CCLXXXIV. Réflexions générales sur les Épîtres. — Exposition de la Première aux Thessaloniciens; souvenirs de Thessalonique; témoignages d'affection.
§ 1265. Parmi les traits qu'a revêtus la révélation divine dans le Nouveau Testament, on doit envisager comme un des plus caractéristiques, la forme d'Épîtres ou de Lettres, sous laquelle le Saint-Esprit y donne ses enseignements. Dans les anciennes Écritures, les livres d'édification proprement dits, sont ou des poèmes (Job, les Psaumes, le Cantique de Salomon), ou des recueils de maximes (les Proverbes, l'Ecclésiaste); il ne s'y trouve qu'une seule lettre (II, § 1181 ), par la raison fort simple qu'à cette époque, les hommes de Dieu vivaient au milieu de ceux qu'ils étaient appelés à instruire. Sous le Nouveau Testament, il n'en fut pas de même. L'Évangile devait être porté à toute créature (Marc XVI, 15). De là des voyages missionnaires tout autres que celui de Jonas et l'extension du règne de Dieu par tout le monde; de là aussi la nécessité pour les messagers du salut, d'écrire aux églises, soit afin de leur remettre en mémoire les choses qu'ils leur avaient prêchées, soit afin de les diriger dans leur marche, suivant les conjonctures; de là enfin les vingt et une lettres des apôtres que nous possédons dans le recueil sacré, sans compter celle de la conférence de Jérusalem (§ 1229).
§ 1266. En lisant le livre des Actes, vous aurez pu observer que si les prédications de Pierre et de Paul occupent une assez grande place dans ce récit, d'ailleurs fort succinct, on est loin toutefois de les y retrouver toutes. Ou bien l'historien sacré les passe entièrement sous silence, se bornant à dire de Pierre et de Paul, comme de plusieurs autres, qu'ils annonçaient le Seigneur Jésus, ou bien il lui suffit de rapporter leur premier discours en certaine localité, et ce premier discours ne renferme guère que les éléments de leur doctrine. Quelquefois aussi les allocutions enregistrées par Luc tirent leur principal intérêt des événements qui les firent naître et sur lesquels elles jettent plus de jour que sur les grands dogmes de la foi. Nul doute que le Saint-Esprit n'eût pu nous conserver dans le livre même des Actes, en lui donnant une longueur convenable, la substance de tous les enseignements des apôtres; mais il a jugé bon qu'ils nous parvinssent sous une autre forme, la forme épistolaire.
§ 1267. Cette forme est admirablement appropriée au but. Les apôtres, écrivant à leurs frères, devront naturellement entrer dans les détails de la doctrine et de la vie chrétienne, mieux qu'ils ne pouvaient le faire sur la place publique et au milieu des synagogues, ou même dans les assemblées nombreuses de leurs disciples. Une correspondance a toujours quelque chose de plus intime, de plus vivant, de plus actuel que le meilleur discours; on y tient compte des moindres circonstances et l'on y est plus complet, par cela même qu'il est permis d'y passer d'un sujet à un autre sans transition et d'y traiter les questions les plus diverses. Nous devons donc nous attendre à trouver dans les épîtres des apôtres une très grande variété d'enseignements. La Parole de Dieu y étant adressée, non plus au monde, comme bien souvent dans l'Évangile et presque toujours dans les Actes, mais à ceux qui ne sont pas du monde (Jean XV, 19), elle y prendra son entier développement; en sorte qu'après avoir étudié cette portion des Saints Livres, nous saurons tout ce que Dieu veut que nous sachions pour le salut éternel de nos âmes et pour sa gloire.
§ 1268. Les épîtres offrent d'ailleurs un intérêt tout particulier, en ce qu'elles sont, plus évidemment encore que les autres livres de la Bible, une parole à la fois divine et humaine. C'est le Saint-Esprit qui enseigne, exhorte, reprend, prophétise et raconte par la plume des auteurs de ces lettres; mais les auteurs aussi y exposent, sous la direction du Saint-Esprit, leur foi personnelle, leurs sentiments, leurs désirs, leurs craintes, les expériences de leur vie; en sorte que leurs écrits, semblables aux Psaumes en ce point (II, § 555), nous sont doublement utiles, en mettant à la fois sous nos yeux le tableau du vrai christianisme et celui du vrai chrétien. Les saintes dispositions des fidèles nous y sont donc offertes de deux manières; et par la voie de l'exposition théorique, et par le compte sincère que les apôtres nous rendent de leurs impressions et de leur activité. Il en est de même quant à la vie des églises primitives. Elle pouvait nous être tracée historiquement, et elle l'est en partie dans le livre des Actes; mais les épîtres des apôtres nous introduisent beaucoup mieux au sein même de ces églises, par les nombreuses allusions qu'elles font à leurs circonstances, par les conseils, les réprimandes, les encouragements, les éloges qu'elles leur adressent. C'est ainsi que, complétant les enseignements proprement dits de la Révélation tout entière, les Épîtres complètent également l'histoire importante de la fondation de l'Église, dans la mesure du moins que Dieu a jugée nécessaire. Elles abondent en renseignements historiques et il y est fait mention d'une foule de circonstances qui jettent un grand jour sur les récits du livre des Actes, quant au ministère de Paul en particulier. On va le voir déjà dans les deux Épîtres aux Thessaloniciens.
§ 1269. Mais avant d'entrer en matière, je dois rappeler à mes lecteurs que les titres de ces livres de la Parole de Dieu ne leur ont pas plus été donnés par les écrivains sacrés eux-mêmes, que ceux des autres livres (I, § 13). Il ne faut donc pas qu'ils s'étonnent d'y voir le nom de Paul précédé de l'épithète de saint, bien que ni lui, ni les autres apôtres ne se soient jamais qualifiés de la sorte. Nous avons vu qu'on désignait ainsi, d'une manière générale, tous les disciples de Jésus (§ 1173); mais nul d'entre eux ne reçut ce nom comme une prérogative. Paul et ses collègues dans l'apostolat occupèrent certainement une place éminente parmi les saints de leur époque, c'est-à-dire parmi les disciples, et ceux de tous les siècles ne sauraient garder leur mémoire en trop grand honneur; mais n'oublions pas que, si le Saint-Esprit fit d'eux les organes infaillibles de ses dernières révélations, comme Moïse, Élie et les prophètes l'avaient été des précédentes, ils furent des hommes sujets aux mêmes infirmités que nous (Actes XIV, 15); en sorte que s'ils ont été du nombre des saints, ce n'a pu être qu'aux mêmes conditions sous lesquelles ce glorieux privilège nous est offert à nous-mêmes: la conversion envers Dieu et la foi en Jésus-Christ. C'est une observation dont il importe de se souvenir en lisant leurs épîtres, afin de ne pas se croire dans l'impossibilité d'être saints comme ils le furent J parce qu'on est dans l'impossibilité très réelle de faire comme eux des miracles et de parler au moyen d'une inspiration surnaturelle.
§ 1270. Outre les titres des lettres apostoliques, titres, viens-je de dire, qui n'ont pas le Saint-Esprit pour auteur, il y a encore dans beaucoup de nos Bibles, au bas de chaque épître, une inscription destinée à indiquer le lieu d'où elle aurait été écrite. Ces inscriptions ne sont pas non plus le fait de l'écrivain sacré. Elles ont été placées dans les manuscrits assez longtemps après, et par des hommes qui n'y ont pas toujours mis une attention suffisante. Il en est donc plusieurs qui sont fautives, et, par cette raison, l'on a bien fait de les supprimer dans la plupart des Bibles qui s'impriment maintenant. Les apôtres envoyaient leurs lettres par des messagers, suivant l'usage de ce temps, et il n'était pas nécessaire qu'ils y marquassent le lieu de l'expédition; ce n'était d'ailleurs d'aucune importance, car, en définitive, ce sont des lettres venant du ciel.
Chap.
1-4
§ 1271. Après ces observations préliminaires,
j'ouvre la première épître de Paul aux Thessaloniciens, et je
commence par inviter mes lecteurs à en prendre connaissance comme
ils le feraient de la lettre d'un ami. Il me semble difficile
qu'ils n'aient pas suivi avec un vif intérêt l'histoire de
l'apôtre, depuis le moment où il concourait d'une manière si
triste au martyre d'Étienne, jusqu'à son récent départ de
Corinthe, environ quatorze ans après. Ils aiment sûrement ce grand
serviteur de Dieu, si actif et si éprouvé, par l'organe duquel
essentiellement l'Évangile a pénétré dans notre Europe. Ils aiment
aussi ces chers Thessaloniciens qui embrassèrent la foi à travers
tant de tribulations et auxquels s'adresse maintenant notre
apôtre. Ils comprennent d'ailleurs que, si le Saint-Esprit a fait
écrire aux fidèles de Thessalonique, ce n'était pas seulement dans
leur intérêt, mais pour l'instruction des élus de tous les temps.
Puis, si Dieu nous a conservé cette lettre et les suivantes, s'il
a voulu qu'elle fût traduite en notre langue, s'il l'a mise entre
nos mains enfin, c'est pour que nous nous en appropriions le
contenu. Dans ce but, lisons-la d'abord comme on lit toute lettre,
non pas un mot ici et un mot là, non pas une page aujourd'hui et
une autre dans quelques jours; mais tout entière, d'un bout à
l'autre et, s'il est possible, sans nous arrêter; premier moyen de
la comprendre, de l'apprécier à sa juste valeur et d'en recueillir
du fruit pour nos âmes. Après cela pourtant, cette lettre n'étant
pas une lettre comme on en peut recevoir tous les jours, elle
mérite d'être reprise et méditée ligne après ligne. Quand vous
l'aurez lue dans son ensemble, vous direz: Comme elle est simple
et touchante! Sous quel jour aimable elle nous présente soit
l'auteur, soit ceux auxquels il s'adresse! Puis, après l'avoir
étudiée en détail, vous vous écrierez: Ah! qu'elle est sublime!
Quels trésors de science divine elle renferme! Comme elle porte
bien le cachet de l'inspiration! Encore une fois donc, je prie mes
lecteurs de laisser mon livre de côté pour un moment, de prendre
l'épître même et de la lire avec attention dans son entier. Cela
fait, ce que je suppose, j’entre volontiers avec eux dans l'exposé
des enseignements qu'elle m'a donnés à moi-même.
1:
1
§ 1272. Il y a d'abord à l'étudier au point de
vue historique, c'est-à-dire à recueillir les renseignements
qu'elle fournit sur diverses circonstances du deuxième voyage
missionnaire de Paul, soit en confirmation, soit en amplification
des récits de Luc. Dès les premiers mots de l'épître, ou, suivant
l'usage des anciens, se lisent les noms de celui ou de ceux qui
écrivent, puis les noms des personnes à qui l'on s'adresse, enfin
la salutation; dès les premiers mots, dis-je, nous voyons, comme
au livre des Actes (XVII), que Paul avait pour collègues dans son
voyage de Macédoine et de Grèce, Silas et Timothée, Silas nommé
ici Silvain. C'est le même nom, mais avec une terminaison grecque;
tandis que Silas est hébreu, et, dans cette langue, veut dire
Troisième. Puis on voit plus loin qu'au moment où la lettre fut
écrite, la parole du Seigneur avait été portée avec succès en
Achaïe, c'est-à-dire donc à Corinthe, capitale de cette province,
et de plus, que Timothée avait alors rejoint Paul depuis peu. En
sorte que la vraie date de cette lettre serait de Corinthe,
quelques mois après que Paul y fut arrivé. Depuis qu'il avait
quitté les Thessaloniciens, il avait séjourné un certain temps à
Bérée, puis à Athènes, où il paraît que Timothée l'avait rejoint,
mais pour peu de jours; enfin, il avait commencé à Corinthe sa
longue mission. Pendant tout cet intervalle, il n'avait cessé
d'avoir l'esprit et le cœur plein de ses chers frères de
Thessalonique, ce qu'il leur avait bien prouvé en leur envoyant
Timothée: maintenant qu'ils n'ont plus avec eux ni Timothée, ni
Silas, Paul se sent pressé de leur écrire pour les encourager, les
fortifier et les instruire.
I § 1273. Bien que revêtu d'une autorité personnelle digne de tout respect, Paul joint à son nom celui de ses deux compagnons d'œuvre, afin de donner plus de poids à ses paroles et de réjouir d'autant mieux ceux auxquels il s'adresse. Ceux-ci, il les désigne sous le titre de «l'Assemblée des Thessaloniciens en Dieu le Père et en notre Seigneur Jésus-Christ» Voilà donc ce qu'est une église vraiment digne de ce nom. C'est une société de personnes qui, unies en Dieu, ont Jésus-Christ pour Seigneur, et, par la foi en lui, Dieu même pour père. À ceux qui sont tels, «la grâce et la paix» appartiennent, savoir le bienfait entier du salut, les dons du Saint-Esprit, de la part du Père et du Fils; proclamation indirecte du dogme de la Trinité. Cette notion spirituelle de l'Église est d'une grande importance; car, non seulement elle nous conduit à ne pas nommer Église tout ce que les hommes appellent ainsi, mais encore à restituer ce nom à des associations qui en sont vraiment dignes, bien que les hommes le leur refusent ou qu'elles se le refusent elles-mêmes. Partout où quelques croyants s'assemblent au nom du Père et du Fils, comme ils ne sauraient le faire que par l'Esprit saint, nous devons voir en eux une église de Jésus-Christ; tandis qu'il y a telle institution plus politique que religieuse, qui se donne le titre d'Église par excellence, et qui n'en porte point les caractères essentiels. Or, la grâce et la paix ne sont assurées qu'aux premières.
1:
2-10
§ 1274. On ne sait qui l’on doit estimer les
plus heureux, ou cet apôtre Paul et ses collègues, auxquels le
Saint-Esprit avait donné pour leurs frères de Thessalonique
lorsque un amour tel, qu'ils ne cessaient de les avoir présents à
l'esprit dans leurs prières et leurs actions de grâces, ou ces
Thessaloniciens eux-mêmes, hommes pleins de foi, d'amour et
d'espérance, d'une foi ouvrière, si je puis dire ainsi, d'un amour
actif et dévoué, d'une espérance que rien n'ébranlait, parce
qu'ils mettaient leur confiance en Jésus-Christ et qu'ils vivaient
en la présence de Dieu le Père. Et si Dieu leur avait fait porter
la bonne nouvelle du salut, si la prédication de ce salut avait
été accompagnée de l'efficace du Saint-Esprit, si ceux qui leur
avaient parlé s'étaient conduits au milieu d'eux de manière à les
gagner au Seigneur, c'était parce que Dieu les avait élus pour
devenir son peuple. Par un effet de cette même grâce et de
l'action du Saint-Esprit, les élus d'entre les Thessaloniciens,
devenus les imitateurs des apôtres et du Seigneur Jésus, avaient
reçu la Parole avec joie, sous le feu même de la persécution; en
sorte que, à leur tour, ils avaient pu être proposés en exemple
aux fidèles du reste de la Macédoine (Philippes, Bérée et autres
lieux sans doute); puis, plus tard, à ceux de l'Achaïe. Partout,
il n'était question que de la foi des frères de ThessaIonique et
des conversions éclatantes qui s'opéraient parmi eux. Nulle part
on n'avait vu tant de personnes abandonner aussi complètement le
culte des idoles, pour se donner au Dieu vivant et véritable et
pour mettre toutes leurs espérances en Jésus-Christ.
§ 1275. Si, dans cette épître, Paul n'expose pas théoriquement et systématiquement la doctrine du salut, ses paroles ne laissent pas d'être tout imprégnées de cette doctrine, enseignement qui, pour n'être pas explicite, n'en est que plus impressif. Ainsi, nous apprenons ici que les dispositions caractéristiques d'un vrai disciple de Jésus, sont La Foi, L'espérance et l'amour ou la charité, trois mots que nous retrouverons fréquemment sous la plume de l'apôtre et dont le Saint-Esprit a fait, pour ainsi dire, la devise de Paul. Nous y apprenons ensuite que les élus de Dieu prennent pour modèle de leur vie, le Seigneur Jésus lui-même et ses imitateurs, et que, dans sa douce communion, ils ressentent une vive joie, même au milieu des tribulations. Nous y apprenons enfin que la vraie conversion consiste à quitter toute idole, tout attachement et toute confiance aux choses de ce monde, pour se consacrer exclusivement à Dieu; et que la foi du pécheur converti est d'attendre des cieux, ce Jésus qui, ayant été mort, a repris la vie, et qui, par sa vie comme par sa mort, nous délivre de la colère à venir.
§ 1276. Ces pensées de l'apôtre pivotent autour de deux grandes doctrines: l'élection de la grâce de Dieu et l'action du Saint-Esprit sur les âmes. Comme Paul lui-même était un vase d'élection (Act. IX, 15), ainsi l'étaient les frères de Thessalonique; si Dieu l'avait choisi pour porter la bonne nouvelle devant les nations, il les avait choisis, à leur tour, entre les nations, pour entendre cette bonne nouvelle; et si le Saint-Esprit avait inspiré, animé et conduit Paul durant son séjour à Thessalonique, ce même Esprit avait rempli de joie le cœur des Thessaloniciens qui avaient cru. Le salut tout entier vient donc de Dieu et de sa grâce merveilleuse. Vous savez maintenant, mes chers lecteurs, où vous devez chercher le vôtre; c'est par le Saint-Esprit qu'on croit en Jésus, et c'est par Jésus qu'on a Dieu pour père.
3:
1-12
§ 1277. Quand on est profondément persuadé que
tout ce qu'on a de bon, c'est à Dieu qu'on le doit, et que tout ce
qu'on fait de bien, c'est par la grâce de Dieu qu'on le fait, il
est possible de parler de soi sans vanité, ou plutôt c'est la
gloire de Dieu même qu'on célèbre de la sorte. Si donc l'apôtre
continue sa lettre en rappelant aux Thessaloniciens comment il
était arrivé chez eux tout couvert des plaies dont son corps avait
été déchiré à Philippes, comment il avait néanmoins trouvé la
force de leur annoncer immédiatement l'évangile et comment il
avait persévéré malgré l'opposition violente des adversaires; s'il
leur rappelle encore que, ni lui, ni ses collègues, ne cherchèrent
jamais à les gagner par de belles paroles, qu'ils ne cédèrent à
aucun intérêt pécuniaire, qu'ils n'eurent aucunement en vue leur
propre gloire; s'il remet sous leurs yeux la douceur toute
maternelle qu'ils déployèrent à leur égard, la tendre affection
qu'ils ne cessèrent de leur témoigner, et ce dévouement qui serait
allé jusqu'au sacrifice de leur vie le cas échéant; s'il insiste
en particulier sur ce qu'ils ne leur occasionnèrent aucune
dépense, parce que, tout en leur prêchant l'évangile, ils avaient
travaillé de leurs mains, nuit et jour, pour ne leur être pas à
charge; s'il invoque enfin leur propre témoignage sur sa conduite
morale et celle de ses collègues, sur la sainte vie qu'ils avaient
menée au milieu d'eux, en sorte que personne n'avait rien à leur
reprocher: ce n'est évidemment qu'un moyen dont l'apôtre se sert
pour ranimer dans le cœur de ses chers Thessaloniciens les
exhortations paternelles et les consolations qu'il leur avait
adressées précédemment. C'était de nouveau les sommer «à marcher
d'une manière digne de Dieu;» car tout cela tendait à leur
confirmer que Dieu les appelait bien réellement «à son royaume et
à sa gloire.»
3:
13-16
§ 1278. La gloire de Dieu! Comme c'est bien là
ce qui fait le fond des préoccupations de l'apôtre! Ce qui le
réjouit, ce dont il rend grâces, c'est que les Thessaloniciens ont
reçu sa doctrine, et celle de Silas et de Timothée, non comme leur
doctrine propre, mais comme une doctrine venant de Dieu même, dit
Paul. Par là, étaient devenus les émules des églises de la Judée;
et, de même que les fidèles de la Judée avaient été persécutés par
leurs compatriotes, ainsi en avait-il été des Thessaloniciens.
Mais le crime des persécuteurs païens de Thessalonique n'égalait
pas celui des Juifs. Ceux-ci, après avoir fait mourir le Seigneur
Jésus et maints prophètes avant lui, persécutaient maintenant ses
disciples; et, ce qu'il y avait de pire, c'est qu'ils ne voulaient
pas qu'on parlât de salut aux païens. Voilà comment ils mettaient
le comble à leurs péchés; voilà ce qui allait hâter leur ruine,
selon la parole du Seigneur (813). Il fallait donc que les
Thessaloniciens ne se laissassent point décourager par les
persécutions, car il ne leur arrivait pas autre chose qu'à leurs
frères de la Judée, et le jugement de Dieu était proche.
3:
17-20
§ 1279. On voit dans ce qui suit l'intention
qu'avait Paul de consoler ses frères et de réjouir leur cœur
abattu. Il le fait en leur donnant les plus vifs témoignages de
son affection et en leur rappelant qu'il ne leur arrivait rien qui
ne leur eût été annoncé. Que de traits touchants il y aurait à
relever ici! Est-il possible d'être plus tendre que ce Paul, si
ferme et si résolu d'ailleurs? Voyez. S'il avait été privé de ses
frères, c'était de visage, non de cœur. Il espérait que ce serait
pour peu de temps, mais encore, comme ce temps lui paraît long!
Plus d'une fois il fit le projet de retourner à Thessalonique,
soit de Bérée, soit d'Athènes, mais chaque fois Satan, excitant de
plus en plus la haine des adversaires, l'en avait empêché. Et
comment n'aurait-il pas un vif désir de voir ces chers
Thessaloniciens, qui étaient, dit-il, son espérance, sa joie, sa
couronne pour le jour de la venue future de Jésus-Christ? Tel
était son amour pour eux qu'il s'était privé en leur faveur de son
bien-aimé Timothée, étant ainsi demeuré seul à Athènes. Il est
vrai que Paul avait bien eu quelque crainte à leur sujet. La
prolongation de leurs souffrances ne les avait pas pris au
dépourvu sans doute, puisqu'ils en avaient été avertis; cependant
il savait que la persécution est semblable à un soleil brûlant sur
des plantes nouvellement semées (§ 441), semblable encore à un
crible où l'on passe le blé (§ 881); il savait que Satan s'en sert
pour ébranler la foi des faibles. Mais depuis que Timothée lui
avait apporté de si bonnes nouvelles de leur foi et de leur amour,
il s'était senti tout ranimé, et son cœur chaleureux s'écrie:
«Maintenant, nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le
Seigneur!» Toutefois, plus l'apôtre était rassuré et heureux de ce
qu'il avait appris, plus il éprouvait le désir de se retrouver au
milieu de ses amis de Thessalonique, afin de jouir avec eux des
grâces qui leur étaient faites et de leur donner encore quelques
instructions pour le perfectionnement de leur foi: voilà ce qu'il
demandait à Dieu nuit et jour. Oui, dans toutes ses prières,
prières qu'il ne cessait pas avec le jour, mais qu'il reprenait
même durant la nuit, ce désir lui revenait au cœur et il
l'exprimait devant Dieu. Or, nous sommes parfaitement sûrs qu'il
en était ainsi; car l'Esprit qui inspirait Paul ne lui a
certainement pas permis d'exagérer ses sentiments ou l'expression
de sa pensée.
§ 1280. Ici finit la première partie de l'Épître, celle qui est toute entière relative aux circonstances de l'apôtre et de ceux auxquels il écrivait. Elle se termine par un vœu non moins touchant que tout le reste. Ce que l'apôtre demande d'abord à Dieu le Père et au Seigneur Jésus-Christ, un seul Dieu, c'est qu'il dirige les choses de manière à satisfaire le besoin qu'il a de revoir Thessalonique; puis, que dans tous les cas il y fasse abonder l'amour mutuel des frères et leur amour pour tous les hommes, afin d'affermir leur cœur dans la vraie sainteté, devant Dieu, les préparant ainsi pour le jour où notre Seigneur Jésus-Christ doit arriver avec tous ses saints (§ 1074)! Vœu excellent que je me plais à faire dans mon cœur pour tous ceux qui lisent ces lignes, et que je les invite à présenter au Seigneur les uns pour les autres. Ils voient d'ailleurs, pour la seconde fois dans cette épître, que ce qui caractérise les rachetés de Jésus-Christ, c'est qu'ils attendent son retour; mais c'est dans l'amour de Dieu et du prochain, dans la pratique de la sainteté qu'ils l'attendent; ou plutôt, rien n'est plus propre à produire cet amour et cette sainteté, que l'attente patiente du retour de Jésus-Christ.
CCLXXXV. La connaissance; la sanctification; la fraternité; le travail; la prochaine venue de Jésus-Christ; marcher dans la lumière; devoirs de la charité; la joie, la prière, les actions de grâces; ne pas éteindre l'Esprit, s'abstenir de tout mal. Conclusion.
Chap.
V
§ 1281. Les chapitres IV et V, seconde partie
de l'Épître, présentent en peu de lignes tout ce qu'on peut dire
de plus élevé et de plus complet sur les devoirs des fidèles. Le
germe des enseignements de l'apôtre se trouve déjà dans les livres
de l'Ancien Testament, mais il y a ici plus qu'un progrès naturel,
et, si la morale de la loi et des prophètes est divine, celle-ci
l'est d'une manière bien plus évidente encore. On peut aller plus
loin, et dire même que les instructions morales de Paul complètent
celles de Jésus-Christ et les dépassent. Ce n'est point élever le
disciple aux dépends du maître, puisque c'est par l'Esprit de
Christ que Paul a parlé, selon la promesse du Seigneur (§ 861 ).
Aussi ne vous étonnerez-vous pas de voir toute cette morale
pivoter autour de Jésus-Christ: c'est un des caractères essentiels
de la morale évangélique.
1:
2
§ 1282. Dès les premiers mots, l'apôtre
exhorte ses disciples au nom du Seigneur Jésus, et il leur
rappelle que tous les préceptes qu'il leur avait donnés, il les
leur avait donnés par le Seigneur Jésus, c'est-à-dire de sa part,
sous son autorité et par son Esprit. Il leur avait donc appris,
pendant son séjour à Thessalonique, de quelle manière il faut
marcher et comment il faut plaire à Dieu (II, 12). Voilà ce
qu'ignoraient les Thessaloniciens avant leur conversion: ils
ignoraient même qu'il fallût marcher selon Dieu et chercher à lui
plaire. Mais en morale, comme ailleurs, tout commence par
l'instruction. Pour aimer Dieu, il est nécessaire de le connaître;
pour suivre le bon chemin, il faut savoir où il est. Sans doute
que la connaissance à elle seule ne suffit pas et qu'ici le cœur
importe encore plus que la tête; toutefois, rien n'est plus commun
que de voir des gens faire fausse route avec les meilleures
intentions, par ignorance de la volonté de Dieu. Sans doute encore
que le seul guide assuré, c'est le Saint-Esprit; mais le
Saint-Esprit guide et stimule en instruisant, et c'est dans la
Bible que se trouvent ses instructions. Écoutons donc celles qu'il
donnait aux Thessaloniciens par la bouche de Paul, car elles nous
sont destinées aussi bien qu'à eux.
§ 1283. Et d'abord, qu'est-ce que Dieu veut de nous? Il veut que nous nous sanctifiions, que nous nous consacrions à lui (§ 329), que nous lui soyons un peuple à part, que nous nous rendions dignes du nom de «saints» et que nous fassions des progrès dans la vie spirituelle. C'est un devoir très général, car il renferme l'ensemble entier de nos obligations morales; mais dans un sens plus restreint et qui marche toutefois en première ligne, la sanctification consiste à éviter l'impureté sous toutes ses formes. Les mœurs publiques et privées sont, de nos jours même, en opposition bien grande et bien triste avec ce précepte divin; cependant nous ne saurions nous faire une idée de ce qu'elles étaient chez les peuples de la Grèce au temps de la première prédication de l'Évangile. Les plus horribles abominations y étaient universelles et publiques, au point qu'il n'est pas un auteur païen, même parmi les plus décents, qu'il soit possible de traduire littéralement pour le mettre entre les mains de tout le monde. Les antiquités découvertes à Herculanum et ailleurs, ont mis sous nos yeux les turpitudes les plus révoltantes. Des hommes qui reçurent de ces générations perverties le nom de sages, ne se faisaient aucun scrupule de pratiques détestables dont le monde même ne parle, de nos jours, qu'en secret. Or, quand on sait l'empire qu'exercent les coutumes nationales et les vices qu'on a sucés avec le lait, on comprend que le Saint-Esprit insiste avec tant de vigueur auprès des fidèles eux-mêmes, pour qu'ils s'efforcent de posséder leur vase, c'est-à-dire leur corps en sanctification et en honneur; car Dieu ne nous a point appelés à la souillure. Quelles que soient les fausses maximes du libertinage, les excuses qu'il ose alléguer, le mépris qu'il fait des remontrances de la sagesse, «le Seigneur est vengeur de toutes ces choses,» et les conséquences présentes de l'immoralité ne disent que trop quelles en doivent être les conséquences finales au jugement de Dieu. Oh! je supplie instamment et sérieusement mes jeunes lecteurs surtout, de considérer leur conduite et leurs habitudes à cet égard; c'est une puissance terrible que celle qu'exercent sur nous les passions charnelles, et cette puissance ne va à rien de moins qu'à la ruine de l'âme.
1:
9-10
§ 1284. Quant à la fraternité, c'est-à-dire
quant à l'amour, aux égards, aux bons procédés que des frères en
Christ se doivent les uns aux autres, il ne devrait jamais être
nécessaire d'y exhorter: c'est un sentiment si naturel, une fois
qu'on a reçu du Saint-Esprit un nouveau cœur! Telle n'est pas
cependant la raison qui porte l'apôtre à n'en toucher qu'un mot en
passant. Celle qu'il en donne est que, sous ce rapport et grâce à
l'enseignement de Dieu, les fidèles de Thessalonique ne laissaient
rien à désirer. Quel beau témoignage il leur rend! Combien il
serait à souhaiter qu'on en pût dire de même aujourd'hui, si ce
n'est de tous ceux qui portent le nom de chrétiens (hélas! le nom
ne fait pas la chose), de tous ceux du moins dont le cœur
appartient à Jésus-Christ? Mais encore que cela fût, toujours
devrait-on les exhorter, avec l'apôtre, à y faire des progrès.
Quel que soit notre amour pour nos frères, il est susceptible
d'accroissement, et toute affection qui ne s'accroît pas, est un
feu qui s'éteint.
1:
11-13
§ 1285. La vraie fraternité n'est pas plus
connue et pratiquée par le monde que ne l'est la vraie pureté; ce
que le monde ne connaît guère mieux, c'est le devoir de mener une
vie laborieuse. On travaille, et même beaucoup, en certains pays
agricoles et en certains villes manufacturières; mais c'est
généralement par ce qu'il le faut, bien plus que par devoir; c'est
pressé par la faim ou par l'avarice; c'est dans l'espoir de
pouvoir un jour demeurer sans rien faire; c'est en vue des
jouissances que la fortune procure. Si l'homme non converti
pouvait se dispenser de tout travail, il le ferait dans la plupart
des cas; or c'est précisément ce à quoi les citoyens des
républiques de la Grèce et de Rome étaient parvenus en tous lieux.
La plus grande partie de la population subissait les dures lois de
l'esclavage; soumise à la minorité riche et armée, la population
esclave faisait tous les travaux pénibles, et les autres vivaient
sans rien faire, j'entends sans toucher à aucun des travaux qui
exigent l'emploi de la force physique. Les arts mécaniques, les
occupations manuelles semblaient indignes de l'homme, parce que
l'homme s'y fatigue, quelquefois s'y épuise, et que nous sommes
naturellement paresseux, nonchalants, ennemis de la peine, des
sueurs, de la souffrance, suite et gages du péché. Il n'y avait
d'exception à ce désordre universel que chez les Juifs, grâce aux
lumières qu'ils avaient reçues de Dieu et aux lois qu'il leur
avait données (I, § 759). Ainsi Joseph, l'époux de Marie, fut
charpentier; Pierre et ses collègues, pêcheurs; Paul, faiseur de
tentes. Il y avait donc à lutter, dans les églises d'Europe,
contre des habitudes invétérées d'oisiveté; il y avait à
réhabiliter les travaux manuels. Les motifs que l'apôtre met en
avant, c'est que par une occupation régulière et assidue, on entre
dans un genre de vie calme, paisible, régulier, tel qu'il convient
à des disciples du Christ; c'est ensuite que, par cette voie, on
évite des relations peu convenables avec le monde, relations si
souvent le fruit de l'oisiveté; c'est enfin que, par le travail,
on se procure ce genre d'indépendance qui consiste à n'avoir
besoin de personne. Car si le chrétien riche doit être toujours
prêt à donner, le chrétien pauvre doit éviter autant que possible
de demander.
1:
13-18;
V: 1-12
§ 1286. Cependant, l'apôtre ne saurait oublier
les consolations qu'il doit à ses amis de Thessalonique, car V
c'était pour cela même que le Saint-Esprit l'avait poussé à leur
écrire. Il les avait laissés sous le coup de la persécution et ils
avaient déjà plus d'un frère à pleurer, soit qu'ils fussent morts
de mort naturelle, soit qu'ils eussent été victimes de la violence
des adversaires. D'abord, il les console en leur parlant de la
mort comme d'un sommeil, dont les rachetés de Jésus se
réveilleront, de la même manière que leur Sauveur s'en est relevé
après avoir été couché dans le sépulcre. Ensuite, l'apôtre dit que
ce réveil général de tous ceux qui dorment en Jésus, doit
coïncider avec son retour; qu'alors les trépassés entendront le
commandement, du Seigneur, accompagné d'une voix d'archange et
d'une trompette de Dieu (Jean V, 25); que le moment de son retour
est proche et que ceux qu'il recueillera dans son sein,
demeureront toujours avec lui. Voici même ce qui arrivera et ce
qui est propre à nous remplir de joie, c'est que les fidèles morts
antérieurement au retour du Seigneur, se réveilleront de leur
sommeil avant que les fidèles alors vivants soient transportés
auprès de lui. En sorte que, à nous supposer, nous, sur la terre,
au moment où Jésus paraîtra, nous le verrons venir, escorté des
fidèles et des saints de tous les temps, depuis Abel jusqu'à ceux
qui auront rendu le dernier soupir quelques instants avant sa
manifestation, et nous ne précéderons dans la nouvelle vie aucun
de ceux qui seront morts avant nous. C'est là ce que l'apôtre
présente aux Thessaloniciens comme une pensée très consolante. Non
seulement, leur dit-il, le Seigneur viendra pour vos frères qui
dorment aussi bien que pour vous; mais encore, s'il arrivait
aujourd'hui même, il viendrait moins vite pour vous que pour eux:
il n'y a donc pas à déplorer leur sort, comme le feraient des
hommes qui n'ont point d'espérance.
§ 1287. Quant à l'époque du réveil de ceux qui dorment en Jésus, les Thessaloniciens n'avaient pas besoin que Paul leur répétât ce qu'ils savaient très bien, savoir que ce jour doit venir subitement, comme un voleur qui pénètre dans une maison sans se faire annoncer (§ 647). Le moment précis nous en demeure donc voilé; raison pour l'attendre à toute heure, surtout s'il est vrai que le moment de notre départ de ce monde et celui de notre rencontre avec le Seigneur soient un seul et même instant, la période qui les sépare devant se passer, pour nous, avec la rapidité de l'éclair. Par la manière dont les Écritures nous parlent de «l'heure» où le Seigneur viendra, l'on ne peut douter qu'il ne soit dans les intentions de Dieu que nous vivions avec la pensée habituelle de la proximité de ce grand événement. Si elle n'en donne pas la date, ce n'est pas pour que nous disions: le jour est incertain, donc il ne viendra pas; mais plutôt: le jour est incertain, donc il peut arriver d'un instant à l'autre. Voilà, en particulier, pourquoi le Saint-Esprit a voulu que Paul, s'identifiant avec ceux qui seront encore sur la terre lors de la venue du Christ, s'exprimât en des termes qui semblaient dire que son arrivée aurait lieu du vivant même de l'apôtre. Nous verrons que les Thessaloniciens le comprirent ainsi; mais les explications qu'il dut leur donner, ne laissent aucun doute sur ce qui fut sa vraie pensée. Il avait dit: «Nous qui vivrons et qui resterons sur la terre,» comme Ésaïe disait: «Nous avons caché notre visage arrière de lui (Ésaïe LIII, 3),» bien qu'il ne dût pas vivre à l'époque de la première venue du Christ, et encore moins se trouver au nombre de ses adversaires. Mais encore, Paul ne dit pas: «Nous qui vivrons, etc.; » il y a littéralement, et par deux fois: «Nous, les vivants restés, etc., nous ne devancerons pas....» Toutefois, cela même nous crie avec force que nous devons vivre comme si le Seigneur allait paraître aujourd'hui sur les nuées des cieux, seul moyen de n'être pas surpris par ce jour solennel.
5:
3-5
§ 1288. C'est ce que montre bien le
développement que l'apôtre donne à son idée. Le jour du Seigneur
sera terrible pour ceux qui, vivant loin de lui, se tranquillisent
néanmoins comme s'ils ne devaient jamais mourir, ou comme s'ils
n'avaient rien à redouter du jugement de Dieu. Mais, malgré les
sophismes et les horribles sarcasmes au moyen desquels ils se
rassurent, une ruine subite tombera sur eux, et ils ne pourront
pas plus y échapper qu'une femme enceinte ne peut retarder ou
éviter les douleurs de l'enfantement. Quant à nous, si nous
croyons en Jésus, nous ne sommes pas sur ce point dans l'ignorance
volontaire des impies; nous savons où nous allons et en qui nous
croyons. C'est pourquoi, malgré l'incertitude où nous sommes sur
le jour de notre réunion avec le Seigneur, ce jour ne saurait être
pour nous un objet de surprise et d'effroi; voilà certainement un
des plus grands privilèges du vrai croyant.
5:
6-10
§ 1289. Mais si, par nos relations avec Celui
qui est la lumière, nous sommes devenus fils du jour et non de la
nuit, comme dit l'apôtre, notre conduite doit être toute
différente de celle des hommes qui sont encore dans leurs
ténèbres. Paul reprend ainsi la suite de ses exhortations morales,
un moment interrompues. C'est pendant la nuit qu'on dort,
c'est aussi de nuit que les amis de la débauche s'abandonnent à
leurs excès, vérité de fait que fournit l'observation la plus
superficielle; on dirait que, la nuit venant, le pécheur éprouve
le besoin de chasser par le vice les sombres pensées qui
l'assiègent. Ce qui n'est pas moins vrai, c'est que l'irrégénéré
est, quant aux choses de Dieu, tel qu'un homme qui dort et qui ne
veut pas qu'on le réveille. Voilà comment il va, tantôt dormant,
tantôt s'étourdissant, à la rencontre de l'éternité! Il n'en est
pas ainsi des croyants: ils veillent et ils sont sobres. Le
Saint-Esprit les ayant rendus attentifs à leurs âmes, ils font de
la sanctification leur principale affaire et, dans un sens,
l'unique affaire de leur vie. C'est là-dessus que se concentrent
leurs pensées, à cela que se rapporte leur activité. Pour pouvoir
s'y livrer sans distractions et avec une entière possession
d'eux-mêmes, ils sont sobres en toutes choses, sobres quant à la
nourriture et à la boisson, sobres quant aux jouissances même les
plus permises; la modération, la retenue leur facilite la
vigilance convenable à un serviteur qui attend que son maître
revienne des noces (§ 646).
§ 1290. L'apôtre répète une seconde fois: «Soyons sobres,» et il ajoute ces belles paroles, où nous retrouvons les mots que j'ai appelés sa devise (§ 1275):; «Soyons sobres, ayant revêtu la cuirasse de la foi et de l'amour, et pour casque l'espérance du salut.» Ces images sont d'une grande beauté. Une cuirasse et un casque, armes défensives, dont l'une protège le cœur et l'autre la tête; voilà ce qu'il faut au chrétien pour le garantir contre les nombreuses tentations qui peuvent si aisément lui faire violer les lois de la sobriété et de la modération. Or, cette cuirasse du chrétien, c'est la foi et l'amour; foi en Jésus-Christ, amour pour lui et pour les siens; et ce casque, c'est l'espérance des biens célestes, l'espérance du prochain retour de Jésus, acier brillant et bien trempé. En effet, mes chers lecteurs, croyons, aimons, espérons, et certainement nous veillerons et nous serons sobres.
§ 1291. Voici, du reste, le grand motif que nous propose le Saint-Esprit. Si nous devons veiller et être sobres, ce n'est pas afin d'échapper à la colère à venir; mais parce que nous, nous qui croyons, ce qui est supposé, Dieu nous a réservés, non pour la Tolère, mais, pour la possession du salut. Ce salut nous a été acquis par la mort de Jésus-Christ; en sorte que, soit que nous veillions, c'est-à-dire que nous soyons dans cette vie, soit que nous dormions, c'est-à-dire que nous soyons rappelés de ce monde, nous ne cessons pas d'être avec lui. Telle est donc la place qu'occupe la sanctification dans l'œuvre de notre salut. Avant de pouvoir se sanctifier, il faut recevoir par la foi ce que Jésus-Christ a fait pour nous, et cette foi même, en nous unissant à Christ (Jean XV, 4), nous maintient dans la vigilance et dans la sobriété ou, plus généralement, nous sanctifie.
5:
11
§ 1292. «C'est pourquoi,» dit l'apôtre, en
concluant cette portion de son enseignement, «c'est pourquoi,
exhortez-vous les uns les autres et édifiez-vous l'un l'autre,
comme aussi vous le faites.» On oublie trop que chaque fidèle a
charge d'âmes. L'église de Thessalonique ne manquait pas d'anciens
pour la conduire, ce qui se voit au verset suivant: mais si le
devoir spécial de ceux qui présidaient sur elle était d'exhorter
et d'édifier l'église, ce n'était pas à l'entière décharge des
simples membres. Le devoir de s'exhorter au bien est un devoir de
charité générale, et il est évident que des hommes qui se nomment
frères, ne peuvent mieux se témoigner leur affection fraternelle
qu'en s'encourageant mutuellement dans le service du Seigneur.
Ici, comme ailleurs, mais sans que je l'aie fait remarquer (Act.
IX, 31), l'Église est un édifice à la construction et à
l'embellissement duquel tous les fidèles doivent travailler. Ou
plutôt, chaque fidèle est à lui seul un monument de la grâce de
Dieu, et l'ensemble n'est vraiment édifié que par l'édification de
chacune de ses parties. C'est pour cela que l'apôtre dit:
«Édifiez-vous l'un l'autre.» Rien ne se fait en bloc dans l'Église
de Dieu; c'est une à une que les âmes sont converties; c'est par
la sanctification des âmes, prises une à une, que la
sanctification du corps entier fait des progrès. Si donc nous
désirons sincèrement que l'église dont nous faisons partie soit de
plus en plus digne de son divin chef, exhortons-nous et
édifions-nous mutuellement. Heureux Thessaloniciens, auxquels le
Saint-Esprit rend le témoignage qu'ils faisaient ainsi!
5:
12,13
§ 1293. Si chaque fidèle est un ouvrier
inscrit au rôle du suprême Architecte, il y a, par la volonté du
Seigneur et par une nécessité d'ordre intérieur, des frères qui
président sur le travail de chaque escouade d'ouvriers. Ils
doivent le faire «en notre Seigneur,» c'est-à-dire en son nom,
selon les principes de son Évangile et pour sa gloire. Leur
fonction principale est d'avertir leurs frères, de les tenir
éveillés sur leurs grands intérêts, de leur signaler les dangers
qu'ils peuvent courir, de les diriger dans leur œuvre. Tout cela
ne se fait pas sans travail, sans fatigue, sans de grandes
douleurs morales; aussi le Saint-Esprit exhorte-t-il les fidèles à
considérer et à aimer ceux qui prennent cette peine. Bien qu'ils
aient leurs infirmités et leurs défauts v comme les autres,
l'œuvre qu'ils font les rend dignes de ce respect et de cette
affection. C'est d'ailleurs un des plus sûrs moyens pour que la
paix règne dans une église; de même que, dans la famille, l'amour
respectueux des enfants pour leurs parents est le meilleur
préservatif contre les haines et les disputes entre frères et
sœurs. Au surplus, que la paix entre les frères et sœurs en Christ
soit absolument nécessaire à la gloire de Dieu et aux progrès de
la piété, c'est ce qui est de la dernière évidence.
5:
14-15
§ 1294. Poursuivant ses exhortations
apostoliques et les complétant, Paul dit maintenant ce qu'ont à
faire pour l'édification commune, et les fidèles et leurs
conducteurs. «Avertir les déréglés,» savoir ceux qui, d'une
manière quelconque, s'écartent de la vie modeste, laborieuse,
régulière et décente qui convient à des rachetés de Jésus;
«consoler les esprits qu'abattent» soit les peines de la vie, soit
la vue de leurs péchés, soit les difficultés morales de leur
situation; «soutenir les faibles,» ceux qui ont de la peine à
marcher dans la bonne voie, les prendre en quelque sorte par la
main, les porter, au lieu de les fouler et de les écraser; enfin,
«user de patience envers tous, «car les plus forts même ont des
faiblesses; tous sont pécheurs, encore que convertis, et nul ne
fait dans la vie chrétienne tous les progrès désirables. Quelle
admirable exposition des devoirs de la charité, en ce qui touche
aux intérêts spirituels de nos frères! C'est aussi dans ce même
sentiment que nous devons prendre garde, non pas seulement à ne
pas rendre le mal pour le mal, c'est bien clair, mais à ce que nul
de nos frères ne le fasse. Enfin, si nous aimons notre prochain
comme nous-mêmes, nous serons pleins de bienveillance, d'abord
envers ceux qui sont nos frères en Christ, et ainsi nos prochains
très prochains; puis envers tous les hommes.
5:
16
§ 1295. L'apôtre arrivant au terme de sa
lettre, devient toujours plus bref et plus solennel. Si la foi en
Christ, si l'habitation de son Esprit dans nos cœurs en bannit les
folles joies du péché, elles y produisent une sainte et constante
joie, la joie du salut (§§ 88, 885, 1159). Ce n'est pas un
privilège seulement, c'est un devoir. Croire qu'on a été aimé de
Dieu d'un amour éternel (II, § 1182), que le Fils éternel du père
a porté sur la croix tous nos péchés (§ 165), qu'étant à lui, nul
ne peut nous ravir de sa main (§ 729); croire cela, et être
habituellement, je ne dis pas sérieux (car le vrai bonheur est
sérieux), mais triste, mais abattu, ce serait une contradiction,
ou du moins une preuve que la foi est bien faible. C'est
d'ailleurs dans la sainte joie de l'âme qu'on est vraiment capable
des sacrifices auxquels la foi nous appelle; c'est par elle aussi
que nous faisons honneur à l'Évangile devant le monde. Quand
celui-ci voit les disciples de Jésus saintement joyeux au sein des
plus vives douleurs et jusque sur leur lit de mort, il ne peut
qu'être frappé de ce fruit magnifique de la foi. Je ne sais s'il
se rend compte du miracle, mais il est sûr qu'il n'en est pas de
plus grand. Un pécheur toujours joyeux! Il n'y a qu'une religion
qui ait fait de la joie permanente un devoir, et c'est la religion
qui déclare tout homme maudit! mais c'est que, d'un autre côté,
cette même religion proclame que «celui qui croit, a la vie
éternelle.»
5:
17
§ 1296. La joie sainte dont nous venons de
parler, comme toutes les autres grâces du salut, ne s'entretient
que par la prière et par la prière persévérante. Celle-ci est donc
un devoir tout aussi incontestable et tout aussi important que la
joie; elle est également une grâce et n un privilège. Oui, un
privilège et une grâce; car n'est-ce pas quelque chose de bien
admirable que le Dieu trois fois saint (II, § 985) nous permette
de lui parler sans cesse? «Sans cesse!» remarquez ce mot, pour
bien comprendre d'abord ce qu'est la vraie prière, ensuite ce que
doivent être les dispositions de celui qui invoque Dieu. S'il y a
dans l'Église des prières communes qui ne peuvent se faire qu'en
certains jours et à certaines heures convenues; si même chaque
fidèle, seul ou avec sa famille, doit avoir des moments à part
destinés à l'oraison, il est clair que ces exercices de dévotion
ne constituent pas à eux seuls la prière selon l'Évangile, bien
qu'on puisse leur appliquer le mot de l'apôtre, en ce sens que ces
prières doivent se faire sans interruption. Mais il s'agit surtout
d'oraisons mentales, d'une constante élévation de l'âme à Dieu;
habitude d'où résulte qu'à l'instant même où l'on semble pris le
plus au dépourvu et où l'âme est le plus absorbée en apparence par
les circonstances extérieures, il s'en échappe involontairement
une prière: nous en avons deux beaux exemples dans les Écritures
(II, §§ 1252, 1335). Quant aux dispositions que suppose cette
habitude de la prière, elles peuvent se résumer d'un seul mot: il
faut vivre en la présence du Seigneur, ou, comme dit la Bible,
marcher avec Dieu. Alors il est tout simple qu'on soit en
continuel entretien avec lui. Dans le bonheur, on lui raconte ses
joies et on le bénit; dans la douleur, on lui ouvre son âme et on
lui demande des consolations; dans les chutes, on réclame la
puissance de son bras; dans les sécheresses spirituelles, on
sollicite les eaux de sa grâce; inquiet au sujet de quelqu'un de
ses frères, on le recommande à Dieu; affligé des maux de l'Église,
on crie à Dieu d'avoir pitié.
5:
18
§ 1297. À la prière doivent s'ajouter les
actions de grâces, et c'est en quoi nous sommes généralement le
plus défectueux, tant nos cœurs sont ingrats. On s'excuse
quelquefois en alléguant le pharisien de la parabole, qui rendait
grâce à Dieu dans l'orgueil de son cœur (§ 726); mais les actions
de grâces de celui qui croit en Jésus-Christ sont d'une tout autre
nature. D'abord, parce qu’elles sont toujours accompagnées de
paroles d'humiliation, paroles que lui fournit le sentiment de sa
profonde misère; ensuite parce qu'il remercie Dieu bien plus de ce
que Christ a fait pour nous, que de ce qu'il fait en nous; puis,
parce qu'il accomplit ce devoir en regardant à Dieu et à sa
gloire, et non pas à lui; enfin, parce qu'il offre ses actions de
grâces par Jésus-Christ, c'est-à-dire qu'il fait de Jésus-Christ
son médiateur dans l'action de grâces, comme dans la prière, se
sentant indigne de parler à Dieu, même pour le bénir. Mais pesez
bien les mots donnés à l'apôtre par le Saint-Esprit. C'est «en
toute chose» que nous devons rendre grâces: en toute chose qui
nous vient de Dieu; l'épreuve comme la délivrance, car si nous
appartenons au Seigneur tout est pour notre bien et pour sa
gloire.
5:
19
§ 1298. Qui peut être toujours joyeux, prier
sans cesse et, en toutes choses, rendre grâce, si ce n'est celui
qui est sous l'influence constante du Saint-Esprit? C'est par lui
que la vie de Dieu se forme dans les âmes et qu'elle s'y
entretient (§ 199); ce n'est donc pas sans raison que cet Esprit
est comparé à un feu qui éclaire, réchauffe, réjouit, vivifie (§
127). Or ce feu, nous ne pouvons pas plus l'éteindre, que nous ne
saurions éteindre les rayons du soleil; mais on peut fermer les
yeux à la lumière du soleil; on peut, en s'enfonçant dans quelque
grotte, se soustraire à sa chaleur et à sa clarté; c'est ainsi que
si on ne l'éteint pas, lui, on l'éteint en soi et pour soi. Il
faut se souvenir d'ailleurs que l'Esprit est l'auteur des
Écritures et que c'est par les Écritures qu'il répand la vie de
Dieu dans les âmes. Si donc vous veniez à ne plus lire la Bible ou
si vous ne la lisiez qu'avec distraction, si vous vous permettiez
de l'interpréter à votre propre sens et de placer vos sentiments
au-dessus de ses déclarations les plus positives, si enfin vous
cherchiez à étouffer sa voix dans vos consciences pour vivre à
votre gré, vous éteindriez l'Esprit quant à ce qui vous concerne;
et n'est-ce pas une perspective effrayante?
5:
20
§ 1299. Que faut-il entendre par ces
prophéties que des hommes pieux tels que les fidèles de
Thessalonique pouvaient être tentés de traiter avec quelque
mépris? Ce ne sauraient être les oracles de l'Ancien Testament, ni
ceux de Jésus et de ses apôtres. Mais par la prophétie, on doit
entendre quelquefois la prédication de la parole de Dieu,
l'enseignement donné à l'Église par les ministres de cette Parole
et par quiconque a reçu de Dieu la connaissance de la vérité et
les dons requis pour la proposer aux autres. C'est là ce qu'on
pourrait être tenté de mépriser, sous prétexte que nous avons dans
la Bible des instructions parfaitement suffisantes. Il est vrai
que, si quelqu'un est privé par des circonstances impérieuses de
tout autre secours, la Bible lui suffira pleinement; mais si, de
propos délibéré, l'on néglige les moyens que Dieu met à notre
portée pour diriger nos études de sa Parole, on se condamne
soi-même à demeurer fort au-dessous de ce qu'on pourrait être. Il
est vrai encore qu'en passant par l'intermédiaire de l'homme, la
Parole de Dieu est exposée à se mélanger de quelques erreurs, que
la doctrine prend facilement la teinte des vues particulières de
celui qui la prêche, et que, par cette raison, nous devons
toujours en revenir à la Parole de Dieu elle-même. C'est pour cela
qu'elle nous dit ici d'écouter avec discernement, avec
circonspection, et de retenir seulement ce qui est bon;
c'est-à-dire ce qui nous paraît décidément conforme à la Parole
révélée. Peut-être cette recommandation de l'apôtre a-t-elle aussi
un sens plus général et signifie-t-elle que nous devons revêtir un
esprit observateur, pour prendre et adopter ce qui est bon,
quelque part que nous le rencontrions.
5:
22
§ 1300. Si notre devoir est d'adopter ce qui
est bon, de quelque part qu’il vienne, il faut d'un autre côté
nous abstenir de toute espèce de mal, ou, plus exactement
peut-être, de tout ce qui a mauvaise apparence. Il peut arriver
qu'un acte bon en lui-même, ne soit mauvais que par la manière
dont on le fait; en ce cas, on fera ce qui est bon, en s'efforçant
de supprimer les dehors fâcheux. Puis, dans le doute, il faut
s'abstenir; c'est-à-dire que si un acte, bon peut-être, nous
paraît ne l'être pas, nous sommes tenus de l'éviter jusqu'à ce que
notre conscience soit pleinement éclairée. À supposer enfin que
cet acte n'eût rien de répréhensible à nos yeux, si nos frères en
jugent autrement, nous devons également nous abstenir; à moins que
nous n'ayons une parfaite certitude de leur erreur, et qu'il n'y
ait un devoir pour nous de les éclairer en tenant la conduite même
qu'ils désapprouvent.
5:
23-28
§ 1301. À l'ouïe de telles exhortations, qui
n’éprouverait le besoin de convertir en prière pour soi-même, le
vœu que Paul adressait à Dieu, par l'Esprit, en faveur des
Thessaloniciens. Oui, ô mon Dieu, Dieu de la paix, toi qui as fait
ta paix avec nous par Jésus-Christ, sanctifie-moi toi-même;
produis en moi ce que tu me demandes; garde-moi tout entier:
esprit, âme et corps; garde-moi de toute souillure, me préparant
ainsi pour le jour de l'arrivée de Jésus-Christ. Tu es fidèle, ô
mon Dieu! tu tiens ta parole, et puisque tu as daigné m'appeler à
ta connaissance, je compte sur ta fidélité pour achever en moi
toute l'œuvre de ta grâce! — Après avoir prié pour ses disciples,
Paul les exhorte à prier pour lui, tant il était loin de penser
qu'il n'eût pas besoin des mêmes grâces qu'eux et que ses propres
prières pussent lui suffire. Puis il les salue en les invitant à
se donner le baiser de la fraternité; il exige d'eux, dans les
termes les plus forts, que sa lettre soit lue par tous, ce qui
nous montre à nous-mêmes notre devoir; il termine enfin comme il a
commencé, en formant le vœu que la grâce du Seigneur Jésus-Christ
soit avec eux. — Telle est cette lettre admirable, dont je ne me
flatte pas d'avoir fait sentir toute l'excellence. On peut dire
hardiment que rien de pareil n'avait jamais été écrit par aucun
homme; mais l'homme que nous venons d'entendre écrivait selon que
l'Esprit de Dieu le faisait écrire. Cela seul explique la
perfection de ses enseignements, jointe à tant de naturel et de
simplicité. Quel changement que celui qui s'était opéré en Paul,
depuis qu'il était Saul, le pharisien; et quelle œuvre magnifique
de la grâce du Seigneur!
SECONDE ÉPÎTRE AUX THESSALONICIENS.
CCLXXXVI. Le retour du Seigneur, précédé par la manifestation de l'Inique; exhortation a demeurer ferme dans la foi et a mener une vie occupée.
1:
1-10
§ 1302. Cette lettre-ci, écrite peu de temps
après la première et du même lieu, était devenue nécessaire aux
fidèles de Thessalonique, soit à cause de la prolongation de leurs
souffrances, soit parce qu'ils avaient mal compris les expressions
de l'apôtre relativement au retour prochain de Jésus-Christ. Elle
commence dans les mêmes termes que l'autre. Puis l’apôtre remercie
Dieu et se félicite des progrès que faisaient les Thessaloniciens
dans la foi et dans l'amour (§ 1290), malgré tant de persécutions,
persécutions qui devaient leur être une démonstration du jugement
à venir. En effet, quand on voit tout ce qu'ont à souffrir ici-bas
ceux qui servent Dieu et qu'il aime comme ses enfants, on ne
saurait mettre en doute qu'un jour ne vienne où il rendra la
tribulation à ceux qui causent maintenant les tribulations de ses
saints et où ceux-ci goûteront le parfait repos. C'est ce qui
arrivera lorsque le Seigneur Jésus I reviendra du ciel dans la
gloire du Père et de ses saints anges (§ 539), avec une grande
puissance (§§ 171, 935), pour exercer la vengeance (§ 724) ou le
jugement sur ceux qui ne connaissent point Dieu et en particulier
sur ceux qui n'auront pas obéi aux sommations de l'Évangile (§
760). Oh! l'horrible condition qui leur est réservée! Une ruine
éternelle, dit le Saint-Esprit par la bouche de Paul, comme déjà
le Seigneur l'avait déclaré. Une ruine éternelle! Se voir chassé
pour toujours de la présence du Seigneur! être privé de toute
participation à sa gloire! Mais quant aux saints, savoir ceux qui
croient en lui, ils seront, en ce même jour, la couronne de leur
Sauveur, et c'est alors surtout qu'on verra tout ce qu'il y a
d'admirable, de merveilleux dans son amour pour les élus et dans
la rédemption qu'il leur a procurée par ses souffrances.
1:
11-12
§ 1303. L'effet de ces révélations sur
l'éternelle misère des rebelles et sur l'éternelle félicité des
croyants, doit être de pousser nos âmes à la prière, afin que le
Seigneur, nous jugeant dignes de son appel, accomplisse envers
nous toute sa bienveillance, et, au dedans de nous, toute l'œuvre
de la foi. C'est ainsi que nous ferons la gloire de Jésus-Christ;
car en vivant d'une manière digne de notre vocation, nous honorons
celui par la grâce duquel nous sommes sauvés. Par cette même
grâce, nous, à notre tour, nous serons glorifiés avec Lui;
c'est-à-dire que nous partagerons sa gloire, le jour où il
paraîtra revêtu de magnificence.
2:
1-3
§ 1304. Mais ce jour, quand luira-t-il? Les
Thessaloniciens, naturellement désireux de voir promptement
s'établir le règne glorieux du Seigneur et des saints (Dan. VII,
18, 27), avaient pris dans leur sens apparent les expressions de
la première lettre (§ 1287), et ils se j-3 persuadaient que ce
jour était en réalité fort proche; non pas seulement le jour du
départ de chaque fidèle un à un, cela va sans dire, mais le jour
du rassemblement général des rachetés auprès du Seigneur. Or saint
Paul les invite à ne pas se laisser troubler par une telle pensée,
à n'en croire personne là-dessus, pas même sa propre lettre, si
elle avait pu dire rien de pareil; car si l'on ne peut savoir
précisément à quelle époque le Seigneur viendra (§ 821), il y a
moyen toutefois de dire quand il ne viendra pas. De grands
événements doivent auparavant s'accomplir, et tant qu'on ne les a
pas vus, il est sûr que le jour du Seigneur est encore à distance.
2:
3-12
§ 1305. Lorsque l'apôtre écrivait, un de ces
événements approchait rapidement, je veux dire la destruction de
Jérusalem (§ 819); mais toute une œuvre et une grande œuvre devait
se faire ensuite, dont la base seulement était posée, savoir la
prédication de l'Évangile aux nations (§ 818). Ainsi, selon les
prophéties de notre Sauveur, son retour ne pouvait encore avoir
lieu et les Thessaloniciens l'avaient précédemment compris. Bien
plus, pendant qu'il était avec eux, l'apôtre leur avait annoncé
pour l'Église un temps d'affreuse défection, temps qui devait
s'épuiser au préalable et qui n'était alors qu'au commencement de
ses sombres lueurs. Avant la glorieuse révélation du Fils de Dieu,
il y aura celle d'un homme qui portera jusqu'aux dernières limites
le blasphème et l'impiété. Pour le présent, dit Paul, il existe un
obstacle à son apparition, mais quand cet obstacle sera enlevé,
alors se révélera l'homme inique, objet de la prophétie. Puis le
Seigneur arrivant à son heure, détruira ce pouvoir malfaisant, qui
aura toutefois exercé sur ceux qui se perdent, une puissance II
horriblement merveilleuse.
§ 1306. Cette importante prophétie, dont il est facile de voir les rapports avec plusieurs oracles de l'Ancien Testament relatifs aux derniers jours, a constamment éveillé l'attention des lecteurs de la Bible, par la raison qu'elle porte à la fois sur la plus grande des calamités de l'Église et sur la plus grande de ses délivrances. La généralité des interprètes vraiment dignes de crédit, voient ici la description prophétique de l'origine, des progrès et de la chute du pouvoir papal, et l'on ne saurait contester que la plupart des traits du tableau ne s'y rapportent fidèlement. Les papes, dans leur longue suite, ne forment vraiment qu'un seul homme, animé d'un même esprit, se proposant le même but, et y tendant par les mêmes moyens. Dans leurs prétentions blasphématoires, ils se font réellement adorer, s'attribuent des prérogatives toutes divines et, se posant au sein de l'Église, qui est le temple de Dieu, comme le centre de la religion, ils éloignent les âmes du vrai Dieu, leur font commettre le plus grand des péchés, l'idolâtrie, et les entraînent à la perdition. Au temps de l'apôtre et pendant quelques siècles encore, ce qui faisait obstacle à l'avènement de ce pouvoir impie et blasphématoire, c'était la présence de l'empereur à Rome; mais lorsque le siège de l'empire fut transporté à Constantinople, on vit bientôt s'élever dans le clergé de ce qu'on appelait la ville éternelle, les arrogantes prétentions qui aboutirent à la tyrannie que les papes ont exercée et exercent encore, tyrannie appuyée sur le bras séculier, sur de faux miracles, en un mot sur la puissance de Satan; tyrannie parfaitement accueillie de ceux qui n'ont pas reçu de Dieu l'amour de la vérité pour être sauvés; tyrannie enfin qui ne se soutient que par les mensonges de ses fauteurs et par l'esprit de mensonge si universellement répandu dans le monde.
§ 1307. Sans mentionner ici les objections qu'on fait contre cette manière d'entendre la prophétie, je dirai seulement que d'autres chrétiens fort respectables, prétendent qu'elle n'a pas le moindre rapport avec la papauté, ni avec rien de ce qui a paru jusqu'ici dans le monde. En conséquence, ils s'attendent à voir se manifester un homme, un individu qui, dans le temple de Jérusalem restauré, sera le Dieu de ce monde, faisant des miracles à l'appui de son impiété. Satan devenu homme, en quelque sorte, se hâtera de perdre autant d'âmes qu'il lui sera possible; mais il n'aura qu'un règne de courte durée, après lequel il se verra détruit par la subite arrivée du Seigneur. Pour moi, fidèle au système d'interprétation que j'ai suivi jusqu'ici, je ne saurais douter que la prophétie n'ait tout au moins un premier accomplissement, partiel, dans l'existence actuelle du papisme, qui, depuis douze siècles environ, répond si bien à la description prophétique de l'apôtre. Après quoi, je ne suis point éloigné de croire que l'oracle n’est pas encore entièrement réalisé, dans ce sens que l'iniquité actuelle du papisme peut se voir dépassée, ou par l'avènement d'un pouvoir plus inique et plus blasphématoire s'il se peut, ou simplement par quelque transformation de ce pouvoir même, concentré dans la personne d'un individu horriblement impie, puissant et criminel.
§ 1308. Quoi qu’il en soit, deux conséquences importantes résultent de la prophétie: Premièrement, le retour de notre Seigneur ne saurait avoir lieu aussi longtemps que l'homme du péché, le fils de la perdition, n'a pas été complètement révélé : il faut que ce mystère II d'iniquité, dont le germe fut déposé par Satan dans l'église apostolique, au moment de sa première fleur, prenne auparavant tout son essor. En second lieu, malgré sa puissance, l'homme du péché, le fils de la perdition, quel qu'il soit, n'aura d'action que sur les âmes qui se perdent; c'est-à-dire sur le monde, sur ceux qui ne possèdent de chrétien que le nom, qui, incrédules à la vérité, se plaisent dans le mal; en sorte que si nous regardons véritablement et fidèlement à Jésus-Christ, nous sommes à l'abri de ses atteintes; pour mieux dire, s'il nous touche, il ne peut nous perdre; car, après tout, il ne saurait être plus puissant que Satan lui-même (§ 625).
2:
13-17
§ 1309. C'est sous l'impression de cette
pensée consolante que l'apôtre retourne à ses chers frères de
Thessalonique. Il les sait bien-aimés du Seigneur, élus de Dieu
dès le commencement, sauvés en Jésus-Christ, sanctifiés par
l'Esprit, pleins de foi en la vérité, parce qu'ils ont obéi à
l'appel de grâce que leur avait adressé l'Évangile; c'est
pourquoi, il ne saurait assez bénir Dieu à leur sujet, ni leur
recommander autre chose si ce n'est de demeurer fermes et de
retenir ses enseignements, soit oraux, soit écrits. Or, c'est du
fond de mon âme que j'adresse à mes lecteurs la même exhortation.
Plus les siècles s'écoulent et les événements s'entassent, plus
aussi nous approchons des grandes crises qui doivent précéder le
retour du Seigneur. L'impiété revêt chaque jour davantage les
apparences d'une religion, et, jusque dans l'Église, que d'erreurs
pleines de subtilités, répandues même par des hommes pieux! Au
milieu de tout cela, que ferons-nous, vous et moi, mes chers
lecteurs, si ce n'est de demeurer fermement attachés aux
enseignements de Jésus-Christ, et de les retenir tels que nous les
avons reçus jusqu'ici, parce que nous en avons reconnu la vérité,
éprouvé la vertu sanctifiante, goûté les douces joies? Mais encore
faut-il que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même et notre Dieu et
Père, de l'amour et de la grâce duquel procèdent toute solide
consolation et toute bonne espérance, console nos cœurs affligés
de la perspective de tant de maux et nous affermisse de telle
sorte que nos paroles et nos œuvres soient dignes de lui.
Adressez-lui donc vos prières à cet effet, comme Paul vous y
invite par les vœux qu'il formait en faveur de ses chers
Thessaloniciens.
3:
1-2
§ 1310. Dans sa première épître, Paul s'était
déjà recommandé, d'une manière générale, aux prières de ses frères
(§ 1302); ici, nous le voyons exprimer sur quel point il désirait
qu'ils insistassent. Demandez, leur dit-il, que la parole dont je
suis l'interprète s'avance rapidement en tous lieux; demandez,
pour cela, que je sois délivré de la malice des hommes, car même
parmi ceux qui professent la foi, tous n'ont pas la foi. Comme
dans sa première épître encore, il déclare que Dieu étant fidèle,
il les affermira et les gardera contre les atteintes de Satan.
C'est là ce qui le remplissait de confiance dans le résultat de
ses exhortations. Il savait bien que ses disciples de
Thessalonique ne possédaient, non plus que nous, aucune force
propre; mais il avait confiance en eux dans le Seigneur. C'est
donc à lui qu'il s'adresse de nouveau, lui demandant de diriger
leurs cœurs vers l'amour de Dieu et vers l'attente patiente du
Christ. Que ces prières apostoliques sont belles dans leur
simplicité! Nulle part on ne voit mieux l'action du Saint-Esprit.
Disons donc, selon ce vœu sublime de l'apôtre: «O mon Dieu, dirige
toutes les émotions et tous les désirs de mon cœur vers le grand
amour dont tu m'as aimé et vers le prochain retour de mon puissant
Rédempteur! Donne-moi de l'attendre avec patience et dans
l'entière possession de ta grâce, amen!»
2:
6-12
§ 1311. Il y a tout lieu de croire d'après la
lettre même (II, 2), que l'idée qu'on s'était faite à
Thessalonique sur la très-prochaine venue de Jésus-Christ avait
jeté une certaine perturbation dans l'église; que, le cœur plein
de cette grande perspective, on avait abandonné les affaires de la
vie, comme s'il ne valait plus la peine de s'en occuper, et
qu'ainsi les choses ne marchaient pas dans le bon ordre (§ 1285).
C'est pourquoi Paul revient avec une grande force sur les
exhortations de sa première lettre. Rappelant encore l'exemple
qu'il avait donné, bien qu'il eût été dans le droit de se borner
au seul travail de la prédication, il ajoute que celui qui ne veut
pas travailler ne doit pas manger non plus. Aussi longtemps donc
que nos corps auront besoin d'aliments, fussions-nous à deux jours
de la venue de Jésus-Christ, nous devrons vaquer à nos occupations
terrestres, non pas sans doute afin de nous amasser des biens
périssables, mais afin de n'être à charge à personne et de
demeurer dans la paix et la tranquillité d'une vie saintement
laborieuse.
2:
13-15
§ 1312. En général, loin que la pensée du
prochain retour de Jésus, comme qu'on l'entende, doive diminuer
notre activité dans ce qui est bon, elle doit nous encourager à en
déployer une toujours plus grande. L'apôtre exige que si quelqu'un
refusait de se ranger à ses avertissements, on le signalât aux
frères et qu'on s'en tînt éloigné, afin de lui faire sentir ses
torts. Non qu'il fallût rompre avec lui toutes relations, encore
moins le traiter en ennemi; au contraire, il fallait l'avertir
comme un frère et demeurer ainsi dans la paix. La paix! grâce
excellente qui ne peut venir que du Dieu de la paix (§§ 862, II,
1009). Oh! que le Seigneur daigne nous donner la paix
continuellement en toute manière; la paix au dehors, la paix au
dedans, sans aucun intervalle de divisions et de troubles! Que,
pour cet effet, son Esprit demeure sans cesse avec nous!
2:
17
§ 1313. Paul, on le voit par cet endroit,
écrivait difficilement, à cause de ses fatigues sans doute, et il
avait dicté sa lettre. Mais, pour donner aux Thessaloniciens un de
ces témoignages d'affection qui, bien que faibles en apparence,
sont toutefois d'un haut prix, il prend la plume, écrit son nom
avec une salutation, et de quel cœur, rempli d'amour et de foi par
le Saint-Esprit, ne dut-il pas tracer cette ligne: «Que la grâce
de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous tous. Amen!»
ACTES DES APÔTRES (suite)
CCLXXXVII. Quatrième voyage de Paul à Jérusalem depuis sa conversion; son retour à Antioche. Troisième voyage missionnaire en Phrygie et en Galatie; long séjour à Éphèse; départ pour la Macédoine.
18:
19-23
§ 1314. Paul étant parti de Corinthe avec
Aquilas et Priscille (§ 1263), se rendit à Éphèse, grande ville
près de la côte occidentale de l'Asie-Mineure, où les attirait
sans doute leur industrie. Dès son arrivée, l'apôtre entra dans la
congrégation des Juifs, et les ayant entretenus des choses de
Dieu, selon sa coutume, ils le sollicitèrent de leur accorder
quelque temps; mais il lui importait d'être à Jérusalem pour la
fête qui s'approchait, en sorte qu'il prit congé d'eux, leur
promettant de revenir si Dieu le voulait. Laissant donc derrière
lui Aquilas et Priscille, et toujours accompagné de Silas et de
Timothée, bien que le texte ne le dise pas, il cingla droit sur
Césarée, sans se détourner vers Antioche, et de Césarée il monta à
Jérusalem. Son séjour n'y fut pas long, car il nous est dit
simplement qu'il y salua l'assemblée ou autrement l'église; puis
il descendit à Antioche, son point de départ (§ 1231). Plusieurs
années s'étaient écoulées depuis qu'il n'avait vu les frères d'une
localité qui devait lui être chère à tant de titres, aussi
voyons-nous qu'il y demeura quelque temps. Ce fut alors
qu'apprenant peut-être les ravages dont l'erreur judaïsante
menaçait les églises de Galatie, il se mit en route pour son
troisième voyage missionnaire, commençant par cette même Galatie
et par la Phrygie, afin d'affermir les frères.
18:
24-28
§ 1315. À cette époque, arriva à Éphèse un
Juif d'Alexandrie, nommé Apollos, homme éloquent et très versé
dans les Écritures. Disciple de Jean-Baptiste, il n'avait pas
encore été mis en rapport avec les apôtres du Seigneur. Il
connaissait toutefois les principes fondamentaux de l'Évangile et,
plein de zèle, il les prêchait avec une grande force, mais en ne
s'adressant qu'aux Juifs. Quand Aquilas et Priscille, demeurés à
Éphèse, l'eurent entendu, ils le prirent chez eux avec leur
générosité ordinaire, et ces deux simples fidèles devinrent le
moyen dont Dieu se servit pour achever d'éclairer le savant
Apollos; car les docteurs ont souvent beaucoup à profiter avec les
simples et les petits. Puis Apollos ayant résolu de passer en
Achaïe, dont Aquilas lui racontait tant de choses, on lui remit
des lettres de recommandation pour les frères de Corinthe, et il
fut très utile à ceux qui avaient cru, en même temps qu'il
réfutait vigoureusement les objections des Juifs, s'attachant à
leur démontrer que Jésus était le Christ.
19:
1-7
§ 1316. Pendant qu'Apollos séjournait à
Corinthe, Paul, revenant de Galatie et de Phrygie, se vit ainsi
rapproché d'Éphèse, et il arriva dans cette ville, où les voies
lui avaient été si bien frayées, soit par Aquilas, soit par le
docteur alexandrin. Ayant réuni les disciples, il leur demanda
s'ils avaient reçu l'Esprit saint lorsqu'ils avaient cru; par où
il faut entendre les dons miraculeux, car on ne saurait croire en
Jésus sans avoir été rendu participant de son Esprit. Tel étant le
sens de la question, l'on comprend celui de la réponse qui lui fut
faite par douze d'entre eux, bien qu'il soit permis de s'étonner
que ces hommes pussent ignorer des faits devenus si publics; mais
enfin, la chose était ainsi. Baptisés du baptême de Jean, si ce
n'est par lui, du moins par Apollos ou par quelque autre de ses
disciples, ils avaient peut-être évité toute relation avec ceux
qui auraient pu achever l'œuvre commencée. Mais quand ils eurent
entendu Paul, ils furent baptisés au nom du Seigneur; après quoi,
Paul leur ayant imposé les mains, le Saint-Esprit vint sur eux,
et, dans cette nouvelle Pentecôte, ils se mirent à parler des
langues et à prophétiser.
19:
8-9
§ 1317. La ville d'Éphèse, où ces choses
venaient de se passer, était un des grands centres de l'idolâtrie
régnante. Là se trouvait le célèbre temple de Diane, nom sous
lequel on adorait la lune. Les superstitions païennes exerçaient
un tel empire dans cette importante cité, que Paul ne put d'abord
avoir accès qu'auprès de ses coreligionnaires, car il ne paraît
pas qu'il y eût ici, comme ailleurs, beaucoup de Grecs craignant
Dieu. Pendant trois mois, il ne cessa d'annoncer le royaume des
Cieux à ses frères selon la chair, mais il trouva chez
quelques-uns une vive opposition contre sa doctrine. Devant la
multitude assemblée dans la synagogue, ils décriaient «le chemin»
par lequel Paul voulait les faire marcher (§ 1161); car, dans le
royaume de Dieu, il s'agit non de théorie, mais de pratique. Les
choses en vinrent à un tel point que Paul dut se retirer d'avec
eux et il sépara les disciples, les réunissant chaque jour dans
l'école d'un certain Tyrannus, où il leur exposait toute la
doctrine du salut: ce fut comme à Corinthe (§ 1261). Le
séparatisme, ou l'esprit de séparation, est certainement un grand
mal, car l'Esprit de Christ est plutôt un esprit de support,
d'union et de rapprochement; nous voyons toutefois par cet exemple
qu'il est des cas où la séparation devient une nécessité, un
devoir. C'est avec les frères que l'Esprit du Seigneur nous unit
et non avec des adversaires déclarés. Sortir d'une église vraiment
digne de ce nom pour en former une autre, c'est du séparatisme;
mais former une église là où il n'en existait proprement point,
appeler les disciples à sortir d'un établissement qui se nomme
Église, bien que Jésus-Christ y soit ouvertement renié et ses
disciples les plus fidèles odieusement outragés, ce n'est pas
céder à un esprit charnel de séparatisme; c'est faire ce que fit
Paul, sous la conduite de l'Esprit de Dieu, c'est réédifier les
murs de Jérusalem (II, § 1353).
19:
10-17
§ 1318. Cette résolution dut coûter à Paul;
mais, prise en vue du Seigneur, elle fut admirablement bénie. Deux
années durant, Paul prêcha dans le local appartenant à Tyrannus,
et beaucoup de gens vinrent l'y entendre, qui auraient fui la
synagogue; en sorte que la parole du Seigneur Jésus se répandit
dans toute la province dont Éphèse était le chef-lieu et qui
recevait quelquefois le nom spécial d'Asie. La puissance du
Seigneur se déployait d'ailleurs d'une manière extraordinaire par
les mains de Paul; non par ses mains seulement, et l'on pourrait
croire que Jésus avait eu en vue de tels miracles, lorsqu'il avait
prédit que ceux qui croiraient en lui feraient des œuvres plus
grandes que les siennes (§ 857). Or, il y avait à ce moment dans
la contrée sept Juifs, fils de Scéva, de la famille d'Aaron, qui
allaient çà et là, faisant le métier d'exorcistes. En voyant
l'empire que Paul exerçait au nom de Jésus sur les malins esprits,
ils imaginèrent d'appeler ce nom à leur secours, dans l'intérêt de
leur bourse ou de leur réputation; comme on voit quelquefois
certains prédicateurs se mettre à prêcher l'Évangile par des
motifs de lucre ou d'influence mondaine. Mais le Seigneur ne
souffre pas toujours impunément qu'on trafique de son nom et de sa
puissance. Pour confondre l'imposture, il voulut que l'esprit
malin démasquât lui-même les imposteurs, et le démoniaque, devenu
furieux, se jeta sur ces impudents guérisseurs et les maltraita
cruellement (§§ 257-259). Cet événement produisit une très forte
impression sur les habitants d'Éphèse. Comme au temps d'Élie (II,
§ 774), le Seigneur venait de prononcer entre les prêtres de Bahal
et son propre ministre; aussi le nom de Jésus était-il de plus en
plus vénéré, car non seulement il opérait des prodiges supérieurs
à ceux que Satan faisait quelquefois par le moyen de ses
serviteurs, soit païens, soit Juifs, mais encore l'Esprit des
ténèbres venait de s'avouer vaincu.
19:
18-19
§ 1319. L'empire que Satan exerçait alors dans
les pays aveuglés par l'idolâtrie, dépasse tout ce que nous
saurions imaginer. Le nombre des hommes et des femmes qui, sous le
nom de devins et de devineresses, se livraient à ce que
l'historien appelle des pratiques curieuses, était fort
considérable, et il n'y en avait nulle part plus qu'à Éphèse,
Diane étant la déesse des enchantements et des sortilèges. Ce
n'étaient pas tous des gens qui, le sachant et le voulant, en
imposassent à une multitude ignorante et superstitieuse, et le
résultat de leur art diabolique n'était pas toujours de simples
illusions. La plupart d'entre eux étaient aussi bien trompés que
trompeurs. Agents aveugles, et coupables néanmoins, du Prince de
ce monde, ils se faisaient les instruments d'une puissance fort
réelle, bien que profondément mystérieuse; en sorte que leurs
prodiges étaient souvent de vrais prodiges, encore que ce ne
fussent pas des œuvres de Dieu (Matth. XXIV, 24). Il s'en fallait
tellement, que c'était là surtout ce qui perpétuait le crédit des
idoles et l'immoralité publique. On conçoit sans peine combien de
tels hommes se trouvaient, par leur métier même, éloignés du
royaume des cieux; aussi, la conversion de quelques-uns d'entre
eux doit-elle être mise au rang des plus grands miracles de la
grâce du Seigneur. C'est ce qui eut lieu pour plusieurs à Éphèse,
et le changement de leur cœur fut si réel, qu'on les vit brûler,
devant tout le peuple, les livres qui contenaient les règles et
les secrets de leur art. Ces livres, manuscrits rares et chers
comme tous les livres à cette époque, l'étaient surtout par
l'intérêt que leurs détenteurs avaient à ne pas les multiplier. La
valeur totale de ces abominables écrits fut de cinquante mille
pièces d'argent, équivalant à une quarantaine de mille francs. Si
ceux qui les possédaient avaient voulu les vendre, ils auraient
certainement trouvé de nombreux acheteurs; ce sacrifice montre
donc leur parfaite sincérité.
§ 1320. Il est triste de devoir ajouter que des superstitions semblables subsistent de nos jours, non pas seulement en pays idolâtres, mais encore dans ceux qui se nomment chrétiens. Il y a partout des gens qui font le métier de dire la bonne fortune, de deviner ce qu'on a intérêt à savoir, de guérir les maladies au moyen de pratiques secrètes, enseignées par certains livres ou transmises de père en fils; et quand on considère l'impiété, la vie immorale de ceux qui exercent de tels arts, quand on réfléchit que tout cela ne sert qu'à leur procurer des ressources pour satisfaire leurs vices et à maintenir l'ignorance et la superstition des peuples, on demeure convaincu que s'ils réussissent quelquefois dans leurs pratiques occultes, ce ne peut être par la puissance du Seigneur et qu'ils sont, ainsi que leurs dupes, les victimes de l'influence abominable de Satan. Ce qui le prouve de reste, c'est, d'un côté, combien il est rare que ces gens consentent à écouter l'Évangile, et d'un autre côté, l'abandon qu'ils font de leur magie, aussitôt qu'ils viennent à se convertir. En général, de toutes les maladies de l'esprit humain, il n'en est pas de plus difficile à guérir; mais, partout où brille le glorieux évangile de Jésus-Christ, on voit ces superstitions perdre chaque jour du terrain.
19:
20-22
§ 1321. Deux ans au moins devaient s'être
écoulés depuis que Paul était arrivé à Éphèse; la Parole de Dieu
croissait et se fortifiait puissamment, tant en cette ville que
dans la contrée, lorsque l'apôtre, toujours éclairé et conduit par
l'Esprit, forma le projet de retourner à Jérusalem, mais non sans
avoir revu auparavant la Macédoine et l'Achaïe; puis, il se
sentait un vif désir ou plutôt une vocation céleste, à se diriger
après cela vers Rome. Vous vous rappelez qu'écrivant de Corinthe
aux Thessaloniciens, il leur avait dit combien il souhaitait de
les revoir. Or, bien qu'il n'eût pas encore pu effectuer son
dessein, il ne l'avait pas abandonné. De Macédoine, il était
naturel qu'il songeât à pousser jusqu'à Corinthe, où de graves
circonstances le rappelaient, comme nous le verrons. Quanta Rome,
capitale de l'empire, l'évangile y étant parvenu indirectement, il
importait qu'un apôtre de Jésus-Christ s'y montrât enfin, et cette
charge appartenait tout naturellement à celui qui avait une
mission spéciale auprès des nations (§ 1164). Avant de partir
cependant, Paul envoya devant lui deux de ses aides dans le
ministère: Timothée et Éraste; Timothée qui, nous le voyons par
ceci, n'avait pas quitté Paul depuis longtemps; Éraste,
Corinthien, à ce qu'on pense, qui avait suivi Paul, ou l'avait
rejoint plus tard. Ces deux disciples partis, Paul attendit leur
retour, du moins celui de Timothée, continuant son œuvre en Asie,
jusqu'à ce que, les progrès même de cette œuvre ayant produit un
terrible mouvement à Éphèse, il reprit enfin le cours de ses
voyages. Voici comment la chose se passa.
19:
23-41
§ 1322. Un orfèvre, nommé Démétrius,
fabriquait, en argent, des modèles du temple de Diane et employait
à cette industrie lucrative un grand nombre d'ouvriers. Encore que
la prédication de l'Évangile en Asie eût rencontré bien des cœurs
attentifs, il n'est pas probable que les gains de Démétrius
eussent pu déjà diminuer d'une manière sensible; mais l'avarice
est soucieuse. Démétrius sentait bien, après tout, qu'il ne devait
sa fortune qu'à la superstition de ses coreligionnaires; il
reconnaissait en sa conscience la supériorité de la doctrine de
Paul sur les absurdités de leur mythologie; il crut voir le moment
où tout le monde se convertirait, et, dès cet instant même, il
s'envisagea comme ruiné. C'est ce qui se reproduit de nos jours à
l'occasion d'un réveil religieux. Ceux qui ne vivent que du péché
et de la folie d'autrui, trouvant, au fond, qu'on ferait mieux de
se convertir que de perdre sa santé, sa fortune et son âme dans
les plaisirs et les vanités du monde, s'imaginent que tous vont
devenir sérieux, tempérants, modestes, retirés, laborieux, et leur
industrie leur paraît XIX déjà détruite; aussi ne manque-t-on pas
de les voir toujours au premier rang des persécuteurs.
§ 1323. C'est ce que fit Démétrius. Il attroupa ses ouvriers et, avec eux, tous ceux qui avaient un travail analogue; car Éphèse, lieu célèbre de pèlerinage païen, ressemblait sous ce rapport aux lieux de pèlerinages papistes. Il y existe une foule d'industries par lesquelles on exploite la crédulité des dévots; ce sont, outre les images du Saint qu'on y adore, des chapelets, des amulettes, des reliques, des cierges et mille autres choses pareilles. Il est clair que la prédication de l'Évangile est fatale à ce genre de trafic; aussi nul ne s'oppose à la foi plus que ceux qui s'y livrent. Démétrius n'eut pas de peine à influencer son monde. Nous sommes perdus, leur dit-il! Mais comme il fallait donner à ses craintes une couleur moins égoïste: Non-seulement cela, ajouta-t-il, si on laisse faire ce Paul, on verra tomber en mépris, et le temple de Diane et la grande déesse elle-même. Démétrius disait vrai, et le peuple entier comprit le danger qui menaçait ses antiques croyances. Ils se mirent donc à pousser une de ces clameurs qui, d'un instant, savent ameuter toute la population d'une grande ville. La foule s'emparant des premiers qu'elle rencontra, et c’étaient deux Macédoniens, Caïus et Aristarque, compagnons de Paul, les conduisit au théâtre, vaste cirque où se tenaient les jeux scèniques et les assemblées populaires. Paul, informé de ce qui se passait, et toujours courageux, voulait se rendre sur les lieux afin de parler à ces gens; mais les disciples ne le lui permirent pas, et même quelques-uns des Asiarques, magistrats qui avaient la police du théâtre et qui portaient intérêt à Paul, l'exhortèrent à ne pas se risquer au milieu de cette multitude passionnée. Plusieurs, entraînés par le torrent, ignoraient encore de quoi il était question, et la présence de Paul, loin de calmer, aurait irrité probablement toujours plus. C'est ce qu'on put voir lorsqu'un Juif, nommé Alexandre, eut fait signe qu'il voulait parler. Les cris recommencèrent avec une nouvelle fureur, et il fallut, pour calmer cette émeute, toute l'habileté du secrétaire de la ville, homme influent et populaire sans doute.
20:
1
§ 1324. Cependant, Paul vit dans cet événement
le signal du départ. Il y avait alors près de trois ans qu'il
était arrivé à Éphèse; son œuvre y était achevée et même beaucoup
plus qu'on ne peut le conclure du livre des Actes. Le moment était
donc venu de reprendre le projet qu'il avait formé précédemment (§
1321). Quelques personnes pensent, comme je le dirai à l'occasion
de la première épître à Timothée, que, durant les derniers mois de
son séjour et avant l'affaire de Démétrius, Paul avait fait une
courte excursion en Macédoine; mais c’est à cette heure seulement
qu'il va contenter le désir qu'il entretenait de revoir un peu
longuement ses chers amis et disciples de Philippes, d'Amphipolis,
d'Apollonie, de Thessalonique, de Bérée, puis ceux de Corinthe. Il
ne quitta pas Éphèse sans avoir convoqué les frères et les avoir
salués; or nous savons, par les épîtres aux Thessaloniciens, ce
qu'étaient les saintes salutations de l'apôtre. — Avant de le
suivre dans ce nouveau voyage, nous devons étudier son épître aux
Galates. Il l'écrivit, selon toute apparence, pendant qu'il était
à Éphèse, ainsi que trois autres lettres d'une égale valeur.
ÉPÎTRE AUX GALATES.
CCLXXXVIII. Données historiques. Sujet de l'Épître.
§ 1325. Les récits précédents nous ont fait connaître deux excursions de Paul dans la Galatie, l'une à l'époque de son second voyage missionnaire (§ 1234), l'autre avant son long séjour à Éphèse (§1314). La seconde excursion en Galatie eut pour point de départ Antioche, où Paul se reposait des fatigues de sa dernière mission. C'est à Antioche qu'avait été soulevée plusieurs années auparavant la grande question de liberté chrétienne sujet de cette lettre-ci, d'Antioche qu'était partie la députation qui provoqua la conférence de Jérusalem (§ 1223), et les fidèles d'Antioche, plus en rapport avec les Gentils que ceux de Jérusalem (§1185), furent constamment les plus chauds défenseurs des droits que les païens convertis avaient à la grâce de Jésus-Christ, sans être obligés de passer auparavant par le Judaïsme. On comprend d'après cela qu'ils devaient être attentifs plus que personne aux tentatives qu'on pouvait faire contre cette liberté et que les églises de Galatie ne purent être menacées sans qu'ils en fussent promptement informés. De là vint la résolution que prit Paul de commencer par elles son troisième voyage missionnaire. Or, ce fut, pense-t-on généralement, après les avoir visitées et durant son séjour à Éphèse, que l'apôtre leur écrivit, soit parce qu'il apprit que le mal, un moment arrêté par sa présence, reprenait un nouveau cours (Ch. IV; vers, 18), soit parce que le Saint-Esprit a voulu qu'il nous restât quelque chose de cette importante discussion. On voit en effet par plusieurs endroits de l'épître, notamment par les versets 13 et 16 du chapitre IV, qu'au moment où Paul traçait ces lignes, il avait été deux fois en Galatie, la première fois pour y annoncer la bonne nouvelle (vers. 13), la seconde fois pour ramener les églises dans le chemin de la vérité (vers. 16). On y voit aussi (Ch. I, vers. 9) qu'il ne fait que répéter ici par écrit, ce qu'il avait dit de bouche peu auparavant, et par conséquent dans le voyage entrepris exprès pour traiter ce sujet avec eux.
1:
2
§ 1326. L'épître aux Galates abonde en
renseignements historiques. Elle nous apprend d'abord qu'il
existait plusieurs églises dans la Galatie. D'où il suit que les
prédications de Paul y avaient eu, par la grâce de Dieu, des
succès d'autant plus remarquables, qu'on ne rencontrait pas, parmi
ces descendants des barbares Gaulois (§ 18), beaucoup de Juifs et
de synagogues par qui ils eussent pu être préparés à recevoir le
Messie. De ce fait, je crois pouvoir conclure, en général, qu'il
se forma par le ministère des apôtres, beaucoup plus d'églises que
celles qui sont spécialement nommées dans les Actes et dans les
Épîtres. Ce n'a point été la pensée du Saint-Esprit de nous donner
une histoire complète de son œuvre et comme une statistique des
églises primitives: il a voulu seulement nous faire savoir ce que
I fut cette œuvre, ou comment elle se fit, afin qu'on la continuât
de la même manière dans tous les siècles, autant que les
circonstances le permettraient.
§ 1327. Voici, en second lieu, un détail historique qui montre que, là même où le saint auteur du livre des Actes a été le plus circonstancié, il n'est pas entré dans son plan de n'omettre aucun événement. Paul parle d'un voyage en Arabie dont Luc ne fait point mention (§1167). On en peut inférer que ce voyage fut très court. Dans tous les cas, ce fut bien de Damas que, à son retour d'Arabie, Paul revit Jérusalem pour la première fois depuis sa conversion. C'est de ce grand événement qu'il date tous les faits importants de sa vie, et le retour à Jérusalem eut lieu trois ans après. Le livre des Actes nous dit d'une manière générale, que Barnabas le rapprocha des apôtres, et Paul lui-même nous apprend ici qu'il ne vit que Pierre et Jaques, le frère du Seigneur (§ 1193). Il ajoute qu'il ne passa que quinze jours à Jérusalem, lors de ce premier voyage, et Luc nous explique ce prompt départ en nous disant que sa vie y avait été en danger (Act. IX, 29). Paul, conduit par les frères à Césarée, partit de là pour Tarse, sa ville natale (Act. IX, 30), et il nous raconte ici que, depuis Jérusalem, il alla dans les régions de la Syrie 22 et de la Cilicie, inconnu de visage aux fidèles de la portion du pays qu'il traversa. Tout ceci nous apprend indirectement que Paul se transporta de Césarée à Tarse, non par mer, mais par terre, et qu'ainsi il dut traverser Antioche, circonstance qui n'est pas sans intérêt, si elle n'est pas d'une grande importance. Ce fut en effet d'Antioche qu'un peu plus tard, Barnabas alla chercher Saul à Tarse (§1187).
§ 1328. Tout ceci est en parfait accord avec le livre des Actes, bien qu'avec des différences qui montrent que ni l'auteur des Actes n'a copié l'auteur de l'Épître, ni l'auteur de l'Épître n'a copié le livre des Actes. Voici une autre donnée historique moins facile à concilier avec ce qui est raconté par Luc. Jusqu'au moment où nous sommes parvenus, l'histoire de Paul mentionne quatre voyages à Jérusalem trois ans après sa conversion, celui que nous venons de rappeler; puis, avec Barnabas, pour porter la collecte d'Antioche, environ deux ans après (§ 1188); ensuite un troisième voyage, quatre ou cinq ans après le précédent, pour ce qu'on appelle le Concile (§ 1223); le quatrième enfin, quatre ans plus tard, à son retour de Corinthe (§ 1314). La question est de savoir auquel de ces quatre voyages Paul fait allusion dans son épître. À première vue, il semble qu'il s'agisse plutôt du troisième, de ce voyage qu'il fit avec Barnabas, comme il est dit ici, et dont l'objet fut le même que celui de l'Épître, la question de la liberté chrétienne. Mais il est impossible de compter quatorze ans depuis la conversion de Paul jusqu'à ce voyage. Aussi les auteurs qui adoptent cette opinion font-ils remarquer que, au lieu de lire «quatorze ans après,» il n’est pas impossible de traduire: «il y a quatorze ans.» Pour compléter l'accommodement des faits, ils pensent que Paul écrivit aux Galates vers la fin de son ministère, savoir donc quatorze ans après son troisième voyage à Jérusalem. Mais dans son troisième voyage, Paul se rendit à Jérusalem chargé d'une mission de la part de l'église d'Antioche; tandis que, dans celui qu'il mentionne ici, ce fut en suite d'une révélation. C'est pourquoi, je me persuade plutôt que nous avons ici le voyage dont le livre des Actes ne fait que prendre note, sans même nommer Jérusalem (Act. XVIII, 22), et qui tombe effectivement dans la quatorzième année depuis la conversion de Paul. L'Épître, complétant les Actes, nous apprendrait ainsi que Paul, de retour à Antioche après sa longue demeure en Macédoine et en Achaïe, y retrouva Barnabas, revenu sans doute depuis longtemps de l'île de Chypre (§ 1231), et que, cette fois encore, il l'eut pour compagnon de voyage à Jérusalem.
2:
1
§ 1329. Avec eux se trouvait aussi dans ce
moment, un jeune Grec, nommé Tite, dont le livre des Actes ne fait
aucune mention. Nous ne savons ni d'où il était originaire, ni
quand il fut converti, ni à quelle époque il devint un des
compagnons d'œuvre de Paul. Plus tard, il reçut de l'apôtre une
mission qui atteste la grande confiance qu'il lui inspirait. Tite
était un autre Timothée, avec cette différence que, par sa mère
comme par son père, il était païen de naissance. Paul nous apprend
qu'il ne voulut point le faire circoncire, par la raison même que
certains Juifs l'exigeaient impérieusement.
2:
11-16
§ 1330. Quelques lignes plus bas, il rapporte
un débat qui eut lieu entre Pierre et lui, débat dont le livre des
Actes ne parle aucunement. Il est difficile, mais peu nécessaire,
d'en déterminer la date. Peut-être était-ce un fait récent lorsque
Paul écrivait sa lettre, car il n'y avait pas si longtemps qu'il
était encore à Antioche.
4:
13;
6: 11
§ 1331. Parmi les données historiques que
renferme l'Épître aux Galates, il en est peu qui offrent plus
d'intérêt que celle à laquelle nous arrivons. Nous avons vu dans
le livre des Actes (XVI, 6), que Paul et Silas, ayant traversé la
Phrygie et la Galatie, auraient voulu pousser plus loin, mais
qu'ils en furent empêchés par le Saint-Esprit; ici, nous apprenons
qu'ils ne se seraient peut-être pas même arrêtés un jour en
Galatie, si Paul n'y avait été retenu par une grave indisposition;
car c'est ainsi qu'on doit traduire ce texte: «Vous savez qu'à
cause d'une infirmité de la chair je vous annonçai ci-devant la
bonne nouvelle.» Or, au témoignage de l'apôtre lui-même, cette
infirmité était à la fois pénible et repoussante. Il l'appelle une
tentation en sa chair, comme pour dire, ou que la douleur aurait
pu facilement le pousser au murmure, ou bien que l'aspect de sa
maladie aurait pu éloigner de lui ceux auxquels Dieu l'envoyait
prêcher l'évangile. Quelques-uns pensent que cette maladie avait
son siège dans l'organe de la vue. Ils s'expliquent ainsi ce qui
est dit deux lignes ensuite, et ils y voient la raison pour
laquelle Paul, voulant écrire aux Galates de sa propre main,
n'avait pu le faire qu'en grosses lettres, ce qui est la vraie
traduction. Quoi qu'il en soit, c'était donc avec un corps malade
que Paul travaillait avec tant d'activité à l'avancement du règne
de Dieu; c'est accablé de douloureuses infirmités qu'il avait
quitté la Galatie pour passer à Troas et de là en Macédoine; c'est
sur une chair souffrante qu'avaient frappé les verges de
Philippes, et nous ne pouvons qu'en admirer d'autant plus la force
d'âme que la foi sut donner à ce grand serviteur de Dieu.
L'activité d'un homme qui travaillait nuit et jour pour sa
subsistance et qui, au milieu de cela, n'oubliait pas son œuvre
principale, serait merveilleuse, même s'il eût joui d'une bonne
santé; mais non, c'est en souffrant qu'il travaillait et qu'il
prêchait, et à ces souffrances, que les grands devoirs de sa
charge rendaient plus dures, venaient s'ajouter les persécutions
violentes dont son corps portait les honorables cicatrices!
§ 1332. Après ces observations préliminaires, d'un caractère tout historique, entrons dans l'étude de l'Épître au point de vue du dogme, et disons d'abord quel en est le sujet. Un simple coup d'œil montre que c'est la question même qui, débattue entre certains Juifs et tout le reste de l'Église, soit d'origine juive, soit d'origine païenne, avait été discutée et résolue au concile de Jérusalem. Les églises de Galatie, sorties du milieu des nations, n'auraient jamais eu l'idée de la soulever, si quelques Israëlites, chrétiens ou non, n'étaient venus leur persuader qu'à moins d'être circoncis selon la loi de Moïse, ils ne pouvaient être sauvés par Jésus-Christ. En apprenant cela, Paul, animé d'un zèle ardent pour la saine doctrine et plein d'amour pour ses chers disciples de Galatie, s'était rendu chez eux; puis, non content de leur avoir recommandé de bouche la cause de la vérité, il leur écrit avec une sainte véhémence, pour assurer le succès de ses prédications; le Saint-Esprit ayant pourvu de la sorte aux besoins de l'Église de Jésus-Christ, dans tous les siècles.
§ 1333. Il peut sembler au premier abord que cette Épître doive être d'un faible intérêt pour nous, vu que nul homme au monde ne pense maintenant qu'il faille s'affilier au peuple Juif, avant de pouvoir être sauvé par Jésus-Christ. Mais le fond de l'erreur subsiste, et l'idée juive, sous diverses formes, a plus d'adhérents qu'on ne pense. Le cœur de l'homme est si éloigné de Dieu, que c'est toujours en se défendant qu'il se range à la saine doctrine, et quand on croit qu'il s'y est enfin soumis, bientôt il trouve le moyen d'y échapper en la dénaturant par quelque invention de son orgueil. Parmi ceux qui, après avoir longtemps méconnu le besoin qu'ils ont d'être sauvés, finissent par s'avouer coupables devant Dieu, il en est beaucoup qui refusent d'aller à Jésus pour avoir la vie, se persuadant que leur repentance et leurs bonnes œuvres rachèteront leurs péchés, ou se confiant en l'idée vague de la miséricorde divine; d'autres permettent qu'on leur parle du salut qui est en Christ, mais ils pensent devoir et pouvoir commencer par s'en rendre dignes; d'autres enfin, renonçant, comme il le faut bien, à tout mérite personnel antérieurement à la conversion, estiment toutefois que si Christ a expié les péchés de ceux qui croient, c'est à condition qu'ils fassent maintenant de bonnes œuvres, et ils l'entendent en ce sens, que les bonnes œuvres achèvent, complètent l'œuvre de la rédemption commencée par Jésus-Christ. Ces œuvres, suivant les uns, ce sont des pénitences, des pèlerinages, des macérations; selon d'autres, des aumônes, des prières, de bonnes lectures; selon quelques-uns enfin, un travail intérieur de soi-même sur soi-même, au moyen duquel on s'applique les mérites de Jésus-Christ. Toutes ces erreurs se touchent et se lient; car elles reviennent toujours à nier la perfection de l'œuvre de notre Sauveur et à faire de l'homme l'agent de son propre salut: c'est ce que je viens d'appeler l'idée juive, et voilà ce que le Saint-Esprit combat dans l'Épître aux Galates par la plume de Paul. Mes lecteurs comprendront en conséquence, et que cette épître ait été écrite, et que Dieu nous l'ait conservée. Je ne doute pas qu'ils n'en fassent l'étude avec une sérieuse attention. Plus d'une âme y a trouvé la paix, et puisse-t-il leur en arriver de même! Ils vont entendre Paul parlant d'un ton auquel ses précédentes lettres ne nous ont pas habitués. Ils retrouveront néanmoins dans celle-ci la même tendresse et la même vivacité d'affections: ce qu'ils y retrouveront surtout, c'est la bonne parole du salut et les promesses de l'amour de Dieu.
CCLXXXIX. La bonne nouvelle. L'apostolat de Paul. Argumentation.
1:
1-15
§ 1334. Le nom de Paul figure en tête de cette
lettre, mais avec mention expresse de la mission spéciale qu'il
avait reçue directement du Seigneur, lors de sa conversion. C'est
ainsi que, dès l'entrée, l'apôtre se pose comme une autorité qui
doit être écoutée et crue. Cependant, ce qu'il va dire, c'est au
nom de tous ses frères qu'il le dira; car Aquilas, Timothée, Tite,
Caïus, Aristarque, Éraste, ses compagnons d'œuvre à cette époque,
et tous les fidèles d'Éphèse, n'avaient pas une autre doctrine que
la sienne, nouvelle raison pour que ceux auxquels il écrivait
fussent attentifs à sa parole. Bien que l'Église ne soit pas
l'organe infaillible de la vérité, office qui appartient
exclusivement aux Saintes Écritures, le témoignage de l'Église ne
laisse pas d'être une grande confirmation de la foi, lors du moins
que c'est vraiment l'Église ou l'assemblée des croyants qui rend
ce témoignage, et non pas quelques prêtres s'arrogeant à eux seuls
le nom et la qualité d'Église, comme cela se fait dans la papauté
et ailleurs.
§ 1335. Le préambule de la lettre est du reste assez semblable à celui des épîtres aux Thessaloniciens, si ce n'est qu'il est plus ample, l'apôtre y rappelant les deux doctrines fondamentales du salut, prêchées dès le commencement par Pierre et ses collègues, savoir que si Jésus-Christ s'est soumis à la mort, c'est pour expier nos péchés et pour nous arracher au présent siècle mauvais (§ 1093). L'apôtre ajoute que cette œuvre de grâce procède tout entière de la volonté du Père, auquel il faut en rapporter la gloire éternellement.
1:
6-10
§ 1336. Après avoir ainsi rappelé le grand
fait qui est la base de tout l'édifice, Paul entre vivement en
matière, pressé qu'il est de déposer sur le parchemin sa
protestation contre l'erreur qui menaçait la foi et le salut des
Galates. Il commence par déclarer d'une manière générale qu'il ne
saurait y avoir deux évangiles ou deux bonnes nouvelles. La bonne
nouvelle, comme il le dit, c'est «la grâce de Christ», cette grâce
même qu'il leur avait prêchée. Si donc quelqu'un était allé leur
annoncer comme une bonne nouvelle qu'en se faisant circoncire,
mais non autrement, ils auraient part aux promesses données à
Abraham, celui-là ne leur avait pas annoncé une bonne nouvelle.
Or, quand Paul lui-même, ou un ange venu du ciel, leur tiendrait
un autre langage, ils devraient le repousser avec exécration, par
la raison déjà que ceux qui imaginent quelque chose à côté de la
bonne nouvelle, ne le font certainement pas pour plaire à Dieu,
mais pour plaire aux hommes, idée que l'apôtre reprendra dans la
suite avec plus de détail. En attendant, remarquez à cette
occasion de quel zèle nous devons être animés pour la saine
doctrine. Toute erreur éloigne de Dieu dans une certaine mesure;
tout ce qui tend à pervertir la bonne nouvelle du Christ, tend
pareillement à perdre les âmes: comment donc pourrions-nous
ménager l'erreur en matière de foi? Sans cesser d'user de patience
envers ceux qui s'égarent, soyons impitoyables contre tout
égarement, fut-ce un ange du ciel qui vînt mettre à l'épreuve
notre fidélité.
1:
11-24
§ 1337. Il est probable que les hommes qui
avaient porté le trouble dans les églises de Galatie, avaient eu
soin d'affaiblir, par toutes sortes de moyens, l'influence
légitime qu'exerçait sur elles le souvenir des prédications n de
celui par qui Jésus-Christ les avait appelées au salut. 1-10 On
avait dû leur dire que Paul n'était qu'un apôtre du second ordre,
puisqu'il n'avait pas vécu, comme les autres, avec le Seigneur;
que si, en leur prêchant l'évangile, il ne leur avait jamais parlé
de circoncision, ce n'était pas étonnant de la part de quelqu'un
qui, extrême en tout, s'affranchissait des obligations de la loi,
bien que les frères de Jérusalem n'eussent pas cessé de s'y
montrer obéissants. On ne manquait pas, après cela, de le mettre
en contradiction avec lui-même, parce qu'il avait fait circoncire
Timothée, et en opposition directe avec Pierre, parce qu'il lui
avait une fois résisté tout ouvertement. Cela expliquerait
pourquoi Paul commence son épître par quelques faits de sa propre
histoire. Il dit que s'il n'a pas vécu avec le Seigneur, il l'a vu
néanmoins et qu'il a appris de lui directement la doctrine du
salut; qu'après avoir été zélé plus que personne pour le judaïsme
et, par ce zèle même, persécuteur à outrance de l'Église, Christ
lui fut révélé par un effet de la grâce éternelle de Dieu;
qu'appelé dès ce moment à prêcher la bonne nouvelle aux nations,
il se mit à l'œuvre sans consulter aucun homme; qu'au bout d'un
certain temps néanmoins, il vit Pierre et Jaques, desquels il fut
reçu en frère, et que les assemblées de la Judée, encore qu'elles
ne le connussent pas de visage, glorifiaient Dieu pour la grâce
qui lui avait été faite. À cette époque donc, il y avait accord
entre lui et tous les disciples, preuve qu’alors du moins il
professait l'évangile même qu'ils avaient tons reçu,
1:
24;
2:1 -10
§ 1338. Lorsque, plusieurs années ensuite, et
la quatrième fois depuis sa conversion, mais après un long 11-24
séjour parmi les gentils, il revint à Jérusalem, poussé par une
révélation divine, il exposa devant les frères les plus considérés
la doctrine qu'il avait prêchée partout, et il savait bien en le
faisant qu'il ne serait désavoué par aucun d'eux. Quelques faux
frères, il est vrai, s'étant furtivement introduits dans l'église
et ne comprenant rien à la liberté évangélique, voulaient
contraindre Paul à circoncire Tite; mais précisément parce qu'on
l'exigeait et qu'on en faisait une condition de salut, il s'y
était refusé catégoriquement, voulant par là maintenir intacte la
bonne nouvelle annoncée aux païens; or il va sans dire qu'il ne
fut point blâmé par ceux qui auraient eu vocation à le faire, s'il
eût été dans l'erreur. L'apôtre, cependant, tient à rappeler que
son ministère était parfaitement indépendant de celui des autres
envoyés de Jésus, ce qui imprimait d'autant plus de force au
témoignage de tous. Tenant, eux et lui, directement du Seigneur
leur mission, quelle joie et quel affermissement de foi pour eux,
comme pour nous, de voir qu'un seul et même Esprit leur avait été
donné; que si les uns avaient pour mandat spécial d'annoncer
l'évangile aux Juifs et d'autres aux nations, il n'y avait pas
toutefois deux évangiles! Aussi, avec quel empressement ne se
tendirent-ils pas la main d'association! Il fut d'ailleurs reconnu
que Dieu ne faisait aucune différence entre païens et juifs
convertis, et que tous possédaient le même droit au salut; mais
que pourtant les pauvres de la Judée avaient des titres
particuliers aux assistances pécuniaires des églises, puisqu'ils
avaient souffert les premiers pour l'évangile et plus que beaucoup
d'autres. Ce détail est touchant: c'est le seul point peut-être
sur lequel Paul aurait eu quelque différence d'opinion avec ses
collègues, mais encore tombèrent-ils I bientôt d'accord là-dessus.
Il n’est pas moins intéressant de remarquer le témoignage qu'il
rend occasionnellement au ministère de Pierre et de Jean, mais
avant tous, de Jacques, l'ancien de Jérusalem, car le frère de
Jean était mort à cette époque (§ 1190); par où l'on voit combien
Paul était éloigné de vouloir rabaisser ceux qui avaient été
appelés au service du Seigneur avant lui.
2:
11-14
§ 1339. Il y eut un moment, toutefois, où l'on
eût pu croire qu'il existait quelque divergence d'opinions entre
Paul et les autres envoyés, notamment entre Paul et Pierre.
Celui-ci se trouvant en séjour à Antioche, n'avait fait aucune
difficulté de vivre familièrement avec les frères incirconcis. Il
les tenait pour héritiers du salut aussi bien que les Juifs qui
avaient cru, et comment aurait-il pu voir la chose autrement, lui
qui avait baptisé Corneille, l'incirconcis (§ 1183)? Mais quelques
Juifs, en mission de la part de Jaques, étant arrivés de Jérusalem
à Antioche, eurent la faiblesse de se scandaliser d'une telle
conduite, et Pierre eut à son tour la faiblesse non moins grande
de condescendre à leurs préjugés, lorsqu'il aurait fallu plutôt
les braver sans crainte, dans l'intérêt de la vérité et par amour
pour eux. En agissant comme il le fit, Pierre ne tendait-il pas un
piège à ses frères Juifs, qui pouvaient s'ancrer ainsi dans la
fausse idée que la différence religieuse entre circoncis et
incirconcis subsistait encore. Si Pierre eût changé de mode de
vivre par l'effet d'un changement dans ses convictions, il eût été
moins coupable; mais sa conduite était empreinte de ce genre
d'hypocrisie qui consiste à dissimuler ses vrais sentiments, par
crainte des hommes (§ 639); et, pour preuve du danger qu’offrait
un tel exemple, voyez Barnabas qui fut lui-même entraîné à
feindre. C'est pourquoi Paul dut reprendre Pierre, lui résister
publiquement en face, bien que Pierre fût son aîné dans la foi,
comme dans la vie. Mais sur quoi porta la censure? Sur ce que
Pierre abandonnait la saine doctrine? Nullement. L'accord
demeurait complet en ce point. L'erreur momentanée de Pierre fut
une erreur de simple pratique, ce que montrent clairement les
observations de son collègue. «Quoi!» dit-il à Pierre, «tu es dans
la conviction que Dieu ne met pas de différence entre les nations
et nous Juifs; en conséquence, depuis que tu es à Antioche, tu
n'as fait aucune difficulté de vivre avec eux, bien qu'ils ne
suivent pas les observations de la loi; et maintenant, tu les
traites comme s'ils étaient encore étrangers au peuple de Dieu et
aux promesses de l'alliance! Mais c'est dire, contre tes vraies
intentions et contre tes propres actes, qu'ils sont dans
l'obligation de se faire Juifs!» Tel est le premier argument de
l'apôtre: les suivants sont plus dogmatiques.
2:
15-18
§ 1340. C'est ici proprement que commence
l'argumentation. Les raisonnements s'y pressent avec une telle
abondance et une telle concision, que le sens n’en est par
toujours facile à déterminer. D'abord, mais cela importe peu, l'on
ne voit pas très bien si l'apôtre continue le récit de son
entretien avec Pierre, où s'il s'adresse dès ce moment aux
Galates. Peut-être fait-il les deux choses à la fois; c'est-à-dire
qu'il glisse de l'argument qu'il présenta jadis à son collègue
pour lui faire sentir son inconséquence, à ceux par lesquels il
voulait faire sentir aux Galates la leur. Quoi qu'il en soit,
voici la substance de sa pensée. Les Juifs en se convertissant à
Jésus-Christ, déclarent par là qu'ils ne sauraient être justifiés
par l'observation de la loi; mais s'ils ne le peuvent, les païens
le peuvent bien moins encore: par conséquent, nulle chair, nul
homme au monde, ne peut être justifié par l'obéissance à une loi
quelconque. Or, continue-t-il (et voici où le raisonnement devient
difficile à suivre); si, après avoir cherché en Christ notre
justice (§§ 292, 1208), nous avions encore besoin des observances
de la loi pour être sauvés, ce serait une preuve que nous serions
encore dans nos péchés. Mais si nous sommes encore pécheurs,
dépourvus de justice, même après avoir cru, quel service
Jésus-Christ nous a-t-il rendu? Se pourrait-il qu'il nous laissât
dans la condition du péché? Impossible, dit l’apôtre, car ce
serait reconstruire ce qui a été détruit, et, si je le faisais,
moi qui me suis employé à la démolition de la propre justice, je
me constituerais transgresseur du commandement de Dieu, ou plutôt
je demeurerais chargé de mes transgressions, tout en me réclamant
de Jésus-Christ. Voilà pourquoi Paul disait tout à l'heure qu'en
agissant ainsi, l'on ferait du Christ un ministre, ou un serviteur
du péché.
2:
19-21
§ 1341. Comment d'ailleurs ose-t-on parler
d'œuvres pour compléter ou s'assurer la justice qui vient du
Christ? Ne sait-on pas que la loi n'a de puissance que pour faire
mourir? Heureux ceux que l'étude de la loi et leurs efforts pour
la mettre en pratique, amènent à sentir leur état de mort devant
Dieu (I § 88), afin de chercher leur vie en Jésus-Christ (§ 767)!
Mais ce n'est pas même la loi proprement qui nous donne cette
conviction de notre état de mort; c'est bien plutôt la
contemplation de la croix de Jésus-Christ. En regardant à cette
croix sur laquelle mes péchés furent expiés, d'une part je vois ce
que je méritais devant Dieu et ce que Christ m'a mérité; d'autre
part, je sens se former en moi la vie de Celui qui m'a aimé d'un
amour éternel; vie qui, par la foi en lui, se développe dans tout
mon être, aussi longtemps que j'habite ce corps terrestre. La
vérité est donc que toute justice vient de Christ, par la foi;
soit le pardon, soit la sainteté, la loi ne pouvant produire ni
l'un ni l'autre de ces bienfaits. Or, cette vérité, c'est, en
d'autres termes, la doctrine de la grâce de Dieu. Ah! prenons
garde de l'annuler; et considérons bien que chercher, de façon ou
d’autre, la justice par le moyen d'une loi ou autrement par les
œuvres, c'est faire mourir Christ en pure perte, agir comme si
Jésus n'était pas mort pour nous, comme s'il n'y avait point de
grâce.
3:
1-7
§ 1342. Tout ceci paraît si évident à l'apôtre
qu'il ne peut retenir une exclamation toute semblable à celle qui
sortit de la bouche de notre Sauveur, lorsque ses disciples
s'obstinaient à ne pas comprendre la chose la plus simple (Luc
XXIV, 25). «Vous,» leur dit-il, «qui, lorsque la croix du Christ
vous fut prêchée, aviez saisi la signification des souffrances du
Seigneur comme s'il avait été crucifié sous vos yeux; vous qui,
par la foi en lui et non par la loi, avez reçu le Saint-Esprit;
vous qui avez souffert tant de maux à cause de la profession de
cette foi, est-ce que vous voudriez annuler la grâce de Dieu et
faire que Christ fût mort en pure perte? Est-ce qu'après avoir
commencé par l'Esprit, vous voudriez finir par la chair? Vos
souffrances mêmes ne vous attacheront-elles pas à la doctrine pour
laquelle vous souffrez? Les dons miraculeux du Saint-Esprit qui
vous ont été faits, ne vous sont-ils pas un garant que vous
possédez la vérité? Que demanderez-vous à la loi, que la foi ne
vous ait déjà donné? Serait-ce peut-être la qualité d'enfants
d'Abraham et les privilèges qui s'y rattachent? ni Mais, «comme
Abraham crut Dieu et que cela lui fut imputé à justice, sachez que
ceux qui sont de la foi, ceux-là sont fils d'Abraham. Nous avons
ici l'argument principal de l'apôtre. Il déclare avec l'autorité
du Saint-Esprit, que c'est la foi et non la circoncision, ni
aucune observance légale, qui transmet la vraie qualité de fils
d'Abraham; puis il va le démontrer par divers passages des
Écritures, et il en résultera que les Galates eux-mêmes, bien
qu'issus de peuples qui n'avaient, selon la chair, aucune relation
avec le père des Juifs, ne laissaient pas d'être, par la foi en
Christ, les héritiers de toutes les promesses faites à Abraham et
à sa postérité.
3:
8-14
§ 1343. S'appuyant sur les Écritures, Paul
rappelle la grande promesse qui avait été faite aux nations dans
la personne d'Abraham (I, §§ 254, 367); et, pour montrer que cette
promesse devait leur être appliquée par la foi et non par la loi,
il cite une autre déclaration constatant qu'il n'y a que
malédictions à recevoir de la loi, au lieu de bénédictions (I, §
1029). Ce n'est donc pas par la loi que s'héritent les promesses
faites à Abraham et, dans sa personne, à toutes les nations. Pour
confirmer ce raisonnement sans réplique, l'apôtre avance encore
deux passages, dont l'un déclare que la vie éternelle appartient à
celui qui est juste par la foi (II, § 1138), et l'autre, que pour
obtenir la vie éternelle aux termes de la loi, il faut lui rendre
une obéissance parfaite (Lévit. XVIII, 5). Il rapproche ces deux
passages sans conclure, mais la conclusion se présente
d'elle-même. Pour hériter de la vie éternelle selon la loi, il
faut avoir accompli tout ce qu'elle commande (§ 614), et c'est ce
que personne n'a fait. En conséquence, il n'y a de vie éternelle
possible que par la foi, et voici comment. Christ nous a rachetés
de la malédiction, en souffrant malédiction pour nous sur la croix
(§ 975); sur cette même croix, il a rendu possible pour des
pécheurs maudits, l'accomplissement de la promesse du Saint-Esprit
(§ 893); enfin, c'est au moyen de la foi que nous avons part, et à
ce rachat et à cette promesse. Le raisonnement est complet, et la
vérité qu'il établit subsiste tout entière pour nous, que nous
descendions d'Abraham selon la chair, ou que nous soyons, par
nature, des pécheurs d'entre les nations.
3:
15-18
§ 1344. Ce n'est pas tout, lorsque Dieu fit
connaître à Abraham sa volonté dernière au sujet de l'héritage des
promesses, il exprima dans cette espèce de testament, que les
promesses étaient faites, non à tous ceux qui naîtraient du
patriarche, mais à un de ses descendants, appelé par excellence sa
postérité, postérité qui est le Christ. C'est donc à lui
proprement qu'appartient l'héritage, comme il est dit au psaume
second (II, § 604), à lui et aux siens. Mais un testament, une
fois homologué, ne peut être ni annulé, ni modifié. Or, dans le
cas actuel, l'hérédité ouverte par le testateur, l'a été en vertu
d'une promesse et non d'un commandement. Dieu a dit: «Je te
bénirai,» et cela sans condition quelconque. Il est vrai que, plus
tard, il a tenu cet autre langage: «Si tu obéis, je te bénirai»
(I, § 1030); mais c'était sous un régime tout différent, et ce
régime de la loi ne saurait avoir aboli le testament fondé sur la
promesse: encore un raisonnement sans réplique.
3:
19,20
§ 1345. Cependant il fait naître une question
qui paraît grave. À quoi bon la loi, cette loi qui fut donnée
quatre cent trente ans après, si elle n'annule ni ne modifie la
promesse? La réponse de l'apôtre est obscure comme tout ce qui est
très concis, et elle est concise parce que l'écrivain sacré est
pressé de reprendre la suite de son argumentation. La loi, dit-il,
fut ajoutée à cause des transgressions; c'est-à-dire, je pense,
parce que le péché allait croissant et qu'il fallait le comprimer,
tout en effrayant les transgresseurs; mais ce n'était qu'un état
de choses provisoire, en attendant la postérité à qui la promesse
avait été faite, c'est-à-dire le Christ et son peuple; état de
choses par conséquent très inférieur à celui qui l'avait précédé
et encore plus à celui qui devait le suivre. Car sous la loi il y
eut, outre les anges, un médiateur humain entre le Seigneur et
Israël, savoir Moïse , tandis que pour Abraham comme pour
l'Église, le nouveau peuple, Dieu lui-même est le médiateur; par
quoi il faut entendre notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ (I,
§ 366).
3:
21-29
§ 1346. Après cette courte digression,
l'apôtre reprenant ce qu'il disait tout à l'heure (verset 18), que
si l'hérédité venait d'une loi, elle ne viendrait plus d'une
promesse, se pose à lui-même cette question: «La loi est-elle donc
contre les promesses de Dieu?» — Réponse: Pour que la loi fût
proprement en opposition avec les promesses, il faudrait qu'il lui
fût possible de donner la vie: alors la justice s'obtiendrait au
moyen d'une loi, la foi serait inutile et la promesse, sans objet.
Mais, comme on l'a vu plus haut, l'Écriture (et par conséquent la
loi qui y est comprise) suppose partout l'homme pécheur et
justement condamné; c'est pourquoi toutes ses promesses sont
faites à ceux qui croient en Jésus-Christ, et non à ceux qui
pratiquent la loi. La raison en est que tous sont enfermés sous le
péché, comme un prisonnier sous la sombre voûte d'un cachot. La
loi ne fut point une délivrance de cette prison, car la loi est,
elle-même, une cellule dans laquelle nous fûmes gardés, dit
l'apôtre, jusqu'à ce que la révélation de Jésus-Christ vînt nous
l'ouvrir par la foi. Ou, d'une autre manière, si la loi se trouve
en quelque rapport avec la promesse, ce n'est que parce qu'elle a
exercé près de nous les fonctions d'un instituteur pour nous
conduire au Christ. C'est elle qui, agitant notre conscience, nous
a fait sentir le besoin que nous avions d'un Sauveur; mais
maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus sous
l'instituteur. O vous qui lisez ces lignes! si, comme les Galates,
vous possédez la foi en Jésus, vous avez atteint par là,
spirituellement, l'âge de majorité; vous êtes fils et filles de
Dieu; vous avez revêtu Christ. Juifs ou Grecs, esclaves ou libres,
hommes ou femmes, n'importe, vous êtes un seul dans le Christ
Jésus; c'est-à-dire qu'unis à lui par la foi, vous êtes avec lui
la postérité bénie. Membres de l'alliance dont Dieu seul est
médiateur, vous appartenez au Christ; de cette manière, «vous êtes
fils d'Abraham et, selon la promesse, héritiers.» — Oh! combien
cette page magnifique dut faire battre le cœur des pauvres
Galates! Que d'âmes qui, dès lors, y ont trouvé leur consolation
et leur force! Puisse-t-il en être de même pour vous, mes chers
lecteurs!
CCXC. Exhortations à demeurer dans la liberté, par le moyen de la foi; à s'assujettir les uns aux autres par l'amour; à fuir les œuvres de la chair, pour porter le fruit de l'Esprit; à remplir les uns envers les autres tous les devoirs de la charité.
4:
1-7
§ 1347. Ici, l'apôtre reprend une des idées
précédentes, en la revêtant d'un nouveau jour. Il représente le
peuple élu tout entier sous l'image d'un petit enfant qui, bien
qu'héritier présomptif d'une grande fortune, ne possède rien en
propre, non plus qu'un esclave, et qui, son père étant absent, se
voit sous la tutelle d'administrateurs de son bien, jusqu'au temps
marqué par le père. Telle fut, dit Paul, notre situation, jusqu'à
la venue du Christ. Nous étions asservis sous les éléments du
monde, mis en tutelle, dépendants d'une loi, partie élémentaire de
l'éducation religieuse d'ici-bas; mais au temps marqué par les
prophètes, le fils de la femme (I, § 103), un Sauveur né sous la
loi, est venu racheter ceux qui sont nés sous la loi, et Juif,
procurer à des Juifs la qualité d'enfants de Dieu par adoption (§
144). Mais cette même grâce, Dieu vous l'a faite à vous, Galates;
puisqu'il a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, par lequel
vous criez Abba, Père, comme Jésus-Christ lui-même (Marc XIV, 36).
Cet Esprit étant en vous par le rachat de vos âmes, vous n'êtes
plus esclaves, mais fils; or, si vous êtes fils de Dieu, vous êtes
aussi ses héritiers, et par conséquent ceux d'Abraham, au moyen,
non de la loi, mais de Jésus-Christ; c'est en ces mots que Paul
ramène sa conclusion précédente.
4:
8-12
§ 1348. Des Juifs, sur qui sa pensée s'était
portée d'abord, il avait passé aux Galates, sans transition
sensible. Maintenant, il reprend d'une façon plus spéciale ce qui
les concerne. La position des Gentils avant la prédication de
l'Évangile, avait quelque chose de bien plus humiliant et de plus
défavorable que celle des Juifs; car ils étaient asservis, non à
la loi de Dieu, mais à d'impures idoles, choses qui, de nature, ne
sont point des dieux. Mais, leur dit-il, à présent que vous avez
connu Dieu, ou plutôt que Dieu vous a connus, cherchés, éclairés,
sauvés, comment se peut-il que, par un véritable anachronisme,
vous vous tourniez vers un nouvel asservissement? Vous êtes
majeurs et vous voulez redevenir enfants; libres, et vous courez
au-devant de la servitude! Votre éducation est faite, et vous
retournez aux éléments; car toutes ces observances légales qu'on
veut vous imposer ne sont pas autre chose! Vraiment, vous me
faites craindre que je n'aie perdu ma peine au milieu de vous!
Parole pleine de tristesse, dans laquelle on verrait du
découragement, si elle venait de quelqu'un d'autre et si elle
n'était suivie de cette chaleureuse exhortation: «Soyez comme moi,
car moi aussi je suis comme vous. Frères, je vous en supplie.» —
«Je suis comme vous;» c'est-à-dire, moi Israélite, moi
ex-pharisien, moi apôtre, je ne suis ni plus ni moins pécheur que
vous, je ne suis pas justifié autrement que vous, je ne me sens
pas plus lié par la loi que vous. «Soyez donc comme moi,» vous
hommes des nations, qui n'avez pas les excuses que je pourrais
alléguer si j'avais le tort de judaïser.
4:
13-20
§ 1349. «Vous me faites craindre que je n'aie
pris en vain de la peine pour vous:» voilà ce que l'apôtre venait
de dire; «toutefois,» semble-t-il ajouter, «ne pensez pas que je
m'envisage comme personnellement offensé. Loin de là, je ne
saurais oublier avec quelle extrême bienveillance vous me reçûtes
la première fois, avec quelle considération, avec quelle joie, et
je ne saurais dire de quels sacrifices vous n'eussiez pas été
capables à mon égard. Si donc vous négligez maintenant mes leçons,
je ne vous en veux d'aucune manière; c'est vous plutôt qui me
traitez en ennemi, depuis que, dans mon séjour récent, je vous ai
dit la vérité.» Car hélas! telle est la répugnance de notre cœur
naturel pour la vérité de Dieu, que nous en voulons souvent a ceux
qui nous la disent! «Mais vos réels ennemis, continue l'apôtre, ne
le voyez-vous pas? ce sont les hommes qui déploient tant de zèle à
m'enlever votre affection et à me retirer votre confiance.» Et
pourtant, comme il méritait de meilleurs procédés, ce Paul qui
était en travail continuel d'enfantement pour ses chers Galates,
qu'il appelle ses petits enfants! Il regrette d'avoir dû les
quitter, il voudrait être encore au milieu d'eux; car l'avenir de
leurs églises le met dans la plus grande inquiétude.
4:
21-31
§ 1350. Après cette effusion des sentiments
affectueux qui remplissaient son âme, l'apôtre retourne à sa
discussion. Abraham, dit-il, eut deux fils, l'un d'Agar, l'autre
de Sara; celui-là, né de la servante et fils d'Abraham selon la
chair, est l'image de l'alliance légale promulguée en Sinaï;
Isaac, au contraire, enfant de la promesse et né de la femme
libre, est l'image du second testament. Ou plutôt, Agar,
l'esclave, est la Jérusalem selon la chair ou la loi, qui
n'enfante que des esclaves; tandis que Sara est la Jérusalem
céleste, mère de tous ceux qui croient. Longtemps elle fut
stérile; mais, comme l'avait prédit Ésaïe, elle devait avoir enfin
une nombreuse, très nombreuse postérité (II, § 1077). Que font
donc ceux qui se replacent sous la loi, comme moyen de salut?
D'enfants de la femme libre, de citoyens de la Jérusalem céleste,
ils ont la folie de vouloir redevenir les enfants de l'esclave,
les sujets de la Jérusalem charnelle! À cette occasion, l'apôtre
rappelle qu'Ismaël, en persécutant Isaac, fut le type des Juifs
qui persécutaient l'Église; et de tout temps l'esprit légal et
formaliste a été l'Ismaël se moquant de ceux qui, par la foi, sont
héritiers de la promesse.
5:
1-6
§ 1351. Notre Seigneur avait dit aux Juifs:
«Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres (§
583).» Lui seul en effet peut nous soustraire au joug de la loi et
du péché; hors de lui, il n'y a pour l'âme que crainte et
esclavage. C'est pourquoi Paul déclare que si, par obéissance
servile à la loi et pour s'assurer la qualité d'enfant de Dieu,
quelqu'un se faisait circoncire, Christ ne lui servait de rien.
Car aussitôt qu'on entre dans la carrière des observances légales,
il faut la parcourir jusqu'au bout; et il est clair que, si la
justice s'obtient par la loi, ce n'est pas par la seule loi
cérémonielle, mais par la loi dans son ensemble et dans chacune de
ses parties: la foi uniquement, ou la loi tout entière. Ceux donc
qui poursuivent la justice des œuvres, se séparent du Christ et
brisent eux-mêmes avec le salut par grâce. C'est ce que ne feront
jamais les hommes qui sont conduits par l'Esprit de Dieu. Ils
savent qu’en Jésus-Christ, ce n'est ni d'être circoncis, ni de ne
l'être pas qui sert à quelque chose, mais que ce qui sauve, c'est
la foi, principe de vie dont l'efficace se déploie par l'amour. Il
faut bien remarquer ce point essentiel. La foi que l'apôtre met en
opposition avec la loi; la foi qui justifie, tandis que la loi
condamne; la foi qui rend libres ceux que la loi retient dans
l'esclavage, cette foi n'est pas une simple adhésion de
l'entendement, mais une sainte affection, le regard du cœur vers
Jésus-Christ crucifié et ressuscité (§ 517), et cette sainte
contemplation produit l'amour de Dieu et du prochain.
5:
7-12
§ 1352. C'est ainsi que les choses s'étaient
passées jusque-là chez les Galates. Animés par une vraie foi, ils
ne marchaient pas, ils couraient dans la carrière. Comment donc
s'étaient-ils arrêtés pour ne plus obéir à la vérité? Leur erreur,
pour certain, ne venait pas de celui qui les avait appelés au
salut et qui les appelait encore par la voix de son apôtre. Un peu
de mauvais levain s'était glissé parmi eux et menaçait d'envahir
toute l'église. Mais Paul se confiant dans le Seigneur bien plus
qu'en eux, avait tout espoir que leur égarement ne serait que
momentané, et que ,-de cette manière, celui qui les avait
troublés, porterait seul la peine de son péché. Hélas! il savait
par expérience qu'il n'est pas agréable de soutenir la vérité
envers et contre tous; il savait que ce qui irritait les Juifs,
c'était précisément la doctrine du salut par pure grâce, et que,
volontairement esclaves, ils auraient voulu voir tous les hommes
esclaves comme eux; mais, pour leur plaire, pliera-t-il l'Évangile
à leurs préjugés? Non; mieux vaut être persécuté par les
falsificateurs de la saine doctrine, que de se concilier leur
approbation en les imitant.
5:
13-15
§ 1353. Cependant, plus l'apôtre avait insisté
sur l'erreur de ceux qui cherchent leur justice dans la loi, plus
il importait qu'il prévînt l'abus qu'on pouvait faire du salut par
grâce. Reprenant ce qu'il avait dit tout à l'heure relativement à
la liberté que Jésus-Christ assure aux croyants, il rappelle à ses
lecteurs que la liberté des enfants de Dieu n'est pas la liberté
de faire le mal. Parce qu'ils croient, ils aiment; et, parce
qu'ils aiment, ils s'assujétissent les uns aux autres, renonçant
ainsi librement à leur liberté, ou plutôt n'étant affranchis de
l'esclavage du péché que pour devenir les esclaves du devoir. Par
là, sans chercher leur justice dans la loi, ils accomplissent la
loi; puisqu'on peut la résumer en cette seule parole: «Tu aimeras
ton prochain comme toi-même.» En effet, c'est par notre amour pour
le prochain que se manifeste notre amour pour Dieu. Or, que
s'était-il passé, selon toute apparence, chez les Galates? Avec
l'erreur, Satan avait semé des divisions, des discussions, des
querelles; la charité disparaissait et la ruine des âmes était
imminente.
5:
16-25
§ 1354. Le chrétien croit, donc il aime; donc
il n'est pas sans loi, encore qu'il ne soit pas sous la loi. Voici
maintenant un autre point de vue de la même vérité. Les disciples
de Jésus sont conduits par le Saint-Esprit. On peut donc leur
dire: «Marchez par l'Esprit, et n'accomplissez pas les désirs de
la chair.» L'Esprit et la chair sont deux maîtres, comme Dieu et
Mammon (§347); leurs volontés sont absolument opposées, et à tel
point que le même individu fait souvent, selon la chair, des
choses que, selon l'Esprit, il condamne. S'il y a des fruits de
l'Esprit, il y a aussi des œuvres de la chair. Celles-ci sont
manifestes, c'est-à-dire qu'elles se produisent au-dehors et sont
faciles à reconnaître. Il en est d'horribles, telles que
l'adultère, la fornication, le meurtre, l'ivrognerie; il en est de
moins odieuses, mais non moins coupables, savoir la jalousie,
l'esprit de secte, la gourmandise: ceux qui s'y livrent
n'hériteront pas le royaume de Dieu, et si nous sommes conduits
par l'Esprit, nous éviterons tous ces péchés, bien que nous ne
soyons pas sous la loi. D'un autre côté, les fruits de l'Esprit;
non, le fruit de l'Esprit (car son œuvre est une et indivisible),
le fruit de l'Esprit c'est l'amour et toute une aimable famille de
saintes affections et d'honnêtes habitudes. Or, contre ces choses,
il n'y a point de loi, car c'est au contraire tout ce que la loi
exige de plus relevé. En résumé donc, les disciples de Jésus ne
pratiquent pas les œuvres de la chair, parce qu'ils ont crucifié
la chair avec ses convoitises; en eux, au contraire, se produit le
fruit de l'Esprit, parce qu'ils vivent par l'Esprit. Il suit de là
qu'ils accomplissent la loi, quoiqu'ils ne cherchent point en elle
leur justice; c'est même par cette raison que l'Esprit d'adoption
les sanctifie.
6:
1-5
§ 1355. En comparant le dernier verset du
chapitre V avec les versets 13 et 15 de ce même chapitre, on voit
la pensée de l'apôtre se rejoindre en quelque sorte. Aimer son
prochain c'est, d'un même coup, accomplir la foi et la loi.
Combien donc ne sont pas dangereuses et criminelles les disputes
entre chrétiens, disputes qui viennent toujours de ce qu'on abjure
de part ou d'autre la saine doctrine, et encore plus de ce qu'on
manque d'humilité. Pourquoi cette passion d'idées nouvelles, et
ces discussions violentes, et cet esprit de rivalité qui troublent
les églises? C'est, nous dit le Saint-Esprit, c'est l'amour de la
vaine gloire qui produit tout cela. On veut briller, on veut se
faire un nom, et, dans le cas particulier, on ne peut renoncer à
toute justice propre. Après quoi, la charité pouvant seule guérir
les plaies de l'orgueil et de l'égoïsme, lorsqu'un homme s'égare
de la sorte, faisant l'œuvre de la chair et non celle de l'Esprit,
il faut que ceux qui sont conduits par l'Esprit le redressent avec
douceur, comme on redresse un acier qui volerait en éclat si on le
traitait brusquement. Ce qui d'ailleurs doit porter à la douceur
celui qui reprend un frère, c'est la pensée de sa propre
fragilité. Cette considération et celle de nos nombreux péchés,
nous diront en outre de porter le fardeau les uns des autres;
c'est-à-dire de compatir aux misères spirituelles de nos frères,
d'en gémir avec eux, de leur en procurer le soulagement. C'est
accomplir la loi de Celui qui a «porté nos douleurs et s'est
chargé de nos langueurs.» Que si quelqu'un oublie son propre
néant, il se séduit lui-même et il se met dans l'incapacité de
tendre du secours à autrui. Il faut donc que chacun éprouve ou
examine son œuvre à soi. S'il croit pouvoir s'en glorifier, que ce
ne soit pas du moins en s'élevant au-dessus des autres, car le
meilleur même a son fardeau de péchés.
6:
6-10
§ 1356. Du devoir de compatir aux misères
spirituelles de nos frères, l'apôtre passe au devoir non moins
strict de subvenir à leurs nécessités temporelles. D'abord, il
parle de la générosité avec laquelle ceux qui reçoivent les riches
enseignements de la Parole de Dieu, doivent pourvoir aux besoins
des ministres de cette Parole. Rien n'est plus opposé à l'esprit
et au texte des Écritures que de fournir aux frais du culte par
des voies légales et par conséquent de contrainte. 11 ne l'est pas
moins d’encourager les fidèles à faire de riches fondations, au
moyen desquelles les besoins de l'Église soient assurés pour des
siècles, en sorte que ceux qui sont enseignés dans la Parole
n'aient à l'avenir plus rien à faire pour l'entretien de ceux qui
les enseignent. Dieu veut qu'il y ait cette constante relation
entre le docteur et ses disciples: l’un, prêchant la Parole sans
rien exiger de ceux qui l'écoutent et prêt à continuer lors même
qu'on ne lui fournirait pas son pain, sauf à se le procurer par
quelque travail comme Paul (§ 1277); les autres, se faisant une
douce obligation devant Dieu, de partager leur aisance avec les
hommes fidèles qui consacrent leur vie à quelque ministère dans
l'Église. Or, dès qu'on le fait pour Dieu, on ne peut que le faire
avec libéralité; autrement, ce serait se moquer de celui qui nous
a tout donné et à qui tout revient de droit. En général, notre
devoir est de semer l'argent. Beaucoup de personnes le jettent au
vent, ou le sèment en des lieux d'avarice, de sensualité, de vaine
gloire: c'est semer pour sa chair; mais quand viendra le temps de
la moisson (§ 446), de telles semailles ne produiront qu'une
récolte de mort et de pourriture. Si au contraire on sème pour
l'Esprit, on moissonnera, de l'Esprit, la vie éternelle. Toute
dépense a donc en elle un germe de mort ou de vie. Mais la moisson
ne suit pas immédiatement les semailles. De mauvais jours peuvent
venir entre deux. Le fruit de nos bonnes œuvres se fait
quelquefois attendre. Pas de découragement néanmoins; la récolte
ne peut manquer au temps voulu de Dieu. Quant à la saison des
semailles, elle dure toute l'année: les occasions d'exercer la
bienfaisance ne manquent jamais, soit envers les nécessiteux,
quels qu'ils soient, soit surtout envers ceux qui appartiennent à
la maison de la foi, c'est-à-dire à l'Église (§ 826).
6:
11-16
§ 1357. Sans revenir sur ce que j'ai dit à
l'occasion du verset 11 (§ 1331), voyez comment l'apôtre, qui
pensait avoir achevé sa lettre, reprend avec une nouvelle force
l'idée principale qu'il y a développée. «Ceux qui veulent vous
contraindre à la circoncision, ne le font que par des motifs
charnels. Au fond, ils sont plus touchés de l'honneur d'appartenir
à Abraham, que de posséder les grâces qui découlent de la croix du
Christ, et ils s'efforcent de calmer, par ce compromis,
l'irritation des Juifs contre l'Évangile.» «Quant à moi,» continue
Paul, «toute ma gloire est dans la croix de notre Seigneur
Jésus-Christ. Par elle, le monde me fait l'effet d'un crucifié: je
m'en éloigne avec compassion et avec dégoût, m'inquiétant peu de
l'opinion qu'il peut avoir de moi. Par elle aussi, je suis
crucifié quant au monde; c'est-à-dire que je me soumets à tout ce
que le monde voudra me faire souffrir à raison de ma foi. Après
cela, peu importent au fond, et la circoncision et
l'incirconcision: l'essentiel est d'être devenu une nouvelle
créature. Pensez-vous comme moi là-dessus et faites-vous de cette
pensée la règle de votre vie? En ce cas, la miséricorde et la paix
vous appartiennent, à vous fidèles de Galatie, non moins qu'aux
enfants d'Israël qui ont cru Dieu.» — En rapprochant le verset 15,
de ce que nous lisons au chapitre V, verset 6, on arrive à ce
résultat évident, que la nouvelle création ou la nouvelle
naissance dont Jésus-Christ parlait à Nicodème (§ 198), se
manifeste par la foi, mais par une foi qui déploie son efficace au
moyen de la charité. Avec une telle foi, l'on a le ciel dans le
cœur et l'on marche d'un pas assuré vers la vie éternelle.
6:
17
§ 1358. Paul, crucifié quant au monde, portait
en son corps les flétrissures du Seigneur Jésus (§ 1331). Il
rappelle ce fait pour engager les Galates, par ce dernier trait, à
répudier leurs funestes erreurs. En y persistant, ils navraient le
cœur de leur père en la foi, et voudraient-ils ajouter cette
affliction aux souffrances de son pénible ministère? Considération
bien humaine, diront peut-être quelques personnes; mais le
Saint-Esprit nous montre par là qu'il n'est pas absolument
interdit d'en appeler aux affections de ceux qu'on veut éclairer.
Ah! sans doute, s'attacher à la vérité par des motifs purement
humains, ne saurait plaire à Dieu; mais ce qui ne saurait non plus
lui être agréable, c'est que nous comptions pour rien la douleur
profonde que nos erreurs et nos péchés causent à nos frères en la
foi, à ceux entre autres qui furent les instruments de notre
conversion et qui nous prodiguèrent si souvent leurs soins.
Combien d'âmes et d'églises qui seraient encore debout, si elles
avaient mieux écouté la voix intérieure qui, d'accord avec la
Bible, leur disait de ne pas désoler leurs conducteurs spirituels!
6:
18
§ 1359. L'apôtre termine par un vœu tout à
fait semblable à ceux de ses précédentes lettres. La seule
différence vient probablement de ce que les maux des Galates
étaient d'une nature spirituelle. Quoi qu'il en soit, mes chers
lecteurs, convertissons ces vœux en prière, et ne quittons pas
cette importante épître sans nous écrier: «O Seigneur Jésus! sois
avec notre esprit par ta grâce; donne-nous de sentir toujours plus
le besoin de ta grâce; garde-nous de toute doctrine qui pourrait
nous éloigner de toi et nous priver de ta grâce, quelque belle
apparence que cette doctrine pût revêtir. Amen!»
PREMIÈRE ÉPÎTRE DE PAUL À TIMOTHÉE
CCXCI. Données historiques. La foi et la loi; la bonne guerre; la prière d'intercession; la femme chrétienne; les anciens et les diacres; l'Église et le mystère de la piété.
§ 1360. Rien, au premier abord, ne semble plus facile que de marquer l'époque précise où cette lettre fut écrite. On y voit que, peu auparavant sans doute, Paul avait quitté la ville d'Éphèse pour aller en Macédoine, et cette circonstance dirige naturellement la pensée sur le voyage qu'il fit dans cette province et plus loin, à la fin de son long séjour d'Éphèse (§ 1324). Mais il exprime, par deux fois dans cette même lettre, l'intention qu'il avait de rejoindre bientôt Timothée; or, quand il partit d'Éphèse, après l'émeute suscitée par Démétrius, il dut plutôt songer à exécuter le plan qu'il avait conçu précédemment (§ 1321 ), et que, par le fait, il exécuta, du moins en partie, ainsi que nous le verrons plus tard.
§ 1361. Quelques personnes pensent que, durant son séjour d'environ trois ans à Éphèse, Paul ne put se sentir si près de la Macédoine, sans contenter le désir qu'il entretenait depuis plusieurs années de revoir ses frères de Thessalonique et des églises voisines (§ 1279). Il se serait donc mis en route d'assez bonne heure, même avant la mission plus tardive de Timothée et d'Éraste (§ 1321), et il aurait franchi les quatre-vingts lieues de mer qui le séparaient de l'Europe, avec l'intention de rejoindre ses frères à Éphèse. Ce serait pendant cette excursion qu'il aurait écrit à Timothée la lettre que nous avons sous les yeux. On peut objecter que le livre des Actes ne fait nulle mention d'une excursion de Paul en Macédoine durant son séjour à Éphèse; mais chacun sait que l'auteur de ce saint livre n'a pas été conduit par l'Esprit du Seigneur à nous donner des mémoires complets sur les événements de l'époque.
§ 1362. Il est une autre supposition que je ne saurais passer sous silence. Un certain nombre de théologiens croient que la première lettre à Timothée fut écrite après un troisième séjour de Paul à Éphèse, séjour dont le livre des Actes ne ferait pas mention, parce que l'histoire qu'il renferme ne va pas jusque-là. La composition de cette lettre se trouverait ainsi reculée d'au moins huit ans, et l'on a quelque peine à concilier ce fait avec un détail intéressant contenu dans l'épître même. On y voit que Timothée était jeune encore lorsque Paul lui écrivit. Et puis, ne serait-il pas bien étonnant, qu'après tant d'années d'exercice de son ministère, Timothée n'eût pas encore reçu les instructions que le Saint-Esprit lui donne ici par la bouche de son père en la foi. Ces difficultés s'évanouissent au moyen de la supposition que j'ai faite tout à l'heure d'après de bons auteurs, et je crois devoir m'y arrêter (§ 1361). D'ailleurs, quel que soit le moment où cette lettre ait été écrite, puisqu'elle est adressée à un homme qui, momentanément du moins, eut à remplir un important ministère dans l'église d'Éphèse, il est intéressant de l'étudier peu après le récit de la fondation de cette église (§§ 1317-1324).
1:
1-2
§ 1363. La lettre que nous avons sous les yeux
est une lettre particulière, même une lettre d'affaires, si l'on
veut, et toutefois de quel ton solennel elle commence. Ce n'est
pas la solennité qu'affecte un homme qui, à défaut d'autorité
réelle, cherche à imposer; c'est une gravité simple et vraie,
résultant de la position que celui qui parle occupe devant Dieu et
de la sainteté du mandat qu'il a reçu. Paul est le père spirituel
de Timothée, mais il est, avant cela, apôtre ou envoyé de Jésus
Christ; il agit, parle et écrit selon le commandement de Dieu,
auteur de notre salut comme de notre existence, et de la part du
Seigneur Jésus, dont la volonté est une avec celle du Père et sur
qui reposent toutes les espérances du pécheur, pour le temps et
pour l'éternité. Quant au vœu par lequel il ouvre sa lettre, c'est
celui que nous avons vu précédemment (§§ 1273, 1335), avec
l'addition du mot «miséricorde.» Est-ce à dire que Timothée eût
plus besoin de pardon que les Thessaloniciens et les Galates? Ni
plus, ni moins; mais que pouvons-nous souhaiter de mieux à ceux
que nous aimons (I, §565)?
1:
3,
4
§ 1364. Il est difficile de savoir ce
qu'étaient ces fables et ces généalogies contre lesquelles
l'apôtre veut que son disciple continue de prémunir les Éphésiens.
Quand on considère la puissance qu'exercent sur nous les préjugés
que nous avons sucés avec le lait, il ne serait pas étonnant que
les fidèles d'entre les païens eussent permis à leur imagination
de concilier les fables de leur ancien paganisme avec les vérités
de la foi, comme les fidèles d'entre les Juifs ne revenaient que
trop facilement aux généalogies dont ils étaient si fiers, en leur
qualité de fils d'Abraham, ce qui les entraînait 3 4 probablement
à de continuelles disputes de prééminence. Ceci nous montre,
hélas! d'accord avec l'épître aux Galates, que, déjà dans ces
premiers temps et sous les yeux même d'un apôtre, l'église était
loin de jouir d'une entière pureté. Puis, l'enseignement général
qui résulte de l'exhortation adressée à Timothée, c'est que nous
devons éviter avec le plus grand soin «tout ce qui produit des
contestations plutôt que l'édification de Dieu, laquelle est en la
foi;» c'est-à-dire le bien que Dieu fait aux âmes par le moyen de
la foi.
1:
5-11
§ 1365. Mais l'idée de la foi, nous l'avons vu
(§ 1351), ne se sépare pas de celle de l'amour, fin ou but du
précepte divin; amour fort différent des affections charnelles et
terrestres, car il procède d'un cœur pur; amour dépouillé de toute
recherche de soi-même, puisqu'il vient d'une bonne conscience;
amour saint et divin dans son principe, attendu qu'il naît de la
foi et d'une foi sincère. Ils s'écartaient de la foi, ces vains
discoureurs, qui, prenant la défense de la loi, le faisaient de
manière à prouver qu'ils ne se comprenaient pas eux-mêmes; et
combien de docteurs, en nos jours, qui ne font pas autrement! Sans
doute, la loi est bonne, car elle vient de Dieu; mais il faut en
user selon la pensée du législateur. Elle n'a pas été promulguée
pour justifier le pécheur; et le pécheur justifié par la foi, le
juste, a dans sa foi même, et non dans la loi, le principe de la
sainteté. La loi donc est surtout destinée aux pécheurs non
convertis, les comprimant par la crainte et les menaçant de la
condamnation. Or, que le fidèle n'ait plus rien à redouter de la
loi, que son activité morale soit déterminée par un principe
supérieur, c'est ce que proclame le glorieux évangile du Dieu
bienheureux, et ce qui fait de la saine doctrine une bonne
nouvelle.
1:
12-17
§ 1366. À ce propos, l'apôtre épanche dans le
sein de son bien-aimé disciple les sentiments de reconnaissance
dont il était pénétré envers Jésus-Christ, à cause de la grâce
qu'il lui avait faite en lui confiant le ministère de cet
évangile, l'ayant fortifié, et ayant vu d'avance qu'il lui serait
fidèle. Et remarquez l'humble confession que Paul fait de ses
péchés passés. Mais s'il avait blasphémé le nom de Christ,
persécuté son peuple, outragé les saints, il n'avait pas, comme
tant de pharisiens, agi contre ses propres lumières. Toutefois,
s'il eût persisté dans cet état, son âme eût été perdue. Aussi,
reconnaît-il la grandeur de la miséricorde dont il avait été
l'objet. Après lui avoir pardonné ses péchés, la grâce du Seigneur
s'était plu à le remplir de foi et d'amour, «en Jésus-Christ»,
c'est-à-dire par le moyen de son union spirituelle avec lui.
Personne donc n'était mieux placé pour attester que Jésus-Christ
est venu dans le monde afin de sauver les pécheurs; car nul, à ses
propres yeux, n'était plus criminel qu'il ne l'avait été, et
néanmoins il jouissait maintenant de la grâce de Dieu. Après une
telle manifestation de la miséricorde céleste, personne, d'un
autre côté, ne devait s'estimer trop coupable pour que Dieu pût
lui pardonner ses offenses. Vous donc qui lisez ces lignes,
pécheurs, quels que vous soyez, encouragez-vous par l'exemple de
Paul, non à persévérer dans vos péchés, ce qu'il n'a pas fait,
mais à écouter la voix du Sauveur et à croire en lui. Alors, vous
vous écrierez, le cœur plein d'adoration, comme Paul: «Au Roi des
siècles, incorruptible, invisible, au Dieu seul sage, honneur et
gloire, aux siècles des siècles. Amen 1
1:
18-20
§ 1367. Il avait été fait précédemment des
prophéties au sujet de Timothée; par où l'on doit entendre, ou
bien que le Saint-Esprit avait annoncé la destination future de ce
jeune homme, ou bien que, dans une assemblée fraternelle,
plusieurs lui avaient adressé, par ce même Esprit, des
exhortations et des encouragements. Paul revenant donc sur ce qui
avait été prononcé à son sujet, lui redit, avant tout, qu'il était
appelé à faire la guerre au péché, à l'erreur, à Satan, ce qui est
une bonne guerre. Pour tout homme, la vie est un train de guerre
continuel (Job VII, 1; Eccles. VIII, 8); mais la plupart, hélas!
ne connaissent d'autres combats que ceux des passions et des
intérêts matériels. Pour faire la bonne guerre et la faire avec
succès, il faut être animé par la foi, et posséder cette foi dans
une conscience droite, simple et sincère. Faute de cela, dit Paul,
quelques-uns ont fait naufrage quant à la foi. Après avoir paru
marcher avec les fidèles et comme eux, il a été démontré par le
fait, ou qu'ils ne croyaient pas réellement, ou qu'il n'y avait
pas dans leur profession de foi une parfaite sincérité. Tels
furent deux hommes que le Saint-Esprit a voulu signaler par leur
nom, mais pourtant dans une lettre particulière qui ne devait
avoir que plus tard une entière publicité. Quant à ce que dit
l'apôtre, qu'il les avait livrés au Satan, afin qu’«ils fussent
corrigés, pour ne plus blasphémer,» il est difficile de comprendre
ce qu'il entend par là. Quelques-uns pensent qu'il les avait
exclus de l'Église, et rejetés ainsi dans le monde sur lequel
Satan règne; mais on ne conçoit pas bien comment ce genre de
discipline pouvait servir à les corriger et à prévenir leurs
blasphèmes D'autres soupçonnent qu'il pourrait être question d'une
simple dénonciation du sort qu'ils se préparaient par leurs
infidélités, ou de quelque affliction corporelle particulièrement
propre à leur rappeler celui dont ils accomplissaient les mauvais
désirs. Dans tous les cas, ceux qui avaient connu Hyménée et
Alexandre, savaient bien ce qui leur était arrivé; en sorte que
cette parole n'est obscure que pour nous. Telle qu'elle est, je
pense qu'elle a tout ce qu'il faut pour nous inspirer la crainte
salutaire de faire un naufrage semblable au leur.
2:
1-7
§ 1368. Rien n'abonde plus dans le Nouveau
Testament, que des exhortations à la prière; mais ce n'est pas
pour nous seulement que nous devons prier. Il faut que nous
adressions à Dieu des supplications en faveur de nos semblables,
quels qu'ils soient, et surtout en faveur de ceux qui sont appelés
aux fonctions difficiles de gouverneurs des nations. Souvent,
hélas! ils se montrent hostiles à la piété (Luc XII, 11; Act. IV,
26); raison de plus pour que nous nous souvenions d'eux dans nos
prières (§308), «afin que nous puissions mener une vie paisible et
tranquille, en toute piété et gravité.» C'est d'ailleurs ce que
veut et aime le Dieu qui nous a sauvés, et qui appelle toutes
sortes d'hommes au salut par la connaissance de la vérité; car,
bien qu'il y ait des différences notables d'homme à homme, il n'y
a qu'un seul Dieu et un seul Médiateur entre Dieu et les hommes,
l'homme-christ, Jésus, qui s'est donné en rançon pour tous. Lors
donc que les catholiques romains s'approchent de Dieu par la
médiation des saints et des anges, ils se mettent en contradiction
manifeste avec l'Écriture. Pour justifier cette invention, ils
allèguent le besoin d'intercesseurs entre nous et Jésus-Christ,
Dieu; mais ils oublient que si Jésus-Christ est Dieu en effet, il
a été et il est encore homme, devenu tel précisément pour nous
servir de Médiateur. Voilà donc à quoi Paul revient sans cesse: le
salut par Christ et par lui seul. C'est pour rendre témoignage à
cette doctrine qu'il fut établi prédicateur, qu'il reçut de
Jésus-Christ sa mission, qu'il fut chargé d'enseigner les peuples,
et cette vérité est l'objet propre de la foi.
2:
8
§ 1369. Quelque part que les disciples soient
réunis en assemblées de prières, c'est aux hommes seuls qu'il
appartient de prier. Mais il faut qu'ils élèvent vers le ciel des
mains saintement suppliantes; que leur cœur soit libre de toute
irritation et de toute colère; que leurs prières en conséquence ne
prennent jamais la forme d'imprécations; il faut enfin qu'ils
mettent de côté tout ce qui pourrait transformer la prière en une
sorte de lutte, où chacun chercherait, comme dans un débat public,
à faire prévaloir son opinion. En prenant le précepte dans son
sens le plus général, il signifie que la prière suppose la foi qui
sanctifie les âmes, et l'amour qui unit les cœurs.
2:
9-15
§ 1370. Quant aux femmes, elles doivent éviter
en tout temps, mais particulièrement dans les assemblées de culte,
ce qui pourrait attirer sur elles les regards. Une parure
mondaine, la recherche et le luxe dans la toilette, ne conviennent
nullement à des femmes qui font profession de servir Dieu, et qui
l'honorent bien mieux par leurs bonnes œuvres, que par la richesse
et le bon goût de leurs vêtements. La bienséance, la modestie, la
propreté, voilà ce qui est convenable; mais rien de plus. Après
cela, il n'est pas permis à la femme d'enseigner dans les
assemblées. Mariée ou non, elle prendrait ainsi, sur l'homme, une
autorité qui ne lui appartient pas. Même avant la chute, l'homme
était le chef de la femme, car Adam fut créé le premier; et si
nous prenons le genre humain après la chute, nous voyons que la
transgression entra dans le monde au moyen de la femme. Ce doit
être pour toute fille d'Ève une pensée humiliante, propre à la
maintenir dans le silence, comme s’exprime le Saint-Esprit par la
bouche de Paul. Cependant, ce n'est pas à dire que la femme ne
participe pas au salut, de même que l'homme. Non seulement elle y
participe, mais de plus, si, par sa désobéissance, elle a été
l'introductrice du péché dans le monde, elle y a été aussi, par
l'enfantement du Christ, l'introduction du salut, comme Dieu
l'avait dit aussitôt après la chute. Car voici la vraie traduction
de ce passage difficile: «Mais elle sera sauvée au moyen de
l'enfantement.» On peut aussi traduire: «au travers de
l'enfantement,» ce qui ferait allusion aux douleurs souvent
mortelles qui accompagnent pour une mère «la joie qu'elle a de ce
qu'un homme est arrivé dans le monde.» Rien ne lui crie plus
fortement qu'elle est sous la condamnation, à cause du péché; mais
«au travers» de cette malédiction, elle est sauvée, «si elle
demeure dans la foi et l'amour de Dieu, dans la sanctification
avec modestie.» Pour la femme donc, comme pour l'homme, la foi est
le moyen du salut, cette foi qui, déployant son efficace dans
l'amour (§ 1351), sanctifie la vie tout entière; et ce qui
caractérise la femme fidèle, c'est la modestie qu'elle apporte à
ce qu'elle fait; la modestie, dis-je, forme si aimable de
l'humilité.
3:
1-7
§ 1371. Nous avons vu (§ 1220) que, dès son
premier voyage missionnaire, Paul institua des anciens dans
chacune des villes où ses prédications avaient porté des fruits;
nous avons dit qu'il ne fit en cela, sous la direction du
Saint-Esprit, qu'imiter ce qui existait au milieu des Juifs; et
que, chez ces derniers, les anciens de chaque congrégation
recevaient aussi le nom de «surveillants» ou évêques. Ici, nous
voyons notre apôtre donner à Timothée d'importantes directions
relativement à cette charge d'évêque ou de surveillant,
c'est-à-dire d'ancien dans l'Église.
§ 1372. D'abord, on doit envisager l'œuvre d'ancien i comme une bonne œuvre; bonne pour ceux qui l'exercent consciencieusement et qui, serviteurs du Seigneur et de l'Église tout à la fois, cherchent leur lumière et leur force dans le Saint-Esprit; bonne pour l'Église elle-même, à qui elle est une garantie d'ordre dans les assemblées, dans les familles, dans la vie des individus. Aussi est-il permis à chacun de désirer cette charge, d'y aspirer, comme à tout ce que Dieu déclare bon; seulement, il faut qu'on examine si l'on possède les qualités requises, et sans doute que l'église, par elle-même ou par ses représentants, est appelée à juger de l'aptitude des aspirants à la charge d'ancien. Si elle ne le fait pas, qui le fera? et si personne ne le fait, il ne faut plus parler d'aspirants.
§ 1373. Cette énumération détaillée des qualités requises dans un surveillant, atteste l'importance de l'emploi et dit avec quel soin l'on doit choisir ceux auxquels on le confie. Il n'est aucune de ces qualités toutefois qui suppose les dons extraordinaires du Saint-Esprit, aucune qui ne puisse et ne doive se trouver, dans tous les temps, chez tous les chrétiens, sauf l'aptitude à l'enseignement; preuve que cette charge n'était pas particulière au siècle apostolique, mais qu'elle était destinée à demeurer perpétuellement dans l'Église. Au surplus, par cette aptitude à l'enseignement, il ne faut pas entendre la science d'un docteur; mais une intelligence de la Bible assez approfondie, une connaissance du cœur humain assez exercée, une expérience de la vie chrétienne assez variée, pour qu'on soit en état d'édifier les âmes par de simples discours, d'exhorter, de reprendre, de consoler d'une manière conforme à la saine doctrine.
§ 1374. Il y a trois qualifications sur lesquelles l'apôtre insiste d'une façon spéciale. La première, c'est que l'évêque préside bien sa propre maison et qu'il tienne ses enfants dans le bon ordre; sinon comment lui confierait-on le soin d'une assemblée de Dieu? Remarquez en passant, que l'Église romaine, toujours en opposition avec l'Écriture, défend aux anciens de se marier, tandis que la Parole de Dieu suppose qu'ils ont des enfants. Remarquez encore que l'original ne dit pas gouverner, «mais prendre soin:» Jésus-Christ seul gouverne l'Église. — La seconde qualification essentielle, c'est que l'ancien ne soit pas nouvellement converti et depuis peu membre actif de l'église, attendu qu'il pourrait s'enorgueillir de sa charge et donner prise aux calomnies de Satan. Celui-ci sait combien la conduite des anciens jette un bon ou un mauvais reflet sur l'Église et même sur le Seigneur; c'est pourquoi le monde a le regard dirigé sur eux plus que sur personne. — La troisième enfin, c'est que, par la même raison, les anciens doivent avoir un bon témoignage, non seulement de l'Église, mais encore de ceux qui y sont étrangers. L'Église accueille tout pécheur que Christ reçoit lui-même, c'est-à-dire les plus grands criminels, s'ils viennent à se convertir; mais le monde ne pardonne pas comme Dieu. Ce serait pour lui un grand scandale et une occasion de blasphèmes, s'il voyait parmi les conducteurs d'une église des hommes naguère mal famés, dont on n'aurait pu oublier les écarts, peut-être les crimes, et qu'il faut maintenir dans l'humilité au lieu de les mettre en tentation d'orgueil.
3:
8-13
§ 1375. Outre les anciens, il y a dans chaque
église bien conduite, ou du moins il peut y avoir suivant les
besoins, une autre classe de fonctionnaires, désignés sous le nom
grec de diacres, ce qui signifie serviteurs; nous avons vu
ailleurs quelles étaient leurs fonctions (§ 1133). Bien que d'une
nature différente de celles des anciens, elles ne sont pas moins
saintes, et il y faut des hommes également exemplaires, instruits
des mystères de la foi, fidèles au Seigneur et consciencieux, des
hommes éprouvés par l'église et à l'abri de tout reproche grave.
Leurs femmes même doivent se distinguer par la sainteté de leur
vie, et si, comme cela peut arriver souvent, elles sont appelées à
aider leurs maris dans les services qu'ils rendent à l'église,
nous voyons ici de quelle manière elles doivent s'acquitter de
cette noble tâche. Il importe d'ailleurs que les diacres, comme
les évêques, donnent l'exemple des vertus domestiques et notamment
de la pureté dans le mariage. Enfin, c'est un grand privilège
d'être appelé au service de l'Église, même dans le rang le plus
humble. On y recueille beaucoup de bénédictions pour sa propre
âme, et, par l'expérience qu'on y fait de la présence du Seigneur
au milieu des siens, on acquiert en lui une assurance de foi
toujours plus vive.
3:
14-16
§ 1376. Bien que l'apôtre espérât de rejoindre
bientôt son disciple, il lui donne toutes ces directions par
écrit, afin qu'il puisse les avoir sous les yeux, et disons-le,
sans craindre de nous tromper, c'est l'Esprit du Seigneur, cet
Esprit au nom duquel Paul prophétise quelques lignes plus bas,
c'est lui qui l'a voulu, afin que les instructions reçues par
Timothée étendissent leur influence sur les siècles à venir. Aussi
voyons-nous que Paul ne dit pas à Timothée: Je t'écris ces choses
afin que tu saches comment il faut te conduire, mais se conduire
dans la maison de Dieu. Cette maison de Dieu, c'est «l'Assemblée
ou l'Église du Dieu vivant, colonne et appui de la vérité.» Elle
n'est pas la source de la vérité, comme le prétendent les
catholiques romains; mais une église du Dieu vivant ne saurait
être digne de ce nom, si elle ne professe hautement la vérité et
si elle ne marche selon la vérité. C'est ainsi qu'elle en devient
la colonne et l'appui; l'Église tout entière, remarquez-le bien,
et non pas seulement ce qu'en certains lieux, on appelle l'Église,
c'est-à-dire le clergé. Or voici en substance la vérité dont le
dépôt est confié à l'Église: c'est le grand mystère de l'amour de
Dieu, tel qu'il a été manifesté en Jésus-Christ, lui qui est Dieu
devenu homme; lui que le Saint-Esprit a proclamé le seul juste;
lui que les anges ont vu et célébré, soit à sa naissance, soit à
sa résurrection; lui dont le salut a été prêché parmi les nations;
lui qui est devenu l'objet de la foi d'une multitude d'hommes dans
le monde, lui enfin qui maintenant est rentré dans sa gloire.
Ainsi, Jésus-Christ, base et sommaire de toute la révélation,
voilà ce que l'apôtre rappelle en passant.
4:
1-5
§ 1377. Mais si l'Église, dans son ensemble,
est la colonne et l'appui de la vérité, ce n'est pas à dire
qu'elle sera toujours et dans toutes ses parties, fidèle au mandat
que la grâce de Dieu lui a confié. L'Esprit dit expressément par
la bouche de Paul, que dans les derniers temps, c'est-à-dire donc,
dans les temps dont les apôtres ont vu le premier siècle (II, §
995), quelques-uns se retireraient de la foi, s'attachant à des
doctrines pleines de séductions et tout imprégnées d'un venin
diabolique. Les fauteurs de ces doctrines, généralement hypocrites
et menteurs, auront la conscience cautérisée, et voici à quels
traits, fort sensibles, on pourra les reconnaître. Ils feront du
célibat une obligation sacrée et ils ordonneront de s'abstenir de
certains aliments, comme si Dieu ne les avait pas tous créés pour
l'usage de l'homme et comme si tout aliment n'était pas sanctifié
par la prière et par l'action de grâce. Ajoutez à cela que le mot
démon, chez les païens, se disait de leurs dieux du second ordre.
Cela étant, vous penserez, avec beaucoup de chrétiens, qu'on peut
entendre par «les doctrines de démons,» celles qui enseignent à
rendre aux saints et aux anges une partie du culte qui n'est dû
qu'à Dieu. Cette prophétie ne serait donc qu'un développement de
celle qui a pour objet «le mystère de l'iniquité,» dans l'épître
aux Thessaloniciens (§ 1305). Si le Saint-Esprit n'emploie pas ici
les mêmes mots pour désigner l'apostasie, il est à remarquer
toutefois qu'il met ces déplorables erreurs en opposition avec «le
mystère de la piété» dont il parlait tout à l'heure. Prophétie
fort remarquable assurément, et qui atteste au plus haut point
l'inspiration des écrits de saint Paul; car quel est l'homme qui
eût pu prévoir que de pareilles énormités se manifesteraient
jamais au sein de l'Église de Jésus-Christ?
CCXCII. Devoirs des serviteurs de Jésus-Christ; directions au sujet des veuves, du salaire des anciens et de la discipline; les esclaves, les mercenaires, l'avarice, les riches, le bon dépôt.
4:
6-12
§ 1378. Deux grands mystères nous sont donc
révélés à la fois par les Écritures: le mystère de la piété en
Jésus-Christ, et le mystère de l'iniquité en Satan. Or le devoir
de tout ministre ou serviteur de Jésus-Christ (il y a en grec le
mot diacre), est d'exposer fidèlement à ses frères ce qui concerne
l'un et l'autre de ces mystères; tout ce qui s'y rapporte étant du
domaine de la foi et de la bonne doctrine dont un prédicateur doit
se nourrir lui-même. Quant aux fables et aux légendes par où l'on
prétend alimenter la dévotion des fidèles, il faut qu'il s'en
abstienne entièrement et qu'il cherche ailleurs l'exercice
nécessaire à la piété. Car s'il y a une gymnastique pour le corps,
il en est une aussi pour l'âme. Mais tandis que celle-là n'est
utile qu'au maintien de la santé et au développement des forces
physiques, celle-ci abonde en bénédictions pour le temps et pour
l'éternité. Les promesses faites à la piété sont, au reste, d'une
nature toute spirituelle. Le chrétien est appelé au travail et à
la souffrance; c'est même ainsi que sa piété s'exerce. Mais si les
avantages terrestres ne lui sont pas garantis, il a, dès la vie
présente, le plus grand de tous les biens; car il espère dans le
Dieu vivant, Sauveur de tous ceux qui croient en lui.
4:
12
§ 1379. «Que personne ne méprise ta jeunesse.»
Adressée à Timothée, cette exhortation revient à dire: «Ne permets
pas qu'on méprise tes enseignements, sous prétexte que tu es
encore trop jeune pour conduire l'Église.» Elle signifie aussi:
«Comporte-toi de manière à faire respecter ta jeunesse,» et, pour
cela, «sois le modèle des fidèles; que tes discours et tes actes
s'imprègnent de charité; qu'on y discerne sans peine l'influence
du Saint-Esprit et de la foi; que toutes tes habitudes enfin
respirent la charité.» Je prie mes jeunes lecteurs de se rendre
attentifs à ces lignes, quelle que soit leur position dans
l'Église.
4:
13
§ 1380. J'ai dit que Timothée avait été de
bonne heure instruit dans les Écritures par sa mère et par sa
grand-mère (§ 1233), comme nous en aurons la preuve plus tard.
Cependant, on aurait beau savoir la Bible par cœur, rien ne
dispense d'en faire une lecture habituelle, surtout si l'on est
appelé d'office à exhorter et à enseigner. Mais tous les fidèles
sont serviteurs de Jésus-Christ, ministres de sa bonne volonté
envers les âmes; tous ont, de manière ou d'autre, à reprendre, à
consoler, à redresser, à instruire (§§ 1294, 1355); tous donc
doivent faire une étude assidue des Écritures. C'est par là qu'une
mère se met en état de conduire sa famille, un ami de consoler ses
amis affligés, un frère de retirer de l'erreur des frères qui
s'égarent; et c'est par là que le moindre des fidèles peut devenir
l'instrument de la conversion de beaucoup de pécheurs.
4:
14
§ 1381. Au moment peut-être où Paul avait
laissé Timothée à Éphèse, si ce n'est plus tôt, le jeune disciple
avait été consacré à son office par l'imposition des mains, non de
Paul seulement, mais de tout le corps des anciens (§ 1200). Il y
avait eu alors une effusion de la grâce de Dieu sur son âme, selon
les prophéties dont il avait été précédemment l'objet (§ 1367).
L'apôtre l'exhorte à se souvenir de cette journée solennelle, et à
s'en souvenir de telle sorte que ses progrès dans le bien soient
évidents. Le chrétien, sans doute, ne fait pas montre et parade de
sa piété, mais il est impossible que sa lumière ne luise pas
devant les hommes (§ 287), et s'il gagne en foi et en amour, ses
frères devront nécessairement s'en apercevoir, bien que lui-même,
croissant à proportion dans l'humilité, se voie toujours plus
misérable. Enfin, Timothée est invité à diriger son attention sur
deux choses: d'abord sur lui-même, puis sur son enseignement; car
il y allait de son propre salut et du salut de ceux qui
l'écoutaient. Ah! quel excellent, mais redoutable ministère, que
celui de prédicateur de l'Évangile!
5:
1-2
§ 1382. Bien que considérable, l'autorité d'un
serviteur de Jésus-Christ ne va pas jusqu'à le dispenser des
égards que réclament l'âge et le rang. À égalité même de
conditions, cette autorité doit toujours être tempérée par les
saintes affections de l'amour chrétien. Il faut donc que le
ministre du Seigneur exhorte un ancien comme il exhorterait un
père, une femme âgée comme une mère, les jeunes hommes comme des
frères et les jeunes femmes comme des sœurs. Dans ce dernier cas,
il sera particulièrement sur ses gardes pour éviter tout rapport
contraire à la plus entière pureté. Quelles directions admirables,
et qui dira de combien de manières elles ont été et sont encore
journellement méconnues, surtout dans l'église qui se vante le
plus de sa prétendue apostolicité!
5:
3-16
§ 1383. Il a été dit précédemment d'où vient
que l'Église des premiers temps paraît avoir compté des veuves en
grand nombre (§ 1131). Ici, nous avons à leur sujet diverses
règles, qui, d'une importance moindre et d'une application plus
rare de nos jours, ne laissent pas d'avoir encore leur utilité. En
général, c'est un devoir pour tous d'honorer le malheur. Quant aux
enfants, qu'ils aient soin de leurs mères, en échange de tout ce
qu'ils ont reçu d'elles; et si quelqu'un abandonne ses parents, il
a renié la foi, négligeant une obligation que remplissent même des
incrédules. C'est pourquoi , il ne faut pas que l'église
entretienne par ses aumônes, des pauvres que leur famille devrait
soulager avant tout. Pour ce qui est des veuves, pauvres ou
riches, le Seigneur, en les privant de leur époux selon la chair,
les invite d'une façon
toute
particulière à se consacrer au service des saints pour l'amour
de leur époux céleste; mais si leur cœur est léger, qu'elles
se remarient, dit l'apôtre, plutôt que de donner du scandale.
5:
17-18
§ 1384. Paul ayant parlé des assistances que
l'église peut se voir dans le cas de faire à ses pauvres, retourne
aux anciens et aux émoluments dûs à leur charge. C'est bien de
cela qu'il est question; car au lieu du mot «honneur» qui se
trouve dans nos versions, il faut lire «honoraire.» La chose est
d'ailleurs de toute évidence, si l'on considère, soit le passage
de l'Ancien Testament, soit le mot de notre Seigneur que Paul cite
à cette occasion (Deut. XXV, 4; Luc X, 7). Il est donc établi dans
cet endroit de l'Écriture, comme autre part encore (§ 1 356), que
l'Église doit indemniser les anciens pour le temps qu'ils
consacrent à son service. Il se peut qu'ils n'aient pas besoin de
leurs émoluments pour vivre et qu'ils ne les acceptent pas;
toujours est-il qu'ils y ont droit. Ce passage nous montre de plus
qu'il est deux espèces d'anciens ou évêques. Tous président sur
l’église, mais tous ne sont pas employés à la prédication et à
l'enseignement. Ceux-ci, obligés de donner à leur office une plus
grande partie de leur temps, ont droit à un double honoraire;
c'est même ce qui est de stricte justice en faveur des anciens qui
consacrent à l'église toute leur activité, ne fût-ce qu'à des
occupations de moindre valeur en apparence.
5:
19-21
§ 1385. Par un effet de la mission
extraordinaire qu'il avait reçue, ou simplement comme membre du
corps des anciens ou presbytère (anciens se rend en grec par
presbyteros, d'où le mot presbytère), Timothée pouvait se voir
dans le cas d'exercer la discipline sur les conducteurs mêmes de
l'église d'Éphèse; mais il est exhorté d'une manière fort
solennelle à ne pas y procéder légèrement. L'accusation devra être
soutenue par deux ou trois témoins, et si l'inculpé est convaincu,
l'on devra le reprendre publiquement, en réparation du scandale
public qu'il aura donné. Il s'agira d'ailleurs de se prémunir
contre toute prévention favorable ou défavorable, afin de
prononcer avec une entière impartialité. C'est devant
Jésus-Christ, Dieu et Seigneur, et devant les anges élus, devant
ces anges qui escorteront, à sa venue, le Juge des vivants et des
morts; c'est en présence de cette auguste assemblée que tous les
actes de la discipline ecclésiastique doivent s'accomplir, comme
c'était devant elle que Paul traçait les règles de cette
discipline pour les communiquer à son disciple.
5:
22
§ 1386. En qualité d'évangéliste et d’ancien,
Timothée pouvait aussi avoir à consacrer, par l'imposition des
mains, quelque fonctionnaire de l'Église. Paul l'exhorte à ne
point le faire avec précipitation. Celui qui accepte légèrement
une charge ecclésiastique quelconque, commet un péché que
partagent ceux qui lui confèrent cette charge sans un sérieux
examen. Ici, comme en toute occasion où nous devons agir de
concert avec quelques-uns de nos frères, il faut que nous soyons
attentifs à ne pas nous laisser entraîner dans une mauvaise voie
par la majorité; il faut, si nous ne pouvons empêcher le mal, que
nous demeurions, quant à nous, purs du mal qui se commet, et
prendre toutes nos mesures pour qu'on ne puisse pas nous
l'imputer.
§ 1388. Les paroles qui suivent portent aussi un cachet frappant de vérité, mais par une autre raison. C'est ce qu'elles ont d'obscur qui les rend naturelles, car on ne saurait feindre l'obscurité. Qu'est-ce qu'il faut entendre par ces «péchés qui, chez quelques-uns sont manifestes, précédant pour le jugement,» péchés à distinguer de ceux qui, «chez quelques autres, suivent?» Puis, que signifient ces «bonnes œuvres qui sont manifestes» et celles qui, «étant autrement, ne peuvent être cachées,» traduction littérale? Les uns, liant ceci aux paroles immédiatement antécédentes, pensent qu'il y est fait allusion aux péchés de Timothée, car «il n'y a personne qui ne pèche,» a dit Salomon (II, § 654). D'autres croient que Paul, après s'être interrompu pour donner à Timothée deux conseils, l'un relatif à la pureté intérieure (fin du verset 22), le second relatif à la santé (vers. 23), retourne au sujet principal de sa pensée, et qu'il faut entendre ses paroles comme suit: «Il est quelquefois très-facile de savoir si le candidat à une charge d'ancien est qualifié ou non; car les péchés de quelques-uns sont notoires, avant toute enquête du presbytère. Mais il peu arriver qu'on impose les mains à un homme qui n'avait rien contre lui et dont les dispositions vicieuses se manifestent plus tard; auquel cas sans doute ceux qui l'ont consacré ne sont pas responsables. De même, les bonnes œuvres d'un candidat sont généralement assez connues pour déterminer l'opinion de ses examinateurs, et si elles ne le sont pas suffisamment, une enquête bien faite ne peut manquer de les mettre au jour.»
6:
1-2
§ 1389. Au moment où l'Évangile fut porté dans
le monde par les apôtres, la société civile était constituée de
telle sorte qu'il y avait partout, sauf chez les Juifs, beaucoup
plus d'esclaves que d'hommes libres. C'était un régime que la foi
chrétienne devait abolir insensiblement; mais il ne pouvait entrer
dans les vues du Seigneur qu'il cessât tout à coup, car il eût
fallu pour cela des révolutions politiques, des bouleversements,
des luttes sanglantes qui sont incompatibles avec la foi. En
conséquence, loin d'exciter les esclaves à secouer violemment le
joug, la parole évangélique dut les exhorter à honorer leurs
maîtres en toutes choses, leur représentant combien l'honneur même
de Dieu et de la saine doctrine y était intéressé. Que si des
esclaves avaient le bonheur d'appartenir à des maîtres membres de
l'Église comme eux, au lieu de les traiter d'égal à égal parce
qu'ils étaient frères et de méconnaître leur autorité, ils
devaient les servir avec une soumission d'autant plus grande. Or,
quoique la domesticité de maintenant ne ressemble point à
l'antique esclavage, les domestiques chrétiens et ceux qui sont de
quelque manière sous l'autorité d'autrui, trouvent ici la règle
parfaite de la conduite qu'ils sont appelés à tenir envers leurs
maîtres et leurs supérieurs.
6:
3-5
§ 1390. Toutes ces instructions sont de saines
paroles, des paroles du Seigneur Jésus-Christ s'exprimant par la
bouche de son apôtre; ce sont des doctrines morales en accord avec
la piété, et l'orgueil humain, source si fréquente d'ignorance,
peut seul tenir un autre langage. Souvent aussi ce qui éloigne de
ces saintes maximes, c'est la maladie des contestations et des
disputes de mots, semences de désordres pour l'Église. La plupart
du temps, ces contestations elles-mêmes viennent d'hommes qui,
corrompus d'entendement, pleins de sophismes et étrangers au vrai,
font de la piété ou de ce que nous appelons la religion, un moyen
de gagner de l'argent; docteurs mercenaires qui cesseraient de
s'occuper des choses de Dieu s'ils n'étaient pas payés, et qui,
par cela même, ne s'en occupent pas comme il convient. Ce sont les
disputes de mots qui les font vivre, comme Démétrius vivait de ses
petits temples de Diane, et ils ont intérêt à les perpétuer. Paul
dit à Timothée, et il nous dit à nous-mêmes: «Retire-toi de ceux
qui sont tels.»
6:
6-10
§ 1391. Souvent un mot fait naître une idée.
L'apôtre ayant parlé de ceux qui voient dans la piété une source
de gain, revient là-dessus pour exprimer qu'en effet la piété est
une bonne fortune, mais non pas comme l'entendent les amis de
l'argent. La vraie piété est inséparable du contentement d'esprit.
Regardant à l'éternité, le chrétien sait que nous.n'emporterons
avec nous aucun des biens d'ici-bas. Riche de ceux de la grâce, il
lui suffit, quant aux autres, de posséder la nourriture et le
vêtement; or celui-là est opulent, à qui rien ne manque de ce
qu'il désire. Mais ceux qui, à toute force, veulent s'enrichir,
hélas! qu’ils sont à plaindre! Que de tentations, que de pièges,
que de désirs insensés et pernicieux, et au bout, quelle ruine!
L'amour de l'argent est la racine de tous les maux, car l'amour de
l'argent est le contre-pied de l'amour de Dieu (§ 692). Qui s'en
laisse posséder, s'égare de la foi et se transperce soi-même d'une
foule de douleurs. Ah! les douleurs de l'avare! elles sont
d'autant plus cruelles que son Dieu est sans entrailles. Et que
sera-ce encore si cet avare a ouï parler des richesses de la
miséricorde de Dieu, s'il se sent quelquefois porté vers les
trésors de la grâce et s'il est constamment tiraillé des deux
côtés, ne trouvant pas le bonheur dans l'abondance de ses biens,
et ne pouvant se décider à le chercher en Jésus-Christ?
6:
11-16
§ 1392. Mais toi, ô homme de Dieu (le même
titre qui est donné à Moïse, Ps. XC, 1), fuis ces choses; car
l'amour de l'argent est incompatible avec la mission sacrée d'un
évangéliste, avec la qualité non moins sainte d'enfant de Dieu.
Nous donc, au lieu de poursuivre la fortune, poursuivons la
justice, soit la justice de Dieu qui est par la foi, soit la vertu
qui nous fait rendre à chacun ce qui lui est dû; poursuivons la
piété, c'est-à-dire le commerce habituel avec Dieu, en prières et
en actions de grâces; l'amour, cet amour même dont l'apôtre
parlait au commencement de son épître (§ 1365); la patience dans
les maux et dans les difficultés de la vie; la douceur enfin, le
plus bel apanage des disciples de Celui qui fut doux et humble de
cœur. N'oublions pas d'ailleurs que la foi nous appelle au combat
(§ 1367, 1 Thess. II, 2), et ne reculons jamais devant l'ennemi.
Il voudrait nous arracher la vie éternelle, raison pour nous de la
saisir avec force, de nous cramponner aux promesses de notre
céleste vocation. Timothée avait fait, devant beaucoup de témoins,
une belle confession de ses espérances en Christ; c'est ce que
Paul lui rappelle, pour l'encourager: mais ce qu'il lui rappelle
surtout, c'est la belle confession que Jésus-Christ fit devant
Ponce Pilate lorsqu'il se déclara vraiment Roi, roi par la vérité.
C'est de ce roi que nous devons garder le commandement, jusqu'à
son apparition. Mais que faut-il entendre par ce commandement?
Peut-être celui que l'apôtre avait signalé tout d'abord en disant:
«la fin du précepte c'est l'amour» (I, 5; Jean XIII, 34; XV, 12);
peut-être le commandement qu'il vient d'exprimer en trois mots:
«Saisis la vie éternelle;» à moins qu'il ne veuille dire
simplement que plus on s'attache aux promesses de Dieu, plus on
est attentif à faire ce qu'il commande. Quant à l'apparition de
notre Seigneur Jésus-Christ, c'est le grand événement vers lequel,
depuis l'ascension de leur maître (1074), les disciples
dirigeaient sans cesse leurs pensées, comme vers l'époque où
devaient se réaliser pleinement leurs espérances. Alors en effet
sera manifesté Celui qui est le Dieu bienheureux, le seul
Souverain, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le seul
qui possède par essence l'immortalité, qui habite une lumière
inaccessible et qu'aucun homme pécheur ne vit ni ne peut voir (II,
§§ 182, 218): à Lui appartiennent l'honneur et le pouvoir
éternellement!
6:
17-19
§ 1393. Après ce sublime élan de foi et
d'adoration, l'apôtre veut compléter ses avertissements au sujet
des richesses. Il a dit les maux auxquels s'exposent ceux qui
courent après les biens de la fortune; mais il est des gens qui
sont riches sans l'avoir cherché, soit par un effet du travail ou
de l'avarice de leurs pères, soit parce que Dieu a jugé bon de
bénir leurs propres entreprises au-delà peut-être de ce qu'ils
demandaient. Or, parmi les riches, Dieu fait aussi des miracles de
conversion (§ 745), et voici ce qu'il leur recommande par la
bouche de l'apôtre. D'abord, de ne pas s'enorgueillir de cet or et
de cet argent qui n'ajoutent quoi que ce soit à leur valeur
personnelle; puis de ne pas mettre leurs espérances en des
richesses si incertaines (§ 344) et de se souvenir que le plus
opulent même doit à Dieu, jour par jour, de pouvoir se nourrir de
son pain quotidien (§ 333); en troisième lieu, de faire du bien,
car c'est à cette seule condition que la fortune est un avantage;
de ne pas donner chichement, mais richement; de ne pas donner à
contre-cœur, mais avec joie: en un mot, de ne point envisager ce
qu'ils ont comme étant à eux, et par conséquent de le répartir
entre tous ceux pour lesquels Dieu leur en a confié
l'administration (§ 691 ); enfin, d'avoir leur principal trésor
dans le ciel (§ 344) et de saisir des deux mains la vie éternelle,
ce qui ne peut se faire quand on les a pleines de biens terrestres
qu'on ne veut pas abandonner. Ah! si tous les riches de ce monde
étaient au nombre des croyants, ou seulement, si tous les riches
qui croient agissaient d'une manière conséquente avec leur foi,
les richesses du petit nombre n'exciteraient pas tant de
mécontentement et d'envie. En ce point, comme en bien d'autres,
les maux de la société viennent, hélas! du mépris qu'on fait de la
Parole de Dieu.
6:
20-21
§ 1394. L'apôtre termine sa lettre par un
avertissement que les ministres et les fidèles de nos temps ne
sauraient traiter avec trop de sérieux. Un dépôt sacré leur est
confié: celui de la saine doctrine, dépôt que plusieurs voudraient
ravir pour le dilapider; il s'agit d'en faire la garde avec une
jalouse vigilance. Mais si l'on veut maintenir la saine doctrine
dans l'Église, et, par l'Église, dans le monde, il faut la
conserver en soi-même; pour cela se détourner des discours vains
et profanes, et des objections d'une science faussement ainsi
nommée. Ces discours vains et profanes sont ceux auxquels l'apôtre
a fait allusion plus d'une fois dans cette épître; et, par une
connaissance faussement ainsi nommée, il faut entendre la
philosophie de certaines gens qui, ayant la vérité dans les
Écritures, vont toutefois la chercher ailleurs; semblables à un
homme qui creuserait péniblement un puits près de sa fontaine, au
risque d'en couper la source et de la faire tarir. C'est ainsi que
les sectateurs de la science s'écartent de la foi. Pour éviter un
tel mal, comme pour accomplir en tout point la Parole de Dieu, que
nous faut-il, mes chers lecteurs? Il faut ce que Paul demandait en
faveur de son disciple: «Que la grâce soit avec nous (§ 1359).»
§ 1395. Ici se termine la première épître de Paul à Timothée: nous nous occuperons une autre fois de la seconde, écrite plusieurs années après. En attendant, il est incontestable que nous venons de lire une des portions de la Sainte Écriture. L'étude en est principalement utile à ceux qui occupent dans l'Église quelque charge d'évangéliste, d'ancien ou de diacre; mais il n'est personne qui n'y trouve des directions d'une extrême importance. Puis, bien que la doctrine du salut n'y soit pas traitée directement, on l'y voit percer à toutes les lignes, et, soit la manière dont elle y est exposée, soit la prophétie remarquable qu'on y lit occasionnellement, tout nous atteste l'inspiration divine sous laquelle Paul écrivait. D'un autre côté, il n'est nulle part plus entièrement lui-même que dans cette lettre intime écrite à son disciple bien-aimé, à son véritable enfant dans la foi. Sous ce dernier rapport elle offre un intérêt particulier. Quelle sincérité, quelle chaleur de sentiments, quel dévouement à la saine doctrine, quelle simplicité dans les plus grandes choses et quelle élévation dans les moindres détails! En vérité, le Seigneur avait fait à Saul de Tarse des grâces singulières, et quelle douceur n'y a-t-il pas à penser qu'il ne les lui fit pas pour lui seul, mais pour nous aussi, lecteurs de ses écrits inspirés!
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