Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIÈRE ÉPÎTRE DE PAUL AUX THESSALONICIENS.

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CCLXXXIV. Réflexions générales sur les Épîtres. — Exposition de la Première aux Thessaloniciens; souvenirs de Thessalonique; témoignages d'affection.


§ 1265. Parmi les traits qu'a revêtus la révélation divine dans le Nouveau Testament, on doit envisager comme un des plus caractéristiques, la forme d'Épîtres ou de Lettres, sous laquelle le Saint-Esprit y donne ses enseignements. Dans les anciennes Écritures, les livres d'édification proprement dits, sont ou des poèmes (Job, les Psaumes, le Cantique de Salomon), ou des recueils de maximes (les Proverbes, l'Ecclésiaste); il ne s'y trouve qu'une seule lettre (II, § 1181 ), par la raison fort simple qu'à cette époque, les hommes de Dieu vivaient au milieu de ceux qu'ils étaient appelés à instruire. Sous le Nouveau Testament, il n'en fut pas de même. L'Évangile devait être porté à toute créature (Marc XVI, 15). De là des voyages missionnaires tout autres que celui de Jonas et l'extension du règne de Dieu par tout le monde; de là aussi la nécessité pour les messagers du salut, d'écrire aux églises, soit afin de leur remettre en mémoire les choses qu'ils leur avaient prêchées, soit afin de les diriger dans leur marche, suivant les conjonctures; de là enfin les vingt et une lettres des apôtres que nous possédons dans le recueil sacré, sans compter celle de la conférence de Jérusalem (§ 1229).

§ 1266. En lisant le livre des Actes, vous aurez pu observer que si les prédications de Pierre et de Paul occupent une assez grande place dans ce récit, d'ailleurs fort succinct, on est loin toutefois de les y retrouver toutes. Ou bien l'historien sacré les passe entièrement sous silence, se bornant à dire de Pierre et de Paul, comme de plusieurs autres, qu'ils annonçaient le Seigneur Jésus, ou bien il lui suffit de rapporter leur premier discours en certaine localité, et ce premier discours ne renferme guère que les éléments de leur doctrine. Quelquefois aussi les allocutions enregistrées par Luc tirent leur principal intérêt des événements qui les firent naître et sur lesquels elles jettent plus de jour que sur les grands dogmes de la foi. Nul doute que le Saint-Esprit n'eût pu nous conserver dans le livre même des Actes, en lui donnant une longueur convenable, la substance de tous les enseignements des apôtres; mais il a jugé bon qu'ils nous parvinssent sous une autre forme, la forme épistolaire.

§ 1267. Cette forme est admirablement appropriée au but. Les apôtres, écrivant à leurs frères, devront naturellement entrer dans les détails de la doctrine et de la vie chrétienne, mieux qu'ils ne pouvaient le faire sur la place publique et au milieu des synagogues, ou même dans les assemblées nombreuses de leurs disciples. Une correspondance a toujours quelque chose de plus intime, de plus vivant, de plus actuel que le meilleur discours; on y tient compte des moindres circonstances et l'on y est plus complet, par cela même qu'il est permis d'y passer d'un sujet à un autre sans transition et d'y traiter les questions les plus diverses. Nous devons donc nous attendre à trouver dans les épîtres des apôtres une très grande variété d'enseignements. La Parole de Dieu y étant adressée, non plus au monde, comme bien souvent dans l'Évangile et presque toujours dans les Actes, mais à ceux qui ne sont pas du monde (Jean XV, 19), elle y prendra son entier développement; en sorte qu'après avoir étudié cette portion des Saints Livres, nous saurons tout ce que Dieu veut que nous sachions pour le salut éternel de nos âmes et pour sa gloire.

§ 1268. Les épîtres offrent d'ailleurs un intérêt tout particulier, en ce qu'elles sont, plus évidemment encore que les autres livres de la Bible, une parole à la fois divine et humaine. C'est le Saint-Esprit qui enseigne, exhorte, reprend, prophétise et raconte par la plume des auteurs de ces lettres; mais les auteurs aussi y exposent, sous la direction du Saint-Esprit, leur foi personnelle, leurs sentiments, leurs désirs, leurs craintes, les expériences de leur vie; en sorte que leurs écrits, semblables aux Psaumes en ce point (II, § 555), nous sont doublement utiles, en mettant à la fois sous nos yeux le tableau du vrai christianisme et celui du vrai chrétien. Les saintes dispositions des fidèles nous y sont donc offertes de deux manières; et par la voie de l'exposition théorique, et par le compte sincère que les apôtres nous rendent de leurs impressions et de leur activité. Il en est de même quant à la vie des églises primitives. Elle pouvait nous être tracée historiquement, et elle l'est en partie dans le livre des Actes; mais les épîtres des apôtres nous introduisent beaucoup mieux au sein même de ces églises, par les nombreuses allusions qu'elles font à leurs circonstances, par les conseils, les réprimandes, les encouragements, les éloges qu'elles leur adressent. C'est ainsi que, complétant les enseignements proprement dits de la Révélation tout entière, les Épîtres complètent également l'histoire importante de la fondation de l'Église, dans la mesure du moins que Dieu a jugée nécessaire. Elles abondent en renseignements historiques et il y est fait mention d'une foule de circonstances qui jettent un grand jour sur les récits du livre des Actes, quant au ministère de Paul en particulier. On va le voir déjà dans les deux Épîtres aux Thessaloniciens.

§ 1269. Mais avant d'entrer en matière, je dois rappeler à mes lecteurs que les titres de ces livres de la Parole de Dieu ne leur ont pas plus été donnés par les écrivains sacrés eux-mêmes, que ceux des autres livres (I, § 13). Il ne faut donc pas qu'ils s'étonnent d'y voir le nom de Paul précédé de l'épithète de saint, bien que ni lui, ni les autres apôtres ne se soient jamais qualifiés de la sorte. Nous avons vu qu'on désignait ainsi, d'une manière générale, tous les disciples de Jésus (§ 1173); mais nul d'entre eux ne reçut ce nom comme une prérogative. Paul et ses collègues dans l'apostolat occupèrent certainement une place éminente parmi les saints de leur époque, c'est-à-dire parmi les disciples, et ceux de tous les siècles ne sauraient garder leur mémoire en trop grand honneur; mais n'oublions pas que, si le Saint-Esprit fit d'eux les organes infaillibles de ses dernières révélations, comme Moïse, Élie et les prophètes l'avaient été des précédentes, ils furent des hommes sujets aux mêmes infirmités que nous (Actes XIV, 15); en sorte que s'ils ont été du nombre des saints, ce n'a pu être qu'aux mêmes conditions sous lesquelles ce glorieux privilège nous est offert à nous-mêmes: la conversion envers Dieu et la foi en Jésus-Christ. C'est une observation dont il importe de se souvenir en lisant leurs épîtres, afin de ne pas se croire dans l'impossibilité d'être saints comme ils le furent J parce qu'on est dans l'impossibilité très réelle de faire comme eux des miracles et de parler au moyen d'une inspiration surnaturelle.

§ 1270. Outre les titres des lettres apostoliques, titres, viens-je de dire, qui n'ont pas le Saint-Esprit pour auteur, il y a encore dans beaucoup de nos Bibles, au bas de chaque épître, une inscription destinée à indiquer le lieu d'où elle aurait été écrite. Ces inscriptions ne sont pas non plus le fait de l'écrivain sacré. Elles ont été placées dans les manuscrits assez longtemps après, et par des hommes qui n'y ont pas toujours mis une attention suffisante. Il en est donc plusieurs qui sont fautives, et, par cette raison, l'on a bien fait de les supprimer dans la plupart des Bibles qui s'impriment maintenant. Les apôtres envoyaient leurs lettres par des messagers, suivant l'usage de ce temps, et il n'était pas nécessaire qu'ils y marquassent le lieu de l'expédition; ce n'était d'ailleurs d'aucune importance, car, en définitive, ce sont des lettres venant du ciel.

Chap. 1-4
§ 1271. Après ces observations préliminaires, j'ouvre la première épître de Paul aux Thessaloniciens, et je commence par inviter mes lecteurs à en prendre connaissance comme ils le feraient de la lettre d'un ami. Il me semble difficile qu'ils n'aient pas suivi avec un vif intérêt l'histoire de l'apôtre, depuis le moment où il concourait d'une manière si triste au martyre d'Étienne, jusqu'à son récent départ de Corinthe, environ quatorze ans après. Ils aiment sûrement ce grand serviteur de Dieu, si actif et si éprouvé, par l'organe duquel essentiellement l'Évangile a pénétré dans notre Europe. Ils aiment aussi ces chers Thessaloniciens qui embrassèrent la foi à travers tant de tribulations et auxquels s'adresse maintenant notre apôtre. Ils comprennent d'ailleurs que, si le Saint-Esprit a fait écrire aux fidèles de Thessalonique, ce n'était pas seulement dans leur intérêt, mais pour l'instruction des élus de tous les temps. Puis, si Dieu nous a conservé cette lettre et les suivantes, s'il a voulu qu'elle fût traduite en notre langue, s'il l'a mise entre nos mains enfin, c'est pour que nous nous en appropriions le contenu. Dans ce but, lisons-la d'abord comme on lit toute lettre, non pas un mot ici et un mot là, non pas une page aujourd'hui et une autre dans quelques jours; mais tout entière, d'un bout à l'autre et, s'il est possible, sans nous arrêter; premier moyen de la comprendre, de l'apprécier à sa juste valeur et d'en recueillir du fruit pour nos âmes. Après cela pourtant, cette lettre n'étant pas une lettre comme on en peut recevoir tous les jours, elle mérite d'être reprise et méditée ligne après ligne. Quand vous l'aurez lue dans son ensemble, vous direz: Comme elle est simple et touchante! Sous quel jour aimable elle nous présente soit l'auteur, soit ceux auxquels il s'adresse! Puis, après l'avoir étudiée en détail, vous vous écrierez: Ah! qu'elle est sublime! Quels trésors de science divine elle renferme! Comme elle porte bien le cachet de l'inspiration! Encore une fois donc, je prie mes lecteurs de laisser mon livre de côté pour un moment, de prendre l'épître même et de la lire avec attention dans son entier. Cela fait, ce que je suppose, j’entre volontiers avec eux dans l'exposé des enseignements qu'elle m'a donnés à moi-même.

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§ 1272. Il y a d'abord à l'étudier au point de vue historique, c'est-à-dire à recueillir les renseignements qu'elle fournit sur diverses circonstances du deuxième voyage missionnaire de Paul, soit en confirmation, soit en amplification des récits de Luc. Dès les premiers mots de l'épître, ou, suivant l'usage des anciens, se lisent les noms de celui ou de ceux qui écrivent, puis les noms des personnes à qui l'on s'adresse, enfin la salutation; dès les premiers mots, dis-je, nous voyons, comme au livre des Actes (XVII), que Paul avait pour collègues dans son voyage de Macédoine et de Grèce, Silas et Timothée, Silas nommé ici Silvain. C'est le même nom, mais avec une terminaison grecque; tandis que Silas est hébreu, et, dans cette langue, veut dire Troisième. Puis on voit plus loin qu'au moment où la lettre fut écrite, la parole du Seigneur avait été portée avec succès en Achaïe, c'est-à-dire donc à Corinthe, capitale de cette province, et de plus, que Timothée avait alors rejoint Paul depuis peu. En sorte que la vraie date de cette lettre serait de Corinthe, quelques mois après que Paul y fut arrivé. Depuis qu'il avait quitté les Thessaloniciens, il avait séjourné un certain temps à Bérée, puis à Athènes, où il paraît que Timothée l'avait rejoint, mais pour peu de jours; enfin, il avait commencé à Corinthe sa longue mission. Pendant tout cet intervalle, il n'avait cessé d'avoir l'esprit et le cœur plein de ses chers frères de Thessalonique, ce qu'il leur avait bien prouvé en leur envoyant Timothée: maintenant qu'ils n'ont plus avec eux ni Timothée, ni Silas, Paul se sent pressé de leur écrire pour les encourager, les fortifier et les instruire.

I § 1273. Bien que revêtu d'une autorité personnelle digne de tout respect, Paul joint à son nom celui de ses deux compagnons d'œuvre, afin de donner plus de poids à ses paroles et de réjouir d'autant mieux ceux auxquels il s'adresse. Ceux-ci, il les désigne sous le titre de «l'Assemblée des Thessaloniciens en Dieu le Père et en notre Seigneur Jésus-Christ» Voilà donc ce qu'est une église vraiment digne de ce nom. C'est une société de personnes qui, unies en Dieu, ont Jésus-Christ pour Seigneur, et, par la foi en lui, Dieu même pour père. À ceux qui sont tels, «la grâce et la paix» appartiennent, savoir le bienfait entier du salut, les dons du Saint-Esprit, de la part du Père et du Fils; proclamation indirecte du dogme de la Trinité. Cette notion spirituelle de l'Église est d'une grande importance; car, non seulement elle nous conduit à ne pas nommer Église tout ce que les hommes appellent ainsi, mais encore à restituer ce nom à des associations qui en sont vraiment dignes, bien que les hommes le leur refusent ou qu'elles se le refusent elles-mêmes. Partout où quelques croyants s'assemblent au nom du Père et du Fils, comme ils ne sauraient le faire que par l'Esprit saint, nous devons voir en eux une église de Jésus-Christ; tandis qu'il y a telle institution plus politique que religieuse, qui se donne le titre d'Église par excellence, et qui n'en porte point les caractères essentiels. Or, la grâce et la paix ne sont assurées qu'aux premières.

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§ 1274. On ne sait qui l’on doit estimer les plus heureux, ou cet apôtre Paul et ses collègues, auxquels le Saint-Esprit avait donné pour leurs frères de Thessalonique lorsque un amour tel, qu'ils ne cessaient de les avoir présents à l'esprit dans leurs prières et leurs actions de grâces, ou ces Thessaloniciens eux-mêmes, hommes pleins de foi, d'amour et d'espérance, d'une foi ouvrière, si je puis dire ainsi, d'un amour actif et dévoué, d'une espérance que rien n'ébranlait, parce qu'ils mettaient leur confiance en Jésus-Christ et qu'ils vivaient en la présence de Dieu le Père. Et si Dieu leur avait fait porter la bonne nouvelle du salut, si la prédication de ce salut avait été accompagnée de l'efficace du Saint-Esprit, si ceux qui leur avaient parlé s'étaient conduits au milieu d'eux de manière à les gagner au Seigneur, c'était parce que Dieu les avait élus pour devenir son peuple. Par un effet de cette même grâce et de l'action du Saint-Esprit, les élus d'entre les Thessaloniciens, devenus les imitateurs des apôtres et du Seigneur Jésus, avaient reçu la Parole avec joie, sous le feu même de la persécution; en sorte que, à leur tour, ils avaient pu être proposés en exemple aux fidèles du reste de la Macédoine (Philippes, Bérée et autres lieux sans doute); puis, plus tard, à ceux de l'Achaïe. Partout, il n'était question que de la foi des frères de ThessaIonique et des conversions éclatantes qui s'opéraient parmi eux. Nulle part on n'avait vu tant de personnes abandonner aussi complètement le culte des idoles, pour se donner au Dieu vivant et véritable et pour mettre toutes leurs espérances en Jésus-Christ.

§ 1275. Si, dans cette épître, Paul n'expose pas théoriquement et systématiquement la doctrine du salut, ses paroles ne laissent pas d'être tout imprégnées de cette doctrine, enseignement qui, pour n'être pas explicite, n'en est que plus impressif. Ainsi, nous apprenons ici que les dispositions caractéristiques d'un vrai disciple de Jésus, sont La Foi, L'espérance et l'amour ou la charité, trois mots que nous retrouverons fréquemment sous la plume de l'apôtre et dont le Saint-Esprit a fait, pour ainsi dire, la devise de Paul. Nous y apprenons ensuite que les élus de Dieu prennent pour modèle de leur vie, le Seigneur Jésus lui-même et ses imitateurs, et que, dans sa douce communion, ils ressentent une vive joie, même au milieu des tribulations. Nous y apprenons enfin que la vraie conversion consiste à quitter toute idole, tout attachement et toute confiance aux choses de ce monde, pour se consacrer exclusivement à Dieu; et que la foi du pécheur converti est d'attendre des cieux, ce Jésus qui, ayant été mort, a repris la vie, et qui, par sa vie comme par sa mort, nous délivre de la colère à venir.

§ 1276. Ces pensées de l'apôtre pivotent autour de deux grandes doctrines: l'élection de la grâce de Dieu et l'action du Saint-Esprit sur les âmes. Comme Paul lui-même était un vase d'élection (Act. IX, 15), ainsi l'étaient les frères de Thessalonique; si Dieu l'avait choisi pour porter la bonne nouvelle devant les nations, il les avait choisis, à leur tour, entre les nations, pour entendre cette bonne nouvelle; et si le Saint-Esprit avait inspiré, animé et conduit Paul durant son séjour à Thessalonique, ce même Esprit avait rempli de joie le cœur des Thessaloniciens qui avaient cru. Le salut tout entier vient donc de Dieu et de sa grâce merveilleuse. Vous savez maintenant, mes chers lecteurs, où vous devez chercher le vôtre; c'est par le Saint-Esprit qu'on croit en Jésus, et c'est par Jésus qu'on a Dieu pour père.

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§ 1277. Quand on est profondément persuadé que tout ce qu'on a de bon, c'est à Dieu qu'on le doit, et que tout ce qu'on fait de bien, c'est par la grâce de Dieu qu'on le fait, il est possible de parler de soi sans vanité, ou plutôt c'est la gloire de Dieu même qu'on célèbre de la sorte. Si donc l'apôtre continue sa lettre en rappelant aux Thessaloniciens comment il était arrivé chez eux tout couvert des plaies dont son corps avait été déchiré à Philippes, comment il avait néanmoins trouvé la force de leur annoncer immédiatement l'évangile et comment il avait persévéré malgré l'opposition violente des adversaires; s'il leur rappelle encore que, ni lui, ni ses collègues, ne cherchèrent jamais à les gagner par de belles paroles, qu'ils ne cédèrent à aucun intérêt pécuniaire, qu'ils n'eurent aucunement en vue leur propre gloire; s'il remet sous leurs yeux la douceur toute maternelle qu'ils déployèrent à leur égard, la tendre affection qu'ils ne cessèrent de leur témoigner, et ce dévouement qui serait allé jusqu'au sacrifice de leur vie le cas échéant; s'il insiste en particulier sur ce qu'ils ne leur occasionnèrent aucune dépense, parce que, tout en leur prêchant l'évangile, ils avaient travaillé de leurs mains, nuit et jour, pour ne leur être pas à charge; s'il invoque enfin leur propre témoignage sur sa conduite morale et celle de ses collègues, sur la sainte vie qu'ils avaient menée au milieu d'eux, en sorte que personne n'avait rien à leur reprocher: ce n'est évidemment qu'un moyen dont l'apôtre se sert pour ranimer dans le cœur de ses chers Thessaloniciens les exhortations paternelles et les consolations qu'il leur avait adressées précédemment. C'était de nouveau les sommer «à marcher d'une manière digne de Dieu;» car tout cela tendait à leur confirmer que Dieu les appelait bien réellement «à son royaume et à sa gloire.»

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§ 1278. La gloire de Dieu! Comme c'est bien là ce qui fait le fond des préoccupations de l'apôtre! Ce qui le réjouit, ce dont il rend grâces, c'est que les Thessaloniciens ont reçu sa doctrine, et celle de Silas et de Timothée, non comme leur doctrine propre, mais comme une doctrine venant de Dieu même, dit Paul. Par là, étaient devenus les émules des églises de la Judée; et, de même que les fidèles de la Judée avaient été persécutés par leurs compatriotes, ainsi en avait-il été des Thessaloniciens. Mais le crime des persécuteurs païens de Thessalonique n'égalait pas celui des Juifs. Ceux-ci, après avoir fait mourir le Seigneur Jésus et maints prophètes avant lui, persécutaient maintenant ses disciples; et, ce qu'il y avait de pire, c'est qu'ils ne voulaient pas qu'on parlât de salut aux païens. Voilà comment ils mettaient le comble à leurs péchés; voilà ce qui allait hâter leur ruine, selon la parole du Seigneur (813). Il fallait donc que les Thessaloniciens ne se laissassent point décourager par les persécutions, car il ne leur arrivait pas autre chose qu'à leurs frères de la Judée, et le jugement de Dieu était proche.

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§ 1279. On voit dans ce qui suit l'intention qu'avait Paul de consoler ses frères et de réjouir leur cœur abattu. Il le fait en leur donnant les plus vifs témoignages de son affection et en leur rappelant qu'il ne leur arrivait rien qui ne leur eût été annoncé. Que de traits touchants il y aurait à relever ici! Est-il possible d'être plus tendre que ce Paul, si ferme et si résolu d'ailleurs? Voyez. S'il avait été privé de ses frères, c'était de visage, non de cœur. Il espérait que ce serait pour peu de temps, mais encore, comme ce temps lui paraît long! Plus d'une fois il fit le projet de retourner à Thessalonique, soit de Bérée, soit d'Athènes, mais chaque fois Satan, excitant de plus en plus la haine des adversaires, l'en avait empêché. Et comment n'aurait-il pas un vif désir de voir ces chers Thessaloniciens, qui étaient, dit-il, son espérance, sa joie, sa couronne pour le jour de la venue future de Jésus-Christ? Tel était son amour pour eux qu'il s'était privé en leur faveur de son bien-aimé Timothée, étant ainsi demeuré seul à Athènes. Il est vrai que Paul avait bien eu quelque crainte à leur sujet. La prolongation de leurs souffrances ne les avait pas pris au dépourvu sans doute, puisqu'ils en avaient été avertis; cependant il savait que la persécution est semblable à un soleil brûlant sur des plantes nouvellement semées (§ 441), semblable encore à un crible où l'on passe le blé (§ 881); il savait que Satan s'en sert pour ébranler la foi des faibles. Mais depuis que Timothée lui avait apporté de si bonnes nouvelles de leur foi et de leur amour, il s'était senti tout ranimé, et son cœur chaleureux s'écrie: «Maintenant, nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le Seigneur!» Toutefois, plus l'apôtre était rassuré et heureux de ce qu'il avait appris, plus il éprouvait le désir de se retrouver au milieu de ses amis de Thessalonique, afin de jouir avec eux des grâces qui leur étaient faites et de leur donner encore quelques instructions pour le perfectionnement de leur foi: voilà ce qu'il demandait à Dieu nuit et jour. Oui, dans toutes ses prières, prières qu'il ne cessait pas avec le jour, mais qu'il reprenait même durant la nuit, ce désir lui revenait au cœur et il l'exprimait devant Dieu. Or, nous sommes parfaitement sûrs qu'il en était ainsi; car l'Esprit qui inspirait Paul ne lui a certainement pas permis d'exagérer ses sentiments ou l'expression de sa pensée.

§ 1280. Ici finit la première partie de l'Épître, celle qui est toute entière relative aux circonstances de l'apôtre et de ceux auxquels il écrivait. Elle se termine par un vœu non moins touchant que tout le reste. Ce que l'apôtre demande d'abord à Dieu le Père et au Seigneur Jésus-Christ, un seul Dieu, c'est qu'il dirige les choses de manière à satisfaire le besoin qu'il a de revoir Thessalonique; puis, que dans tous les cas il y fasse abonder l'amour mutuel des frères et leur amour pour tous les hommes, afin d'affermir leur cœur dans la vraie sainteté, devant Dieu, les préparant ainsi pour le jour où notre Seigneur Jésus-Christ doit arriver avec tous ses saints (§ 1074)! Vœu excellent que je me plais à faire dans mon cœur pour tous ceux qui lisent ces lignes, et que je les invite à présenter au Seigneur les uns pour les autres. Ils voient d'ailleurs, pour la seconde fois dans cette épître, que ce qui caractérise les rachetés de Jésus-Christ, c'est qu'ils attendent son retour; mais c'est dans l'amour de Dieu et du prochain, dans la pratique de la sainteté qu'ils l'attendent; ou plutôt, rien n'est plus propre à produire cet amour et cette sainteté, que l'attente patiente du retour de Jésus-Christ.


CCLXXXV. La connaissance; la sanctification; la fraternité; le travail; la prochaine venue de Jésus-Christ; marcher dans la lumière; devoirs de la charité; la joie, la prière, les actions de grâces; ne pas éteindre l'Esprit, s'abstenir de tout mal. Conclusion.


Chap. V
§ 1281. Les chapitres IV et V, seconde partie de l'Épître, présentent en peu de lignes tout ce qu'on peut dire de plus élevé et de plus complet sur les devoirs des fidèles. Le germe des enseignements de l'apôtre se trouve déjà dans les livres de l'Ancien Testament, mais il y a ici plus qu'un progrès naturel, et, si la morale de la loi et des prophètes est divine, celle-ci l'est d'une manière bien plus évidente encore. On peut aller plus loin, et dire même que les instructions morales de Paul complètent celles de Jésus-Christ et les dépassent. Ce n'est point élever le disciple aux dépends du maître, puisque c'est par l'Esprit de Christ que Paul a parlé, selon la promesse du Seigneur (§ 861 ). Aussi ne vous étonnerez-vous pas de voir toute cette morale pivoter autour de Jésus-Christ: c'est un des caractères essentiels de la morale évangélique.

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§ 1282. Dès les premiers mots, l'apôtre exhorte ses disciples au nom du Seigneur Jésus, et il leur rappelle que tous les préceptes qu'il leur avait donnés, il les leur avait donnés par le Seigneur Jésus, c'est-à-dire de sa part, sous son autorité et par son Esprit. Il leur avait donc appris, pendant son séjour à Thessalonique, de quelle manière il faut marcher et comment il faut plaire à Dieu (II, 12). Voilà ce qu'ignoraient les Thessaloniciens avant leur conversion: ils ignoraient même qu'il fallût marcher selon Dieu et chercher à lui plaire. Mais en morale, comme ailleurs, tout commence par l'instruction. Pour aimer Dieu, il est nécessaire de le connaître; pour suivre le bon chemin, il faut savoir où il est. Sans doute que la connaissance à elle seule ne suffit pas et qu'ici le cœur importe encore plus que la tête; toutefois, rien n'est plus commun que de voir des gens faire fausse route avec les meilleures intentions, par ignorance de la volonté de Dieu. Sans doute encore que le seul guide assuré, c'est le Saint-Esprit; mais le Saint-Esprit guide et stimule en instruisant, et c'est dans la Bible que se trouvent ses instructions. Écoutons donc celles qu'il donnait aux Thessaloniciens par la bouche de Paul, car elles nous sont destinées aussi bien qu'à eux.

§ 1283. Et d'abord, qu'est-ce que Dieu veut de nous? Il veut que nous nous sanctifiions, que nous nous consacrions à lui (§ 329), que nous lui soyons un peuple à part, que nous nous rendions dignes du nom de «saints» et que nous fassions des progrès dans la vie spirituelle. C'est un devoir très général, car il renferme l'ensemble entier de nos obligations morales; mais dans un sens plus restreint et qui marche toutefois en première ligne, la sanctification consiste à éviter l'impureté sous toutes ses formes. Les mœurs publiques et privées sont, de nos jours même, en opposition bien grande et bien triste avec ce précepte divin; cependant nous ne saurions nous faire une idée de ce qu'elles étaient chez les peuples de la Grèce au temps de la première prédication de l'Évangile. Les plus horribles abominations y étaient universelles et publiques, au point qu'il n'est pas un auteur païen, même parmi les plus décents, qu'il soit possible de traduire littéralement pour le mettre entre les mains de tout le monde. Les antiquités découvertes à Herculanum et ailleurs, ont mis sous nos yeux les turpitudes les plus révoltantes. Des hommes qui reçurent de ces générations perverties le nom de sages, ne se faisaient aucun scrupule de pratiques détestables dont le monde même ne parle, de nos jours, qu'en secret. Or, quand on sait l'empire qu'exercent les coutumes nationales et les vices qu'on a sucés avec le lait, on comprend que le Saint-Esprit insiste avec tant de vigueur auprès des fidèles eux-mêmes, pour qu'ils s'efforcent de posséder leur vase, c'est-à-dire leur corps en sanctification et en honneur; car Dieu ne nous a point appelés à la souillure. Quelles que soient les fausses maximes du libertinage, les excuses qu'il ose alléguer, le mépris qu'il fait des remontrances de la sagesse, «le Seigneur est vengeur de toutes ces choses,» et les conséquences présentes de l'immoralité ne disent que trop quelles en doivent être les conséquences finales au jugement de Dieu. Oh! je supplie instamment et sérieusement mes jeunes lecteurs surtout, de considérer leur conduite et leurs habitudes à cet égard; c'est une puissance terrible que celle qu'exercent sur nous les passions charnelles, et cette puissance ne va à rien de moins qu'à la ruine de l'âme.

1: 9-10
§ 1284. Quant à la fraternité, c'est-à-dire quant à l'amour, aux égards, aux bons procédés que des frères en Christ se doivent les uns aux autres, il ne devrait jamais être nécessaire d'y exhorter: c'est un sentiment si naturel, une fois qu'on a reçu du Saint-Esprit un nouveau cœur! Telle n'est pas cependant la raison qui porte l'apôtre à n'en toucher qu'un mot en passant. Celle qu'il en donne est que, sous ce rapport et grâce à l'enseignement de Dieu, les fidèles de Thessalonique ne laissaient rien à désirer. Quel beau témoignage il leur rend! Combien il serait à souhaiter qu'on en pût dire de même aujourd'hui, si ce n'est de tous ceux qui portent le nom de chrétiens (hélas! le nom ne fait pas la chose), de tous ceux du moins dont le cœur appartient à Jésus-Christ? Mais encore que cela fût, toujours devrait-on les exhorter, avec l'apôtre, à y faire des progrès. Quel que soit notre amour pour nos frères, il est susceptible d'accroissement, et toute affection qui ne s'accroît pas, est un feu qui s'éteint.

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§ 1285. La vraie fraternité n'est pas plus connue et pratiquée par le monde que ne l'est la vraie pureté; ce que le monde ne connaît guère mieux, c'est le devoir de mener une vie laborieuse. On travaille, et même beaucoup, en certains pays agricoles et en certains villes manufacturières; mais c'est généralement par ce qu'il le faut, bien plus que par devoir; c'est pressé par la faim ou par l'avarice; c'est dans l'espoir de pouvoir un jour demeurer sans rien faire; c'est en vue des jouissances que la fortune procure. Si l'homme non converti pouvait se dispenser de tout travail, il le ferait dans la plupart des cas; or c'est précisément ce à quoi les citoyens des républiques de la Grèce et de Rome étaient parvenus en tous lieux. La plus grande partie de la population subissait les dures lois de l'esclavage; soumise à la minorité riche et armée, la population esclave faisait tous les travaux pénibles, et les autres vivaient sans rien faire, j'entends sans toucher à aucun des travaux qui exigent l'emploi de la force physique. Les arts mécaniques, les occupations manuelles semblaient indignes de l'homme, parce que l'homme s'y fatigue, quelquefois s'y épuise, et que nous sommes naturellement paresseux, nonchalants, ennemis de la peine, des sueurs, de la souffrance, suite et gages du péché. Il n'y avait d'exception à ce désordre universel que chez les Juifs, grâce aux lumières qu'ils avaient reçues de Dieu et aux lois qu'il leur avait données (I, § 759). Ainsi Joseph, l'époux de Marie, fut charpentier; Pierre et ses collègues, pêcheurs; Paul, faiseur de tentes. Il y avait donc à lutter, dans les églises d'Europe, contre des habitudes invétérées d'oisiveté; il y avait à réhabiliter les travaux manuels. Les motifs que l'apôtre met en avant, c'est que par une occupation régulière et assidue, on entre dans un genre de vie calme, paisible, régulier, tel qu'il convient à des disciples du Christ; c'est ensuite que, par cette voie, on évite des relations peu convenables avec le monde, relations si souvent le fruit de l'oisiveté; c'est enfin que, par le travail, on se procure ce genre d'indépendance qui consiste à n'avoir besoin de personne. Car si le chrétien riche doit être toujours prêt à donner, le chrétien pauvre doit éviter autant que possible de demander.

1: 13-18;  V: 1-12
§ 1286. Cependant, l'apôtre ne saurait oublier les consolations qu'il doit à ses amis de Thessalonique, car V c'était pour cela même que le Saint-Esprit l'avait poussé à leur écrire. Il les avait laissés sous le coup de la persécution et ils avaient déjà plus d'un frère à pleurer, soit qu'ils fussent morts de mort naturelle, soit qu'ils eussent été victimes de la violence des adversaires. D'abord, il les console en leur parlant de la mort comme d'un sommeil, dont les rachetés de Jésus se réveilleront, de la même manière que leur Sauveur s'en est relevé après avoir été couché dans le sépulcre. Ensuite, l'apôtre dit que ce réveil général de tous ceux qui dorment en Jésus, doit coïncider avec son retour; qu'alors les trépassés entendront le commandement, du Seigneur, accompagné d'une voix d'archange et d'une trompette de Dieu (Jean V, 25); que le moment de son retour est proche et que ceux qu'il recueillera dans son sein, demeureront toujours avec lui. Voici même ce qui arrivera et ce qui est propre à nous remplir de joie, c'est que les fidèles morts antérieurement au retour du Seigneur, se réveilleront de leur sommeil avant que les fidèles alors vivants soient transportés auprès de lui. En sorte que, à nous supposer, nous, sur la terre, au moment où Jésus paraîtra, nous le verrons venir, escorté des fidèles et des saints de tous les temps, depuis Abel jusqu'à ceux qui auront rendu le dernier soupir quelques instants avant sa manifestation, et nous ne précéderons dans la nouvelle vie aucun de ceux qui seront morts avant nous. C'est là ce que l'apôtre présente aux Thessaloniciens comme une pensée très consolante. Non seulement, leur dit-il, le Seigneur viendra pour vos frères qui dorment aussi bien que pour vous; mais encore, s'il arrivait aujourd'hui même, il viendrait moins vite pour vous que pour eux: il n'y a donc pas à déplorer leur sort, comme le feraient des hommes qui n'ont point d'espérance.

§ 1287. Quant à l'époque du réveil de ceux qui dorment en Jésus, les Thessaloniciens n'avaient pas besoin que Paul leur répétât ce qu'ils savaient très bien, savoir que ce jour doit venir subitement, comme un voleur qui pénètre dans une maison sans se faire annoncer (§ 647). Le moment précis nous en demeure donc voilé; raison pour l'attendre à toute heure, surtout s'il est vrai que le moment de notre départ de ce monde et celui de notre rencontre avec le Seigneur soient un seul et même instant, la période qui les sépare devant se passer, pour nous, avec la rapidité de l'éclair. Par la manière dont les Écritures nous parlent de «l'heure» où le Seigneur viendra, l'on ne peut douter qu'il ne soit dans les intentions de Dieu que nous vivions avec la pensée habituelle de la proximité de ce grand événement. Si elle n'en donne pas la date, ce n'est pas pour que nous disions: le jour est incertain, donc il ne viendra pas; mais plutôt: le jour est incertain, donc il peut arriver d'un instant à l'autre. Voilà, en particulier, pourquoi le Saint-Esprit a voulu que Paul, s'identifiant avec ceux qui seront encore sur la terre lors de la venue du Christ, s'exprimât en des termes qui semblaient dire que son arrivée aurait lieu du vivant même de l'apôtre. Nous verrons que les Thessaloniciens le comprirent ainsi; mais les explications qu'il dut leur donner, ne laissent aucun doute sur ce qui fut sa vraie pensée. Il avait dit: «Nous qui vivrons et qui resterons sur la terre,» comme Ésaïe disait: «Nous avons caché notre visage arrière de lui (Ésaïe LIII, 3),» bien qu'il ne dût pas vivre à l'époque de la première venue du Christ, et encore moins se trouver au nombre de ses adversaires. Mais encore, Paul ne dit pas: «Nous qui vivrons, etc.; » il y a littéralement, et par deux fois: «Nous, les vivants restés, etc., nous ne devancerons pas....» Toutefois, cela même nous crie avec force que nous devons vivre comme si le Seigneur allait paraître aujourd'hui sur les nuées des cieux, seul moyen de n'être pas surpris par ce jour solennel.

5: 3-5
§ 1288. C'est ce que montre bien le développement que l'apôtre donne à son idée. Le jour du Seigneur sera terrible pour ceux qui, vivant loin de lui, se tranquillisent néanmoins comme s'ils ne devaient jamais mourir, ou comme s'ils n'avaient rien à redouter du jugement de Dieu. Mais, malgré les sophismes et les horribles sarcasmes au moyen desquels ils se rassurent, une ruine subite tombera sur eux, et ils ne pourront pas plus y échapper qu'une femme enceinte ne peut retarder ou éviter les douleurs de l'enfantement. Quant à nous, si nous croyons en Jésus, nous ne sommes pas sur ce point dans l'ignorance volontaire des impies; nous savons où nous allons et en qui nous croyons. C'est pourquoi, malgré l'incertitude où nous sommes sur le jour de notre réunion avec le Seigneur, ce jour ne saurait être pour nous un objet de surprise et d'effroi; voilà certainement un des plus grands privilèges du vrai croyant.

5: 6-10
§ 1289. Mais si, par nos relations avec Celui qui est la lumière, nous sommes devenus fils du jour et non de la nuit, comme dit l'apôtre, notre conduite doit être toute différente de celle des hommes qui sont encore dans leurs ténèbres. Paul reprend ainsi la suite de ses exhortations morales, un moment interrompues. C'est pendant la nuit qu'on dort, c'est aussi de nuit que les amis de la débauche s'abandonnent à leurs excès, vérité de fait que fournit l'observation la plus superficielle; on dirait que, la nuit venant, le pécheur éprouve le besoin de chasser par le vice les sombres pensées qui l'assiègent. Ce qui n'est pas moins vrai, c'est que l'irrégénéré est, quant aux choses de Dieu, tel qu'un homme qui dort et qui ne veut pas qu'on le réveille. Voilà comment il va, tantôt dormant, tantôt s'étourdissant, à la rencontre de l'éternité! Il n'en est pas ainsi des croyants: ils veillent et ils sont sobres. Le Saint-Esprit les ayant rendus attentifs à leurs âmes, ils font de la sanctification leur principale affaire et, dans un sens, l'unique affaire de leur vie. C'est là-dessus que se concentrent leurs pensées, à cela que se rapporte leur activité. Pour pouvoir s'y livrer sans distractions et avec une entière possession d'eux-mêmes, ils sont sobres en toutes choses, sobres quant à la nourriture et à la boisson, sobres quant aux jouissances même les plus permises; la modération, la retenue leur facilite la vigilance convenable à un serviteur qui attend que son maître revienne des noces (§ 646).

§ 1290. L'apôtre répète une seconde fois: «Soyons sobres,» et il ajoute ces belles paroles, où nous retrouvons les mots que j'ai appelés sa devise (§ 1275):; «Soyons sobres, ayant revêtu la cuirasse de la foi et de l'amour, et pour casque l'espérance du salut.» Ces images sont d'une grande beauté. Une cuirasse et un casque, armes défensives, dont l'une protège le cœur et l'autre la tête; voilà ce qu'il faut au chrétien pour le garantir contre les nombreuses tentations qui peuvent si aisément lui faire violer les lois de la sobriété et de la modération. Or, cette cuirasse du chrétien, c'est la foi et l'amour; foi en Jésus-Christ, amour pour lui et pour les siens; et ce casque, c'est l'espérance des biens célestes, l'espérance du prochain retour de Jésus, acier brillant et bien trempé. En effet, mes chers lecteurs, croyons, aimons, espérons, et certainement nous veillerons et nous serons sobres.

§ 1291. Voici, du reste, le grand motif que nous propose le Saint-Esprit. Si nous devons veiller et être sobres, ce n'est pas afin d'échapper à la colère à venir; mais parce que nous, nous qui croyons, ce qui est supposé, Dieu nous a réservés, non pour la Tolère, mais, pour la possession du salut. Ce salut nous a été acquis par la mort de Jésus-Christ; en sorte que, soit que nous veillions, c'est-à-dire que nous soyons dans cette vie, soit que nous dormions, c'est-à-dire que nous soyons rappelés de ce monde, nous ne cessons pas d'être avec lui. Telle est donc la place qu'occupe la sanctification dans l'œuvre de notre salut. Avant de pouvoir se sanctifier, il faut recevoir par la foi ce que Jésus-Christ a fait pour nous, et cette foi même, en nous unissant à Christ (Jean XV, 4), nous maintient dans la vigilance et dans la sobriété ou, plus généralement, nous sanctifie.

5: 11
§ 1292. «C'est pourquoi,» dit l'apôtre, en concluant cette portion de son enseignement, «c'est pourquoi, exhortez-vous les uns les autres et édifiez-vous l'un l'autre, comme aussi vous le faites.» On oublie trop que chaque fidèle a charge d'âmes. L'église de Thessalonique ne manquait pas d'anciens pour la conduire, ce qui se voit au verset suivant: mais si le devoir spécial de ceux qui présidaient sur elle était d'exhorter et d'édifier l'église, ce n'était pas à l'entière décharge des simples membres. Le devoir de s'exhorter au bien est un devoir de charité générale, et il est évident que des hommes qui se nomment frères, ne peuvent mieux se témoigner leur affection fraternelle qu'en s'encourageant mutuellement dans le service du Seigneur. Ici, comme ailleurs, mais sans que je l'aie fait remarquer (Act. IX, 31), l'Église est un édifice à la construction et à l'embellissement duquel tous les fidèles doivent travailler. Ou plutôt, chaque fidèle est à lui seul un monument de la grâce de Dieu, et l'ensemble n'est vraiment édifié que par l'édification de chacune de ses parties. C'est pour cela que l'apôtre dit: «Édifiez-vous l'un l'autre.» Rien ne se fait en bloc dans l'Église de Dieu; c'est une à une que les âmes sont converties; c'est par la sanctification des âmes, prises une à une, que la sanctification du corps entier fait des progrès. Si donc nous désirons sincèrement que l'église dont nous faisons partie soit de plus en plus digne de son divin chef, exhortons-nous et édifions-nous mutuellement. Heureux Thessaloniciens, auxquels le Saint-Esprit rend le témoignage qu'ils faisaient ainsi!

5: 12,13
§ 1293. Si chaque fidèle est un ouvrier inscrit au rôle du suprême Architecte, il y a, par la volonté du Seigneur et par une nécessité d'ordre intérieur, des frères qui président sur le travail de chaque escouade d'ouvriers. Ils doivent le faire «en notre Seigneur,» c'est-à-dire en son nom, selon les principes de son Évangile et pour sa gloire. Leur fonction principale est d'avertir leurs frères, de les tenir éveillés sur leurs grands intérêts, de leur signaler les dangers qu'ils peuvent courir, de les diriger dans leur œuvre. Tout cela ne se fait pas sans travail, sans fatigue, sans de grandes douleurs morales; aussi le Saint-Esprit exhorte-t-il les fidèles à considérer et à aimer ceux qui prennent cette peine. Bien qu'ils aient leurs infirmités et leurs défauts v comme les autres, l'œuvre qu'ils font les rend dignes de ce respect et de cette affection. C'est d'ailleurs un des plus sûrs moyens pour que la paix règne dans une église; de même que, dans la famille, l'amour respectueux des enfants pour leurs parents est le meilleur préservatif contre les haines et les disputes entre frères et sœurs. Au surplus, que la paix entre les frères et sœurs en Christ soit absolument nécessaire à la gloire de Dieu et aux progrès de la piété, c'est ce qui est de la dernière évidence.

5: 14-15
§ 1294. Poursuivant ses exhortations apostoliques et les complétant, Paul dit maintenant ce qu'ont à faire pour l'édification commune, et les fidèles et leurs conducteurs. «Avertir les déréglés,» savoir ceux qui, d'une manière quelconque, s'écartent de la vie modeste, laborieuse, régulière et décente qui convient à des rachetés de Jésus; «consoler les esprits qu'abattent» soit les peines de la vie, soit la vue de leurs péchés, soit les difficultés morales de leur situation; «soutenir les faibles,» ceux qui ont de la peine à marcher dans la bonne voie, les prendre en quelque sorte par la main, les porter, au lieu de les fouler et de les écraser; enfin, «user de patience envers tous, «car les plus forts même ont des faiblesses; tous sont pécheurs, encore que convertis, et nul ne fait dans la vie chrétienne tous les progrès désirables. Quelle admirable exposition des devoirs de la charité, en ce qui touche aux intérêts spirituels de nos frères! C'est aussi dans ce même sentiment que nous devons prendre garde, non pas seulement à ne pas rendre le mal pour le mal, c'est bien clair, mais à ce que nul de nos frères ne le fasse. Enfin, si nous aimons notre prochain comme nous-mêmes, nous serons pleins de bienveillance, d'abord envers ceux qui sont nos frères en Christ, et ainsi nos prochains très prochains; puis envers tous les hommes.

5: 16
§ 1295. L'apôtre arrivant au terme de sa lettre, devient toujours plus bref et plus solennel. Si la foi en Christ, si l'habitation de son Esprit dans nos cœurs en bannit les folles joies du péché, elles y produisent une sainte et constante joie, la joie du salut (§§ 88, 885, 1159). Ce n'est pas un privilège seulement, c'est un devoir. Croire qu'on a été aimé de Dieu d'un amour éternel (II, § 1182), que le Fils éternel du père a porté sur la croix tous nos péchés (§ 165), qu'étant à lui, nul ne peut nous ravir de sa main (§ 729); croire cela, et être habituellement, je ne dis pas sérieux (car le vrai bonheur est sérieux), mais triste, mais abattu, ce serait une contradiction, ou du moins une preuve que la foi est bien faible. C'est d'ailleurs dans la sainte joie de l'âme qu'on est vraiment capable des sacrifices auxquels la foi nous appelle; c'est par elle aussi que nous faisons honneur à l'Évangile devant le monde. Quand celui-ci voit les disciples de Jésus saintement joyeux au sein des plus vives douleurs et jusque sur leur lit de mort, il ne peut qu'être frappé de ce fruit magnifique de la foi. Je ne sais s'il se rend compte du miracle, mais il est sûr qu'il n'en est pas de plus grand. Un pécheur toujours joyeux! Il n'y a qu'une religion qui ait fait de la joie permanente un devoir, et c'est la religion qui déclare tout homme maudit! mais c'est que, d'un autre côté, cette même religion proclame que «celui qui croit, a la vie éternelle.»

5: 17
§ 1296. La joie sainte dont nous venons de parler, comme toutes les autres grâces du salut, ne s'entretient que par la prière et par la prière persévérante. Celle-ci est donc un devoir tout aussi incontestable et tout aussi important que la joie; elle est également une grâce et n un privilège. Oui, un privilège et une grâce; car n'est-ce pas quelque chose de bien admirable que le Dieu trois fois saint (II, § 985) nous permette de lui parler sans cesse? «Sans cesse!» remarquez ce mot, pour bien comprendre d'abord ce qu'est la vraie prière, ensuite ce que doivent être les dispositions de celui qui invoque Dieu. S'il y a dans l'Église des prières communes qui ne peuvent se faire qu'en certains jours et à certaines heures convenues; si même chaque fidèle, seul ou avec sa famille, doit avoir des moments à part destinés à l'oraison, il est clair que ces exercices de dévotion ne constituent pas à eux seuls la prière selon l'Évangile, bien qu'on puisse leur appliquer le mot de l'apôtre, en ce sens que ces prières doivent se faire sans interruption. Mais il s'agit surtout d'oraisons mentales, d'une constante élévation de l'âme à Dieu; habitude d'où résulte qu'à l'instant même où l'on semble pris le plus au dépourvu et où l'âme est le plus absorbée en apparence par les circonstances extérieures, il s'en échappe involontairement une prière: nous en avons deux beaux exemples dans les Écritures (II, §§ 1252, 1335). Quant aux dispositions que suppose cette habitude de la prière, elles peuvent se résumer d'un seul mot: il faut vivre en la présence du Seigneur, ou, comme dit la Bible, marcher avec Dieu. Alors il est tout simple qu'on soit en continuel entretien avec lui. Dans le bonheur, on lui raconte ses joies et on le bénit; dans la douleur, on lui ouvre son âme et on lui demande des consolations; dans les chutes, on réclame la puissance de son bras; dans les sécheresses spirituelles, on sollicite les eaux de sa grâce; inquiet au sujet de quelqu'un de ses frères, on le recommande à Dieu; affligé des maux de l'Église, on crie à Dieu d'avoir pitié.

5: 18
§ 1297. À la prière doivent s'ajouter les actions de grâces, et c'est en quoi nous sommes généralement le plus défectueux, tant nos cœurs sont ingrats. On s'excuse quelquefois en alléguant le pharisien de la parabole, qui rendait grâce à Dieu dans l'orgueil de son cœur (§ 726); mais les actions de grâces de celui qui croit en Jésus-Christ sont d'une tout autre nature. D'abord, parce qu’elles sont toujours accompagnées de paroles d'humiliation, paroles que lui fournit le sentiment de sa profonde misère; ensuite parce qu'il remercie Dieu bien plus de ce que Christ a fait pour nous, que de ce qu'il fait en nous; puis, parce qu'il accomplit ce devoir en regardant à Dieu et à sa gloire, et non pas à lui; enfin, parce qu'il offre ses actions de grâces par Jésus-Christ, c'est-à-dire qu'il fait de Jésus-Christ son médiateur dans l'action de grâces, comme dans la prière, se sentant indigne de parler à Dieu, même pour le bénir. Mais pesez bien les mots donnés à l'apôtre par le Saint-Esprit. C'est «en toute chose» que nous devons rendre grâces: en toute chose qui nous vient de Dieu; l'épreuve comme la délivrance, car si nous appartenons au Seigneur tout est pour notre bien et pour sa gloire.

5: 19
§ 1298. Qui peut être toujours joyeux, prier sans cesse et, en toutes choses, rendre grâce, si ce n'est celui qui est sous l'influence constante du Saint-Esprit? C'est par lui que la vie de Dieu se forme dans les âmes et qu'elle s'y entretient (§ 199); ce n'est donc pas sans raison que cet Esprit est comparé à un feu qui éclaire, réchauffe, réjouit, vivifie (§ 127). Or ce feu, nous ne pouvons pas plus l'éteindre, que nous ne saurions éteindre les rayons du soleil; mais on peut fermer les yeux à la lumière du soleil; on peut, en s'enfonçant dans quelque grotte, se soustraire à sa chaleur et à sa clarté; c'est ainsi que si on ne l'éteint pas, lui, on l'éteint en soi et pour soi. Il faut se souvenir d'ailleurs que l'Esprit est l'auteur des Écritures et que c'est par les Écritures qu'il répand la vie de Dieu dans les âmes. Si donc vous veniez à ne plus lire la Bible ou si vous ne la lisiez qu'avec distraction, si vous vous permettiez de l'interpréter à votre propre sens et de placer vos sentiments au-dessus de ses déclarations les plus positives, si enfin vous cherchiez à étouffer sa voix dans vos consciences pour vivre à votre gré, vous éteindriez l'Esprit quant à ce qui vous concerne; et n'est-ce pas une perspective effrayante?

5: 20
§ 1299. Que faut-il entendre par ces prophéties que des hommes pieux tels que les fidèles de Thessalonique pouvaient être tentés de traiter avec quelque mépris? Ce ne sauraient être les oracles de l'Ancien Testament, ni ceux de Jésus et de ses apôtres. Mais par la prophétie, on doit entendre quelquefois la prédication de la parole de Dieu, l'enseignement donné à l'Église par les ministres de cette Parole et par quiconque a reçu de Dieu la connaissance de la vérité et les dons requis pour la proposer aux autres. C'est là ce qu'on pourrait être tenté de mépriser, sous prétexte que nous avons dans la Bible des instructions parfaitement suffisantes. Il est vrai que, si quelqu'un est privé par des circonstances impérieuses de tout autre secours, la Bible lui suffira pleinement; mais si, de propos délibéré, l'on néglige les moyens que Dieu met à notre portée pour diriger nos études de sa Parole, on se condamne soi-même à demeurer fort au-dessous de ce qu'on pourrait être. Il est vrai encore qu'en passant par l'intermédiaire de l'homme, la Parole de Dieu est exposée à se mélanger de quelques erreurs, que la doctrine prend facilement la teinte des vues particulières de celui qui la prêche, et que, par cette raison, nous devons toujours en revenir à la Parole de Dieu elle-même. C'est pour cela qu'elle nous dit ici d'écouter avec discernement, avec circonspection, et de retenir seulement ce qui est bon; c'est-à-dire ce qui nous paraît décidément conforme à la Parole révélée. Peut-être cette recommandation de l'apôtre a-t-elle aussi un sens plus général et signifie-t-elle que nous devons revêtir un esprit observateur, pour prendre et adopter ce qui est bon, quelque part que nous le rencontrions.

5: 22
§ 1300. Si notre devoir est d'adopter ce qui est bon, de quelque part qu’il vienne, il faut d'un autre côté nous abstenir de toute espèce de mal, ou, plus exactement peut-être, de tout ce qui a mauvaise apparence. Il peut arriver qu'un acte bon en lui-même, ne soit mauvais que par la manière dont on le fait; en ce cas, on fera ce qui est bon, en s'efforçant de supprimer les dehors fâcheux. Puis, dans le doute, il faut s'abstenir; c'est-à-dire que si un acte, bon peut-être, nous paraît ne l'être pas, nous sommes tenus de l'éviter jusqu'à ce que notre conscience soit pleinement éclairée. À supposer enfin que cet acte n'eût rien de répréhensible à nos yeux, si nos frères en jugent autrement, nous devons également nous abstenir; à moins que nous n'ayons une parfaite certitude de leur erreur, et qu'il n'y ait un devoir pour nous de les éclairer en tenant la conduite même qu'ils désapprouvent.

5: 23-28
§ 1301. À l'ouïe de telles exhortations, qui n’éprouverait le besoin de convertir en prière pour soi-même, le vœu que Paul adressait à Dieu, par l'Esprit, en faveur des Thessaloniciens. Oui, ô mon Dieu, Dieu de la paix, toi qui as fait ta paix avec nous par Jésus-Christ, sanctifie-moi toi-même; produis en moi ce que tu me demandes; garde-moi tout entier: esprit, âme et corps; garde-moi de toute souillure, me préparant ainsi pour le jour de l'arrivée de Jésus-Christ. Tu es fidèle, ô mon Dieu! tu tiens ta parole, et puisque tu as daigné m'appeler à ta connaissance, je compte sur ta fidélité pour achever en moi toute l'œuvre de ta grâce! — Après avoir prié pour ses disciples, Paul les exhorte à prier pour lui, tant il était loin de penser qu'il n'eût pas besoin des mêmes grâces qu'eux et que ses propres prières pussent lui suffire. Puis il les salue en les invitant à se donner le baiser de la fraternité; il exige d'eux, dans les termes les plus forts, que sa lettre soit lue par tous, ce qui nous montre à nous-mêmes notre devoir; il termine enfin comme il a commencé, en formant le vœu que la grâce du Seigneur Jésus-Christ soit avec eux. — Telle est cette lettre admirable, dont je ne me flatte pas d'avoir fait sentir toute l'excellence. On peut dire hardiment que rien de pareil n'avait jamais été écrit par aucun homme; mais l'homme que nous venons d'entendre écrivait selon que l'Esprit de Dieu le faisait écrire. Cela seul explique la perfection de ses enseignements, jointe à tant de naturel et de simplicité. Quel changement que celui qui s'était opéré en Paul, depuis qu'il était Saul, le pharisien; et quelle œuvre magnifique de la grâce du Seigneur!


SECONDE ÉPÎTRE AUX THESSALONICIENS.

CCLXXXVI. Le retour du Seigneur, précédé par la manifestation de l'Inique; exhortation a demeurer ferme dans la foi et a mener une vie occupée.


1: 1-10
§ 1302. Cette lettre-ci, écrite peu de temps après la première et du même lieu, était devenue nécessaire aux fidèles de Thessalonique, soit à cause de la prolongation de leurs souffrances, soit parce qu'ils avaient mal compris les expressions de l'apôtre relativement au retour prochain de Jésus-Christ. Elle commence dans les mêmes termes que l'autre. Puis l’apôtre remercie Dieu et se félicite des progrès que faisaient les Thessaloniciens dans la foi et dans l'amour (§ 1290), malgré tant de persécutions, persécutions qui devaient leur être une démonstration du jugement à venir. En effet, quand on voit tout ce qu'ont à souffrir ici-bas ceux qui servent Dieu et qu'il aime comme ses enfants, on ne saurait mettre en doute qu'un jour ne vienne où il rendra la tribulation à ceux qui causent maintenant les tribulations de ses saints et où ceux-ci goûteront le parfait repos. C'est ce qui arrivera lorsque le Seigneur Jésus I reviendra du ciel dans la gloire du Père et de ses saints anges (§ 539), avec une grande puissance (§§ 171, 935), pour exercer la vengeance (§ 724) ou le jugement sur ceux qui ne connaissent point Dieu et en particulier sur ceux qui n'auront pas obéi aux sommations de l'Évangile (§ 760). Oh! l'horrible condition qui leur est réservée! Une ruine éternelle, dit le Saint-Esprit par la bouche de Paul, comme déjà le Seigneur l'avait déclaré. Une ruine éternelle! Se voir chassé pour toujours de la présence du Seigneur! être privé de toute participation à sa gloire! Mais quant aux saints, savoir ceux qui croient en lui, ils seront, en ce même jour, la couronne de leur Sauveur, et c'est alors surtout qu'on verra tout ce qu'il y a d'admirable, de merveilleux dans son amour pour les élus et dans la rédemption qu'il leur a procurée par ses souffrances.

1: 11-12
§ 1303. L'effet de ces révélations sur l'éternelle misère des rebelles et sur l'éternelle félicité des croyants, doit être de pousser nos âmes à la prière, afin que le Seigneur, nous jugeant dignes de son appel, accomplisse envers nous toute sa bienveillance, et, au dedans de nous, toute l'œuvre de la foi. C'est ainsi que nous ferons la gloire de Jésus-Christ; car en vivant d'une manière digne de notre vocation, nous honorons celui par la grâce duquel nous sommes sauvés. Par cette même grâce, nous, à notre tour, nous serons glorifiés avec Lui; c'est-à-dire que nous partagerons sa gloire, le jour où il paraîtra revêtu de magnificence.

2: 1-3
§ 1304. Mais ce jour, quand luira-t-il? Les Thessaloniciens, naturellement désireux de voir promptement s'établir le règne glorieux du Seigneur et des saints (Dan. VII, 18, 27), avaient pris dans leur sens apparent les expressions de la première lettre (§ 1287), et ils se j-3 persuadaient que ce jour était en réalité fort proche; non pas seulement le jour du départ de chaque fidèle un à un, cela va sans dire, mais le jour du rassemblement général des rachetés auprès du Seigneur. Or saint Paul les invite à ne pas se laisser troubler par une telle pensée, à n'en croire personne là-dessus, pas même sa propre lettre, si elle avait pu dire rien de pareil; car si l'on ne peut savoir précisément à quelle époque le Seigneur viendra (§ 821), il y a moyen toutefois de dire quand il ne viendra pas. De grands événements doivent auparavant s'accomplir, et tant qu'on ne les a pas vus, il est sûr que le jour du Seigneur est encore à distance.

2: 3-12
§ 1305. Lorsque l'apôtre écrivait, un de ces événements approchait rapidement, je veux dire la destruction de Jérusalem (§ 819); mais toute une œuvre et une grande œuvre devait se faire ensuite, dont la base seulement était posée, savoir la prédication de l'Évangile aux nations (§ 818). Ainsi, selon les prophéties de notre Sauveur, son retour ne pouvait encore avoir lieu et les Thessaloniciens l'avaient précédemment compris. Bien plus, pendant qu'il était avec eux, l'apôtre leur avait annoncé pour l'Église un temps d'affreuse défection, temps qui devait s'épuiser au préalable et qui n'était alors qu'au commencement de ses sombres lueurs. Avant la glorieuse révélation du Fils de Dieu, il y aura celle d'un homme qui portera jusqu'aux dernières limites le blasphème et l'impiété. Pour le présent, dit Paul, il existe un obstacle à son apparition, mais quand cet obstacle sera enlevé, alors se révélera l'homme inique, objet de la prophétie. Puis le Seigneur arrivant à son heure, détruira ce pouvoir malfaisant, qui aura toutefois exercé sur ceux qui se perdent, une puissance II horriblement merveilleuse.

§ 1306. Cette importante prophétie, dont il est facile de voir les rapports avec plusieurs oracles de l'Ancien Testament relatifs aux derniers jours, a constamment éveillé l'attention des lecteurs de la Bible, par la raison qu'elle porte à la fois sur la plus grande des calamités de l'Église et sur la plus grande de ses délivrances. La généralité des interprètes vraiment dignes de crédit, voient ici la description prophétique de l'origine, des progrès et de la chute du pouvoir papal, et l'on ne saurait contester que la plupart des traits du tableau ne s'y rapportent fidèlement. Les papes, dans leur longue suite, ne forment vraiment qu'un seul homme, animé d'un même esprit, se proposant le même but, et y tendant par les mêmes moyens. Dans leurs prétentions blasphématoires, ils se font réellement adorer, s'attribuent des prérogatives toutes divines et, se posant au sein de l'Église, qui est le temple de Dieu, comme le centre de la religion, ils éloignent les âmes du vrai Dieu, leur font commettre le plus grand des péchés, l'idolâtrie, et les entraînent à la perdition. Au temps de l'apôtre et pendant quelques siècles encore, ce qui faisait obstacle à l'avènement de ce pouvoir impie et blasphématoire, c'était la présence de l'empereur à Rome; mais lorsque le siège de l'empire fut transporté à Constantinople, on vit bientôt s'élever dans le clergé de ce qu'on appelait la ville éternelle, les arrogantes prétentions qui aboutirent à la tyrannie que les papes ont exercée et exercent encore, tyrannie appuyée sur le bras séculier, sur de faux miracles, en un mot sur la puissance de Satan; tyrannie parfaitement accueillie de ceux qui n'ont pas reçu de Dieu l'amour de la vérité pour être sauvés; tyrannie enfin qui ne se soutient que par les mensonges de ses fauteurs et par l'esprit de mensonge si universellement répandu dans le monde.

§ 1307. Sans mentionner ici les objections qu'on fait contre cette manière d'entendre la prophétie, je dirai seulement que d'autres chrétiens fort respectables, prétendent qu'elle n'a pas le moindre rapport avec la papauté, ni avec rien de ce qui a paru jusqu'ici dans le monde. En conséquence, ils s'attendent à voir se manifester un homme, un individu qui, dans le temple de Jérusalem restauré, sera le Dieu de ce monde, faisant des miracles à l'appui de son impiété. Satan devenu homme, en quelque sorte, se hâtera de perdre autant d'âmes qu'il lui sera possible; mais il n'aura qu'un règne de courte durée, après lequel il se verra détruit par la subite arrivée du Seigneur. Pour moi, fidèle au système d'interprétation que j'ai suivi jusqu'ici, je ne saurais douter que la prophétie n'ait tout au moins un premier accomplissement, partiel, dans l'existence actuelle du papisme, qui, depuis douze siècles environ, répond si bien à la description prophétique de l'apôtre. Après quoi, je ne suis point éloigné de croire que l'oracle n’est pas encore entièrement réalisé, dans ce sens que l'iniquité actuelle du papisme peut se voir dépassée, ou par l'avènement d'un pouvoir plus inique et plus blasphématoire s'il se peut, ou simplement par quelque transformation de ce pouvoir même, concentré dans la personne d'un individu horriblement impie, puissant et criminel.

§ 1308. Quoi qu’il en soit, deux conséquences importantes résultent de la prophétie: Premièrement, le retour de notre Seigneur ne saurait avoir lieu aussi longtemps que l'homme du péché, le fils de la perdition, n'a pas été complètement révélé : il faut que ce mystère II d'iniquité, dont le germe fut déposé par Satan dans l'église apostolique, au moment de sa première fleur, prenne auparavant tout son essor. En second lieu, malgré sa puissance, l'homme du péché, le fils de la perdition, quel qu'il soit, n'aura d'action que sur les âmes qui se perdent; c'est-à-dire sur le monde, sur ceux qui ne possèdent de chrétien que le nom, qui, incrédules à la vérité, se plaisent dans le mal; en sorte que si nous regardons véritablement et fidèlement à Jésus-Christ, nous sommes à l'abri de ses atteintes; pour mieux dire, s'il nous touche, il ne peut nous perdre; car, après tout, il ne saurait être plus puissant que Satan lui-même (§ 625).

2: 13-17
§ 1309. C'est sous l'impression de cette pensée consolante que l'apôtre retourne à ses chers frères de Thessalonique. Il les sait bien-aimés du Seigneur, élus de Dieu dès le commencement, sauvés en Jésus-Christ, sanctifiés par l'Esprit, pleins de foi en la vérité, parce qu'ils ont obéi à l'appel de grâce que leur avait adressé l'Évangile; c'est pourquoi, il ne saurait assez bénir Dieu à leur sujet, ni leur recommander autre chose si ce n'est de demeurer fermes et de retenir ses enseignements, soit oraux, soit écrits. Or, c'est du fond de mon âme que j'adresse à mes lecteurs la même exhortation. Plus les siècles s'écoulent et les événements s'entassent, plus aussi nous approchons des grandes crises qui doivent précéder le retour du Seigneur. L'impiété revêt chaque jour davantage les apparences d'une religion, et, jusque dans l'Église, que d'erreurs pleines de subtilités, répandues même par des hommes pieux! Au milieu de tout cela, que ferons-nous, vous et moi, mes chers lecteurs, si ce n'est de demeurer fermement attachés aux enseignements de Jésus-Christ, et de les retenir tels que nous les avons reçus jusqu'ici, parce que nous en avons reconnu la vérité, éprouvé la vertu sanctifiante, goûté les douces joies? Mais encore faut-il que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même et notre Dieu et Père, de l'amour et de la grâce duquel procèdent toute solide consolation et toute bonne espérance, console nos cœurs affligés de la perspective de tant de maux et nous affermisse de telle sorte que nos paroles et nos œuvres soient dignes de lui. Adressez-lui donc vos prières à cet effet, comme Paul vous y invite par les vœux qu'il formait en faveur de ses chers Thessaloniciens.

3: 1-2
§ 1310. Dans sa première épître, Paul s'était déjà recommandé, d'une manière générale, aux prières de ses frères (§ 1302); ici, nous le voyons exprimer sur quel point il désirait qu'ils insistassent. Demandez, leur dit-il, que la parole dont je suis l'interprète s'avance rapidement en tous lieux; demandez, pour cela, que je sois délivré de la malice des hommes, car même parmi ceux qui professent la foi, tous n'ont pas la foi. Comme dans sa première épître encore, il déclare que Dieu étant fidèle, il les affermira et les gardera contre les atteintes de Satan. C'est là ce qui le remplissait de confiance dans le résultat de ses exhortations. Il savait bien que ses disciples de Thessalonique ne possédaient, non plus que nous, aucune force propre; mais il avait confiance en eux dans le Seigneur. C'est donc à lui qu'il s'adresse de nouveau, lui demandant de diriger leurs cœurs vers l'amour de Dieu et vers l'attente patiente du Christ. Que ces prières apostoliques sont belles dans leur simplicité! Nulle part on ne voit mieux l'action du Saint-Esprit. Disons donc, selon ce vœu sublime de l'apôtre: «O mon Dieu, dirige toutes les émotions et tous les désirs de mon cœur vers le grand amour dont tu m'as aimé et vers le prochain retour de mon puissant Rédempteur! Donne-moi de l'attendre avec patience et dans l'entière possession de ta grâce, amen!»

2: 6-12
§ 1311. Il y a tout lieu de croire d'après la lettre même (II, 2), que l'idée qu'on s'était faite à Thessalonique sur la très-prochaine venue de Jésus-Christ avait jeté une certaine perturbation dans l'église; que, le cœur plein de cette grande perspective, on avait abandonné les affaires de la vie, comme s'il ne valait plus la peine de s'en occuper, et qu'ainsi les choses ne marchaient pas dans le bon ordre (§ 1285). C'est pourquoi Paul revient avec une grande force sur les exhortations de sa première lettre. Rappelant encore l'exemple qu'il avait donné, bien qu'il eût été dans le droit de se borner au seul travail de la prédication, il ajoute que celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger non plus. Aussi longtemps donc que nos corps auront besoin d'aliments, fussions-nous à deux jours de la venue de Jésus-Christ, nous devrons vaquer à nos occupations terrestres, non pas sans doute afin de nous amasser des biens périssables, mais afin de n'être à charge à personne et de demeurer dans la paix et la tranquillité d'une vie saintement laborieuse.

2: 13-15
§ 1312. En général, loin que la pensée du prochain retour de Jésus, comme qu'on l'entende, doive diminuer notre activité dans ce qui est bon, elle doit nous encourager à en déployer une toujours plus grande. L'apôtre exige que si quelqu'un refusait de se ranger à ses avertissements, on le signalât aux frères et qu'on s'en tînt éloigné, afin de lui faire sentir ses torts. Non qu'il fallût rompre avec lui toutes relations, encore moins le traiter en ennemi; au contraire, il fallait l'avertir comme un frère et demeurer ainsi dans la paix. La paix! grâce excellente qui ne peut venir que du Dieu de la paix (§§ 862, II, 1009). Oh! que le Seigneur daigne nous donner la paix continuellement en toute manière; la paix au dehors, la paix au dedans, sans aucun intervalle de divisions et de troubles! Que, pour cet effet, son Esprit demeure sans cesse avec nous!

2: 17
§ 1313. Paul, on le voit par cet endroit, écrivait difficilement, à cause de ses fatigues sans doute, et il avait dicté sa lettre. Mais, pour donner aux Thessaloniciens un de ces témoignages d'affection qui, bien que faibles en apparence, sont toutefois d'un haut prix, il prend la plume, écrit son nom avec une salutation, et de quel cœur, rempli d'amour et de foi par le Saint-Esprit, ne dut-il pas tracer cette ligne: «Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen!»


ACTES DES APÔTRES (suite)

CCLXXXVII. Quatrième voyage de Paul à Jérusalem depuis sa conversion; son retour à Antioche. Troisième voyage missionnaire en Phrygie et en Galatie; long séjour à Éphèse; départ pour la Macédoine.


18: 19-23
§ 1314. Paul étant parti de Corinthe avec Aquilas et Priscille (§ 1263), se rendit à Éphèse, grande ville près de la côte occidentale de l'Asie-Mineure, où les attirait sans doute leur industrie. Dès son arrivée, l'apôtre entra dans la congrégation des Juifs, et les ayant entretenus des choses de Dieu, selon sa coutume, ils le sollicitèrent de leur accorder quelque temps; mais il lui importait d'être à Jérusalem pour la fête qui s'approchait, en sorte qu'il prit congé d'eux, leur promettant de revenir si Dieu le voulait. Laissant donc derrière lui Aquilas et Priscille, et toujours accompagné de Silas et de Timothée, bien que le texte ne le dise pas, il cingla droit sur Césarée, sans se détourner vers Antioche, et de Césarée il monta à Jérusalem. Son séjour n'y fut pas long, car il nous est dit simplement qu'il y salua l'assemblée ou autrement l'église; puis il descendit à Antioche, son point de départ (§ 1231). Plusieurs années s'étaient écoulées depuis qu'il n'avait vu les frères d'une localité qui devait lui être chère à tant de titres, aussi voyons-nous qu'il y demeura quelque temps. Ce fut alors qu'apprenant peut-être les ravages dont l'erreur judaïsante menaçait les églises de Galatie, il se mit en route pour son troisième voyage missionnaire, commençant par cette même Galatie et par la Phrygie, afin d'affermir les frères.

18: 24-28
§ 1315. À cette époque, arriva à Éphèse un Juif d'Alexandrie, nommé Apollos, homme éloquent et très versé dans les Écritures. Disciple de Jean-Baptiste, il n'avait pas encore été mis en rapport avec les apôtres du Seigneur. Il connaissait toutefois les principes fondamentaux de l'Évangile et, plein de zèle, il les prêchait avec une grande force, mais en ne s'adressant qu'aux Juifs. Quand Aquilas et Priscille, demeurés à Éphèse, l'eurent entendu, ils le prirent chez eux avec leur générosité ordinaire, et ces deux simples fidèles devinrent le moyen dont Dieu se servit pour achever d'éclairer le savant Apollos; car les docteurs ont souvent beaucoup à profiter avec les simples et les petits. Puis Apollos ayant résolu de passer en Achaïe, dont Aquilas lui racontait tant de choses, on lui remit des lettres de recommandation pour les frères de Corinthe, et il fut très utile à ceux qui avaient cru, en même temps qu'il réfutait vigoureusement les objections des Juifs, s'attachant à leur démontrer que Jésus était le Christ.

19: 1-7
§ 1316. Pendant qu'Apollos séjournait à Corinthe, Paul, revenant de Galatie et de Phrygie, se vit ainsi rapproché d'Éphèse, et il arriva dans cette ville, où les voies lui avaient été si bien frayées, soit par Aquilas, soit par le docteur alexandrin. Ayant réuni les disciples, il leur demanda s'ils avaient reçu l'Esprit saint lorsqu'ils avaient cru; par où il faut entendre les dons miraculeux, car on ne saurait croire en Jésus sans avoir été rendu participant de son Esprit. Tel étant le sens de la question, l'on comprend celui de la réponse qui lui fut faite par douze d'entre eux, bien qu'il soit permis de s'étonner que ces hommes pussent ignorer des faits devenus si publics; mais enfin, la chose était ainsi. Baptisés du baptême de Jean, si ce n'est par lui, du moins par Apollos ou par quelque autre de ses disciples, ils avaient peut-être évité toute relation avec ceux qui auraient pu achever l'œuvre commencée. Mais quand ils eurent entendu Paul, ils furent baptisés au nom du Seigneur; après quoi, Paul leur ayant imposé les mains, le Saint-Esprit vint sur eux, et, dans cette nouvelle Pentecôte, ils se mirent à parler des langues et à prophétiser.

19: 8-9
§ 1317. La ville d'Éphèse, où ces choses venaient de se passer, était un des grands centres de l'idolâtrie régnante. Là se trouvait le célèbre temple de Diane, nom sous lequel on adorait la lune. Les superstitions païennes exerçaient un tel empire dans cette importante cité, que Paul ne put d'abord avoir accès qu'auprès de ses coreligionnaires, car il ne paraît pas qu'il y eût ici, comme ailleurs, beaucoup de Grecs craignant Dieu. Pendant trois mois, il ne cessa d'annoncer le royaume des Cieux à ses frères selon la chair, mais il trouva chez quelques-uns une vive opposition contre sa doctrine. Devant la multitude assemblée dans la synagogue, ils décriaient «le chemin» par lequel Paul voulait les faire marcher (§ 1161); car, dans le royaume de Dieu, il s'agit non de théorie, mais de pratique. Les choses en vinrent à un tel point que Paul dut se retirer d'avec eux et il sépara les disciples, les réunissant chaque jour dans l'école d'un certain Tyrannus, où il leur exposait toute la doctrine du salut: ce fut comme à Corinthe (§ 1261). Le séparatisme, ou l'esprit de séparation, est certainement un grand mal, car l'Esprit de Christ est plutôt un esprit de support, d'union et de rapprochement; nous voyons toutefois par cet exemple qu'il est des cas où la séparation devient une nécessité, un devoir. C'est avec les frères que l'Esprit du Seigneur nous unit et non avec des adversaires déclarés. Sortir d'une église vraiment digne de ce nom pour en former une autre, c'est du séparatisme; mais former une église là où il n'en existait proprement point, appeler les disciples à sortir d'un établissement qui se nomme Église, bien que Jésus-Christ y soit ouvertement renié et ses disciples les plus fidèles odieusement outragés, ce n'est pas céder à un esprit charnel de séparatisme; c'est faire ce que fit Paul, sous la conduite de l'Esprit de Dieu, c'est réédifier les murs de Jérusalem (II, § 1353).

19: 10-17
§ 1318. Cette résolution dut coûter à Paul; mais, prise en vue du Seigneur, elle fut admirablement bénie. Deux années durant, Paul prêcha dans le local appartenant à Tyrannus, et beaucoup de gens vinrent l'y entendre, qui auraient fui la synagogue; en sorte que la parole du Seigneur Jésus se répandit dans toute la province dont Éphèse était le chef-lieu et qui recevait quelquefois le nom spécial d'Asie. La puissance du Seigneur se déployait d'ailleurs d'une manière extraordinaire par les mains de Paul; non par ses mains seulement, et l'on pourrait croire que Jésus avait eu en vue de tels miracles, lorsqu'il avait prédit que ceux qui croiraient en lui feraient des œuvres plus grandes que les siennes (§ 857). Or, il y avait à ce moment dans la contrée sept Juifs, fils de Scéva, de la famille d'Aaron, qui allaient çà et là, faisant le métier d'exorcistes. En voyant l'empire que Paul exerçait au nom de Jésus sur les malins esprits, ils imaginèrent d'appeler ce nom à leur secours, dans l'intérêt de leur bourse ou de leur réputation; comme on voit quelquefois certains prédicateurs se mettre à prêcher l'Évangile par des motifs de lucre ou d'influence mondaine. Mais le Seigneur ne souffre pas toujours impunément qu'on trafique de son nom et de sa puissance. Pour confondre l'imposture, il voulut que l'esprit malin démasquât lui-même les imposteurs, et le démoniaque, devenu furieux, se jeta sur ces impudents guérisseurs et les maltraita cruellement (§§ 257-259). Cet événement produisit une très forte impression sur les habitants d'Éphèse. Comme au temps d'Élie (II, § 774), le Seigneur venait de prononcer entre les prêtres de Bahal et son propre ministre; aussi le nom de Jésus était-il de plus en plus vénéré, car non seulement il opérait des prodiges supérieurs à ceux que Satan faisait quelquefois par le moyen de ses serviteurs, soit païens, soit Juifs, mais encore l'Esprit des ténèbres venait de s'avouer vaincu.

19: 18-19
§ 1319. L'empire que Satan exerçait alors dans les pays aveuglés par l'idolâtrie, dépasse tout ce que nous saurions imaginer. Le nombre des hommes et des femmes qui, sous le nom de devins et de devineresses, se livraient à ce que l'historien appelle des pratiques curieuses, était fort considérable, et il n'y en avait nulle part plus qu'à Éphèse, Diane étant la déesse des enchantements et des sortilèges. Ce n'étaient pas tous des gens qui, le sachant et le voulant, en imposassent à une multitude ignorante et superstitieuse, et le résultat de leur art diabolique n'était pas toujours de simples illusions. La plupart d'entre eux étaient aussi bien trompés que trompeurs. Agents aveugles, et coupables néanmoins, du Prince de ce monde, ils se faisaient les instruments d'une puissance fort réelle, bien que profondément mystérieuse; en sorte que leurs prodiges étaient souvent de vrais prodiges, encore que ce ne fussent pas des œuvres de Dieu (Matth. XXIV, 24). Il s'en fallait tellement, que c'était là surtout ce qui perpétuait le crédit des idoles et l'immoralité publique. On conçoit sans peine combien de tels hommes se trouvaient, par leur métier même, éloignés du royaume des cieux; aussi, la conversion de quelques-uns d'entre eux doit-elle être mise au rang des plus grands miracles de la grâce du Seigneur. C'est ce qui eut lieu pour plusieurs à Éphèse, et le changement de leur cœur fut si réel, qu'on les vit brûler, devant tout le peuple, les livres qui contenaient les règles et les secrets de leur art. Ces livres, manuscrits rares et chers comme tous les livres à cette époque, l'étaient surtout par l'intérêt que leurs détenteurs avaient à ne pas les multiplier. La valeur totale de ces abominables écrits fut de cinquante mille pièces d'argent, équivalant à une quarantaine de mille francs. Si ceux qui les possédaient avaient voulu les vendre, ils auraient certainement trouvé de nombreux acheteurs; ce sacrifice montre donc leur parfaite sincérité.

§ 1320. Il est triste de devoir ajouter que des superstitions semblables subsistent de nos jours, non pas seulement en pays idolâtres, mais encore dans ceux qui se nomment chrétiens. Il y a partout des gens qui font le métier de dire la bonne fortune, de deviner ce qu'on a intérêt à savoir, de guérir les maladies au moyen de pratiques secrètes, enseignées par certains livres ou transmises de père en fils; et quand on considère l'impiété, la vie immorale de ceux qui exercent de tels arts, quand on réfléchit que tout cela ne sert qu'à leur procurer des ressources pour satisfaire leurs vices et à maintenir l'ignorance et la superstition des peuples, on demeure convaincu que s'ils réussissent quelquefois dans leurs pratiques occultes, ce ne peut être par la puissance du Seigneur et qu'ils sont, ainsi que leurs dupes, les victimes de l'influence abominable de Satan. Ce qui le prouve de reste, c'est, d'un côté, combien il est rare que ces gens consentent à écouter l'Évangile, et d'un autre côté, l'abandon qu'ils font de leur magie, aussitôt qu'ils viennent à se convertir. En général, de toutes les maladies de l'esprit humain, il n'en est pas de plus difficile à guérir; mais, partout où brille le glorieux évangile de Jésus-Christ, on voit ces superstitions perdre chaque jour du terrain.

19: 20-22
§ 1321. Deux ans au moins devaient s'être écoulés depuis que Paul était arrivé à Éphèse; la Parole de Dieu croissait et se fortifiait puissamment, tant en cette ville que dans la contrée, lorsque l'apôtre, toujours éclairé et conduit par l'Esprit, forma le projet de retourner à Jérusalem, mais non sans avoir revu auparavant la Macédoine et l'Achaïe; puis, il se sentait un vif désir ou plutôt une vocation céleste, à se diriger après cela vers Rome. Vous vous rappelez qu'écrivant de Corinthe aux Thessaloniciens, il leur avait dit combien il souhaitait de les revoir. Or, bien qu'il n'eût pas encore pu effectuer son dessein, il ne l'avait pas abandonné. De Macédoine, il était naturel qu'il songeât à pousser jusqu'à Corinthe, où de graves circonstances le rappelaient, comme nous le verrons. Quanta Rome, capitale de l'empire, l'évangile y étant parvenu indirectement, il importait qu'un apôtre de Jésus-Christ s'y montrât enfin, et cette charge appartenait tout naturellement à celui qui avait une mission spéciale auprès des nations (§ 1164). Avant de partir cependant, Paul envoya devant lui deux de ses aides dans le ministère: Timothée et Éraste; Timothée qui, nous le voyons par ceci, n'avait pas quitté Paul depuis longtemps; Éraste, Corinthien, à ce qu'on pense, qui avait suivi Paul, ou l'avait rejoint plus tard. Ces deux disciples partis, Paul attendit leur retour, du moins celui de Timothée, continuant son œuvre en Asie, jusqu'à ce que, les progrès même de cette œuvre ayant produit un terrible mouvement à Éphèse, il reprit enfin le cours de ses voyages. Voici comment la chose se passa.

19: 23-41
§ 1322. Un orfèvre, nommé Démétrius, fabriquait, en argent, des modèles du temple de Diane et employait à cette industrie lucrative un grand nombre d'ouvriers. Encore que la prédication de l'Évangile en Asie eût rencontré bien des cœurs attentifs, il n'est pas probable que les gains de Démétrius eussent pu déjà diminuer d'une manière sensible; mais l'avarice est soucieuse. Démétrius sentait bien, après tout, qu'il ne devait sa fortune qu'à la superstition de ses coreligionnaires; il reconnaissait en sa conscience la supériorité de la doctrine de Paul sur les absurdités de leur mythologie; il crut voir le moment où tout le monde se convertirait, et, dès cet instant même, il s'envisagea comme ruiné. C'est ce qui se reproduit de nos jours à l'occasion d'un réveil religieux. Ceux qui ne vivent que du péché et de la folie d'autrui, trouvant, au fond, qu'on ferait mieux de se convertir que de perdre sa santé, sa fortune et son âme dans les plaisirs et les vanités du monde, s'imaginent que tous vont devenir sérieux, tempérants, modestes, retirés, laborieux, et leur industrie leur paraît XIX déjà détruite; aussi ne manque-t-on pas de les voir toujours au premier rang des persécuteurs.

§ 1323. C'est ce que fit Démétrius. Il attroupa ses ouvriers et, avec eux, tous ceux qui avaient un travail analogue; car Éphèse, lieu célèbre de pèlerinage païen, ressemblait sous ce rapport aux lieux de pèlerinages papistes. Il y existe une foule d'industries par lesquelles on exploite la crédulité des dévots; ce sont, outre les images du Saint qu'on y adore, des chapelets, des amulettes, des reliques, des cierges et mille autres choses pareilles. Il est clair que la prédication de l'Évangile est fatale à ce genre de trafic; aussi nul ne s'oppose à la foi plus que ceux qui s'y livrent. Démétrius n'eut pas de peine à influencer son monde. Nous sommes perdus, leur dit-il! Mais comme il fallait donner à ses craintes une couleur moins égoïste: Non-seulement cela, ajouta-t-il, si on laisse faire ce Paul, on verra tomber en mépris, et le temple de Diane et la grande déesse elle-même. Démétrius disait vrai, et le peuple entier comprit le danger qui menaçait ses antiques croyances. Ils se mirent donc à pousser une de ces clameurs qui, d'un instant, savent ameuter toute la population d'une grande ville. La foule s'emparant des premiers qu'elle rencontra, et c’étaient deux Macédoniens, Caïus et Aristarque, compagnons de Paul, les conduisit au théâtre, vaste cirque où se tenaient les jeux scèniques et les assemblées populaires. Paul, informé de ce qui se passait, et toujours courageux, voulait se rendre sur les lieux afin de parler à ces gens; mais les disciples ne le lui permirent pas, et même quelques-uns des Asiarques, magistrats qui avaient la police du théâtre et qui portaient intérêt à Paul, l'exhortèrent à ne pas se risquer au milieu de cette multitude passionnée. Plusieurs, entraînés par le torrent, ignoraient encore de quoi il était question, et la présence de Paul, loin de calmer, aurait irrité probablement toujours plus. C'est ce qu'on put voir lorsqu'un Juif, nommé Alexandre, eut fait signe qu'il voulait parler. Les cris recommencèrent avec une nouvelle fureur, et il fallut, pour calmer cette émeute, toute l'habileté du secrétaire de la ville, homme influent et populaire sans doute.

20: 1
§ 1324. Cependant, Paul vit dans cet événement le signal du départ. Il y avait alors près de trois ans qu'il était arrivé à Éphèse; son œuvre y était achevée et même beaucoup plus qu'on ne peut le conclure du livre des Actes. Le moment était donc venu de reprendre le projet qu'il avait formé précédemment (§ 1321). Quelques personnes pensent, comme je le dirai à l'occasion de la première épître à Timothée, que, durant les derniers mois de son séjour et avant l'affaire de Démétrius, Paul avait fait une courte excursion en Macédoine; mais c’est à cette heure seulement qu'il va contenter le désir qu'il entretenait de revoir un peu longuement ses chers amis et disciples de Philippes, d'Amphipolis, d'Apollonie, de Thessalonique, de Bérée, puis ceux de Corinthe. Il ne quitta pas Éphèse sans avoir convoqué les frères et les avoir salués; or nous savons, par les épîtres aux Thessaloniciens, ce qu'étaient les saintes salutations de l'apôtre. — Avant de le suivre dans ce nouveau voyage, nous devons étudier son épître aux Galates. Il l'écrivit, selon toute apparence, pendant qu'il était à Éphèse, ainsi que trois autres lettres d'une égale valeur.


ÉPÎTRE AUX GALATES.

CCLXXXVIII. Données historiques. Sujet de l'Épître.


§ 1325. Les récits précédents nous ont fait connaître deux excursions de Paul dans la Galatie, l'une à l'époque de son second voyage missionnaire (§ 1234), l'autre avant son long séjour à Éphèse (§1314). La seconde excursion en Galatie eut pour point de départ Antioche, où Paul se reposait des fatigues de sa dernière mission. C'est à Antioche qu'avait été soulevée plusieurs années auparavant la grande question de liberté chrétienne sujet de cette lettre-ci, d'Antioche qu'était partie la députation qui provoqua la conférence de Jérusalem (§ 1223), et les fidèles d'Antioche, plus en rapport avec les Gentils que ceux de Jérusalem (§1185), furent constamment les plus chauds défenseurs des droits que les païens convertis avaient à la grâce de Jésus-Christ, sans être obligés de passer auparavant par le Judaïsme. On comprend d'après cela qu'ils devaient être attentifs plus que personne aux tentatives qu'on pouvait faire contre cette liberté et que les églises de Galatie ne purent être menacées sans qu'ils en fussent promptement informés. De là vint la résolution que prit Paul de commencer par elles son troisième voyage missionnaire. Or, ce fut, pense-t-on généralement, après les avoir visitées et durant son séjour à Éphèse, que l'apôtre leur écrivit, soit parce qu'il apprit que le mal, un moment arrêté par sa présence, reprenait un nouveau cours (Ch. IV; vers, 18), soit parce que le Saint-Esprit a voulu qu'il nous restât quelque chose de cette importante discussion. On voit en effet par plusieurs endroits de l'épître, notamment par les versets 13 et 16 du chapitre IV, qu'au moment où Paul traçait ces lignes, il avait été deux fois en Galatie, la première fois pour y annoncer la bonne nouvelle (vers. 13), la seconde fois pour ramener les églises dans le chemin de la vérité (vers. 16). On y voit aussi (Ch. I, vers. 9) qu'il ne fait que répéter ici par écrit, ce qu'il avait dit de bouche peu auparavant, et par conséquent dans le voyage entrepris exprès pour traiter ce sujet avec eux.

1: 2
§ 1326. L'épître aux Galates abonde en renseignements historiques. Elle nous apprend d'abord qu'il existait plusieurs églises dans la Galatie. D'où il suit que les prédications de Paul y avaient eu, par la grâce de Dieu, des succès d'autant plus remarquables, qu'on ne rencontrait pas, parmi ces descendants des barbares Gaulois (§ 18), beaucoup de Juifs et de synagogues par qui ils eussent pu être préparés à recevoir le Messie. De ce fait, je crois pouvoir conclure, en général, qu'il se forma par le ministère des apôtres, beaucoup plus d'églises que celles qui sont spécialement nommées dans les Actes et dans les Épîtres. Ce n'a point été la pensée du Saint-Esprit de nous donner une histoire complète de son œuvre et comme une statistique des églises primitives: il a voulu seulement nous faire savoir ce que I fut cette œuvre, ou comment elle se fit, afin qu'on la continuât de la même manière dans tous les siècles, autant que les circonstances le permettraient.

§ 1327. Voici, en second lieu, un détail historique qui montre que, là même où le saint auteur du livre des Actes a été le plus circonstancié, il n'est pas entré dans son plan de n'omettre aucun événement. Paul parle d'un voyage en Arabie dont Luc ne fait point mention (§1167). On en peut inférer que ce voyage fut très court. Dans tous les cas, ce fut bien de Damas que, à son retour d'Arabie, Paul revit Jérusalem pour la première fois depuis sa conversion. C'est de ce grand événement qu'il date tous les faits importants de sa vie, et le retour à Jérusalem eut lieu trois ans après. Le livre des Actes nous dit d'une manière générale, que Barnabas le rapprocha des apôtres, et Paul lui-même nous apprend ici qu'il ne vit que Pierre et Jaques, le frère du Seigneur (§ 1193). Il ajoute qu'il ne passa que quinze jours à Jérusalem, lors de ce premier voyage, et Luc nous explique ce prompt départ en nous disant que sa vie y avait été en danger (Act. IX, 29). Paul, conduit par les frères à Césarée, partit de là pour Tarse, sa ville natale (Act. IX, 30), et il nous raconte ici que, depuis Jérusalem, il alla dans les régions de la Syrie 22 et de la Cilicie, inconnu de visage aux fidèles de la portion du pays qu'il traversa. Tout ceci nous apprend indirectement que Paul se transporta de Césarée à Tarse, non par mer, mais par terre, et qu'ainsi il dut traverser Antioche, circonstance qui n'est pas sans intérêt, si elle n'est pas d'une grande importance. Ce fut en effet d'Antioche qu'un peu plus tard, Barnabas alla chercher Saul à Tarse (§1187).

§ 1328. Tout ceci est en parfait accord avec le livre des Actes, bien qu'avec des différences qui montrent que ni l'auteur des Actes n'a copié l'auteur de l'Épître, ni l'auteur de l'Épître n'a copié le livre des Actes. Voici une autre donnée historique moins facile à concilier avec ce qui est raconté par Luc. Jusqu'au moment où nous sommes parvenus, l'histoire de Paul mentionne quatre voyages à Jérusalem trois ans après sa conversion, celui que nous venons de rappeler; puis, avec Barnabas, pour porter la collecte d'Antioche, environ deux ans après (§ 1188); ensuite un troisième voyage, quatre ou cinq ans après le précédent, pour ce qu'on appelle le Concile (§ 1223); le quatrième enfin, quatre ans plus tard, à son retour de Corinthe (§ 1314). La question est de savoir auquel de ces quatre voyages Paul fait allusion dans son épître. À première vue, il semble qu'il s'agisse plutôt du troisième, de ce voyage qu'il fit avec Barnabas, comme il est dit ici, et dont l'objet fut le même que celui de l'Épître, la question de la liberté chrétienne. Mais il est impossible de compter quatorze ans depuis la conversion de Paul jusqu'à ce voyage. Aussi les auteurs qui adoptent cette opinion font-ils remarquer que, au lieu de lire «quatorze ans après,» il n’est pas impossible de traduire: «il y a quatorze ans.» Pour compléter l'accommodement des faits, ils pensent que Paul écrivit aux Galates vers la fin de son ministère, savoir donc quatorze ans après son troisième voyage à Jérusalem. Mais dans son troisième voyage, Paul se rendit à Jérusalem chargé d'une mission de la part de l'église d'Antioche; tandis que, dans celui qu'il mentionne ici, ce fut en suite d'une révélation. C'est pourquoi, je me persuade plutôt que nous avons ici le voyage dont le livre des Actes ne fait que prendre note, sans même nommer Jérusalem (Act. XVIII, 22), et qui tombe effectivement dans la quatorzième année depuis la conversion de Paul. L'Épître, complétant les Actes, nous apprendrait ainsi que Paul, de retour à Antioche après sa longue demeure en Macédoine et en Achaïe, y retrouva Barnabas, revenu sans doute depuis longtemps de l'île de Chypre (§ 1231), et que, cette fois encore, il l'eut pour compagnon de voyage à Jérusalem.

2: 1
§ 1329. Avec eux se trouvait aussi dans ce moment, un jeune Grec, nommé Tite, dont le livre des Actes ne fait aucune mention. Nous ne savons ni d'où il était originaire, ni quand il fut converti, ni à quelle époque il devint un des compagnons d'œuvre de Paul. Plus tard, il reçut de l'apôtre une mission qui atteste la grande confiance qu'il lui inspirait. Tite était un autre Timothée, avec cette différence que, par sa mère comme par son père, il était païen de naissance. Paul nous apprend qu'il ne voulut point le faire circoncire, par la raison même que certains Juifs l'exigeaient impérieusement.

2: 11-16
§ 1330. Quelques lignes plus bas, il rapporte un débat qui eut lieu entre Pierre et lui, débat dont le livre des Actes ne parle aucunement. Il est difficile, mais peu nécessaire, d'en déterminer la date. Peut-être était-ce un fait récent lorsque Paul écrivait sa lettre, car il n'y avait pas si longtemps qu'il était encore à Antioche.

4: 13; 6: 11
§ 1331. Parmi les données historiques que renferme l'Épître aux Galates, il en est peu qui offrent plus d'intérêt que celle à laquelle nous arrivons. Nous avons vu dans le livre des Actes (XVI, 6), que Paul et Silas, ayant traversé la Phrygie et la Galatie, auraient voulu pousser plus loin, mais qu'ils en furent empêchés par le Saint-Esprit; ici, nous apprenons qu'ils ne se seraient peut-être pas même arrêtés un jour en Galatie, si Paul n'y avait été retenu par une grave indisposition; car c'est ainsi qu'on doit traduire ce texte: «Vous savez qu'à cause d'une infirmité de la chair je vous annonçai ci-devant la bonne nouvelle.» Or, au témoignage de l'apôtre lui-même, cette infirmité était à la fois pénible et repoussante. Il l'appelle une tentation en sa chair, comme pour dire, ou que la douleur aurait pu facilement le pousser au murmure, ou bien que l'aspect de sa maladie aurait pu éloigner de lui ceux auxquels Dieu l'envoyait prêcher l'évangile. Quelques-uns pensent que cette maladie avait son siège dans l'organe de la vue. Ils s'expliquent ainsi ce qui est dit deux lignes ensuite, et ils y voient la raison pour laquelle Paul, voulant écrire aux Galates de sa propre main, n'avait pu le faire qu'en grosses lettres, ce qui est la vraie traduction. Quoi qu'il en soit, c'était donc avec un corps malade que Paul travaillait avec tant d'activité à l'avancement du règne de Dieu; c'est accablé de douloureuses infirmités qu'il avait quitté la Galatie pour passer à Troas et de là en Macédoine; c'est sur une chair souffrante qu'avaient frappé les verges de Philippes, et nous ne pouvons qu'en admirer d'autant plus la force d'âme que la foi sut donner à ce grand serviteur de Dieu. L'activité d'un homme qui travaillait nuit et jour pour sa subsistance et qui, au milieu de cela, n'oubliait pas son œuvre principale, serait merveilleuse, même s'il eût joui d'une bonne santé; mais non, c'est en souffrant qu'il travaillait et qu'il prêchait, et à ces souffrances, que les grands devoirs de sa charge rendaient plus dures, venaient s'ajouter les persécutions violentes dont son corps portait les honorables cicatrices!

§ 1332. Après ces observations préliminaires, d'un caractère tout historique, entrons dans l'étude de l'Épître au point de vue du dogme, et disons d'abord quel en est le sujet. Un simple coup d'œil montre que c'est la question même qui, débattue entre certains Juifs et tout le reste de l'Église, soit d'origine juive, soit d'origine païenne, avait été discutée et résolue au concile de Jérusalem. Les églises de Galatie, sorties du milieu des nations, n'auraient jamais eu l'idée de la soulever, si quelques Israëlites, chrétiens ou non, n'étaient venus leur persuader qu'à moins d'être circoncis selon la loi de Moïse, ils ne pouvaient être sauvés par Jésus-Christ. En apprenant cela, Paul, animé d'un zèle ardent pour la saine doctrine et plein d'amour pour ses chers disciples de Galatie, s'était rendu chez eux; puis, non content de leur avoir recommandé de bouche la cause de la vérité, il leur écrit avec une sainte véhémence, pour assurer le succès de ses prédications; le Saint-Esprit ayant pourvu de la sorte aux besoins de l'Église de Jésus-Christ, dans tous les siècles.

§ 1333. Il peut sembler au premier abord que cette Épître doive être d'un faible intérêt pour nous, vu que nul homme au monde ne pense maintenant qu'il faille s'affilier au peuple Juif, avant de pouvoir être sauvé par Jésus-Christ. Mais le fond de l'erreur subsiste, et l'idée juive, sous diverses formes, a plus d'adhérents qu'on ne pense. Le cœur de l'homme est si éloigné de Dieu, que c'est toujours en se défendant qu'il se range à la saine doctrine, et quand on croit qu'il s'y est enfin soumis, bientôt il trouve le moyen d'y échapper en la dénaturant par quelque invention de son orgueil. Parmi ceux qui, après avoir longtemps méconnu le besoin qu'ils ont d'être sauvés, finissent par s'avouer coupables devant Dieu, il en est beaucoup qui refusent d'aller à Jésus pour avoir la vie, se persuadant que leur repentance et leurs bonnes œuvres rachèteront leurs péchés, ou se confiant en l'idée vague de la miséricorde divine; d'autres permettent qu'on leur parle du salut qui est en Christ, mais ils pensent devoir et pouvoir commencer par s'en rendre dignes; d'autres enfin, renonçant, comme il le faut bien, à tout mérite personnel antérieurement à la conversion, estiment toutefois que si Christ a expié les péchés de ceux qui croient, c'est à condition qu'ils fassent maintenant de bonnes œuvres, et ils l'entendent en ce sens, que les bonnes œuvres achèvent, complètent l'œuvre de la rédemption commencée par Jésus-Christ. Ces œuvres, suivant les uns, ce sont des pénitences, des pèlerinages, des macérations; selon d'autres, des aumônes, des prières, de bonnes lectures; selon quelques-uns enfin, un travail intérieur de soi-même sur soi-même, au moyen duquel on s'applique les mérites de Jésus-Christ. Toutes ces erreurs se touchent et se lient; car elles reviennent toujours à nier la perfection de l'œuvre de notre Sauveur et à faire de l'homme l'agent de son propre salut: c'est ce que je viens d'appeler l'idée juive, et voilà ce que le Saint-Esprit combat dans l'Épître aux Galates par la plume de Paul. Mes lecteurs comprendront en conséquence, et que cette épître ait été écrite, et que Dieu nous l'ait conservée. Je ne doute pas qu'ils n'en fassent l'étude avec une sérieuse attention. Plus d'une âme y a trouvé la paix, et puisse-t-il leur en arriver de même! Ils vont entendre Paul parlant d'un ton auquel ses précédentes lettres ne nous ont pas habitués. Ils retrouveront néanmoins dans celle-ci la même tendresse et la même vivacité d'affections: ce qu'ils y retrouveront surtout, c'est la bonne parole du salut et les promesses de l'amour de Dieu.


CCLXXXIX. La bonne nouvelle. L'apostolat de Paul. Argumentation.


1: 1-15
§ 1334. Le nom de Paul figure en tête de cette lettre, mais avec mention expresse de la mission spéciale qu'il avait reçue directement du Seigneur, lors de sa conversion. C'est ainsi que, dès l'entrée, l'apôtre se pose comme une autorité qui doit être écoutée et crue. Cependant, ce qu'il va dire, c'est au nom de tous ses frères qu'il le dira; car Aquilas, Timothée, Tite, Caïus, Aristarque, Éraste, ses compagnons d'œuvre à cette époque, et tous les fidèles d'Éphèse, n'avaient pas une autre doctrine que la sienne, nouvelle raison pour que ceux auxquels il écrivait fussent attentifs à sa parole. Bien que l'Église ne soit pas l'organe infaillible de la vérité, office qui appartient exclusivement aux Saintes Écritures, le témoignage de l'Église ne laisse pas d'être une grande confirmation de la foi, lors du moins que c'est vraiment l'Église ou l'assemblée des croyants qui rend ce témoignage, et non pas quelques prêtres s'arrogeant à eux seuls le nom et la qualité d'Église, comme cela se fait dans la papauté et ailleurs.

§ 1335. Le préambule de la lettre est du reste assez semblable à celui des épîtres aux Thessaloniciens, si ce n'est qu'il est plus ample, l'apôtre y rappelant les deux doctrines fondamentales du salut, prêchées dès le commencement par Pierre et ses collègues, savoir que si Jésus-Christ s'est soumis à la mort, c'est pour expier nos péchés et pour nous arracher au présent siècle mauvais (§ 1093). L'apôtre ajoute que cette œuvre de grâce procède tout entière de la volonté du Père, auquel il faut en rapporter la gloire éternellement.

1: 6-10
§ 1336. Après avoir ainsi rappelé le grand fait qui est la base de tout l'édifice, Paul entre vivement en matière, pressé qu'il est de déposer sur le parchemin sa protestation contre l'erreur qui menaçait la foi et le salut des Galates. Il commence par déclarer d'une manière générale qu'il ne saurait y avoir deux évangiles ou deux bonnes nouvelles. La bonne nouvelle, comme il le dit, c'est «la grâce de Christ», cette grâce même qu'il leur avait prêchée. Si donc quelqu'un était allé leur annoncer comme une bonne nouvelle qu'en se faisant circoncire, mais non autrement, ils auraient part aux promesses données à Abraham, celui-là ne leur avait pas annoncé une bonne nouvelle. Or, quand Paul lui-même, ou un ange venu du ciel, leur tiendrait un autre langage, ils devraient le repousser avec exécration, par la raison déjà que ceux qui imaginent quelque chose à côté de la bonne nouvelle, ne le font certainement pas pour plaire à Dieu, mais pour plaire aux hommes, idée que l'apôtre reprendra dans la suite avec plus de détail. En attendant, remarquez à cette occasion de quel zèle nous devons être animés pour la saine doctrine. Toute erreur éloigne de Dieu dans une certaine mesure; tout ce qui tend à pervertir la bonne nouvelle du Christ, tend pareillement à perdre les âmes: comment donc pourrions-nous ménager l'erreur en matière de foi? Sans cesser d'user de patience envers ceux qui s'égarent, soyons impitoyables contre tout égarement, fut-ce un ange du ciel qui vînt mettre à l'épreuve notre fidélité.

1: 11-24
§ 1337. Il est probable que les hommes qui avaient porté le trouble dans les églises de Galatie, avaient eu soin d'affaiblir, par toutes sortes de moyens, l'influence légitime qu'exerçait sur elles le souvenir des prédications n de celui par qui Jésus-Christ les avait appelées au salut. 1-10 On avait dû leur dire que Paul n'était qu'un apôtre du second ordre, puisqu'il n'avait pas vécu, comme les autres, avec le Seigneur; que si, en leur prêchant l'évangile, il ne leur avait jamais parlé de circoncision, ce n'était pas étonnant de la part de quelqu'un qui, extrême en tout, s'affranchissait des obligations de la loi, bien que les frères de Jérusalem n'eussent pas cessé de s'y montrer obéissants. On ne manquait pas, après cela, de le mettre en contradiction avec lui-même, parce qu'il avait fait circoncire Timothée, et en opposition directe avec Pierre, parce qu'il lui avait une fois résisté tout ouvertement. Cela expliquerait pourquoi Paul commence son épître par quelques faits de sa propre histoire. Il dit que s'il n'a pas vécu avec le Seigneur, il l'a vu néanmoins et qu'il a appris de lui directement la doctrine du salut; qu'après avoir été zélé plus que personne pour le judaïsme et, par ce zèle même, persécuteur à outrance de l'Église, Christ lui fut révélé par un effet de la grâce éternelle de Dieu; qu'appelé dès ce moment à prêcher la bonne nouvelle aux nations, il se mit à l'œuvre sans consulter aucun homme; qu'au bout d'un certain temps néanmoins, il vit Pierre et Jaques, desquels il fut reçu en frère, et que les assemblées de la Judée, encore qu'elles ne le connussent pas de visage, glorifiaient Dieu pour la grâce qui lui avait été faite. À cette époque donc, il y avait accord entre lui et tous les disciples, preuve qu’alors du moins il professait l'évangile même qu'ils avaient tons reçu,

1: 24; 2:1 -10
§ 1338. Lorsque, plusieurs années ensuite, et la quatrième fois depuis sa conversion, mais après un long 11-24 séjour parmi les gentils, il revint à Jérusalem, poussé par une révélation divine, il exposa devant les frères les plus considérés la doctrine qu'il avait prêchée partout, et il savait bien en le faisant qu'il ne serait désavoué par aucun d'eux. Quelques faux frères, il est vrai, s'étant furtivement introduits dans l'église et ne comprenant rien à la liberté évangélique, voulaient contraindre Paul à circoncire Tite; mais précisément parce qu'on l'exigeait et qu'on en faisait une condition de salut, il s'y était refusé catégoriquement, voulant par là maintenir intacte la bonne nouvelle annoncée aux païens; or il va sans dire qu'il ne fut point blâmé par ceux qui auraient eu vocation à le faire, s'il eût été dans l'erreur. L'apôtre, cependant, tient à rappeler que son ministère était parfaitement indépendant de celui des autres envoyés de Jésus, ce qui imprimait d'autant plus de force au témoignage de tous. Tenant, eux et lui, directement du Seigneur leur mission, quelle joie et quel affermissement de foi pour eux, comme pour nous, de voir qu'un seul et même Esprit leur avait été donné; que si les uns avaient pour mandat spécial d'annoncer l'évangile aux Juifs et d'autres aux nations, il n'y avait pas toutefois deux évangiles! Aussi, avec quel empressement ne se tendirent-ils pas la main d'association! Il fut d'ailleurs reconnu que Dieu ne faisait aucune différence entre païens et juifs convertis, et que tous possédaient le même droit au salut; mais que pourtant les pauvres de la Judée avaient des titres particuliers aux assistances pécuniaires des églises, puisqu'ils avaient souffert les premiers pour l'évangile et plus que beaucoup d'autres. Ce détail est touchant: c'est le seul point peut-être sur lequel Paul aurait eu quelque différence d'opinion avec ses collègues, mais encore tombèrent-ils I bientôt d'accord là-dessus. Il n’est pas moins intéressant de remarquer le témoignage qu'il rend occasionnellement au ministère de Pierre et de Jean, mais avant tous, de Jacques, l'ancien de Jérusalem, car le frère de Jean était mort à cette époque (§ 1190); par où l'on voit combien Paul était éloigné de vouloir rabaisser ceux qui avaient été appelés au service du Seigneur avant lui.

2: 11-14
§ 1339. Il y eut un moment, toutefois, où l'on eût pu croire qu'il existait quelque divergence d'opinions entre Paul et les autres envoyés, notamment entre Paul et Pierre. Celui-ci se trouvant en séjour à Antioche, n'avait fait aucune difficulté de vivre familièrement avec les frères incirconcis. Il les tenait pour héritiers du salut aussi bien que les Juifs qui avaient cru, et comment aurait-il pu voir la chose autrement, lui qui avait baptisé Corneille, l'incirconcis (§ 1183)? Mais quelques Juifs, en mission de la part de Jaques, étant arrivés de Jérusalem à Antioche, eurent la faiblesse de se scandaliser d'une telle conduite, et Pierre eut à son tour la faiblesse non moins grande de condescendre à leurs préjugés, lorsqu'il aurait fallu plutôt les braver sans crainte, dans l'intérêt de la vérité et par amour pour eux. En agissant comme il le fit, Pierre ne tendait-il pas un piège à ses frères Juifs, qui pouvaient s'ancrer ainsi dans la fausse idée que la différence religieuse entre circoncis et incirconcis subsistait encore. Si Pierre eût changé de mode de vivre par l'effet d'un changement dans ses convictions, il eût été moins coupable; mais sa conduite était empreinte de ce genre d'hypocrisie qui consiste à dissimuler ses vrais sentiments, par crainte des hommes (§ 639); et, pour preuve du danger qu’offrait un tel exemple, voyez Barnabas qui fut lui-même entraîné à feindre. C'est pourquoi Paul dut reprendre Pierre, lui résister publiquement en face, bien que Pierre fût son aîné dans la foi, comme dans la vie. Mais sur quoi porta la censure? Sur ce que Pierre abandonnait la saine doctrine? Nullement. L'accord demeurait complet en ce point. L'erreur momentanée de Pierre fut une erreur de simple pratique, ce que montrent clairement les observations de son collègue. «Quoi!» dit-il à Pierre, «tu es dans la conviction que Dieu ne met pas de différence entre les nations et nous Juifs; en conséquence, depuis que tu es à Antioche, tu n'as fait aucune difficulté de vivre avec eux, bien qu'ils ne suivent pas les observations de la loi; et maintenant, tu les traites comme s'ils étaient encore étrangers au peuple de Dieu et aux promesses de l'alliance! Mais c'est dire, contre tes vraies intentions et contre tes propres actes, qu'ils sont dans l'obligation de se faire Juifs!» Tel est le premier argument de l'apôtre: les suivants sont plus dogmatiques.

2: 15-18
§ 1340. C'est ici proprement que commence l'argumentation. Les raisonnements s'y pressent avec une telle abondance et une telle concision, que le sens n’en est par toujours facile à déterminer. D'abord, mais cela importe peu, l'on ne voit pas très bien si l'apôtre continue le récit de son entretien avec Pierre, où s'il s'adresse dès ce moment aux Galates. Peut-être fait-il les deux choses à la fois; c'est-à-dire qu'il glisse de l'argument qu'il présenta jadis à son collègue pour lui faire sentir son inconséquence, à ceux par lesquels il voulait faire sentir aux Galates la leur. Quoi qu'il en soit, voici la substance de sa pensée. Les Juifs en se convertissant à Jésus-Christ, déclarent par là qu'ils ne sauraient être justifiés par l'observation de la loi; mais s'ils ne le peuvent, les païens le peuvent bien moins encore: par conséquent, nulle chair, nul homme au monde, ne peut être justifié par l'obéissance à une loi quelconque. Or, continue-t-il (et voici où le raisonnement devient difficile à suivre); si, après avoir cherché en Christ notre justice (§§ 292, 1208), nous avions encore besoin des observances de la loi pour être sauvés, ce serait une preuve que nous serions encore dans nos péchés. Mais si nous sommes encore pécheurs, dépourvus de justice, même après avoir cru, quel service Jésus-Christ nous a-t-il rendu? Se pourrait-il qu'il nous laissât dans la condition du péché? Impossible, dit l’apôtre, car ce serait reconstruire ce qui a été détruit, et, si je le faisais, moi qui me suis employé à la démolition de la propre justice, je me constituerais transgresseur du commandement de Dieu, ou plutôt je demeurerais chargé de mes transgressions, tout en me réclamant de Jésus-Christ. Voilà pourquoi Paul disait tout à l'heure qu'en agissant ainsi, l'on ferait du Christ un ministre, ou un serviteur du péché.

2: 19-21
§ 1341. Comment d'ailleurs ose-t-on parler d'œuvres pour compléter ou s'assurer la justice qui vient du Christ? Ne sait-on pas que la loi n'a de puissance que pour faire mourir? Heureux ceux que l'étude de la loi et leurs efforts pour la mettre en pratique, amènent à sentir leur état de mort devant Dieu (I § 88), afin de chercher leur vie en Jésus-Christ (§ 767)! Mais ce n'est pas même la loi proprement qui nous donne cette conviction de notre état de mort; c'est bien plutôt la contemplation de la croix de Jésus-Christ. En regardant à cette croix sur laquelle mes péchés furent expiés, d'une part je vois ce que je méritais devant Dieu et ce que Christ m'a mérité; d'autre part, je sens se former en moi la vie de Celui qui m'a aimé d'un amour éternel; vie qui, par la foi en lui, se développe dans tout mon être, aussi longtemps que j'habite ce corps terrestre. La vérité est donc que toute justice vient de Christ, par la foi; soit le pardon, soit la sainteté, la loi ne pouvant produire ni l'un ni l'autre de ces bienfaits. Or, cette vérité, c'est, en d'autres termes, la doctrine de la grâce de Dieu. Ah! prenons garde de l'annuler; et considérons bien que chercher, de façon ou d’autre, la justice par le moyen d'une loi ou autrement par les œuvres, c'est faire mourir Christ en pure perte, agir comme si Jésus n'était pas mort pour nous, comme s'il n'y avait point de grâce.

3: 1-7
§ 1342. Tout ceci paraît si évident à l'apôtre qu'il ne peut retenir une exclamation toute semblable à celle qui sortit de la bouche de notre Sauveur, lorsque ses disciples s'obstinaient à ne pas comprendre la chose la plus simple (Luc XXIV, 25). «Vous,» leur dit-il, «qui, lorsque la croix du Christ vous fut prêchée, aviez saisi la signification des souffrances du Seigneur comme s'il avait été crucifié sous vos yeux; vous qui, par la foi en lui et non par la loi, avez reçu le Saint-Esprit; vous qui avez souffert tant de maux à cause de la profession de cette foi, est-ce que vous voudriez annuler la grâce de Dieu et faire que Christ fût mort en pure perte? Est-ce qu'après avoir commencé par l'Esprit, vous voudriez finir par la chair? Vos souffrances mêmes ne vous attacheront-elles pas à la doctrine pour laquelle vous souffrez? Les dons miraculeux du Saint-Esprit qui vous ont été faits, ne vous sont-ils pas un garant que vous possédez la vérité? Que demanderez-vous à la loi, que la foi ne vous ait déjà donné? Serait-ce peut-être la qualité d'enfants d'Abraham et les privilèges qui s'y rattachent? ni Mais, «comme Abraham crut Dieu et que cela lui fut imputé à justice, sachez que ceux qui sont de la foi, ceux-là sont fils d'Abraham. Nous avons ici l'argument principal de l'apôtre. Il déclare avec l'autorité du Saint-Esprit, que c'est la foi et non la circoncision, ni aucune observance légale, qui transmet la vraie qualité de fils d'Abraham; puis il va le démontrer par divers passages des Écritures, et il en résultera que les Galates eux-mêmes, bien qu'issus de peuples qui n'avaient, selon la chair, aucune relation avec le père des Juifs, ne laissaient pas d'être, par la foi en Christ, les héritiers de toutes les promesses faites à Abraham et à sa postérité.

3: 8-14
§ 1343. S'appuyant sur les Écritures, Paul rappelle la grande promesse qui avait été faite aux nations dans la personne d'Abraham (I, §§ 254, 367); et, pour montrer que cette promesse devait leur être appliquée par la foi et non par la loi, il cite une autre déclaration constatant qu'il n'y a que malédictions à recevoir de la loi, au lieu de bénédictions (I, § 1029). Ce n'est donc pas par la loi que s'héritent les promesses faites à Abraham et, dans sa personne, à toutes les nations. Pour confirmer ce raisonnement sans réplique, l'apôtre avance encore deux passages, dont l'un déclare que la vie éternelle appartient à celui qui est juste par la foi (II, § 1138), et l'autre, que pour obtenir la vie éternelle aux termes de la loi, il faut lui rendre une obéissance parfaite (Lévit. XVIII, 5). Il rapproche ces deux passages sans conclure, mais la conclusion se présente d'elle-même. Pour hériter de la vie éternelle selon la loi, il faut avoir accompli tout ce qu'elle commande (§ 614), et c'est ce que personne n'a fait. En conséquence, il n'y a de vie éternelle possible que par la foi, et voici comment. Christ nous a rachetés de la malédiction, en souffrant malédiction pour nous sur la croix (§ 975); sur cette même croix, il a rendu possible pour des pécheurs maudits, l'accomplissement de la promesse du Saint-Esprit (§ 893); enfin, c'est au moyen de la foi que nous avons part, et à ce rachat et à cette promesse. Le raisonnement est complet, et la vérité qu'il établit subsiste tout entière pour nous, que nous descendions d'Abraham selon la chair, ou que nous soyons, par nature, des pécheurs d'entre les nations.

3: 15-18
§ 1344. Ce n'est pas tout, lorsque Dieu fit connaître à Abraham sa volonté dernière au sujet de l'héritage des promesses, il exprima dans cette espèce de testament, que les promesses étaient faites, non à tous ceux qui naîtraient du patriarche, mais à un de ses descendants, appelé par excellence sa postérité, postérité qui est le Christ. C'est donc à lui proprement qu'appartient l'héritage, comme il est dit au psaume second (II, § 604), à lui et aux siens. Mais un testament, une fois homologué, ne peut être ni annulé, ni modifié. Or, dans le cas actuel, l'hérédité ouverte par le testateur, l'a été en vertu d'une promesse et non d'un commandement. Dieu a dit: «Je te bénirai,» et cela sans condition quelconque. Il est vrai que, plus tard, il a tenu cet autre langage: «Si tu obéis, je te bénirai» (I, § 1030); mais c'était sous un régime tout différent, et ce régime de la loi ne saurait avoir aboli le testament fondé sur la promesse: encore un raisonnement sans réplique.

3: 19,20
§ 1345. Cependant il fait naître une question qui paraît grave. À quoi bon la loi, cette loi qui fut donnée quatre cent trente ans après, si elle n'annule ni ne modifie la promesse? La réponse de l'apôtre est obscure comme tout ce qui est très concis, et elle est concise parce que l'écrivain sacré est pressé de reprendre la suite de son argumentation. La loi, dit-il, fut ajoutée à cause des transgressions; c'est-à-dire, je pense, parce que le péché allait croissant et qu'il fallait le comprimer, tout en effrayant les transgresseurs; mais ce n'était qu'un état de choses provisoire, en attendant la postérité à qui la promesse avait été faite, c'est-à-dire le Christ et son peuple; état de choses par conséquent très inférieur à celui qui l'avait précédé et encore plus à celui qui devait le suivre. Car sous la loi il y eut, outre les anges, un médiateur humain entre le Seigneur et Israël, savoir Moïse , tandis que pour Abraham comme pour l'Église, le nouveau peuple, Dieu lui-même est le médiateur; par quoi il faut entendre notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ (I, § 366).

3: 21-29
§ 1346. Après cette courte digression, l'apôtre reprenant ce qu'il disait tout à l'heure (verset 18), que si l'hérédité venait d'une loi, elle ne viendrait plus d'une promesse, se pose à lui-même cette question: «La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu?» — Réponse: Pour que la loi fût proprement en opposition avec les promesses, il faudrait qu'il lui fût possible de donner la vie: alors la justice s'obtiendrait au moyen d'une loi, la foi serait inutile et la promesse, sans objet. Mais, comme on l'a vu plus haut, l'Écriture (et par conséquent la loi qui y est comprise) suppose partout l'homme pécheur et justement condamné; c'est pourquoi toutes ses promesses sont faites à ceux qui croient en Jésus-Christ, et non à ceux qui pratiquent la loi. La raison en est que tous sont enfermés sous le péché, comme un prisonnier sous la sombre voûte d'un cachot. La loi ne fut point une délivrance de cette prison, car la loi est, elle-même, une cellule dans laquelle nous fûmes gardés, dit l'apôtre, jusqu'à ce que la révélation de Jésus-Christ vînt nous l'ouvrir par la foi. Ou, d'une autre manière, si la loi se trouve en quelque rapport avec la promesse, ce n'est que parce qu'elle a exercé près de nous les fonctions d'un instituteur pour nous conduire au Christ. C'est elle qui, agitant notre conscience, nous a fait sentir le besoin que nous avions d'un Sauveur; mais maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus sous l'instituteur. O vous qui lisez ces lignes! si, comme les Galates, vous possédez la foi en Jésus, vous avez atteint par là, spirituellement, l'âge de majorité; vous êtes fils et filles de Dieu; vous avez revêtu Christ. Juifs ou Grecs, esclaves ou libres, hommes ou femmes, n'importe, vous êtes un seul dans le Christ Jésus; c'est-à-dire qu'unis à lui par la foi, vous êtes avec lui la postérité bénie. Membres de l'alliance dont Dieu seul est médiateur, vous appartenez au Christ; de cette manière, «vous êtes fils d'Abraham et, selon la promesse, héritiers.» — Oh! combien cette page magnifique dut faire battre le cœur des pauvres Galates! Que d'âmes qui, dès lors, y ont trouvé leur consolation et leur force! Puisse-t-il en être de même pour vous, mes chers lecteurs!


CCXC. Exhortations à demeurer dans la liberté, par le moyen de la foi; à s'assujettir les uns aux autres par l'amour; à fuir les œuvres de la chair, pour porter le fruit de l'Esprit; à remplir les uns envers les autres tous les devoirs de la charité.


4: 1-7
§ 1347. Ici, l'apôtre reprend une des idées précédentes, en la revêtant d'un nouveau jour. Il représente le peuple élu tout entier sous l'image d'un petit enfant qui, bien qu'héritier présomptif d'une grande fortune, ne possède rien en propre, non plus qu'un esclave, et qui, son père étant absent, se voit sous la tutelle d'administrateurs de son bien, jusqu'au temps marqué par le père. Telle fut, dit Paul, notre situation, jusqu'à la venue du Christ. Nous étions asservis sous les éléments du monde, mis en tutelle, dépendants d'une loi, partie élémentaire de l'éducation religieuse d'ici-bas; mais au temps marqué par les prophètes, le fils de la femme (I, § 103), un Sauveur né sous la loi, est venu racheter ceux qui sont nés sous la loi, et Juif, procurer à des Juifs la qualité d'enfants de Dieu par adoption (§ 144). Mais cette même grâce, Dieu vous l'a faite à vous, Galates; puisqu'il a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, par lequel vous criez Abba, Père, comme Jésus-Christ lui-même (Marc XIV, 36). Cet Esprit étant en vous par le rachat de vos âmes, vous n'êtes plus esclaves, mais fils; or, si vous êtes fils de Dieu, vous êtes aussi ses héritiers, et par conséquent ceux d'Abraham, au moyen, non de la loi, mais de Jésus-Christ; c'est en ces mots que Paul ramène sa conclusion précédente.

4: 8-12
§ 1348. Des Juifs, sur qui sa pensée s'était portée d'abord, il avait passé aux Galates, sans transition sensible. Maintenant, il reprend d'une façon plus spéciale ce qui les concerne. La position des Gentils avant la prédication de l'Évangile, avait quelque chose de bien plus humiliant et de plus défavorable que celle des Juifs; car ils étaient asservis, non à la loi de Dieu, mais à d'impures idoles, choses qui, de nature, ne sont point des dieux. Mais, leur dit-il, à présent que vous avez connu Dieu, ou plutôt que Dieu vous a connus, cherchés, éclairés, sauvés, comment se peut-il que, par un véritable anachronisme, vous vous tourniez vers un nouvel asservissement? Vous êtes majeurs et vous voulez redevenir enfants; libres, et vous courez au-devant de la servitude! Votre éducation est faite, et vous retournez aux éléments; car toutes ces observances légales qu'on veut vous imposer ne sont pas autre chose! Vraiment, vous me faites craindre que je n'aie perdu ma peine au milieu de vous! Parole pleine de tristesse, dans laquelle on verrait du découragement, si elle venait de quelqu'un d'autre et si elle n'était suivie de cette chaleureuse exhortation: «Soyez comme moi, car moi aussi je suis comme vous. Frères, je vous en supplie.» — «Je suis comme vous;» c'est-à-dire, moi Israélite, moi ex-pharisien, moi apôtre, je ne suis ni plus ni moins pécheur que vous, je ne suis pas justifié autrement que vous, je ne me sens pas plus lié par la loi que vous. «Soyez donc comme moi,» vous hommes des nations, qui n'avez pas les excuses que je pourrais alléguer si j'avais le tort de judaïser.

4: 13-20
§ 1349. «Vous me faites craindre que je n'aie pris en vain de la peine pour vous:» voilà ce que l'apôtre venait de dire; «toutefois,» semble-t-il ajouter, «ne pensez pas que je m'envisage comme personnellement offensé. Loin de là, je ne saurais oublier avec quelle extrême bienveillance vous me reçûtes la première fois, avec quelle considération, avec quelle joie, et je ne saurais dire de quels sacrifices vous n'eussiez pas été capables à mon égard. Si donc vous négligez maintenant mes leçons, je ne vous en veux d'aucune manière; c'est vous plutôt qui me traitez en ennemi, depuis que, dans mon séjour récent, je vous ai dit la vérité.» Car hélas! telle est la répugnance de notre cœur naturel pour la vérité de Dieu, que nous en voulons souvent a ceux qui nous la disent! «Mais vos réels ennemis, continue l'apôtre, ne le voyez-vous pas? ce sont les hommes qui déploient tant de zèle à m'enlever votre affection et à me retirer votre confiance.» Et pourtant, comme il méritait de meilleurs procédés, ce Paul qui était en travail continuel d'enfantement pour ses chers Galates, qu'il appelle ses petits enfants! Il regrette d'avoir dû les quitter, il voudrait être encore au milieu d'eux; car l'avenir de leurs églises le met dans la plus grande inquiétude.

4: 21-31
§ 1350. Après cette effusion des sentiments affectueux qui remplissaient son âme, l'apôtre retourne à sa discussion. Abraham, dit-il, eut deux fils, l'un d'Agar, l'autre de Sara; celui-là, né de la servante et fils d'Abraham selon la chair, est l'image de l'alliance légale promulguée en Sinaï; Isaac, au contraire, enfant de la promesse et né de la femme libre, est l'image du second testament. Ou plutôt, Agar, l'esclave, est la Jérusalem selon la chair ou la loi, qui n'enfante que des esclaves; tandis que Sara est la Jérusalem céleste, mère de tous ceux qui croient. Longtemps elle fut stérile; mais, comme l'avait prédit Ésaïe, elle devait avoir enfin une nombreuse, très nombreuse postérité (II, § 1077). Que font donc ceux qui se replacent sous la loi, comme moyen de salut? D'enfants de la femme libre, de citoyens de la Jérusalem céleste, ils ont la folie de vouloir redevenir les enfants de l'esclave, les sujets de la Jérusalem charnelle! À cette occasion, l'apôtre rappelle qu'Ismaël, en persécutant Isaac, fut le type des Juifs qui persécutaient l'Église; et de tout temps l'esprit légal et formaliste a été l'Ismaël se moquant de ceux qui, par la foi, sont héritiers de la promesse.

5: 1-6
§ 1351. Notre Seigneur avait dit aux Juifs: «Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres (§ 583).» Lui seul en effet peut nous soustraire au joug de la loi et du péché; hors de lui, il n'y a pour l'âme que crainte et esclavage. C'est pourquoi Paul déclare que si, par obéissance servile à la loi et pour s'assurer la qualité d'enfant de Dieu, quelqu'un se faisait circoncire, Christ ne lui servait de rien. Car aussitôt qu'on entre dans la carrière des observances légales, il faut la parcourir jusqu'au bout; et il est clair que, si la justice s'obtient par la loi, ce n'est pas par la seule loi cérémonielle, mais par la loi dans son ensemble et dans chacune de ses parties: la foi uniquement, ou la loi tout entière. Ceux donc qui poursuivent la justice des œuvres, se séparent du Christ et brisent eux-mêmes avec le salut par grâce. C'est ce que ne feront jamais les hommes qui sont conduits par l'Esprit de Dieu. Ils savent qu’en Jésus-Christ, ce n'est ni d'être circoncis, ni de ne l'être pas qui sert à quelque chose, mais que ce qui sauve, c'est la foi, principe de vie dont l'efficace se déploie par l'amour. Il faut bien remarquer ce point essentiel. La foi que l'apôtre met en opposition avec la loi; la foi qui justifie, tandis que la loi condamne; la foi qui rend libres ceux que la loi retient dans l'esclavage, cette foi n'est pas une simple adhésion de l'entendement, mais une sainte affection, le regard du cœur vers Jésus-Christ crucifié et ressuscité (§ 517), et cette sainte contemplation produit l'amour de Dieu et du prochain.

5: 7-12
§ 1352. C'est ainsi que les choses s'étaient passées jusque-là chez les Galates. Animés par une vraie foi, ils ne marchaient pas, ils couraient dans la carrière. Comment donc s'étaient-ils arrêtés pour ne plus obéir à la vérité? Leur erreur, pour certain, ne venait pas de celui qui les avait appelés au salut et qui les appelait encore par la voix de son apôtre. Un peu de mauvais levain s'était glissé parmi eux et menaçait d'envahir toute l'église. Mais Paul se confiant dans le Seigneur bien plus qu'en eux, avait tout espoir que leur égarement ne serait que momentané, et que ,-de cette manière, celui qui les avait troublés, porterait seul la peine de son péché. Hélas! il savait par expérience qu'il n'est pas agréable de soutenir la vérité envers et contre tous; il savait que ce qui irritait les Juifs, c'était précisément la doctrine du salut par pure grâce, et que, volontairement esclaves, ils auraient voulu voir tous les hommes esclaves comme eux; mais, pour leur plaire, pliera-t-il l'Évangile à leurs préjugés? Non; mieux vaut être persécuté par les falsificateurs de la saine doctrine, que de se concilier leur approbation en les imitant.

5: 13-15
§ 1353. Cependant, plus l'apôtre avait insisté sur l'erreur de ceux qui cherchent leur justice dans la loi, plus il importait qu'il prévînt l'abus qu'on pouvait faire du salut par grâce. Reprenant ce qu'il avait dit tout à l'heure relativement à la liberté que Jésus-Christ assure aux croyants, il rappelle à ses lecteurs que la liberté des enfants de Dieu n'est pas la liberté de faire le mal. Parce qu'ils croient, ils aiment; et, parce qu'ils aiment, ils s'assujétissent les uns aux autres, renonçant ainsi librement à leur liberté, ou plutôt n'étant affranchis de l'esclavage du péché que pour devenir les esclaves du devoir. Par là, sans chercher leur justice dans la loi, ils accomplissent la loi; puisqu'on peut la résumer en cette seule parole: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» En effet, c'est par notre amour pour le prochain que se manifeste notre amour pour Dieu. Or, que s'était-il passé, selon toute apparence, chez les Galates? Avec l'erreur, Satan avait semé des divisions, des discussions, des querelles; la charité disparaissait et la ruine des âmes était imminente.

5: 16-25
§ 1354. Le chrétien croit, donc il aime; donc il n'est pas sans loi, encore qu'il ne soit pas sous la loi. Voici maintenant un autre point de vue de la même vérité. Les disciples de Jésus sont conduits par le Saint-Esprit. On peut donc leur dire: «Marchez par l'Esprit, et n'accomplissez pas les désirs de la chair.» L'Esprit et la chair sont deux maîtres, comme Dieu et Mammon (§347); leurs volontés sont absolument opposées, et à tel point que le même individu fait souvent, selon la chair, des choses que, selon l'Esprit, il condamne. S'il y a des fruits de l'Esprit, il y a aussi des œuvres de la chair. Celles-ci sont manifestes, c'est-à-dire qu'elles se produisent au-dehors et sont faciles à reconnaître. Il en est d'horribles, telles que l'adultère, la fornication, le meurtre, l'ivrognerie; il en est de moins odieuses, mais non moins coupables, savoir la jalousie, l'esprit de secte, la gourmandise: ceux qui s'y livrent n'hériteront pas le royaume de Dieu, et si nous sommes conduits par l'Esprit, nous éviterons tous ces péchés, bien que nous ne soyons pas sous la loi. D'un autre côté, les fruits de l'Esprit; non, le fruit de l'Esprit (car son œuvre est une et indivisible), le fruit de l'Esprit c'est l'amour et toute une aimable famille de saintes affections et d'honnêtes habitudes. Or, contre ces choses, il n'y a point de loi, car c'est au contraire tout ce que la loi exige de plus relevé. En résumé donc, les disciples de Jésus ne pratiquent pas les œuvres de la chair, parce qu'ils ont crucifié la chair avec ses convoitises; en eux, au contraire, se produit le fruit de l'Esprit, parce qu'ils vivent par l'Esprit. Il suit de là qu'ils accomplissent la loi, quoiqu'ils ne cherchent point en elle leur justice; c'est même par cette raison que l'Esprit d'adoption les sanctifie.

6: 1-5
§ 1355. En comparant le dernier verset du chapitre V avec les versets 13 et 15 de ce même chapitre, on voit la pensée de l'apôtre se rejoindre en quelque sorte. Aimer son prochain c'est, d'un même coup, accomplir la foi et la loi. Combien donc ne sont pas dangereuses et criminelles les disputes entre chrétiens, disputes qui viennent toujours de ce qu'on abjure de part ou d'autre la saine doctrine, et encore plus de ce qu'on manque d'humilité. Pourquoi cette passion d'idées nouvelles, et ces discussions violentes, et cet esprit de rivalité qui troublent les églises? C'est, nous dit le Saint-Esprit, c'est l'amour de la vaine gloire qui produit tout cela. On veut briller, on veut se faire un nom, et, dans le cas particulier, on ne peut renoncer à toute justice propre. Après quoi, la charité pouvant seule guérir les plaies de l'orgueil et de l'égoïsme, lorsqu'un homme s'égare de la sorte, faisant l'œuvre de la chair et non celle de l'Esprit, il faut que ceux qui sont conduits par l'Esprit le redressent avec douceur, comme on redresse un acier qui volerait en éclat si on le traitait brusquement. Ce qui d'ailleurs doit porter à la douceur celui qui reprend un frère, c'est la pensée de sa propre fragilité. Cette considération et celle de nos nombreux péchés, nous diront en outre de porter le fardeau les uns des autres; c'est-à-dire de compatir aux misères spirituelles de nos frères, d'en gémir avec eux, de leur en procurer le soulagement. C'est accomplir la loi de Celui qui a «porté nos douleurs et s'est chargé de nos langueurs.» Que si quelqu'un oublie son propre néant, il se séduit lui-même et il se met dans l'incapacité de tendre du secours à autrui. Il faut donc que chacun éprouve ou examine son œuvre à soi. S'il croit pouvoir s'en glorifier, que ce ne soit pas du moins en s'élevant au-dessus des autres, car le meilleur même a son fardeau de péchés.

6: 6-10
§ 1356. Du devoir de compatir aux misères spirituelles de nos frères, l'apôtre passe au devoir non moins strict de subvenir à leurs nécessités temporelles. D'abord, il parle de la générosité avec laquelle ceux qui reçoivent les riches enseignements de la Parole de Dieu, doivent pourvoir aux besoins des ministres de cette Parole. Rien n'est plus opposé à l'esprit et au texte des Écritures que de fournir aux frais du culte par des voies légales et par conséquent de contrainte. 11 ne l'est pas moins d’encourager les fidèles à faire de riches fondations, au moyen desquelles les besoins de l'Église soient assurés pour des siècles, en sorte que ceux qui sont enseignés dans la Parole n'aient à l'avenir plus rien à faire pour l'entretien de ceux qui les enseignent. Dieu veut qu'il y ait cette constante relation entre le docteur et ses disciples: l’un, prêchant la Parole sans rien exiger de ceux qui l'écoutent et prêt à continuer lors même qu'on ne lui fournirait pas son pain, sauf à se le procurer par quelque travail comme Paul (§ 1277); les autres, se faisant une douce obligation devant Dieu, de partager leur aisance avec les hommes fidèles qui consacrent leur vie à quelque ministère dans l'Église. Or, dès qu'on le fait pour Dieu, on ne peut que le faire avec libéralité; autrement, ce serait se moquer de celui qui nous a tout donné et à qui tout revient de droit. En général, notre devoir est de semer l'argent. Beaucoup de personnes le jettent au vent, ou le sèment en des lieux d'avarice, de sensualité, de vaine gloire: c'est semer pour sa chair; mais quand viendra le temps de la moisson (§ 446), de telles semailles ne produiront qu'une récolte de mort et de pourriture. Si au contraire on sème pour l'Esprit, on moissonnera, de l'Esprit, la vie éternelle. Toute dépense a donc en elle un germe de mort ou de vie. Mais la moisson ne suit pas immédiatement les semailles. De mauvais jours peuvent venir entre deux. Le fruit de nos bonnes œuvres se fait quelquefois attendre. Pas de découragement néanmoins; la récolte ne peut manquer au temps voulu de Dieu. Quant à la saison des semailles, elle dure toute l'année: les occasions d'exercer la bienfaisance ne manquent jamais, soit envers les nécessiteux, quels qu'ils soient, soit surtout envers ceux qui appartiennent à la maison de la foi, c'est-à-dire à l'Église (§ 826).

6: 11-16
§ 1357. Sans revenir sur ce que j'ai dit à l'occasion du verset 11 (§ 1331), voyez comment l'apôtre, qui pensait avoir achevé sa lettre, reprend avec une nouvelle force l'idée principale qu'il y a développée. «Ceux qui veulent vous contraindre à la circoncision, ne le font que par des motifs charnels. Au fond, ils sont plus touchés de l'honneur d'appartenir à Abraham, que de posséder les grâces qui découlent de la croix du Christ, et ils s'efforcent de calmer, par ce compromis, l'irritation des Juifs contre l'Évangile.» «Quant à moi,» continue Paul, «toute ma gloire est dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. Par elle, le monde me fait l'effet d'un crucifié: je m'en éloigne avec compassion et avec dégoût, m'inquiétant peu de l'opinion qu'il peut avoir de moi. Par elle aussi, je suis crucifié quant au monde; c'est-à-dire que je me soumets à tout ce que le monde voudra me faire souffrir à raison de ma foi. Après cela, peu importent au fond, et la circoncision et l'incirconcision: l'essentiel est d'être devenu une nouvelle créature. Pensez-vous comme moi là-dessus et faites-vous de cette pensée la règle de votre vie? En ce cas, la miséricorde et la paix vous appartiennent, à vous fidèles de Galatie, non moins qu'aux enfants d'Israël qui ont cru Dieu.» — En rapprochant le verset 15, de ce que nous lisons au chapitre V, verset 6, on arrive à ce résultat évident, que la nouvelle création ou la nouvelle naissance dont Jésus-Christ parlait à Nicodème (§ 198), se manifeste par la foi, mais par une foi qui déploie son efficace au moyen de la charité. Avec une telle foi, l'on a le ciel dans le cœur et l'on marche d'un pas assuré vers la vie éternelle.

6: 17
§ 1358. Paul, crucifié quant au monde, portait en son corps les flétrissures du Seigneur Jésus (§ 1331). Il rappelle ce fait pour engager les Galates, par ce dernier trait, à répudier leurs funestes erreurs. En y persistant, ils navraient le cœur de leur père en la foi, et voudraient-ils ajouter cette affliction aux souffrances de son pénible ministère? Considération bien humaine, diront peut-être quelques personnes; mais le Saint-Esprit nous montre par là qu'il n'est pas absolument interdit d'en appeler aux affections de ceux qu'on veut éclairer. Ah! sans doute, s'attacher à la vérité par des motifs purement humains, ne saurait plaire à Dieu; mais ce qui ne saurait non plus lui être agréable, c'est que nous comptions pour rien la douleur profonde que nos erreurs et nos péchés causent à nos frères en la foi, à ceux entre autres qui furent les instruments de notre conversion et qui nous prodiguèrent si souvent leurs soins. Combien d'âmes et d'églises qui seraient encore debout, si elles avaient mieux écouté la voix intérieure qui, d'accord avec la Bible, leur disait de ne pas désoler leurs conducteurs spirituels!

6: 18
§ 1359. L'apôtre termine par un vœu tout à fait semblable à ceux de ses précédentes lettres. La seule différence vient probablement de ce que les maux des Galates étaient d'une nature spirituelle. Quoi qu'il en soit, mes chers lecteurs, convertissons ces vœux en prière, et ne quittons pas cette importante épître sans nous écrier: «O Seigneur Jésus! sois avec notre esprit par ta grâce; donne-nous de sentir toujours plus le besoin de ta grâce; garde-nous de toute doctrine qui pourrait nous éloigner de toi et nous priver de ta grâce, quelque belle apparence que cette doctrine pût revêtir. Amen!»


PREMIÈRE ÉPÎTRE DE PAUL À TIMOTHÉE

CCXCI. Données historiques. La foi et la loi; la bonne guerre; la prière d'intercession; la femme chrétienne; les anciens et les diacres; l'Église et le mystère de la piété.


§ 1360. Rien, au premier abord, ne semble plus facile que de marquer l'époque précise où cette lettre fut écrite. On y voit que, peu auparavant sans doute, Paul avait quitté la ville d'Éphèse pour aller en Macédoine, et cette circonstance dirige naturellement la pensée sur le voyage qu'il fit dans cette province et plus loin, à la fin de son long séjour d'Éphèse (§ 1324). Mais il exprime, par deux fois dans cette même lettre, l'intention qu'il avait de rejoindre bientôt Timothée; or, quand il partit d'Éphèse, après l'émeute suscitée par Démétrius, il dut plutôt songer à exécuter le plan qu'il avait conçu précédemment (§ 1321 ), et que, par le fait, il exécuta, du moins en partie, ainsi que nous le verrons plus tard.

§ 1361. Quelques personnes pensent que, durant son séjour d'environ trois ans à Éphèse, Paul ne put se sentir si près de la Macédoine, sans contenter le désir qu'il entretenait depuis plusieurs années de revoir ses frères de Thessalonique et des églises voisines (§ 1279). Il se serait donc mis en route d'assez bonne heure, même avant la mission plus tardive de Timothée et d'Éraste (§ 1321), et il aurait franchi les quatre-vingts lieues de mer qui le séparaient de l'Europe, avec l'intention de rejoindre ses frères à Éphèse. Ce serait pendant cette excursion qu'il aurait écrit à Timothée la lettre que nous avons sous les yeux. On peut objecter que le livre des Actes ne fait nulle mention d'une excursion de Paul en Macédoine durant son séjour à Éphèse; mais chacun sait que l'auteur de ce saint livre n'a pas été conduit par l'Esprit du Seigneur à nous donner des mémoires complets sur les événements de l'époque.

§ 1362. Il est une autre supposition que je ne saurais passer sous silence. Un certain nombre de théologiens croient que la première lettre à Timothée fut écrite après un troisième séjour de Paul à Éphèse, séjour dont le livre des Actes ne ferait pas mention, parce que l'histoire qu'il renferme ne va pas jusque-là. La composition de cette lettre se trouverait ainsi reculée d'au moins huit ans, et l'on a quelque peine à concilier ce fait avec un détail intéressant contenu dans l'épître même. On y voit que Timothée était jeune encore lorsque Paul lui écrivit. Et puis, ne serait-il pas bien étonnant, qu'après tant d'années d'exercice de son ministère, Timothée n'eût pas encore reçu les instructions que le Saint-Esprit lui donne ici par la bouche de son père en la foi. Ces difficultés s'évanouissent au moyen de la supposition que j'ai faite tout à l'heure d'après de bons auteurs, et je crois devoir m'y arrêter (§ 1361). D'ailleurs, quel que soit le moment où cette lettre ait été écrite, puisqu'elle est adressée à un homme qui, momentanément du moins, eut à remplir un important ministère dans l'église d'Éphèse, il est intéressant de l'étudier peu après le récit de la fondation de cette église (§§ 1317-1324).

1: 1-2
§ 1363. La lettre que nous avons sous les yeux est une lettre particulière, même une lettre d'affaires, si l'on veut, et toutefois de quel ton solennel elle commence. Ce n'est pas la solennité qu'affecte un homme qui, à défaut d'autorité réelle, cherche à imposer; c'est une gravité simple et vraie, résultant de la position que celui qui parle occupe devant Dieu et de la sainteté du mandat qu'il a reçu. Paul est le père spirituel de Timothée, mais il est, avant cela, apôtre ou envoyé de Jésus Christ; il agit, parle et écrit selon le commandement de Dieu, auteur de notre salut comme de notre existence, et de la part du Seigneur Jésus, dont la volonté est une avec celle du Père et sur qui reposent toutes les espérances du pécheur, pour le temps et pour l'éternité. Quant au vœu par lequel il ouvre sa lettre, c'est celui que nous avons vu précédemment (§§ 1273, 1335), avec l'addition du mot «miséricorde.» Est-ce à dire que Timothée eût plus besoin de pardon que les Thessaloniciens et les Galates? Ni plus, ni moins; mais que pouvons-nous souhaiter de mieux à ceux que nous aimons (I, §565)?

1: 3, 4
§ 1364. Il est difficile de savoir ce qu'étaient ces fables et ces généalogies contre lesquelles l'apôtre veut que son disciple continue de prémunir les Éphésiens. Quand on considère la puissance qu'exercent sur nous les préjugés que nous avons sucés avec le lait, il ne serait pas étonnant que les fidèles d'entre les païens eussent permis à leur imagination de concilier les fables de leur ancien paganisme avec les vérités de la foi, comme les fidèles d'entre les Juifs ne revenaient que trop facilement aux généalogies dont ils étaient si fiers, en leur qualité de fils d'Abraham, ce qui les entraînait 3 4 probablement à de continuelles disputes de prééminence. Ceci nous montre, hélas! d'accord avec l'épître aux Galates, que, déjà dans ces premiers temps et sous les yeux même d'un apôtre, l'église était loin de jouir d'une entière pureté. Puis, l'enseignement général qui résulte de l'exhortation adressée à Timothée, c'est que nous devons éviter avec le plus grand soin «tout ce qui produit des contestations plutôt que l'édification de Dieu, laquelle est en la foi;» c'est-à-dire le bien que Dieu fait aux âmes par le moyen de la foi.

1: 5-11
§ 1365. Mais l'idée de la foi, nous l'avons vu (§ 1351), ne se sépare pas de celle de l'amour, fin ou but du précepte divin; amour fort différent des affections charnelles et terrestres, car il procède d'un cœur pur; amour dépouillé de toute recherche de soi-même, puisqu'il vient d'une bonne conscience; amour saint et divin dans son principe, attendu qu'il naît de la foi et d'une foi sincère. Ils s'écartaient de la foi, ces vains discoureurs, qui, prenant la défense de la loi, le faisaient de manière à prouver qu'ils ne se comprenaient pas eux-mêmes; et combien de docteurs, en nos jours, qui ne font pas autrement! Sans doute, la loi est bonne, car elle vient de Dieu; mais il faut en user selon la pensée du législateur. Elle n'a pas été promulguée pour justifier le pécheur; et le pécheur justifié par la foi, le juste, a dans sa foi même, et non dans la loi, le principe de la sainteté. La loi donc est surtout destinée aux pécheurs non convertis, les comprimant par la crainte et les menaçant de la condamnation. Or, que le fidèle n'ait plus rien à redouter de la loi, que son activité morale soit déterminée par un principe supérieur, c'est ce que proclame le glorieux évangile du Dieu bienheureux, et ce qui fait de la saine doctrine une bonne nouvelle.

1: 12-17
§ 1366. À ce propos, l'apôtre épanche dans le sein de son bien-aimé disciple les sentiments de reconnaissance dont il était pénétré envers Jésus-Christ, à cause de la grâce qu'il lui avait faite en lui confiant le ministère de cet évangile, l'ayant fortifié, et ayant vu d'avance qu'il lui serait fidèle. Et remarquez l'humble confession que Paul fait de ses péchés passés. Mais s'il avait blasphémé le nom de Christ, persécuté son peuple, outragé les saints, il n'avait pas, comme tant de pharisiens, agi contre ses propres lumières. Toutefois, s'il eût persisté dans cet état, son âme eût été perdue. Aussi, reconnaît-il la grandeur de la miséricorde dont il avait été l'objet. Après lui avoir pardonné ses péchés, la grâce du Seigneur s'était plu à le remplir de foi et d'amour, «en Jésus-Christ», c'est-à-dire par le moyen de son union spirituelle avec lui. Personne donc n'était mieux placé pour attester que Jésus-Christ est venu dans le monde afin de sauver les pécheurs; car nul, à ses propres yeux, n'était plus criminel qu'il ne l'avait été, et néanmoins il jouissait maintenant de la grâce de Dieu. Après une telle manifestation de la miséricorde céleste, personne, d'un autre côté, ne devait s'estimer trop coupable pour que Dieu pût lui pardonner ses offenses. Vous donc qui lisez ces lignes, pécheurs, quels que vous soyez, encouragez-vous par l'exemple de Paul, non à persévérer dans vos péchés, ce qu'il n'a pas fait, mais à écouter la voix du Sauveur et à croire en lui. Alors, vous vous écrierez, le cœur plein d'adoration, comme Paul: «Au Roi des siècles, incorruptible, invisible, au Dieu seul sage, honneur et gloire, aux siècles des siècles. Amen 1

1: 18-20
§ 1367. Il avait été fait précédemment des prophéties au sujet de Timothée; par où l'on doit entendre, ou bien que le Saint-Esprit avait annoncé la destination future de ce jeune homme, ou bien que, dans une assemblée fraternelle, plusieurs lui avaient adressé, par ce même Esprit, des exhortations et des encouragements. Paul revenant donc sur ce qui avait été prononcé à son sujet, lui redit, avant tout, qu'il était appelé à faire la guerre au péché, à l'erreur, à Satan, ce qui est une bonne guerre. Pour tout homme, la vie est un train de guerre continuel (Job VII, 1; Eccles. VIII, 8); mais la plupart, hélas! ne connaissent d'autres combats que ceux des passions et des intérêts matériels. Pour faire la bonne guerre et la faire avec succès, il faut être animé par la foi, et posséder cette foi dans une conscience droite, simple et sincère. Faute de cela, dit Paul, quelques-uns ont fait naufrage quant à la foi. Après avoir paru marcher avec les fidèles et comme eux, il a été démontré par le fait, ou qu'ils ne croyaient pas réellement, ou qu'il n'y avait pas dans leur profession de foi une parfaite sincérité. Tels furent deux hommes que le Saint-Esprit a voulu signaler par leur nom, mais pourtant dans une lettre particulière qui ne devait avoir que plus tard une entière publicité. Quant à ce que dit l'apôtre, qu'il les avait livrés au Satan, afin qu’«ils fussent corrigés, pour ne plus blasphémer,» il est difficile de comprendre ce qu'il entend par là. Quelques-uns pensent qu'il les avait exclus de l'Église, et rejetés ainsi dans le monde sur lequel Satan règne; mais on ne conçoit pas bien comment ce genre de discipline pouvait servir à les corriger et à prévenir leurs blasphèmes D'autres soupçonnent qu'il pourrait être question d'une simple dénonciation du sort qu'ils se préparaient par leurs infidélités, ou de quelque affliction corporelle particulièrement propre à leur rappeler celui dont ils accomplissaient les mauvais désirs. Dans tous les cas, ceux qui avaient connu Hyménée et Alexandre, savaient bien ce qui leur était arrivé; en sorte que cette parole n'est obscure que pour nous. Telle qu'elle est, je pense qu'elle a tout ce qu'il faut pour nous inspirer la crainte salutaire de faire un naufrage semblable au leur.

2: 1-7
§ 1368. Rien n'abonde plus dans le Nouveau Testament, que des exhortations à la prière; mais ce n'est pas pour nous seulement que nous devons prier. Il faut que nous adressions à Dieu des supplications en faveur de nos semblables, quels qu'ils soient, et surtout en faveur de ceux qui sont appelés aux fonctions difficiles de gouverneurs des nations. Souvent, hélas! ils se montrent hostiles à la piété (Luc XII, 11; Act. IV, 26); raison de plus pour que nous nous souvenions d'eux dans nos prières (§308), «afin que nous puissions mener une vie paisible et tranquille, en toute piété et gravité.» C'est d'ailleurs ce que veut et aime le Dieu qui nous a sauvés, et qui appelle toutes sortes d'hommes au salut par la connaissance de la vérité; car, bien qu'il y ait des différences notables d'homme à homme, il n'y a qu'un seul Dieu et un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme-christ, Jésus, qui s'est donné en rançon pour tous. Lors donc que les catholiques romains s'approchent de Dieu par la médiation des saints et des anges, ils se mettent en contradiction manifeste avec l'Écriture. Pour justifier cette invention, ils allèguent le besoin d'intercesseurs entre nous et Jésus-Christ, Dieu; mais ils oublient que si Jésus-Christ est Dieu en effet, il a été et il est encore homme, devenu tel précisément pour nous servir de Médiateur. Voilà donc à quoi Paul revient sans cesse: le salut par Christ et par lui seul. C'est pour rendre témoignage à cette doctrine qu'il fut établi prédicateur, qu'il reçut de Jésus-Christ sa mission, qu'il fut chargé d'enseigner les peuples, et cette vérité est l'objet propre de la foi.

2: 8
§ 1369. Quelque part que les disciples soient réunis en assemblées de prières, c'est aux hommes seuls qu'il appartient de prier. Mais il faut qu'ils élèvent vers le ciel des mains saintement suppliantes; que leur cœur soit libre de toute irritation et de toute colère; que leurs prières en conséquence ne prennent jamais la forme d'imprécations; il faut enfin qu'ils mettent de côté tout ce qui pourrait transformer la prière en une sorte de lutte, où chacun chercherait, comme dans un débat public, à faire prévaloir son opinion. En prenant le précepte dans son sens le plus général, il signifie que la prière suppose la foi qui sanctifie les âmes, et l'amour qui unit les cœurs.

2: 9-15
§ 1370. Quant aux femmes, elles doivent éviter en tout temps, mais particulièrement dans les assemblées de culte, ce qui pourrait attirer sur elles les regards. Une parure mondaine, la recherche et le luxe dans la toilette, ne conviennent nullement à des femmes qui font profession de servir Dieu, et qui l'honorent bien mieux par leurs bonnes œuvres, que par la richesse et le bon goût de leurs vêtements. La bienséance, la modestie, la propreté, voilà ce qui est convenable; mais rien de plus. Après cela, il n'est pas permis à la femme d'enseigner dans les assemblées. Mariée ou non, elle prendrait ainsi, sur l'homme, une autorité qui ne lui appartient pas. Même avant la chute, l'homme était le chef de la femme, car Adam fut créé le premier; et si nous prenons le genre humain après la chute, nous voyons que la transgression entra dans le monde au moyen de la femme. Ce doit être pour toute fille d'Ève une pensée humiliante, propre à la maintenir dans le silence, comme s’exprime le Saint-Esprit par la bouche de Paul. Cependant, ce n'est pas à dire que la femme ne participe pas au salut, de même que l'homme. Non seulement elle y participe, mais de plus, si, par sa désobéissance, elle a été l'introductrice du péché dans le monde, elle y a été aussi, par l'enfantement du Christ, l'introduction du salut, comme Dieu l'avait dit aussitôt après la chute. Car voici la vraie traduction de ce passage difficile: «Mais elle sera sauvée au moyen de l'enfantement.» On peut aussi traduire: «au travers de l'enfantement,» ce qui ferait allusion aux douleurs souvent mortelles qui accompagnent pour une mère «la joie qu'elle a de ce qu'un homme est arrivé dans le monde.» Rien ne lui crie plus fortement qu'elle est sous la condamnation, à cause du péché; mais «au travers» de cette malédiction, elle est sauvée, «si elle demeure dans la foi et l'amour de Dieu, dans la sanctification avec modestie.» Pour la femme donc, comme pour l'homme, la foi est le moyen du salut, cette foi qui, déployant son efficace dans l'amour (§ 1351), sanctifie la vie tout entière; et ce qui caractérise la femme fidèle, c'est la modestie qu'elle apporte à ce qu'elle fait; la modestie, dis-je, forme si aimable de l'humilité.

3: 1-7
§ 1371. Nous avons vu (§ 1220) que, dès son premier voyage missionnaire, Paul institua des anciens dans chacune des villes où ses prédications avaient porté des fruits; nous avons dit qu'il ne fit en cela, sous la direction du Saint-Esprit, qu'imiter ce qui existait au milieu des Juifs; et que, chez ces derniers, les anciens de chaque congrégation recevaient aussi le nom de «surveillants» ou évêques. Ici, nous voyons notre apôtre donner à Timothée d'importantes directions relativement à cette charge d'évêque ou de surveillant, c'est-à-dire d'ancien dans l'Église.

§ 1372. D'abord, on doit envisager l'œuvre d'ancien i comme une bonne œuvre; bonne pour ceux qui l'exercent consciencieusement et qui, serviteurs du Seigneur et de l'Église tout à la fois, cherchent leur lumière et leur force dans le Saint-Esprit; bonne pour l'Église elle-même, à qui elle est une garantie d'ordre dans les assemblées, dans les familles, dans la vie des individus. Aussi est-il permis à chacun de désirer cette charge, d'y aspirer, comme à tout ce que Dieu déclare bon; seulement, il faut qu'on examine si l'on possède les qualités requises, et sans doute que l'église, par elle-même ou par ses représentants, est appelée à juger de l'aptitude des aspirants à la charge d'ancien. Si elle ne le fait pas, qui le fera? et si personne ne le fait, il ne faut plus parler d'aspirants.

§ 1373. Cette énumération détaillée des qualités requises dans un surveillant, atteste l'importance de l'emploi et dit avec quel soin l'on doit choisir ceux auxquels on le confie. Il n'est aucune de ces qualités toutefois qui suppose les dons extraordinaires du Saint-Esprit, aucune qui ne puisse et ne doive se trouver, dans tous les temps, chez tous les chrétiens, sauf l'aptitude à l'enseignement; preuve que cette charge n'était pas particulière au siècle apostolique, mais qu'elle était destinée à demeurer perpétuellement dans l'Église. Au surplus, par cette aptitude à l'enseignement, il ne faut pas entendre la science d'un docteur; mais une intelligence de la Bible assez approfondie, une connaissance du cœur humain assez exercée, une expérience de la vie chrétienne assez variée, pour qu'on soit en état d'édifier les âmes par de simples discours, d'exhorter, de reprendre, de consoler d'une manière conforme à la saine doctrine.

§ 1374. Il y a trois qualifications sur lesquelles l'apôtre insiste d'une façon spéciale. La première, c'est que l'évêque préside bien sa propre maison et qu'il tienne ses enfants dans le bon ordre; sinon comment lui confierait-on le soin d'une assemblée de Dieu? Remarquez en passant, que l'Église romaine, toujours en opposition avec l'Écriture, défend aux anciens de se marier, tandis que la Parole de Dieu suppose qu'ils ont des enfants. Remarquez encore que l'original ne dit pas gouverner, «mais prendre soin:» Jésus-Christ seul gouverne l'Église. — La seconde qualification essentielle, c'est que l'ancien ne soit pas nouvellement converti et depuis peu membre actif de l'église, attendu qu'il pourrait s'enorgueillir de sa charge et donner prise aux calomnies de Satan. Celui-ci sait combien la conduite des anciens jette un bon ou un mauvais reflet sur l'Église et même sur le Seigneur; c'est pourquoi le monde a le regard dirigé sur eux plus que sur personne. — La troisième enfin, c'est que, par la même raison, les anciens doivent avoir un bon témoignage, non seulement de l'Église, mais encore de ceux qui y sont étrangers. L'Église accueille tout pécheur que Christ reçoit lui-même, c'est-à-dire les plus grands criminels, s'ils viennent à se convertir; mais le monde ne pardonne pas comme Dieu. Ce serait pour lui un grand scandale et une occasion de blasphèmes, s'il voyait parmi les conducteurs d'une église des hommes naguère mal famés, dont on n'aurait pu oublier les écarts, peut-être les crimes, et qu'il faut maintenir dans l'humilité au lieu de les mettre en tentation d'orgueil.

3: 8-13
§ 1375. Outre les anciens, il y a dans chaque église bien conduite, ou du moins il peut y avoir suivant les besoins, une autre classe de fonctionnaires, désignés sous le nom grec de diacres, ce qui signifie serviteurs; nous avons vu ailleurs quelles étaient leurs fonctions (§ 1133). Bien que d'une nature différente de celles des anciens, elles ne sont pas moins saintes, et il y faut des hommes également exemplaires, instruits des mystères de la foi, fidèles au Seigneur et consciencieux, des hommes éprouvés par l'église et à l'abri de tout reproche grave. Leurs femmes même doivent se distinguer par la sainteté de leur vie, et si, comme cela peut arriver souvent, elles sont appelées à aider leurs maris dans les services qu'ils rendent à l'église, nous voyons ici de quelle manière elles doivent s'acquitter de cette noble tâche. Il importe d'ailleurs que les diacres, comme les évêques, donnent l'exemple des vertus domestiques et notamment de la pureté dans le mariage. Enfin, c'est un grand privilège d'être appelé au service de l'Église, même dans le rang le plus humble. On y recueille beaucoup de bénédictions pour sa propre âme, et, par l'expérience qu'on y fait de la présence du Seigneur au milieu des siens, on acquiert en lui une assurance de foi toujours plus vive.

3: 14-16
§ 1376. Bien que l'apôtre espérât de rejoindre bientôt son disciple, il lui donne toutes ces directions par écrit, afin qu'il puisse les avoir sous les yeux, et disons-le, sans craindre de nous tromper, c'est l'Esprit du Seigneur, cet Esprit au nom duquel Paul prophétise quelques lignes plus bas, c'est lui qui l'a voulu, afin que les instructions reçues par Timothée étendissent leur influence sur les siècles à venir. Aussi voyons-nous que Paul ne dit pas à Timothée: Je t'écris ces choses afin que tu saches comment il faut te conduire, mais se conduire dans la maison de Dieu. Cette maison de Dieu, c'est «l'Assemblée ou l'Église du Dieu vivant, colonne et appui de la vérité.» Elle n'est pas la source de la vérité, comme le prétendent les catholiques romains; mais une église du Dieu vivant ne saurait être digne de ce nom, si elle ne professe hautement la vérité et si elle ne marche selon la vérité. C'est ainsi qu'elle en devient la colonne et l'appui; l'Église tout entière, remarquez-le bien, et non pas seulement ce qu'en certains lieux, on appelle l'Église, c'est-à-dire le clergé. Or voici en substance la vérité dont le dépôt est confié à l'Église: c'est le grand mystère de l'amour de Dieu, tel qu'il a été manifesté en Jésus-Christ, lui qui est Dieu devenu homme; lui que le Saint-Esprit a proclamé le seul juste; lui que les anges ont vu et célébré, soit à sa naissance, soit à sa résurrection; lui dont le salut a été prêché parmi les nations; lui qui est devenu l'objet de la foi d'une multitude d'hommes dans le monde, lui enfin qui maintenant est rentré dans sa gloire. Ainsi, Jésus-Christ, base et sommaire de toute la révélation, voilà ce que l'apôtre rappelle en passant.

4: 1-5
§ 1377. Mais si l'Église, dans son ensemble, est la colonne et l'appui de la vérité, ce n'est pas à dire qu'elle sera toujours et dans toutes ses parties, fidèle au mandat que la grâce de Dieu lui a confié. L'Esprit dit expressément par la bouche de Paul, que dans les derniers temps, c'est-à-dire donc, dans les temps dont les apôtres ont vu le premier siècle (II, § 995), quelques-uns se retireraient de la foi, s'attachant à des doctrines pleines de séductions et tout imprégnées d'un venin diabolique. Les fauteurs de ces doctrines, généralement hypocrites et menteurs, auront la conscience cautérisée, et voici à quels traits, fort sensibles, on pourra les reconnaître. Ils feront du célibat une obligation sacrée et ils ordonneront de s'abstenir de certains aliments, comme si Dieu ne les avait pas tous créés pour l'usage de l'homme et comme si tout aliment n'était pas sanctifié par la prière et par l'action de grâce. Ajoutez à cela que le mot démon, chez les païens, se disait de leurs dieux du second ordre. Cela étant, vous penserez, avec beaucoup de chrétiens, qu'on peut entendre par «les doctrines de démons,» celles qui enseignent à rendre aux saints et aux anges une partie du culte qui n'est dû qu'à Dieu. Cette prophétie ne serait donc qu'un développement de celle qui a pour objet «le mystère de l'iniquité,» dans l'épître aux Thessaloniciens (§ 1305). Si le Saint-Esprit n'emploie pas ici les mêmes mots pour désigner l'apostasie, il est à remarquer toutefois qu'il met ces déplorables erreurs en opposition avec «le mystère de la piété» dont il parlait tout à l'heure. Prophétie fort remarquable assurément, et qui atteste au plus haut point l'inspiration des écrits de saint Paul; car quel est l'homme qui eût pu prévoir que de pareilles énormités se manifesteraient jamais au sein de l'Église de Jésus-Christ?


CCXCII. Devoirs des serviteurs de Jésus-Christ; directions au sujet des veuves, du salaire des anciens et de la discipline; les esclaves, les mercenaires, l'avarice, les riches, le bon dépôt.


4: 6-12
§ 1378. Deux grands mystères nous sont donc révélés à la fois par les Écritures: le mystère de la piété en Jésus-Christ, et le mystère de l'iniquité en Satan. Or le devoir de tout ministre ou serviteur de Jésus-Christ (il y a en grec le mot diacre), est d'exposer fidèlement à ses frères ce qui concerne l'un et l'autre de ces mystères; tout ce qui s'y rapporte étant du domaine de la foi et de la bonne doctrine dont un prédicateur doit se nourrir lui-même. Quant aux fables et aux légendes par où l'on prétend alimenter la dévotion des fidèles, il faut qu'il s'en abstienne entièrement et qu'il cherche ailleurs l'exercice nécessaire à la piété. Car s'il y a une gymnastique pour le corps, il en est une aussi pour l'âme. Mais tandis que celle-là n'est utile qu'au maintien de la santé et au développement des forces physiques, celle-ci abonde en bénédictions pour le temps et pour l'éternité. Les promesses faites à la piété sont, au reste, d'une nature toute spirituelle. Le chrétien est appelé au travail et à la souffrance; c'est même ainsi que sa piété s'exerce. Mais si les avantages terrestres ne lui sont pas garantis, il a, dès la vie présente, le plus grand de tous les biens; car il espère dans le Dieu vivant, Sauveur de tous ceux qui croient en lui.

4: 12
§ 1379. «Que personne ne méprise ta jeunesse.» Adressée à Timothée, cette exhortation revient à dire: «Ne permets pas qu'on méprise tes enseignements, sous prétexte que tu es encore trop jeune pour conduire l'Église.» Elle signifie aussi: «Comporte-toi de manière à faire respecter ta jeunesse,» et, pour cela, «sois le modèle des fidèles; que tes discours et tes actes s'imprègnent de charité; qu'on y discerne sans peine l'influence du Saint-Esprit et de la foi; que toutes tes habitudes enfin respirent la charité.» Je prie mes jeunes lecteurs de se rendre attentifs à ces lignes, quelle que soit leur position dans l'Église.

4: 13
§ 1380. J'ai dit que Timothée avait été de bonne heure instruit dans les Écritures par sa mère et par sa grand-mère (§ 1233), comme nous en aurons la preuve plus tard. Cependant, on aurait beau savoir la Bible par cœur, rien ne dispense d'en faire une lecture habituelle, surtout si l'on est appelé d'office à exhorter et à enseigner. Mais tous les fidèles sont serviteurs de Jésus-Christ, ministres de sa bonne volonté envers les âmes; tous ont, de manière ou d'autre, à reprendre, à consoler, à redresser, à instruire (§§ 1294, 1355); tous donc doivent faire une étude assidue des Écritures. C'est par là qu'une mère se met en état de conduire sa famille, un ami de consoler ses amis affligés, un frère de retirer de l'erreur des frères qui s'égarent; et c'est par là que le moindre des fidèles peut devenir l'instrument de la conversion de beaucoup de pécheurs.

4: 14
§ 1381. Au moment peut-être où Paul avait laissé Timothée à Éphèse, si ce n'est plus tôt, le jeune disciple avait été consacré à son office par l'imposition des mains, non de Paul seulement, mais de tout le corps des anciens (§ 1200). Il y avait eu alors une effusion de la grâce de Dieu sur son âme, selon les prophéties dont il avait été précédemment l'objet (§ 1367). L'apôtre l'exhorte à se souvenir de cette journée solennelle, et à s'en souvenir de telle sorte que ses progrès dans le bien soient évidents. Le chrétien, sans doute, ne fait pas montre et parade de sa piété, mais il est impossible que sa lumière ne luise pas devant les hommes (§ 287), et s'il gagne en foi et en amour, ses frères devront nécessairement s'en apercevoir, bien que lui-même, croissant à proportion dans l'humilité, se voie toujours plus misérable. Enfin, Timothée est invité à diriger son attention sur deux choses: d'abord sur lui-même, puis sur son enseignement; car il y allait de son propre salut et du salut de ceux qui l'écoutaient. Ah! quel excellent, mais redoutable ministère, que celui de prédicateur de l'Évangile!

5: 1-2
§ 1382. Bien que considérable, l'autorité d'un serviteur de Jésus-Christ ne va pas jusqu'à le dispenser des égards que réclament l'âge et le rang. À égalité même de conditions, cette autorité doit toujours être tempérée par les saintes affections de l'amour chrétien. Il faut donc que le ministre du Seigneur exhorte un ancien comme il exhorterait un père, une femme âgée comme une mère, les jeunes hommes comme des frères et les jeunes femmes comme des sœurs. Dans ce dernier cas, il sera particulièrement sur ses gardes pour éviter tout rapport contraire à la plus entière pureté. Quelles directions admirables, et qui dira de combien de manières elles ont été et sont encore journellement méconnues, surtout dans l'église qui se vante le plus de sa prétendue apostolicité!

5: 3-16
§ 1383. Il a été dit précédemment d'où vient que l'Église des premiers temps paraît avoir compté des veuves en grand nombre (§ 1131). Ici, nous avons à leur sujet diverses règles, qui, d'une importance moindre et d'une application plus rare de nos jours, ne laissent pas d'avoir encore leur utilité. En général, c'est un devoir pour tous d'honorer le malheur. Quant aux enfants, qu'ils aient soin de leurs mères, en échange de tout ce qu'ils ont reçu d'elles; et si quelqu'un abandonne ses parents, il a renié la foi, négligeant une obligation que remplissent même des incrédules. C'est pourquoi , il ne faut pas que l'église entretienne par ses aumônes, des pauvres que leur famille devrait soulager avant tout. Pour ce qui est des veuves, pauvres ou riches, le Seigneur, en les privant de leur époux selon la chair, les invite d'une façon toute particulière à se consacrer au service des saints pour l'amour de leur époux céleste; mais si leur cœur est léger, qu'elles se remarient, dit l'apôtre, plutôt que de donner du scandale.

5: 17-18
§ 1384. Paul ayant parlé des assistances que l'église peut se voir dans le cas de faire à ses pauvres, retourne aux anciens et aux émoluments dûs à leur charge. C'est bien de cela qu'il est question; car au lieu du mot «honneur» qui se trouve dans nos versions, il faut lire «honoraire.» La chose est d'ailleurs de toute évidence, si l'on considère, soit le passage de l'Ancien Testament, soit le mot de notre Seigneur que Paul cite à cette occasion (Deut. XXV, 4; Luc X, 7). Il est donc établi dans cet endroit de l'Écriture, comme autre part encore (§ 1 356), que l'Église doit indemniser les anciens pour le temps qu'ils consacrent à son service. Il se peut qu'ils n'aient pas besoin de leurs émoluments pour vivre et qu'ils ne les acceptent pas; toujours est-il qu'ils y ont droit. Ce passage nous montre de plus qu'il est deux espèces d'anciens ou évêques. Tous président sur l’église, mais tous ne sont pas employés à la prédication et à l'enseignement. Ceux-ci, obligés de donner à leur office une plus grande partie de leur temps, ont droit à un double honoraire; c'est même ce qui est de stricte justice en faveur des anciens qui consacrent à l'église toute leur activité, ne fût-ce qu'à des occupations de moindre valeur en apparence.

5: 19-21
§ 1385. Par un effet de la mission extraordinaire qu'il avait reçue, ou simplement comme membre du corps des anciens ou presbytère (anciens se rend en grec par presbyteros, d'où le mot presbytère), Timothée pouvait se voir dans le cas d'exercer la discipline sur les conducteurs mêmes de l'église d'Éphèse; mais il est exhorté d'une manière fort solennelle à ne pas y procéder légèrement. L'accusation devra être soutenue par deux ou trois témoins, et si l'inculpé est convaincu, l'on devra le reprendre publiquement, en réparation du scandale public qu'il aura donné. Il s'agira d'ailleurs de se prémunir contre toute prévention favorable ou défavorable, afin de prononcer avec une entière impartialité. C'est devant Jésus-Christ, Dieu et Seigneur, et devant les anges élus, devant ces anges qui escorteront, à sa venue, le Juge des vivants et des morts; c'est en présence de cette auguste assemblée que tous les actes de la discipline ecclésiastique doivent s'accomplir, comme c'était devant elle que Paul traçait les règles de cette discipline pour les communiquer à son disciple.

5: 22
§ 1386. En qualité d'évangéliste et d’ancien, Timothée pouvait aussi avoir à consacrer, par l'imposition des mains, quelque fonctionnaire de l'Église. Paul l'exhorte à ne point le faire avec précipitation. Celui qui accepte légèrement une charge ecclésiastique quelconque, commet un péché que partagent ceux qui lui confèrent cette charge sans un sérieux examen. Ici, comme en toute occasion où nous devons agir de concert avec quelques-uns de nos frères, il faut que nous soyons attentifs à ne pas nous laisser entraîner dans une mauvaise voie par la majorité; il faut, si nous ne pouvons empêcher le mal, que nous demeurions, quant à nous, purs du mal qui se commet, et prendre toutes nos mesures pour qu'on ne puisse pas nous l'imputer.


§ 1387. Le serviteur de Dieu doit aussi songer au maintien de sa santé. Quelques personnes s'étonnent, mais bien à tort, qu'un écrit inspiré renferme une recommandation de cette nature; comme si l'Esprit de Dieu avait dû arrêter dans le cœur de l'apôtre l'affection qu'il avait vouée à son enfant en la foi ou du moins l'empêcher de l'exprimer, et comme si le Seigneur ^ lui-même ne portait pas intérêt à la santé de ceux qu'il aime. Timothée avait de fréquentes maladies, nous l'apprenons ici. Dieu, qui sait ce qui convient à ses serviteurs, permet souvent que les plus pieux soient aussi les plus éprouvés dans leur corps, excellente discipline pour l'âme. Timothée, modéré en toutes choses, ainsi qu'il sied à un serviteur de Dieu, poussait la tempérance jusqu'à l'abstinence entière. Paul jugeant, de son côté, que la plupart des indispositions de Timothée venaient peut-être de la trop grande sévérité de son régime, l'invite à se fortifier l'estomac en buvant quelque peu de vin. Ce conseil d'hygiène était-il le fruit de l'inspiration divine (II, § 980)? cela se peut; dans tous les cas, le Saint-Esprit ayant dit ailleurs que ni les anciens (III, 3), ni les diacres (III, 8), ni personne (Gal. V, 21) ne doit s'adonner à la boisson, il a voulu montrer qu'il est cependant des austérités exagérées; et, sous ce rapport comme sous tant d'autres, combien la morale de l'Évangile est admirable, quand on la compare à celle de toutes les religions fausses ou au christianisme falsifié de certaines sectes. Enfin, le Saint-Esprit savait qu'il viendrait des incrédules qui soulèveraient force objections contre l'authenticité des Écritures; or le passage qui nous occupe est un de ces mots pleins de naturel, auquel nul imposteur n'eût jamais songé.

§ 1388. Les paroles qui suivent portent aussi un cachet frappant de vérité, mais par une autre raison. C'est ce qu'elles ont d'obscur qui les rend naturelles, car on ne saurait feindre l'obscurité. Qu'est-ce qu'il faut entendre par ces «péchés qui, chez quelques-uns sont manifestes, précédant pour le jugement,» péchés à distinguer de ceux qui, «chez quelques autres, suivent?» Puis, que signifient ces «bonnes œuvres qui sont manifestes» et celles qui, «étant autrement, ne peuvent être cachées,» traduction littérale? Les uns, liant ceci aux paroles immédiatement antécédentes, pensent qu'il y est fait allusion aux péchés de Timothée, car «il n'y a personne qui ne pèche,» a dit Salomon (II, § 654). D'autres croient que Paul, après s'être interrompu pour donner à Timothée deux conseils, l'un relatif à la pureté intérieure (fin du verset 22), le second relatif à la santé (vers. 23), retourne au sujet principal de sa pensée, et qu'il faut entendre ses paroles comme suit: «Il est quelquefois très-facile de savoir si le candidat à une charge d'ancien est qualifié ou non; car les péchés de quelques-uns sont notoires, avant toute enquête du presbytère. Mais il peu arriver qu'on impose les mains à un homme qui n'avait rien contre lui et dont les dispositions vicieuses se manifestent plus tard; auquel cas sans doute ceux qui l'ont consacré ne sont pas responsables. De même, les bonnes œuvres d'un candidat sont généralement assez connues pour déterminer l'opinion de ses examinateurs, et si elles ne le sont pas suffisamment, une enquête bien faite ne peut manquer de les mettre au jour.»

6: 1-2
§ 1389. Au moment où l'Évangile fut porté dans le monde par les apôtres, la société civile était constituée de telle sorte qu'il y avait partout, sauf chez les Juifs, beaucoup plus d'esclaves que d'hommes libres. C'était un régime que la foi chrétienne devait abolir insensiblement; mais il ne pouvait entrer dans les vues du Seigneur qu'il cessât tout à coup, car il eût fallu pour cela des révolutions politiques, des bouleversements, des luttes sanglantes qui sont incompatibles avec la foi. En conséquence, loin d'exciter les esclaves à secouer violemment le joug, la parole évangélique dut les exhorter à honorer leurs maîtres en toutes choses, leur représentant combien l'honneur même de Dieu et de la saine doctrine y était intéressé. Que si des esclaves avaient le bonheur d'appartenir à des maîtres membres de l'Église comme eux, au lieu de les traiter d'égal à égal parce qu'ils étaient frères et de méconnaître leur autorité, ils devaient les servir avec une soumission d'autant plus grande. Or, quoique la domesticité de maintenant ne ressemble point à l'antique esclavage, les domestiques chrétiens et ceux qui sont de quelque manière sous l'autorité d'autrui, trouvent ici la règle parfaite de la conduite qu'ils sont appelés à tenir envers leurs maîtres et leurs supérieurs.

6: 3-5
§ 1390. Toutes ces instructions sont de saines paroles, des paroles du Seigneur Jésus-Christ s'exprimant par la bouche de son apôtre; ce sont des doctrines morales en accord avec la piété, et l'orgueil humain, source si fréquente d'ignorance, peut seul tenir un autre langage. Souvent aussi ce qui éloigne de ces saintes maximes, c'est la maladie des contestations et des disputes de mots, semences de désordres pour l'Église. La plupart du temps, ces contestations elles-mêmes viennent d'hommes qui, corrompus d'entendement, pleins de sophismes et étrangers au vrai, font de la piété ou de ce que nous appelons la religion, un moyen de gagner de l'argent; docteurs mercenaires qui cesseraient de s'occuper des choses de Dieu s'ils n'étaient pas payés, et qui, par cela même, ne s'en occupent pas comme il convient. Ce sont les disputes de mots qui les font vivre, comme Démétrius vivait de ses petits temples de Diane, et ils ont intérêt à les perpétuer. Paul dit à Timothée, et il nous dit à nous-mêmes: «Retire-toi de ceux qui sont tels.»

6: 6-10
§ 1391. Souvent un mot fait naître une idée. L'apôtre ayant parlé de ceux qui voient dans la piété une source de gain, revient là-dessus pour exprimer qu'en effet la piété est une bonne fortune, mais non pas comme l'entendent les amis de l'argent. La vraie piété est inséparable du contentement d'esprit. Regardant à l'éternité, le chrétien sait que nous.n'emporterons avec nous aucun des biens d'ici-bas. Riche de ceux de la grâce, il lui suffit, quant aux autres, de posséder la nourriture et le vêtement; or celui-là est opulent, à qui rien ne manque de ce qu'il désire. Mais ceux qui, à toute force, veulent s'enrichir, hélas! qu’ils sont à plaindre! Que de tentations, que de pièges, que de désirs insensés et pernicieux, et au bout, quelle ruine! L'amour de l'argent est la racine de tous les maux, car l'amour de l'argent est le contre-pied de l'amour de Dieu (§ 692). Qui s'en laisse posséder, s'égare de la foi et se transperce soi-même d'une foule de douleurs. Ah! les douleurs de l'avare! elles sont d'autant plus cruelles que son Dieu est sans entrailles. Et que sera-ce encore si cet avare a ouï parler des richesses de la miséricorde de Dieu, s'il se sent quelquefois porté vers les trésors de la grâce et s'il est constamment tiraillé des deux côtés, ne trouvant pas le bonheur dans l'abondance de ses biens, et ne pouvant se décider à le chercher en Jésus-Christ?

6: 11-16
§ 1392. Mais toi, ô homme de Dieu (le même titre qui est donné à Moïse, Ps. XC, 1), fuis ces choses; car l'amour de l'argent est incompatible avec la mission sacrée d'un évangéliste, avec la qualité non moins sainte d'enfant de Dieu. Nous donc, au lieu de poursuivre la fortune, poursuivons la justice, soit la justice de Dieu qui est par la foi, soit la vertu qui nous fait rendre à chacun ce qui lui est dû; poursuivons la piété, c'est-à-dire le commerce habituel avec Dieu, en prières et en actions de grâces; l'amour, cet amour même dont l'apôtre parlait au commencement de son épître (§ 1365); la patience dans les maux et dans les difficultés de la vie; la douceur enfin, le plus bel apanage des disciples de Celui qui fut doux et humble de cœur. N'oublions pas d'ailleurs que la foi nous appelle au combat (§ 1367, 1 Thess. II, 2), et ne reculons jamais devant l'ennemi. Il voudrait nous arracher la vie éternelle, raison pour nous de la saisir avec force, de nous cramponner aux promesses de notre céleste vocation. Timothée avait fait, devant beaucoup de témoins, une belle confession de ses espérances en Christ; c'est ce que Paul lui rappelle, pour l'encourager: mais ce qu'il lui rappelle surtout, c'est la belle confession que Jésus-Christ fit devant Ponce Pilate lorsqu'il se déclara vraiment Roi, roi par la vérité. C'est de ce roi que nous devons garder le commandement, jusqu'à son apparition. Mais que faut-il entendre par ce commandement? Peut-être celui que l'apôtre avait signalé tout d'abord en disant: «la fin du précepte c'est l'amour» (I, 5; Jean XIII, 34; XV, 12); peut-être le commandement qu'il vient d'exprimer en trois mots: «Saisis la vie éternelle;» à moins qu'il ne veuille dire simplement que plus on s'attache aux promesses de Dieu, plus on est attentif à faire ce qu'il commande. Quant à l'apparition de notre Seigneur Jésus-Christ, c'est le grand événement vers lequel, depuis l'ascension de leur maître (1074), les disciples dirigeaient sans cesse leurs pensées, comme vers l'époque où devaient se réaliser pleinement leurs espérances. Alors en effet sera manifesté Celui qui est le Dieu bienheureux, le seul Souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le seul qui possède par essence l'immortalité, qui habite une lumière inaccessible et qu'aucun homme pécheur ne vit ni ne peut voir (II, §§ 182, 218): à Lui appartiennent l'honneur et le pouvoir éternellement!

6: 17-19
§ 1393. Après ce sublime élan de foi et d'adoration, l'apôtre veut compléter ses avertissements au sujet des richesses. Il a dit les maux auxquels s'exposent ceux qui courent après les biens de la fortune; mais il est des gens qui sont riches sans l'avoir cherché, soit par un effet du travail ou de l'avarice de leurs pères, soit parce que Dieu a jugé bon de bénir leurs propres entreprises au-delà peut-être de ce qu'ils demandaient. Or, parmi les riches, Dieu fait aussi des miracles de conversion (§ 745), et voici ce qu'il leur recommande par la bouche de l'apôtre. D'abord, de ne pas s'enorgueillir de cet or et de cet argent qui n'ajoutent quoi que ce soit à leur valeur personnelle; puis de ne pas mettre leurs espérances en des richesses si incertaines (§ 344) et de se souvenir que le plus opulent même doit à Dieu, jour par jour, de pouvoir se nourrir de son pain quotidien (§ 333); en troisième lieu, de faire du bien, car c'est à cette seule condition que la fortune est un avantage; de ne pas donner chichement, mais richement; de ne pas donner à contre-cœur, mais avec joie: en un mot, de ne point envisager ce qu'ils ont comme étant à eux, et par conséquent de le répartir entre tous ceux pour lesquels Dieu leur en a confié l'administration (§ 691 ); enfin, d'avoir leur principal trésor dans le ciel (§ 344) et de saisir des deux mains la vie éternelle, ce qui ne peut se faire quand on les a pleines de biens terrestres qu'on ne veut pas abandonner. Ah! si tous les riches de ce monde étaient au nombre des croyants, ou seulement, si tous les riches qui croient agissaient d'une manière conséquente avec leur foi, les richesses du petit nombre n'exciteraient pas tant de mécontentement et d'envie. En ce point, comme en bien d'autres, les maux de la société viennent, hélas! du mépris qu'on fait de la Parole de Dieu.

6: 20-21
§ 1394. L'apôtre termine sa lettre par un avertissement que les ministres et les fidèles de nos temps ne sauraient traiter avec trop de sérieux. Un dépôt sacré leur est confié: celui de la saine doctrine, dépôt que plusieurs voudraient ravir pour le dilapider; il s'agit d'en faire la garde avec une jalouse vigilance. Mais si l'on veut maintenir la saine doctrine dans l'Église, et, par l'Église, dans le monde, il faut la conserver en soi-même; pour cela se détourner des discours vains et profanes, et des objections d'une science faussement ainsi nommée. Ces discours vains et profanes sont ceux auxquels l'apôtre a fait allusion plus d'une fois dans cette épître; et, par une connaissance faussement ainsi nommée, il faut entendre la philosophie de certaines gens qui, ayant la vérité dans les Écritures, vont toutefois la chercher ailleurs; semblables à un homme qui creuserait péniblement un puits près de sa fontaine, au risque d'en couper la source et de la faire tarir. C'est ainsi que les sectateurs de la science s'écartent de la foi. Pour éviter un tel mal, comme pour accomplir en tout point la Parole de Dieu, que nous faut-il, mes chers lecteurs? Il faut ce que Paul demandait en faveur de son disciple: «Que la grâce soit avec nous (§ 1359).»

§ 1395. Ici se termine la première épître de Paul à Timothée: nous nous occuperons une autre fois de la seconde, écrite plusieurs années après. En attendant, il est incontestable que nous venons de lire une des portions de la Sainte Écriture. L'étude en est principalement utile à ceux qui occupent dans l'Église quelque charge d'évangéliste, d'ancien ou de diacre; mais il n'est personne qui n'y trouve des directions d'une extrême importance. Puis, bien que la doctrine du salut n'y soit pas traitée directement, on l'y voit percer à toutes les lignes, et, soit la manière dont elle y est exposée, soit la prophétie remarquable qu'on y lit occasionnellement, tout nous atteste l'inspiration divine sous laquelle Paul écrivait. D'un autre côté, il n'est nulle part plus entièrement lui-même que dans cette lettre intime écrite à son disciple bien-aimé, à son véritable enfant dans la foi. Sous ce dernier rapport elle offre un intérêt particulier. Quelle sincérité, quelle chaleur de sentiments, quel dévouement à la saine doctrine, quelle simplicité dans les plus grandes choses et quelle élévation dans les moindres détails! En vérité, le Seigneur avait fait à Saul de Tarse des grâces singulières, et quelle douceur n'y a-t-il pas à penser qu'il ne les lui fit pas pour lui seul, mais pour nous aussi, lecteurs de ses écrits inspirés!


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