageux,» ainsi qu'il l'avait dit quelques pages plus
haut (§1420).
CCXCV. Le devoir; la vigilance; la condescendance; les femmes dans l'église; la cène; l'église; la foi, l'espérance et l'amour; le don de prophétie.
9:
16-22
§ 1429. L'apôtre venait de tracer un mot qu'il
semble vouloir retirer. Plutôt mourir, avait-il dit, que de voir
anéantir «la gloire» qui m'a été faite de prêcher l'Évangile en
renonçant à toute rétribution. Mais afin de n'être pas mal
compris, il reprend ce mot de gloire, bien que fort légitime à
cette place, et il déclare que s'il annonce la bonne nouvelle, ce
n'est pas une chose dont il puisse tirer vanité. La foi qu'il
cherchait maintenant à répandre, après l'avoir persécutée, il ne
se l'était pas donnée à lui-même, non plus que sa mission; et il
aurait voulu cesser de parler aux âmes, que cela lui eût été
impossible, poussé qu'il était par l'Esprit du Seigneur. Comme son
cœur marchait d'accord avec la volonté de Dieu, il n'avait pas à
se plaindre du lot qui lui était échu; car l'obéissance porte avec
elle son salaire. Dans tous les cas, il était tenu de remplir sa
charge, en dépit même de ses répugnances, s'il en avait eu. Telle
est, mes chers lecteurs, notre vraie position à tous. Le devoir
est toujours le devoir. En ne le remplissant pas de bon cœur, nous
ne saurions être agréables à Dieu; toutefois, de bon cœur ou
malgré nous, il faut nous en acquitter: «la nécessité nous en est
imposée, et malheur à nous, si nous la méconnaissons.» Quant à
Paul, c'était bien de toute son âme qu'il s'adonnait à son
ministère; car il n'y cherchait d'autre récompense que le bien
même dont il devenait l'instrument. Aussi, de quelle abnégation de
soi-même n'avait-il pas été rendu capable? Toutes les fois qu'il
l'avait pu sans violer quelque principe, sans enfreindre quelque
commandement, il s'était accommodé aux Juifs, zélés observateurs
de la loi; aux païens, hommes étrangers à la loi de Dieu; aux
faibles, aux ignorants; s'efforçant d'être auprès d'eux tout ce
qu'il fallait pour les amener au salut. Toujours vrai, mais
toujours plein d'amour et de condescendance, Paul accomplissait
ainsi la loi du Christ, loi sous laquelle il vivait, et ce sont là
des qualités que vous chercherez vainement chez les prédicateurs
de l'Évangile qui ne sont pas du cœur à leur œuvre.
9:
23-27
§ 1430. Ce que vous ne trouverez pas mieux en
eux, c'est la constante application à leur propre âme de la parole
qu'ils prêchent aux autres. Paul savait qu’un ministre de
l'Évangile n'est pas sauvé par sa prédication, mais par sa foi aux
doctrines qu'il prêche; il savait que le fidèle, semblable aux
athlètes dans les jeux antiques, ne remporte pas la victoire sans
une attention persévérante sur lui-même et sans de vigoureux
efforts, et il comprenait que la couronne incorruptible suspendue
à la croix de Jésus-Christ, est mille fois plus digne de notre
ambition que la vaine couronne de laurier que remportaient les
vainqueurs dans la course ou la lutte. Lui donc, courant, mais non
à l'aventure; frappant du poing, comme les lutteurs, et, comme
eux, non pour battre l'air; lui, dis-je, bien qu'assuré de ce
qu'il faisait et du terme vers lequel il tendait, ne laissait pas
de veiller et de prier, d'éviter les occasions de chute, de se
modérer et de se posséder en toutes choses; ce qu'il compare
encore au lutteur et au coureur qui s'endurcissaient le corps et
se l'assujettissaient par la tempérance. Et Paul se conduisait
ainsi, afin qu'après avoir prêché aux autres, il ne fût pas
lui-même comme une monnaie de mauvais aloi, qui, après avoir servi
à plusieurs dans la circulation, finit par trouver quelqu'un qui
la rejette et la brise. Est-ce que Paul pouvait réellement
craindre un pareil sort? Non; mais il savait que ne rien craindre
est le chemin du danger, et que le plus sûr préservatif contre les
terreurs de l'enfer, c'est d'entretenir la crainte salutaire de se
voir privé de la grâce de Dieu. Plus nous sommes sûrs de notre
salut, plus nous tremblons à la seule pensée de ce que nous
deviendrions si Dieu ne nous avait pas pris à lui.
10:
1-14
§ 1431. Pour que ses lecteurs s'appliquassent
cet enseignement, l'apôtre leur rappelle ce qui était arrivé aux
Israëlites dans le désert. Il dit: «Nos pères,» soit parce qu'il
était lui-même Israélite et qu'il y avait plusieurs
chrétiens-juifs à Corinthe, soit parce que tous les fidèles sont,
spirituellement, fils d'Israël. Il leur rappelle donc les grâces
dont leurs pères avaient été comblés au désert, l'ingratitude avec
laquelle ils y répondirent et les justes jugements sous lesquels
ils succombèrent enfin, choses dont j'ai suffisamment parlé dans
le premier volume de ces Études. Remarquez toutefois, en passant,
ce qui est dit ici du rocher. Il était le Christ; ce qu'il faut
entendre spirituellement, comme le pain de la Cène est son corps:
c'est évidemment une figure (§ 874). Or, dit l'apôtre, toutes ces
choses leur arrivaient en types, et elles furent écrites pour
notre instruction, nous enseignant à nous tenir en garde contre
les tentations; à ne pas nous reposer sur ce que nous faisons
extérieurement partie du peuple de Dieu, sur ce que nous sommes
tout enveloppés de ses grâces, sur ce que nous avons été baptisés
pour suivre le Christ comme ils l'avaient été pour suivre Moïse,
et sur ce que nous possédons Jésus dans la Cène comme ils le
possédaient dans l'eau du rocher. «Que celui qui pense être
debout, prenne garde qu'il ne tombe.» Les tentations auxquelles
les Corinthiens s'étaient vus exposés jusque-là, n'étaient autres
que celles qui se rencontrent sur le chemin de tout homme: la
chair, le monde, Satan; ils ne connaissaient pas les terribles
persécutions qui avaient sévi ailleurs, et l'apôtre leur dit:
Prenez garde (Matth. XIII, 21). Mais il ajoute, pour leur
encouragement, que Dieu tient avec fidélité ses promesses (§1301),
que jamais il n'envoie aux siens des tentations irrésistibles,
qu'il donne à ceux qui le prient la force et la délivrance du
Saint-Esprit (§ 335). Par-dessus tout, fuyons l'idolâtrie, quelque
forme qu'elle revête et quel qu'en soit l'objet; car l'idolâtrie
est le chef d'œuvre du Tentateur. Il sait bien qu'en détournant
notre cœur de Dieu, il nous désarme absolument et que toute
tentation peut alors devenir mortelle.
10:
15-32
§ 1432. Que l'idolâtrie soit l'œuvre par
excellence de Satan; bien plus, que ce soit Satan lui-même qui se
fasse adorer dans la personne des faux dieux, c'est ce que le
Saint-Esprit établit ici nettement, en opposant le culte
évangélique au culte idolâtre. Dans l'un et dans l'autre, il y
avait une coupe et du pain: là une coupe de bénédiction, par
laquelle, aussi bien que par le pain, les fidèles se mettaient en
relation avec Jésus-Christ, pour n'être qu'un seul corps avec lui;
ici, une coupe destinée à faire des libations aux idoles et du
pain que les païens mangeaient avec la viande offerte sur l'autel.
C'était ainsi que les idolâtres proclamaient leurs rapports avec
les faux dieux, ou, pour mieux dire, avec les démons, nom qu'ils
donnaient eux-mêmes à leurs divinités secondaires (§ 1377). De ce
rapprochement d'idées, il résultait évidemment que les rachetés de
Jésus-Christ ne pouvaient d'aucune façon participer au culte des
idoles.
11:
1
§ 1433. Ceci ramène naturellement l'écrivain
sacré vers une idée qu'il avait émise tout à l'heure, et qu'il
reprend dans les mêmes termes: «Toutes choses me sont permises,
mais toutes choses ne sont pas avantageuses;» sauf qu'il explique
ce qu'il entend par «avantageuses:» c'est ce qui édifie (§ 1292).
En tout ce que la conscience nous permet, consultons aussi la
conscience de nos frères; car si elle allait être scandalisée par
l'usage que nous faisons de notre liberté, notre devoir serait de
nous abstenir. Il peut en être ainsi de certaine manière de passer
son temps le dimanche, de certaines habitudes de toilette, de
certaines jouissances de la bouche ou des yeux; comme à Corinthe,
des viandes qui se vendaient au marché et de celles qui
paraissaient sur une table à laquelle on avait été invité. «Soit
donc que nous mangions, soit que nous buvions, soit que nous
fassions quelque autre chose,» nous pouvons et devons «faire tout
pour la gloire de Dieu.» Ces devoirs de la charité nous sont
imposés, non seulement à l'égard de nos frères en la foi, ou de
l'assemblée de Dieu, mais à l'égard de tous les hommes, Juifs et
Grecs. Nous nous en acquitterons, non pour nous faire supporter ou
louer, ce qui serait encore chercher notre propre avantage, mais
dans l'intérêt même des autres et afin de les amener d'autant plus
sûrement au Dieu de leur salut. Or, comme Paul avait la certitude
qu'en se conduisant ainsi, il n'avait fait que suivre l'exemple de
Jésus-Christ, il ne craint pas de terminer en répétant à ses
disciples de Corinthe: «Soyez mes imitateurs, comme je le suis
moi-même de Christ (§1413).»
11:
2-18
§ 1434. Cependant, si l'apôtre avait contre
les Corinthiens de graves sujets de plainte, il ne faudrait pas en
conclure que cette église fût tombée dans le désordre à tous
égards. Au contraire, Paul reconnaît, avec éloge, qu'en général on
y était demeuré fidèle aux institutions qu'il leur avait
transmises, et dont plusieurs, en ce qui tenait, par exemple, à
l'ordre des assemblées, étaient empruntées aux usages de la
synagogue. Là, comme je l'ai dit précédemment (§247), les femmes
occupaient une place d'où elles ne pouvaient être aperçues par les
hommes, pas même par les anciens ou évêques, appelés aussi les
serviteurs et les anges ou les messagers de la congrégation (§
1220). Pour maintenir cette décence dans l'assemblée des frères,
il était exigé que les femmes ne s'y rendissent que couvertes d'un
voile; en sorte que, de leurs places, au fond de la salle sans
doute, elles ne pussent pas être vues, même des anges ou anciens,
assis sur l'estrade. Or, tout en admettant que la grande
amélioration survenue dans les mœurs publiques dès cette époque,
permet à cet égard des usages qui n'eussent pas été convenables
alors, il demeure vrai que la femme, toujours appelée à se parer
de modestie, doit éviter tout ce qui, dans les assemblées de
l'Église et ailleurs, peut attirer sur elle les regards. Il
demeure également vrai que, par la volonté de Dieu, il y a de
l'homme à la femme une hiérarchie, comme de Dieu au Christ, le
Fils issu du Père, mais abaissé pour un temps. Cette infériorité
de la femme quant à l'homme, n'est également que momentanée.
Abolie en Christ (Gal. III, 28), elle ne subsistera que jusqu'à ce
qu'il revienne dans sa gloire. Quant aux raisonnements sur
lesquels Paul appuie ces directions, il ne se dissimule pas qu'on
pouvait y objecter bien des choses et qu'on ne manquerait pas de
le faire; c'est pour cela qu'il termine en disant: «Si quelqu'un
se plaît à contester, nous n'avons pas une telle coutume, ni les
assemblées de Dieu non plus.»
11:
17-22
§ 1435. Mais voici un grand scandale dont
l'église de Corinthe offrait le douloureux spectacle. Outre les
divisions qui y régnaient et qui devaient tôt ou tard aboutir à
des sectes, afin qu'on vît une fois de quel côté étaient les vrais
frères, il se commettait, dans la célébration de la Cène, des
péchés qu'on aurait peine à croire si la Parole de Dieu, toujours
vraie, ne les rapportait expressément. Il arrivait souvent, en ce
siècle de l'Église, que les disciples, confondant leur repas du
soir en un repas commun, qu'on appelait une agape ou repas d'amour
fraternel, rompaient alors le pain et distribuaient la coupe en
mémoire de leur Sauveur. À ces agapes, le pauvre n'apportait rien,
mais le riche apportait d'autant plus, et, dans la règle, une fois
les parts réunies, il ne devait plus y avoir de différence entre
les convives. Or, par le même esprit d'orgueil qui était la grande
plaie des Corinthiens, les riches, laissant les pauvres avoir
faim, se gorgeaient, s'enivraient, déshonoraient ainsi l'assemblée
de Dieu et méprisaient les pauvres. De la sorte, ils se
réunissaient, non pour devenir meilleurs, mais pour empirer. «En
cela, dit l'apôtre, pourrai-je vous louer? Non, je ne vous loue
point;» censure qui, dans sa simplicité et dans sa gravité, me
paraît plus forte que s'il se fût livré à de violentes
apostrophes; car il y a des péchés si odieux que toute parole
demeure au-dessous de celles qu'il faudrait pour les qualifier.
Or, combien n'est-il pas de gens, aujourd'hui même, qui se rendent
aux assemblées des chrétiens, qui y prennent régulièrement la
Cène, et qui, par les dispositions qu'ils y apportent, n'y vont
pas «pour le mieux, mais pour le pis.» Ah! certes, ce n'est pas
une chose à louer.
11:
23-29
§ 1436. Pour faire sentir aux coupables leur
indignité, Paul se borne à leur rappeler l'institution de la Cène,
telle qu'il l'avait apprise directement du Seigneur, par le moyen
d'une révélation; car il n'était pas entre les disciples dans
cette nuit solennelle où Jésus fut livré au Conseil des Juifs.
Sans revenir sur ce que j'ai dit à cette occasion (§§ 866-877),
voyez seulement ce que le Saint-Esprit ajoute ici, par la bouche
de Paul, au récit contenu dans les Évangiles. Ceux qui célèbrent
la Cène du Seigneur, «annoncent,» publient, prêchent ainsi «la
mort de Jésus-Christ, jusqu'à ce qu'il vienne.» Il y a donc à la
fois dans cette cérémonie la proclamation de deux grandes vérités,
dont la seconde n'est que trop souvent oubliée: l'une que Jésus
mourut, qu'il mourut pour nos péchés et pour nous délivrer de la
condamnation; l'autre, qu'il doit revenir, afin d'achever l'œuvre
de notre rédemption par le relèvement de nos corps et par notre
admission définitive à sa gloire éternelle. Comme il est sûr que
nous voyons ce pain et ce vin, il est sûr également, et que le
sang a coulé du corps de Jésus, brisé par la douleur, et que nous
le verrons revenir à nous dans ce même corps. Le pain et le vin
sont donc là, tenant lieu de Jésus-Christ lui-même; c'est
pourquoi, si quelqu'un y participe sans repentance, sans foi, sans
reconnaissance, sans un vrai désir de sainteté, il s'approche de
Jésus comme le firent ceux qui le rejetèrent et avec eux il le
crucifie. Par cet acte indigne, il mange et boit sa propre
condamnation. S'il croyait en Christ, il le verrait lui-même sous
ces symboles et il les traiterait tout autrement. Or, ne croyant
pas, il est condamné; et, tandis que la Cène est pour les fidèles
le sceau de leur délivrance, elle ne peut être pour lui que le
sceau de la perdition. Conclusion: «Que chacun s'éprouve, se
sonde, s'examine soi-même». Mais, vous qui vous éloigneriez de la
Cène à cause de votre indignité, dites-vous bien cependant que
cette prudence-là ne saurait vous sauver. Malheur à ceux qui
célèbrent la Cène indignement! mais malheur aussi à quiconque,
demeurant non converti, ne se met pas en état de prendre la Cène
avec un cœur purifié par la foi!
11:
30-34
§ 1437. Au scandale donné par les Corinthiens,
le Saint-Esprit rattache, comme punition justement méritée, les
infirmités, les maladies et la mort même de plusieurs d'entre eux;
à moins qu'on n'entende ces expressions dans un sens spirituel.
Alors, cela signifierait que, par un juste jugement de Dieu, ceux
qui profanent la Cène du Seigneur, ne peuvent que décliner dans la
vie chrétienne, jusqu'à redescendre au rang des morts, bien qu'ils
paraissent vivants. Ils se croient convertis, et ils ne laissent
pas de se conduire comme ceux qui ne le sont pas. C'est dire, dans
tous les cas, qu'il n'est rien dont l'abus soit plus funeste, ni
rien de plus déplorable que certaines institutions moitié
politiques et moitié religieuses qui multiplient à l'infini les
communions indignes. Si la Cène n'est pas pour notre âme un
aliment, elle est, par notre faute, un poison. Quelle folie donc,
et quel danger que de ne pas se juger soi-même sérieusement avant
d'y participer. Assurément, il ne s'agit pas d'attendre qu'on soit
sans péché, sans faiblesse, sans ignorance; mais du moins il faut
se reconnaître pécheur et regarder du cœur, avec repentance et
avec joie, à notre bienheureux et puissant Rédempteur.
Chap.
12-14
§ 1438. Les trois chapitres où nous entrons
maintenant, traitent d'un même sujet: les dons du Saint-Esprit et
l'exercice de ces dons. Ils présentent des difficultés résultant
de ce que les directions qu'on y trouve, supposent un ordre de
choses qui n'existe plus. Cela même atteste l'authenticité de
l'Épître et la vérité des faits. Il s'en suit d'un autre côté,
qu'on risque fort de se méprendre, quand on essaie d'appliquer
toutes ces directions aux chrétiens de nos jours. Plusieurs
d'entre elles cependant, n'ont rien perdu de leur valeur, et c'est
à celles-ci que je m'arrêterai de préférence.
12:
1-3
§ 1439. La première grâce que le Saint-Esprit
fait à une âme, celle qui rend manifeste sa conversion, c'est la
connaissance de Jésus comme Dieu et Seigneur: voilà ce qui se
trouve chez tout vrai membre de l'Église. Mais il y a dans
l’Église, et par l'action du même Esprit, diversité de dons et
d'opérations, comme il y a diversité de services ou de ministères.
Sagesse, connaissance, foi, don de guérir, miracles, prophétie,
discernement des esprits, langues, interprétations: toutes ces
grâces viennent du Saint-Esprit, qui les distribue comme il lui
plaît, parce qu'il est Dieu dans l'unité avec le Père et le Fils,
et qui les distribue pour l'utilité commune.
12:
12-26
§ 1440. La volonté de Dieu est, en effet, que
les fidèles, pour nombreux qu'ils soient, ne forment entre eux
qu'un seul corps, comme le corps humain est un, malgré la
diversité des membres dont il se compose: c'est par cette raison
que tous reçoivent un même baptême et sont abreuvés d'un même
Esprit. Mais il n'est pas moins important de remarquer dans cette
unité du corps de Christ, la diversité des parties qui le
constituent, diversité qui provient de la variété des grâces du
Saint-Esprit, encore plus que de celle des caractères. Nul ne
reçoit toutes ces grâces, comme aussi nul d'entre les fidèles n'en
est entièrement privé, et si quelqu'un semblait en être dépourvu,
ce serait une raison pour avoir de lui un soin tout particulier.
Dans le corps de l'Église, aussi bien que dans le corps humain,
c'est cette variété qui, non-seulement fait la beauté de
l'ensemble, mais encore qui détermine l'utilité de chacun des
membres, les rend nécessaires les uns aux autres, établit entre
eux une communauté d'action et une sympathie qui fait que le bien
ou le mal survenu à l'un d'eux, est ressenti par tous.
12:
27-31
§ 1441. Voici donc, en résumé, ce qui
constitue la perfection de l'Église par l'action du Saint-Esprit,
c'est que, l'ensemble de ceux qui croient formant le corps de
Christ ici-bas, chacun d'eux est, pour sa part, membre de ce
corps, par la foi. Celle-ci, semblable au sang dans le corps
humain, se retrouve chez tous les membres de l'Église: c'est par
là qu'ils sont égaux. Mais, dans l'Église, ainsi formée et bénie,
Dieu avait placé, au temps des apôtres, d'abord et en tête, les
apôtres eux-mêmes ou les envoyés spéciaux du Seigneur; puis des
prophètes, des docteurs; ensuite, des puissances, des dons de
guérison, des services, des directions, des langues diverses. Ces
grâces, quelque chose qu'il faille entendre par certaines d'entre
elles, ces grâces n'appartenaient pas à tous; elles n'étaient pas
toutes de valeur égale pour l'utilité commune, et, bien
qu'excellentes assurément, comme tout ce qui vient de Dieu, il y
en avait et il en existe encore de plus excellentes. Qu'est-ce
donc qu'il peut y avoir de plus grand et de meilleur que d'être
fait participant de la puissance de Dieu? C'est ce que l'apôtre ou
plutôt le Saint-Esprit, auteur de ces grâces, va nous dire dans
une des pages les plus sublimes de la Sainte Écriture.
13:
1-3
§ 1442. Aimer Dieu et nos frères; aimer Dieu
dans notre prochain, et aimer notre prochain en Dieu: la charité,
cet amour qui vient d'un cœur pur, et d'une bonne conscience et
d'une foi non feinte (§ 1365), voilà ce qui est plus que de parler
les langues des hommes et des anges, plus que de prophétiser, plus
que de connaître tous les mystères et tout ce qui se peut
connaître, plus que de transporter les montagnes (§ 796), plus que
de distribuer tout son bien aux pauvres et que de livrer son corps
aux flammes pour la cause de la vérité, si tout cela se fait sans
amour, ce qui s'entend de soi-même. Par le moyen de ces grâces
éclatantes, je puis devenir l'instrument de grandes choses dans
l'Église; mais si je n'ai pas la foi qui déploie son efficace par
l'amour (§ 1351), je suis comme l'airain sonnant qui appelle au
combat et célèbre la victoire; c'est-à-dire qu'au fond je ne suis
rien, et que ce déploiement de la puissance divine, ne m'est, à
moi, d’aucune utilité.
13:
4-8
§ 1443. L'amour donc, cet amour qui, seul,
fait qu'on est quelque chose devant Dieu, et, seul, sert à celui
qui le possède; cet amour est tout à la fois le principe et
l'accomplissement de nos devoirs envers le prochain. Pour vous en
convaincre, voyez le tableau qu'en trace l'apôtre qui parla mieux
que personne de la charité, parce que le Saint-Esprit en avait
rempli son cœur et qu'il guidait sa plume. La patience et la
bonté; l'absence de jalousie, de vanité, d'orgueil, de
malhonnêteté, d'égoïsme, de rancune, de méfiance; éprouver de la
tristesse à la vue des péchés d'autrui, aimer la vérité,
supporter, se confier, espérer, endurer: il y a là une telle
abondance d'idées, que je renonce à les développer, laissant à mes
lecteurs le soin d'en faire le sujet de leurs méditations. Tel est
donc, tel est l'amour dans le cœur des vrais disciples de
Jésus-Christ. Il est cela chez tous, bien qu'à différents degrés,
selon la vivacité et la profondeur de la foi. Or, cet amour ne
périt jamais. Se perfectionnant dans l'âme du fidèle à mesure que
la vie de Dieu s'y développe, il deviendra parfait en lui lors de
sa réunion avec le Seigneur, et il demeurera l'essence de son être
moral durant toute l'éternité, comme il constitue déjà l'essence
même de Dieu. (I, § 124).
13:
8-13
§ 1444. Mais si la charité est, par sa nature,
d'une durée éternelle, il n'en est pas ainsi des autres grâces,
bien qu'elles aient une plus grande apparence. L'apôtre en prend
trois pour exemple: le don de prophétie, celui des langues et
celui de la connaissance. Qu'on entende par le premier, ou la
faculté de prédire, ou celle de prêcher, il est clair que, lorsque
tout sera fini, il n'y aura plus rien à prédire, et que, lorsque
nous verrons le Seigneur, il n'y aura plus à le prêcher. Les
langues cesseront aussi, et nul ne saurait dire quel sera, dans le
siècle à venir, le moyen de communication entre les héritiers de
la vie éternelle et leur Dieu. Quant à la connaissance, elle
deviendra inutile, comme la lune et sa clarté le deviennent,
lorsque au matin le soleil se lève, la lune étant encore sur
l'horizon. Notre connaissance de Dieu, pour avancée qu'elle soit,
est ici-bas la connaissance d'un petit enfant, et l'homme fait ne
saurait plus se servir des vêtements de son enfance. Ainsi, toutes
ces grâces dont les Corinthiens tiraient vanité et que tant de
gens voudraient voir reparaître dans l'Église avec l'éclat des
temps passés, toutes ces grâces, reparaissant, ne seraient que
temporaires, en comparaison de la foi, principe de tout, de
l'espérance, fille et sœur de la foi, de l'amour enfin, qui
procède de l'une et de l'autre (§ 1275). Celles-ci sont le
patrimoine de l'Église d'âge en âge. Encore est-il à observer que
la foi sera changée en vue; que les biens éternels possédés, ne
seront plus espérés; en sorte que, sous le point de vue de la
permanence, l'amour est, de toutes les grâces, la plus excellente,
sans exception: elle l'est encore comme le fruit est plus
excellent que l'arbre, comme la fin vaut mieux que le
commencement.
13: 40
§ 1445. La conséquence de ce principe n'est
pas qu'il aille tenir pour rien les autres dons de l'Esprit, mais
qu'on doit, avant toutes choses, s'étudier à la charité, et ne
rechercher qu'en seconde ligne ce que l'apôtre appelle «les dons
spirituels,» par opposition à ceux qu'on appelle les dons moraux,
savoir La Foi, l'espérance et l'amour. Puis, parmi les dons
spirituels, il n'en est pas qui soit plus digne de considération
que le don de prophétiser. L'apôtre déclare que cette grâce est de
beaucoup préférable au don des langues, et il se trouve
précisément qu'elle subsiste seule dans l'Église, d'une certaine
manière; car si quelqu'un prêche l'Évangile, expose la Parole de
Dieu, exhorte, console, persuade par cette Parole, sous la
direction du Saint-Esprit, il est vrai de dire, après l'apôtre,
qu'il a quelque part au don de prophétie. Il me paraît, néanmoins,
que, dans les premiers temps de l'Église, ce don différait, non
seulement en degré, mais en nature, d'avec ce que nous appelons
maintenant les dons du prédicateur. Il suit de là, pour le redire,
que cette portion de l'Écriture s'applique difficilement aux temps
actuels; par où je n'entends pas qu'elle soit pour nous sans
utilité quelconque.
§ 1446. Je ferai d'abord une observation que je crois importante. Puisque le Saint-Esprit, parlant par la bouche de Paul, donne ici des directions sur la manière de prophétiser, ceux qui pensent avoir le don de prophétie, ne peuvent se flatter que ce soit réellement par l'Esprit qu'ils parlent, s'ils ne s'astreignent pas à ces directions. Plus généralement encore, la Parole dictée par l'Esprit est tellement la loi suprême, que nul ne saurait avoir reçu de l'Esprit la mission d'enseigner autrement que l'Esprit ne le fait lui-même dans les Écritures. Nous devons donc détourner résolument nos oreilles d'un homme qui, se prétendant poussé par l'Esprit, s'écarterait des enseignements positifs de la Parole de Dieu.
14:
1-4
§ 1447. La prédication fidèle de cette parole
est une grâce excellente, puisque c'est par elle que l'Église est
édifiée, exhortée, consolée; mais c'est à la condition première
que celui qui parle s'exprime de manière à être compris. Quelle
que soit donc l'impulsion divine qui est en lui, il faut qu'il se
serve de son intelligence pour donner à ses sentiments une forme
accessible. Ce travail de l'intelligence ne se fait pas sans le
Saint-Esprit, bien loin qu'il exclue son action, puisque le
Saint-Esprit lui-même le recommande; à quoi j’ajoute que,
puisqu'il le recommande, il le dirigera.
14:
20-33
§ 1448. Après cela, s'il y a dans une
assemblée plusieurs frères doués du don de la prophétie, il faut
que chacun puisse l'exercer pour l'édification, car c'est ainsi
que la présence de Dieu se manifestera dans l'assemblée. Ce n'est
pas à dire qu'on doive se disputer la parole, ni que tous ceux qui
sont en état d'édifier leurs frères se croient obligés de parler
sans cesse. Les uns après les autres, et deux ou trois seulement,
le reste de l'assemblée devant juger de ce qu'elle entend, car
l'Esprit de Dieu est aussi avec elle. Si quelqu'un prétendait être
poussé, malgré lui, par l'Esprit, à prendre hors de propos la
parole, il se tromperait certainement; vu que le Saint-Esprit
lui-même déclare que les esprits des prophètes se soumettent aux
prophètes et que Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix.
14:
34,
35
§ 1449. Il ne saurait y avoir contradiction
entre ce que nous lisons à cet endroit, et ce qui est dit au
chapitre XI de cette même épître, verset 5. Là il est question de
femmes qui «prophétisaient,» et nous ne retrouvons pas ici le même
mot. Il est vrai que s'il leur est défendu «de parler» dans les
assemblées, cela semble leur interdire aussi de prophétiser. Mais
c'est qu'il faut faire une différence entre la prédication
ordinaire de la parole et le don surnaturel de prophétie? Une
femme avait-elle reçu ce dernier don, elle pouvait l'exercer,
sans contredit, moyennant qu'elle eût la tête voilée
(§ 1434); quant à se lever dans une assemblée mixte pour y
prononcer des paroles de simple exhortation, c'est ce qui n'était
pas permis aux femmes (§ 1370). Il résulte de là que, de nos jours
où les dons extraordinaires du Saint-Esprit ont cessé, la parole
est entièrement interdite aux femmes dans les assemblées de culte
public. Si d'ailleurs l'apôtre semble n'avoir en vue que les
femmes mariées, sa défense s'applique bien plus encore à celles
qui ne le sont pas.
4:
36-40
§ 1450. Au terme de son enseignement sur
l'exercice des dons spirituels, l'apôtre coupe court à toutes les
objections. Est-ce de l'église de Corinthe que la Parole de Dieu
est sortie? Est-ce que les membres de cette église prétendraient
au monopole de la vérité? Ah! s'il y a parmi eux de vrais
prophètes, ils seront les premiers à reconnaître dans les
instructions de Paul des commandements du Seigneur, et ils
donneront l'exemple de la soumission. Quant à ceux qui
prétexteront leur ignorance, l'apôtre renonce à l'espoir de les
éclairer et de les convaincre. Voici, quoi qu'il en soit, ce qui
demeure vrai: prophétiser, vaut mieux que parler des langues, et
toutes choses doivent se faire avec décence et avec ordre.
CCXCVI. La résurrection des fidèles; projets de l'apôtre; exhortations; salutations.
§ 1451. Jusqu'ici, Paul n'avait pas encore touché à la plus grande plaie de l'église de Corinthe. Le saducéisme s'y insinuait subtilement. Cette circonstance explique bien des choses, notamment le crime de l'incestueux et les profanations de la cène; mais on n'aurait guère attendu cela d'une église fondée si récemment et d'ailleurs si admirablement enrichie des dons extraordinaires du Saint-Esprit. Le fait était tel cependant, et, par la bonté de Celui qui tire le bien du mal, nous devons à cette circonstance un admirable discours sur la résurrection des morts, ou sur le relèvement qui doit s'effectuer par la puissance de Jésus-Christ.
15:
1:11
§ 1452. L'écrivain sacré commence par rappeler
les deux grands faits qui constituent la Bonne Nouvelle ou
l'Évangile, et desquels le salut des âmes résulte avec certitude;
je veux dire la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Sur le
premier de ces faits, tous étaient d'accord: il avait eu pour
témoin le peuple entier de Jérusalem; amis et ennemis
l'acceptaient. Quant au second, il était attesté par un nombre
considérable d'hommes pieux, sincères, désintéressés, qui avaient
vu plus d'une fois le Seigneur Jésus après sa mort. Paul lui-même
était une preuve vivante de ce fait fondamental; car il serait
demeuré l'indigne persécuteur de l'assemblée de Dieu, si le
Seigneur, plein de grâce, ne lui était apparu sur le chemin de
Damas; mais pour lui apparaître de la sorte, il fallait qu'il ne
fût plus parmi les morts. L'apostolat de Paul attestait donc sans
réplique la résurrection de Jésus-Christ. C'est ce que proclamait
également la prédication de tous les apôtres, et cela de deux
manières: premièrement, en ce qu'ils parlaient de choses qu'ils
avaient vues et entendues; secondement, en ce qu'ils n'eussent
jamais prêché Jésus-Christ, s'il ne les eût lui-même envoyés,
éclairés, fortifiés, bénis; ce qui suppose toujours sa
résurrection (Actes, II-V).
15:
12-19
§ 1453. De ce que Jésus-Christ est ressuscité,
l'apôtre conclut, avec raison, qu'il n'est donc pas impossible que
des morts ressuscitent. Puis, prenant la supposition contraire,
pour en prouver l'absurdité, il dit: «Admettons que Jésus-Christ
ne se soit pas réveillé d'entre les morts, notre prédication tout
entière est un non-sens et votre foi un néant; nous sommes de faux
témoins et nous avons fait mentir Dieu; vous-mêmes, vous êtes
encore dans vos péchés; ceux qui se sont endormis en Jésus sont
perdus; et nous, qui ne mettons ici-bas d'espérance que dans le
Christ, nous sommes, de tous les êtres, les plus misérables.»
Cette manière de raisonner est un appel plein de force à la
conscience, au sens intime et à l'expérience. Voyez plutôt: un
homme suivait une carrière que tout permettait d'envisager comme
sainte, paisible et heureuse; il était universellement honoré et
le plus riant avenir s'ouvrait devant lui. Tout à coup, cet homme
se reconnaît pécheur, grandement pécheur devant Dieu, et il croit
en Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Dès ce
moment, toutes ses espérances terrestres lui sont enlevées: ceux
qui l'honoraient le méprisent, ceux qui l'aimaient le haïssent,
ceux qui l'employaient le persécutent; il n'a plus d'espoir qu'en
Jésus et en ceux qui, misérables selon le monde comme lui, comme
lui n'espèrent qu'en Jésus. Cet homme va partout, rendant
témoignage à la résurrection de celui qu'il appelle le Seigneur et
qu'il déclare avoir vu et entendu lui-même. À sa voix, de nombreux
pécheurs se convertissent, croient, se réjouissent et vivent d'une
vie nouvelle. Lui, de son côté, fait des progrès manifestes dans
l'humilité, la patience, la charité, à mesure qu'il prêche avec
plus de foi la résurrection de son Sauveur. Enfin, il meurt
victime de sa persévérance à publier ce fait; il meurt de la main
des méchants; il meurt en priant pour ses bourreaux; il meurt en
remettant son âme entre les mains de Jésus-Christ, dans une
parfaite paix. Que cet homme soit Saul de Tarse, ou Étienne, l'un
des sept de Jérusalem, ou un de ces nombreux pécheurs qui, dans la
suite des siècles, ont cru en Jésus-Christ, selon leur parole et à
leur exemple, n'est-il pas vrai qu'une telle vie et une telle mort
sont inexplicables, si Jésus-Christ n'est pas ressuscité?
15:
20-28
§ 1454. Christ s'est donc réveillé d'entre les
morts. Paul le proclame maintenant comme une vérité positive. Il
s'est réveillé pour être les prémices de ceux qui dorment,
semblable aux premiers fruits qu'on cueille à un arbre, et qui
attestent à la fois, que cet arbre donnera des fruits désormais et
qu'il donnera les fruits mêmes qu'on vient d'y cueillir. C'est par
le moyen d'un homme, ajoute-t-il, que la mort est venue; eh bien!
c'est aussi par le moyen d'un homme que vient le relèvement des
morts. En Adam, tous les pécheurs moururent; en Christ, de même,
tous les croyants seront rendus à la vie. Dans ce relèvement des
morts, c'est lui naturellement qui marche en tête; puis, quand il
reparaîtra, ceux qui lui appartiennent se relèveront à leur tour.
Alors viendra la fin, savoir quand le Christ, victorieux de tous
ses ennemis, même de la mort, remettra le royaume à celui qui est
Dieu et Père. Le règne du Médiateur (1 Tim. II, 5) ne durera donc
que jusqu'au moment où il aura mené à son dernier terme l'œuvre de
la rédemption des élus de Dieu, époque où Dieu sera toutes choses
en tous, d'une manière qui nous est, pour le présent,
inexplicable. Ainsi, la résurrection de Jésus est une conséquence
même de l'œuvre qu'il est venu accomplir pour le salut des âmes et
pour la gloire de Dieu, œuvre qui consiste dans la réparation du
péché d'Adam et de ses suites, comme dans la destruction de toute
puissance qui s'élève contre Dieu. Mais cela même suppose la
résurrection des fidèles et leur participation à la gloire du
Seigneur.
15:
29 -34
§ 1455. À cette preuve dogmatique, l'apôtre en
ajoute une d'un autre ordre. Loin que les persécutions, même les
plus violentes, amenassent le déclin de l'Église, il se trouvait
toujours des gens qui, longtemps indécis, comme Joseph d'Arimathée
et Nicodème, n'hésitaient plus à demander le baptême, pour
remplacer en quelque sorte ceux qui attestaient par leur martyre,
la sincérité de leur foi; ils étaient baptisés pour les morts, ou
à la place des morts. Paul lui-même et ses collègues passaient
leur vie de périls en périls, et, comme on dit, vivre ainsi, ce
n'était pas vivre. Lui, en particulier, et tout dernièrement, dans
cette ville d'Éphèse d'où il écrivait, il s'était vu comme au
milieu de bêtes sauvages, et cela par un effet même de sa foi et
de sa prédication. Mais si les morts ne doivent pas se relever,
quelle folie et quelle absurdité de gagner la mort par une telle
vie! Les hommes les plus raisonnables ne sont-ils pas ceux qui ont
pour toute pensée de se divertir, de jouir des biens de la vie et
de n'avoir aucun souci de l'éternité? Prétendre qu'il n'y a pas de
résurrection, c'est donc renverser toute morale, c'est au fond
nier Dieu, c'est la suprême honte pour des gens qui se disent à
Christ. On n'atteint cet excès d'égarement que par la
fréquentation des mauvaises compagnies et par l'habitude du péché.
Alors on entre dans une sorte d'ivresse, étourdi qu'on est par les
passions, et ainsi, je le répète, tout s'explique. La foi en la
résurrection est la part des saints: la négation ou l'oubli de
cette vérité est le propre d'une âme non convertie.
15:
35-50
§ 1456. Une grande difficulté s'élève
néanmoins: celle de savoir comment les morts se réveilleront et
dans quels corps ils revivront. Le comment et le pourquoi des
choses sont le grand objet de notre curiosité, et comme cette
curiosité ne saurait être toujours satisfaite, nous tournons notre
ignorance en objection contre la vérité. Eh! bien, sur ce sujet du
moins, nous ne pouvons pas nous plaindre que la Bible nous laisse
sans lumières. D'abord, elle nous dit que notre corps ressuscité
ne sera pas identiquement le même corps que notre corps actuel.
Celui-ci n'est que la semence de ce qui est à venir (§ 784). Les
fidèles ressuscités posséderont bien réellement un corps; mais il
ne s'ensuit pas que ce sera un corps exactement de même nature;
car, actuellement.déjà, tous les corps ne se ressemblent pas. Semé
en corruption, en déshonneur, en faiblesse, le corps du racheté de
Jésus-Christ se relèvera incorruptible, plein de gloire et de
puissance. Habitation d'une âme en qui l'Esprit habite maintenant
à côté du péché, il deviendra l'habitation de l'Esprit sans
partage. Car il y a deux Adam: l'un créé en âme vivante, l'autre,
Esprit faisant vivre; celui-là ayant ici-bas précédé celui-ci.
Terre, poussière, par le premier Adam, ceux qui croient sont
célestes, grâce à l'Adam venu du ciel. Toujours est-il que «la
chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, et que la
corruption n'hérite point de l'incorruptibilité.» L'économie du
siècle à venir étant tout autre que celle du siècle actuel, il
faut nécessairement que notre être subisse une complète
transformation; et déjà l'apôtre l'avait donné à entendre dans un
autre endroit de sa lettre (Chap. VI, v. 43).
15:
51-57
§ 1457. Selon la doctrine exposée
précédemment, dans l'épître aux Thessaloniciens (§§ 1287, 1304) et
en adoptant cette même forme: «Nous», l'apôtre continue à révéler
le mystère des derniers jours. Les fidèles ne mourront pas tous.
Ceux qui seront sur la terre à la venue du Seigneur seront
changés, transmués. Ce qui ne veut pas dire qu'ils précéderont les
fidèles morts auparavant. À la dernière trompette, les morts se
réveilleront incorruptibles; après quoi les vivants seront
changés; parce qu'il faut que ce corps corruptible revête
l'incorruptibilité, et que notre être mortel revête l'immortalité.
Alors s'accomplira l'une des plus belles prédications d'Ésaïe (Es.
XXV, 8); la mort sera vaincue, et les rachetés de Jésus
entonneront l'hymne de la victoire, cet hymne auquel leur foi
prélude, en leur faisant dire avec l'apôtre: «Où est, ô mort, ton
aiguillon ? Où est, séjour des morts, ta victoire?... grâces à
Dieu qui nous donne la victoire par le moyen de notre Seigneur
Jésus-Christ.» Ce qui rend la mort redoutable, c'est le péché; et
ce qui nous rend le péché mortel, c'est qu'il est la transgression
de la loi. Mais Dieu nous ayant délivrés par Jésus-Christ de la
peine et de l'empire du péché, nous n'avons plus rien à craindre
ni de la mort, ni du sépulcre; car Jésus a subi la mort pour nous,
et il est sorti glorieusement de la tombe. Voilà comment tout
l'espoir du fidèle est fondé sur la résurrection de Jésus-Christ.
15:
58
§ 1458. La foi en la résurrection a pour effet
d'imprimer à nos convictions, comme à nos espérances et à notre
vie spirituelle, une grande fermeté; elle nous rend inébranlables
contre les objections et les tentations de Satan; elle est enfin
le pivot de notre activité morale tout entière. Oh! combien je
plains ceux qui se tourmentent pour ce qui n'est que vanité
(Ecclésiaste)! Heureux, au contraire, qui «travaille, non pour la
nourriture qui périt, mais pour celle qui est permanente en vie
éternelle!» Heureux, en particulier, ce Paul qui abondait en zèle
et en dévouement, à mesure qu'il approchait du terme de sa
carrière terrestre! Mais pourquoi heureux? Si ce n'est parce que
Jésus-Christ est ressuscité et que sa résurrection nous garantit
la nôtre.
16:
1-11
§ 1459. Paul ayant achevé sa longue lettre,
recommande aux Corinthiens une collecte générale pour les saints
de la Judée, objet qui lui avait été si chaudement recommandé à
lui-même par les apôtres de Jérusalem (Gal. II, 10). Il les invite
à recueillir leurs offrandes le premier jour de chaque semaine,
dans les assemblées, sans doute, qui se tenaient ce jour même en
souvenir de la résurrection du Seigneur; prêt à les porter
lui-même à Jérusalem, si on le jugeait nécessaire. Nous avons vu
d'ailleurs que cela entrait dans le plan de voyage que lui avait
suggéré le Saint-Esprit et je n'y reviendrai pas (§ 1321). Sans
répéter non plus ce que j'ai dit sur la mission que Paul avait
donnée à son cher Timothée (§ 1396), voyez avec quelle chaleur il
le recommande aux frères de Corinthe, et remarquez comme il les
exhorte à ne pas le mépriser à cause de sa jeunesse (§ 1379).
Quand le Saint-Esprit dictait à l'apôtre cette recommandation, il
savait que de très jeunes hommes iraient souvent de sa part
annoncer la bonne nouvelle du salut, et il voulait prémunir
l'Église de tous les temps contre les préventions défavorables qui
pouvaient s'attacher à leur inexpérience. Or, il est certain que
la foi en la Parole de Dieu donne de la maturité aux plus jeunes,
et ceux qui prêchent fidèlement l'évangile ont droit au respect,
n’importe leur âge.
16:
12
§ 1460. Le désir qu'avait eu Paul de voir
Apollos repartir pour Corinthe, me confirme dans l'opinion que le
docteur alexandrin n'y était devenu, ni volontairement, ni
involontairement, le chef d'un des partis qui divisaient cette
église (§ 1399). Il y avait sans doute exercé une grande
influence, mais une bonne influence; et notre apôtre, chez lequel
vous ne verrez jamais la moindre jalousie, aurait voulu qu'Apollos
allât appuyer de son autorité les réprimandes et les directions
que contient cette épître.
16:
13-14
§ 1461. Ces deux versets nous rappellent les
exhortations par lesquelles Paul avait terminé sa première lettre
aux Thessaloniciens. Celles-ci sont infiniment plus courtes; mais
que de choses en ce peu de mots. Au lieu de vous abandonner au
sommeil, comme on le fait après une journée laborieuse, «veillez»
(§ 1289). «Demeurez fermes dans la foi,» sans vous laisser
ébranler par les doutes du dedans et par les attaques du dehors.
«Soyez hommes,», car dans les choses de Dieu, il ne s'agit pas
d'être mou, faible, lâche, efféminé (Math. XI, 12); et, comme en
Christ il n'y a ni homme, ni femme (Gal. III, 28), on peut dire
aussi que les personnes du sexe, même les plus jeunes, acquièrent
par la foi quelque chose de viril, de résolu, de courageux dans
tout ce qui tient au salut. «Fortifiez-vous» par la prière, par la
lecture de la Parole, par l'exercice des grâces de Dieu. Enfin,
«que tout ce que vous faites se fasse dans l'amour,» mot qui
complète celui du chap. X, vers. 31; car si nous voulons que notre
activité tout entière soit à la gloire de Dieu, il faut qu'elle
tire ses inspirations de la charité.
16:
15-24
§ 1462. Après avoir recommandé
particulièrement aux Corinthiens leurs propres députés, ces chers
frères ont la visite avait été un baume pour son âme, toujours si
remplie de sollicitude envers les assemblées des saints; après
leur avoir transmis les salutations des églises d'Asie, notamment
de celle qui s'assemblait chez Aquilas, Paul écrit de sa propre
main les derniers mots d'une lettre qu'il avait donc dictée jusque
là. C'étaient probablement sa signature et ses vœux ordinaires
qu'il se proposait uniquement de tracer; mais il ne peut se
décider à poser la plume sans avoir écrit encore quelques mots, et
ces mots sont bien sérieux pour nous, comme ils durent l'être pour
les Corinthiens. Hélas! d'où venaient tant de désordres au sein de
l'église de Corinthe, si ce n'est de ce que le Seigneur Jésus n'y
était pas aimé comme il mérite de l'être; de ce qu'on parlait et
vivait comme s'il n'eût jamais dû revenir? C'est pourquoi le
Saint-Esprit déclare par la bouche de l'apôtre, que celui qui
n'aime pas le Seigneur Jésus-Christ est anathème, ou exécration;
ou en d'autres termes encore, qu'il n'a pas cessé d'être au nombre
des maudits (§ 826). Puis il ajoute un mot en langue syriaque, mot
sans doute bien connu des Corinthiens, pour l'avoir souvent
entendu prononcer à Paul: Maranatha, «le Seigneur vient.»
Maranatha! Ne pensez-vous pas, mes chers lecteurs, que si ce mot
et l'idée qu'il exprime étaient plus habituellement présents à
notre pensée, nous serions gardés de bien des tristesses et de
bien des péchés? Ce dernier avertissement de l'apôtre était donc
encore le fruit de l'amour qu'il portait aux Corinthiens. Il finit
en le leur assurant expressément: «Mon amour est avec vous tous
dans le Christ Jésus. Amen.»
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |