Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES ÉVANGILES.

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CXCVIII. — Introduction.


2593. Sans revenir sur ce qui a été dit, au début de cet ouvrage [4,6, 8,9], nous rappellerons que le Nouveau Testament se compose de vingt-sept livres ou écrits différents. De ces écrits, cinq sont historiques: les quatre Évangiles et les Actes des apôtres; vingt et un sont d'instruction et d'édification proprement dites, savoir quatorze épîtres de Paul, une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean et une de Jude; le vingt-septième enfin est le livre prophétique de saint Jean, appelé l'Apocalypse.

2594. C'est avec raison qu'on a placé les Évangiles en tête des autres livres, car non seulement l'un d'eux au moins fut écrit avant la plupart des épîtres, mais encore ils servent de base au Nouveau Testament, comme les livres de Moïse à l'Ancien, puisqu'ils nous racontent la vie, la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, fondement de notre foi et de nos espérances. Le mot Évangile signifie bonne nouvelle, ou message de paix [2222]. Bien que les titres des livres de la Bible ne leur aient pas été donnés par les écrivains sacrés [13], ce sont toutefois ces écrivains qui en ont fourni quelques uns et les plus importants; par exemple, celui de Bible [2] et celui de Testament [3]. Il en est ainsi du mot Évangile ou Bonne Nouvelle, pour désigner l'histoire de notre Seigneur: il est employé par l'Évangile lui-même (Marc 1:1).

2595. Pendant les années qui suivirent immédiatement la résurrection de notre Sauveur, les hommes qui l'avaient accompagné de lieu en lieu et avec lesquels il demeura par le Saint-Esprit, même après les avoir quittés, durent raconter mille fois les choses qui concernaient leur divin Maître, et les raconter telles qu'ils les avaient vues et entendues, ou plutôt telles que le Saint-Esprit les leur remettait en mémoire (Jean 14: 26). Ainsi se forma un Évangile primitif qui, sans être écrit, suffisait amplement aux besoins des premiers temps. Mais bientôt le Seigneur pourvut à ce que cette histoire s'ajoutât aux livres dont se composait son ancienne Révélation, en sorte qu'elle parvînt aux générations futures dans sa pleine vérité. Deux de ses disciples, auxquels, sous le nom d'apôtres ou d'envoyés, il confia la mission particulière de lui servir de témoins dans le monde, Matthieu et Jean (Matth. 10: 3); puis, un compagnon d'œuvre des apôtres Paul et Pierre, surtout de ce dernier, à ce qu'on croit généralement, Jean, surnommé Marc (Actes 12: 12); enfin, Luc, païen converti par la prédication de saint Paul (Coloss. 4: 14), écrivirent, chacun de son côté, un Évangile qui, pour le fond et bien souvent pour la.forme, ne fut sans doute que la reproduction de l'Évangile primitif dont je Viens de parler.

2596. À l'égal de Moïse et des anciens prophètes, ils furent d'ailleurs conduits et inspirés par le Saint-Esprit dans ce travail de rédaction, comme l'avaient été ceux d'entre eux qui, d'abord, s'étaient bornés à exposer oralement la vie de notre Seigneur. Nous devons donc lire leurs livres, non comme Une parole d'homme, mais, ainsi qu'ils le sont véritablement, comme la Parole de Dieu. Les récits qu'ils contiennent sont doublement vrais: vrais, en ce qu'ils ont eu pour auteurs des gens bien informés et véridiques; vrais surtout, en ce que ces auteurs furent, sous l'inspiration divine, les secrétaires aussi bien que les témoins du Seigneur. L'homme s'y efface tellement que, dans les occasions où tout autre historien n'eût pu s'empêcher de donner certaines explications, ou de communiquer ses réflexions personnelles, ceux-ci se bornent à raconter purement et simplement les choses comme elles se sont passées, et nul d'entre eux n'a mis son nom à son Évangile.

2597. Cependant, les évangélistes, non plus que les anciens prophètes, ne furent pas de simples machines entre les mains puissantes du Seigneur. Il leur a été donné de diriger leur volonté dans le sens de la volonté de Dieu, et Dieu, de son côté, a fait rentrer dans l'exécution de ses plans les délibérations de leur volonté propre. Il résulte de là que les évangélistes ne se sont pas tous proposé le même objet particulier. Tous ont voulu rendre témoignage des choses qu'ils avaient vues, entendues, ou reçues de bonne source; et leur témoignage, à chacun, est complet, en ce sens, qu'à ne prendre qu'un seul d'entre eux, le premier venu, on est clairement informé de ce qu'est Jésus-Christ et de ce qu'il a fait pour nous sauver. Mais il est généralement admis que Matthieu écrivit son Évangile essentiellement en vue des Juifs non convertis, et Luc en vue des païens qui avaient embrassé la foi; tandis que Jean, venant après les deux autres, aurait eu pour principale intention de mettre un frein aux hérésies qui commenceraient à se manifester dans l'Église. Pour ce qui est de Marc, antérieur à Jean, comme Luc et Matthieu, il écrivit, dit-on, son Évangile à la requête des fidèles de Rome. Quant à ne voir en lui qu'un abréviateur de Matthieu, selon l'opinion de quelques-uns, c'est ce qu'un examen attentif ne permet pas d'admettre.

2598. En conséquence de ce qui vient d'être dit, il ne faudra pas nous étonner si, à côté de passages en apparence copiés et qui sont la reproduction littérale de l'Évangile oral et primitif, nous trouvons d’assez grandes différences entre les évangélistes. Il est des faits et des discours qui sont rapportés par tous les quatre, d'autres par trois ou par deux seulement; il en est même d'assez considérables qui ne sont donnés que par un seul. Puis, quand ils racontent un même fait ou un même discours, les évangélistes ne le font pas toujours en termes exactement pareils; ici, certaine circonstance se trouve omise; là, elle est présentée sous une de ses faces seulement; tandis qu'ailleurs le Saint-Esprit nous la montre sous un autre aspect. De là résultent des contradictions apparentes, qui attestent que ces écrivains ne se sont pas copiés et qui rendent ainsi leur témoignage d'autant plus digne de créance.

2599. Admirons ici la sagesse de Dieu. Il eût été bien suffisant, au fond, que l'histoire de notre rédemption eût été écrite par un seul prophète, comme celle de la création l'a été par le seul Moïse. Ou bien il eût été facile à Dieu de faire que les récits des quatre évangélistes fussent identiques. Mais, cette merveille opérée, autant valait n'avoir qu'une seule histoire, racontée par un seul historien. Or, vu l'importance suprême de l'Évangile, Dieu a voulu fermer la bouche aux incrédules, qui auraient pu facilement accuser d'imposture des récits émanant d'un seul témoin. Ainsi, des témoignages tellement divers qu'ils semblent quelquefois se contredire, surtout si on les étudie à la légère, et néanmoins des témoignages parfaitement concordants quand on les confronte de près, voilà ce que, par une admirable disposition de la sagesse divine, nous avons dans les quatre Évangiles. C'est ce que le cours de nos Études vous montrera, j'espère, avec évidence.

2600. Tout mon désir, en effet, est de vous rendre sensibles la sagesse et la bonté du Dieu qui se révèle à nous dans les Évangiles. Or c'est une grande et belle chose déjà, que cette harmonieuse diversité qui fait le caractère des livres fondamentaux de la Révélation. Nous n'étudierons pas les quatre Évangiles successivement, mais nous les ferons marcher de front, les complétant les uns par les autres et les mettant en regard là où ils tiennent le même langage. Pour atteindre ce but, c'est-à-dire pour présenter les Évangiles dans leur harmonie, il faut en établir avec soin la chronologie, ce qui n'est pas toujours facile. Il est un ordre général que tous suivent également; mais quand on entre dans le détail, on s'aperçoit que Matthieu aspire plutôt à rassembler les faits et les discours de même nature, ou ceux qui ont eu pour théâtre la même localité, bien qu'en des temps différents, tandis que Luc et Marc, le premier surtout, donnent d'une manière plus exacte la suite des faits. Quant à Jean, moins complet que les autres, il les complète toutefois, et c'est lui qui marque le plus nettement les grands traits de la chronologie des Évangiles. C'est ce dont il est facile de s'assurer par la simple inspection des Tables qui sont en tête de ce volume et que je recommande à l'attention de mes lecteurs. En prenant les Évangiles de Jean et de Luc pour fils directeurs, on arrive à une parfaite harmonie avec celui de Marc, et il ne se trouve d'intervertissements sensibles que dans l'Évangile de Matthieu, entre les chapitres 8 et 18; tandis que, si l'on part de saint Matthieu, comme cela se fait généralement, on se voit obligé de bouleverser Marc et Luc, sans qu'il soit facile d'y faire accorder saint Jean, même en modifiant çà et là l'ordre suivi par Matthieu.

2601. Il suit de là que nous prendrons pour texte principal de nos Études l'histoire écrite par Luc, en empruntant aux autres récits les endroits correspondants. Puis, nous intercalerons dans notre exposé les faits ou les discours sur lesquels Luc a gardé le silence et qui se trouvent ailleurs. De cette manière nous aurons étudié les quatre Évangiles, sans en omettre un seul verset, et plaise au Seigneur que nous n'ayons pas travaillé en vain. Il faut pour cela que mes lecteurs lui demandent l'assistance de son Saint-Esprit, comme je le fais moi-même en traçant ces lignes.

2602. (Luc 1: 1-1.) Ce Luc, dont l'Évangile va donc, avec celui de saint Jean, nous servir de fil directeur, s'adresse à un nommé Théophile, qu'on croit avoir été citoyen de Rome, bien que son nom soit un nom grec. Nous verrons plus tard comment Luc avait pu faire sa connaissance. À en juger par le titre de «très puissant» qui lui est donné, il paraît que c'était un homme de distinction. Au moment où cet Évangile fut écrit, la foi chrétienne commençait donc à se répandre dans les diverses classes de la société. Des petits et des pauvres, elle s'était communiquée à quelques riches et à quelques puissants. Riche ou pauvre, n'importe, il nous semble qu'en faisant adresser l'Évangile à un homme, à un particulier, Dieu a voulu nous engager à l'envisager comme s'il avait été écrit pour chaque âme séparément. L'Évangile, en effet, a moins pour but d'agir sur les masses que de convertir et de sauver les individus.

2603. Ce que Luc va raconter était déjà connu dans les Églises; car, depuis vingt-cinq ans peut-être, la bonne nouvelle du salut y avait été prêchée sans relâche par ceux qui, témoins de la vie et de la mort de Jésus, avaient été faits par lui «ministres,» c'est-à-dire serviteurs de la Parole. Plusieurs personnes même en avaient dressé des mémoires: Matthieu et Marc parmi les principaux disciples; puis d'autres encore qui, sans y avoir, comme ceux-ci, une vocation divine, s'en étaient acquittés de leur mieux dans des écrits que les Églises n'ont pas conservés. Luc, à son tour, mais avec la certitude que donne le Saint-Esprit, veut les raconter par ordre et suivant les récits qui lui en furent faits de la bouche des Apôtres. Tel est le préambule de notre évangéliste, et maintenant, avec lui, entrons en matière.


DE LA VISION DE ZACHARIE JUSQU'AU MINISTÈRE DE JEAN-BAPTISTE.

CXCIX. — La naissance de Jean-Baptiste est annoncée à Zacharie.


2604. (Luc 1: 5.) Hérode le Grand régnait sur toute la Palestine depuis à peu près trente-quatre ans. Bien que l'Ancienne Alliance approchât de son terme, elle subsistait encore dans toute sa force, lorsqu'un sacrificateur, nommé Zacharie, eut la célèbre vision qui nous est rapportée en cet endroit. Il était du «rang,» ou du tour de service d'Abija, c'est-à-dire qu'il était de la huitième classe des sacrificateurs (1 Chron. 24: 10); et si le service de chaque classe ne durait que huit jours, si d'ailleurs, ce qui est probable, le premier ordre commençait après la Pâque, Zacharie aurait été de service vers la fin de mai ou deux mois plus tard, supposé que le service de chaque classe durât quinze jours.

2605. (6, 7.) Zacharie et sa femme Élisabeth, l'un et l'autre de la famille d'Aaron, se faisaient remarquer par leur piété et par la sainteté de leur vie. Ils étaient «justes devant Dieu,» et comme il n'y a qu'une manière pour le pécheur d'être juste devant Dieu [291, 1651, 2313], nous pouvons dire avec assurance que ces heureux époux vivaient dans la foi d'Abraham et des prophètes, attendant de tout leur cœur le Messie promis. Leur foi, d'ailleurs, se montrait par leurs œuvres, car ils marchaient (Ps. 1:1) fidèlement dans l'obéissance due à l'Éternel, respectant à la fois les lois morales et les ordonnances cérémonielles de leur religion, sans en négliger volontairement aucune; en sorte que leur vie était vraiment exemplaire. Cependant ils connaissaient aussi l'épreuve, car Dieu leur avait refusé des enfants, et l'un et l'autre étaient âgés. Cela ne veut pas dire qu'ils eussent atteint la vieillesse toute blanche, puisque, arrivés à la cinquantaine, les sacrificateurs étaient déchargés de leur service (Nombr. 8; 25), mais du moins, il y avait fort longtemps que Zacharie et Élisabeth étaient mariés.

2606. (8-13.) Deux fois par jour, le matin et le soir, on brûlait de l'encens sur l'autel des parfums (Exode 30: 7, 8). Pendant ce temps, la multitude, invitée à la prière par cet acte même [854], se tenait dans les vastes cours du temple. Comme Zacharie se livrait à cette sainte fonction, nul autre que lui ne pouvant se trouver en ce moment dans le sanctuaire, il vit tout d'un coup, de l'autre côté de l'autel, un personnage dont l'aspect avait quelque chose de surhumain. Zacharie le vit, mais non pas le peuple, car la vision n'avait lieu que pour lui seul [1968], C'était un ange de l'Éternel; or Zacharie éprouva le même sentiment de frayeur que nous avons vu précédemment, et par les mêmes causes, chez d'autres serviteurs de Dieu [632, 1272, 2158]. Mais à Zacharie aussi l'ange dit, comme à Moïse, comme à Ésaïe, et comme à tous les fidèles, mais non pas aux cœurs inconvertis: «Ne crains point!» Quelle douce parole, quand c'est vraiment le Seigneur qui nous l'adresse!


2607. (13.) II est permis de demander à Dieu toutes les choses qui ne sont pas contre sa volonté. Zacharie avait donc souvent prié le Seigneur de bénir son union avec Élisabeth, en leur donnant des enfants. Il est probable toutefois que depuis assez longtemps il ne faisait plus cette prière, car lorsque nous voyons que Dieu n'exauce pas nos demandes, même les plus légitimes (sauf en ce qui tient au salut de notre âme), nous devons peu à peu cesser de les lui présenter; mais voyez quelle bonté de Dieu, et en même temps quelle sagesse! Il sait mieux que nous le moment convenable, et il peut arriver qu'il exauce une prière, longtemps après l'époque où nous la lui faisions avec le plus d'ardeur. Du reste, cet enfant dont la naissance allait réjouir Zacharie d'une manière si inattendue, était destiné à quelque chose de plus qu'à devenir son bâton de vieillesse; c'est ce que montre chacune des paroles de l'ange.

2608 (13-17). Il sera appelé Jean, en hébreu Johanan, c'est-à-dire la Grâce ou la Miséricorde de Jéhovah. La joie que Zacharie aura de sa naissance sera partagée par un grand nombre de personnes. «Il sera grand,» non d'une grandeur humaine, mais d'une grandeur divine. Consacré à Dieu comme l'étaient les Nazaréens [925, 1267], il lui arrivera ce qui n'arriva jamais à personne; c'est que le Saint-Esprit sera en lui, même avant qu'il voie le jour. Converti de la sorte, il deviendra lui-même un instrument de conversion pour beaucoup d'âmes en Israël. Il précédera le Seigneur leur Dieu, c'est-à-dire notre Sauveur Jésus-Christ, exerçant un ministère fatigant et austère, remplissant une mission solennelle comme celle d'Élie, prophète dont il aura l'Esprit et la force, sens du mot vertu employé par nos versions. Telle fut la parole prophétique de l'ange. Or, si vous comparez la fin de son discours avec les derniers mots du prophète Malachie (3: 1; 4: 5, 6), vous verrez qu'il a plu à Dieu de renouer expressément le fil de la prophétie, interrompu par les quatre siècles qui s'écoulèrent entre Malachie et la naissance de Jean. Il ne pouvait mieux montrer que le Vieux et le Nouveau Testament ne sont qu'un, ni mieux préparer nos esprits à voir dans le Nouveau l'accomplissement des prophéties contenues dans l'Ancien.

2609. (18-20). Zacharie devait assez connaître la Parole de Dieu pour savoir que ce qui lui arrivait n'était pas sans exemple, témoin Abraham, Manoah, Elkana; mais il éprouvait une émotion qui lui ôtait, faut-il dire, l'usage de la pensée, et c'est dans ces occasions que les penchants de notre mauvais cœur se montrent le plus ouvertement. 
Or il existe en tout homme une incrédulité naturelle qui ne reparaît que trop souvent chez les croyants eux-mêmes, et que nous devons voir sans étonnement chez le respectable Zacharie. Nous ne saurions nous étonner non plus de la censure que lui fit l'ange et du châtiment qui lui fut infligé par le Seigneur; car enfin, les péchés des fidèles sont toujours des péchés. Mais quel amour Dieu ne manifeste-t-il pas envers ses enfants dans la manière même dont il les châtie! Zacharie n'a pas cru, en conséquence il ne pourra parler. Cependant, son infirmité même et la délivrance qu'il obtiendra plus tard, ne serviront qu'à affermir sa foi et à rendre plus vive sa reconnaissance.

2610. En attendant, l'ange emploie un moyen bien simple pour ramener Zacharie à plus de confiance. Il se nomme, et ce nom de Gabriel dut rappeler au pieux sacrificateur la prophétie contenue au chapitre 9 de Daniel. Cet antique oracle faisait, alors surtout, l'espoir des enfants de Dieu; il allait s'accomplir en ce temps même, et il renfermait implicitement l'annonce de Jean et de son ministère.

2611. (21-25.) Le peuple, cependant, ne comprenait pas pourquoi Zacharie ne sortait pas du temple. On voyait bien qu'il ne jetait plus d'encens sur l'autel; mais on ne pouvait se rendre compte de ce qu'il faisait ni de l'espèce d'extase dans laquelle il demeurait plongé. Il sortit enfin, et comme il avait la langue empêchée, il fit comprendre par signes, et du mieux qu'il put, ce qui s'était passé. Après quoi il retourna dans sa maison, au pays des montagnes de Juda, et bientôt Élisabeth eut l'espoir de devenir mère. Pour ne pas s'exposer à une vaine curiosité, si ce n'est aux moqueries des incrédules, tout comme pour méditer dans le recueillement sur la miséricorde de l'Éternel envers elle et envers son peuple, cette sainte femme demeura cinq mois dans sa maison sans en sortir; toutefois, elle était joyeuse et reconnaissante de ce que Dieu avait enlevé son opprobre. Nous avons eu déjà l'occasion de dire comment et par quelles raisons, la privation d'enfants semblait aux Juifs une malédiction de Dieu [1295]. C'était, pour eux, comme s'ils n'avaient point de part à la promesse faite à Abraham, et en conséquence une sorte de malédiction.


CC. — La naissance de Jésus-Christ annoncée à Marie.


2612. (1: 26-38.) Six mois après, le même ange du Seigneur, ce Gabriel qu'on pourrait appeler le céleste prophète du Messie, vint de la part de Dieu, dans une ville de Galilée, nommée Nazareth. Là demeurait une jeune fille, orpheline selon toute apparence et fiancée à Joseph son plus proche parent. Ils étaient l'un et l'autre de la tribu de Juda et de la maison de David. Mais, bien qu'appartenant à l'ancienne famille royale, ils occupaient une condition obscure et ils gagnaient leur vie du travail de leurs mains. Il s'était écoulé dix siècles depuis que David avait obtenu le trône, et cinq cents ans depuis que le pouvoir et les richesses avaient passé ailleurs; mais, tandis que bien des familles en Israël avaient dû s'éteindre, celle de David subsistait encore, et il ne pouvait en être autrement, puisque d'elle devait sortir le Christ de l'Éternel.

2613. Marie, ou selon le nom hébreu qu'a conservé le texte sacré, Mariam, était une jeune fille en qui, sans aucun doute, brillèrent de très bonne heure toutes les qualités d'un enfant de Dieu; c'est-à-dire que l'Esprit de Dieu ne manqua pas de préparer son âme aux merveilles de miséricorde dont elle devait être l'humble instrument. Il l'avait reçue en grâce; il l'avait, dès l'éternité, bénie entre toutes les femmes; aussi la destinait-il à être la mère du Messie.

2614. Le miracle qui s'accomplit dans la naissance de notre Seigneur avait été annoncé par les anciennes prophéties, en des termes qui pouvaient sembler obscurs, mais que l'événement du moins s'est chargé d'éclaircir. Rappelez-vous la promesse faite à Adam (Gen. 3: 15), rappelez-vous aussi la célèbre prophétie d'Ésaïe (7: 14). L'une et l'autre annonçaient que le Rédempteur naîtrait comme un petit enfant, et les deux réunies, qu'une fille d'Ève lui donnerait le jour par la puissance immédiate de Dieu.

2615. II y a certainement dans cette naissance de notre Seigneur un profond mystère; mais le mystère, à mon avis, n'est pas où il semble d'abord. Ce qu'il y a d'admirable et de divin dans l'existence et dans la production d'un être quelconque, montre à tous les yeux la main puissante du Créateur. Or, que ce même Créateur ait formé dans le sein de la vierge Marie l'humanité du Sauveur, comme de la poudre de la terre il forma le premier homme, et comme du premier homme il tira la première femme, ce n'est pas là proprement qu'est le mystère. Aussi quand saint Paul dit (1 Tim. 3: 16): «De l'aveu de tous, le mystère de la piété est grand...» il n'ajoute pas: «Jésus, né d'une vierge,» mais «Dieu manifesté en chair.»

2616. Ainsi, la manifestation de Dieu en chair, ou l'incarnation du Fils de Dieu, voilà le grand mystère que nous présente la naissance de Jésus-Christ et que l'ange Gabriel venait annoncer à Marie. Mystère insondable, qui nous est toutefois clairement révélé et dont on comprend sans trop de peine la haute raison.

2617. Pour nous sauver, il fallait que le Christ souffrît et mourût; il fallait de plus que nous pussions voir dans sa mort et dans ses souffrances un sacrifice vraiment offert à notre place; il fallait donc qu'il fût un homme parfaitement semblable à nous, revêtu, non d'une apparence humaine, comme dans les temps anciens [322, 2391], mais de notre vraie humanité. Il fallait, d'autre part, qu'il n'héritât pas du, péché et de la condamnation d'Adam, car alors il n'eût pu, victime sainte, expier nos péchés. Or ces deux conditions se trouvent remplies en notre Seigneur, par la manière même dont son humanité fut formée. C'est la puissance du Saint-Esprit qui le tira de la substance même de Marie; il a donc été, comme nous, fils d'Adam par Marie. Mais, né de Dieu, ainsi que le premier Adam, il a paru au monde sans apporter en lui la souillure du péché.

2618. (28.) Après ces considérations générales, il nous suffira de quelques notes sur l'entretien de l'ange et de Marie. D'abord il la salue, et l'original grec nous dit en quels termes: «Joie te soit!» C'était une salutation fort usitée, mais, dans la bouche d'un messager céleste, elle prend un caractère de sérieux et de vérité qu'il est facile de comprendre,

2619. (29, 30.) «Toi qui as été reçue en grâce!» Les catholiques» romains traduisent: «pleine de grâce,» inexactitude par laquelle ils essayent de justifier le culte qu'ils rendent à Marie, comme à la source de toutes les grâces de Dieu; tandis qu'au contraire ces paroles et les paroles analogues du verset 30 montrent que Marie, encore que fort pieuse, avait eu besoin, elle aussi, du pardon ou de la grâce divine. Hélas! le trouble même qu'elle ressentit et l'obligation où fut l'ange de la rassurer, prouvent assez qu'elle n'était pas d'une autre nature que nous; car comment imaginer qu'une créature parfaitement sainte puisse jamais avoir peur de la parole et de la présence de son Dieu! Lors donc que les catholiques-romains prétendent que la vierge Marie était pure de tout péché, ils sont dans une grande ignorance des Écritures; et quand ils se sont avisés d'appuyer cette erreur sur une fable, selon laquelle la vierge Marie serait née elle-même d'une manière analogue à celle de Jésus-Christ, ils ont fait pis que d'ignorer les enseignements de la Bible.

2620. (31.) Le nom de Jésus, que Marie devait donner à son fils, n'était pas inconnu jusque-là. Mais le premier homme qui le porta l'avait reçu en sa qualité de type du Messie, et ce nom de Jésus veut dire Sauveur [943]. C'est la manière d'écrire en latin le mot Iêsous, et ce dernier mot est celui par lequel les Septante [2569], ont rendu le mot hébreu Jéhosçhua ou JOSUÉ (l'Éternel sauve).

2621. (32.) Qu'a-t-il donc fait, ce nouveau Josué, pour justifier son nom de Jésus ou de Sauveur? C'est une question à laquelle répondra chacune de nos Études subséquentes, tout comme nous y verrons ce que signifiait cette parole prophétique de l'ange: «II sera Grand.» La grandeur de Jésus est au-dessus de toutes les grandeurs du ciel et de la terre; car il est le Fils du Très-Haut, et non pas seulement le fils de Marie, titre que la Bible ne lui donne jamais. Au lieu de cela, il est appelé le fils de David; et, par un effet de cette double relation qu'il a, soit avec Dieu par sa nature divine, soit avec David par sa nature humaine, il doit régner, dit l'ange, régner sur les fidèles, la vraie famille de Jacob, et par conséquent sur les Juifs quand ils se convertiront, régner en son humanité et en sa divinité réunies, régner jusqu'à la fin des siècles.

2622. (34, 35.) Marie comprit que ce qui la concernait dans Je dis* cours de l'ange, devait se réaliser immédiatement; mais elle n'avait pas saisi ce qu'il y aurait de surnaturel et de divin dans la formation de l'humanité du Sauveur en elle; c'est pourquoi nous l'entendons exprimer, avec une admirable candeur l'étonnement dans lequel de telles paroles la jetaient. Bien que fiancée à Joseph, elle était pure de toutes relations coupables avec lui et son mariage probablement ne devait point encore s'effectuer; circonstance qu'elle exprime par ces mots pleins de décence: «Je ne connais point d'homme.» Ce fut alors que l'ange lui annonça ce que j'ai dit tout à l'heure, mais par anticipation, savoir que le fils qui naîtrait d'elle serait formé par le Saint-Esprit, que ce serait donc un Être saint, et que, sous tous les rapports, il aurait pour vrai nom celui de Fus D

2623. (36-38.) Puis, toujours plein de bonté envers ses enfants, le Seigneur donne à Marie, par la bouche de l'ange, une nouvelle bien propre à affermir sa foi; c'était la grâce inespérée qui avait été faite à sa cousine Élisabeth. Il lui rappelle aussi un mot que Marie devait connaître et qui avait été prononcé dans une circonstance analogue; «Aucune chose n'est impossible à Dieu» (Gen. 18: 14). Ces paroles divines, accompagnées de la grâce d'en haut, produisirent dans l'âme de Marie une foi obéissante qu'on ne saurait trop admirer. Quelque simple et naïve qu'elle fût, il n'y avait pas moyen qu'elle se fit illusion sur les odieux soupçons qui la menaçaient, soit de la part du monde, soit de la part de son fiancé; mais elle s'en remit entièrement à Dieu, et nous verrons comment Dieu vint au-devant de ses craintes.

2624. En attendant, remarquons qu'il existe entre ce que nous venons de lire et ce qui arrive tous les jours, plus de rapports qu'il ne semble à première vue. Pour que les pécheurs soient sauvés, il faut qu'ils croient en Jésus-Christ et qu'ainsi Jésus-Christ soit formé spirituellement au dedans de leur cœur. Cela ne peut se faire sans une immense opposition de la part du monde. Souvent toutes sortes de mépris et de persécutions en sont la suite. N'importe: ceux que le Seigneur attire à lui par sa grâce, disent comme Marie, avec une humble confiance: «Voici l'esclave du Seigneur; qu'il m'arrive selon ta parole.»

2625. (39-55.) Aussitôt après avoir entendu l'ange de l'Éternel, Marie se mit en route, seule peut-être et sûrement à pied, pour aller de Nazareth où elle était, chez sa cousine Élisabeth, dans les montagnes de Juda. C'était un voyage de plusieurs journées, mais Marie avait compris que Dieu l'y appelait. Rien, en effet, n'est plus admirable ni plus rempli de la présence du Seigneur que l'entrevue de ces deux saintes femmes, dont l'une toute jeune et l'autre parvenue à la vieillesse, portaient en leur sein le Rédempteur des hommes et son illustre précurseur. Aussi le Saint-Esprit leur inspira-t-il leurs premières paroles, tout comme il sanctifia plus tard leurs entretiens.

2626. La prophétie qui s'était éteinte avec Malachie quatre siècles auparavant, venait de se rallumer par le ministère de l'ange Gabriel, et voilà maintenant le fils d'Élisabeth, dès le sein de sa mère (1: 15), voilà Élisabeth, voilà Marie, qui, tour à tour, prophétisent par le Saint-Esprit. Quant au petit enfant, il est clair qu'il n'eut aucune perception de ce qui lui arrivait, mais il n'en fut pas de même d'Élisabeth et de Marie. Il leur fut donné de lire avec une grande clarté les desseins du Très-Haut. Marie surtout s'exprime dans le langage prophétique de l'Ancien Testament et son cantique rappelle celui d'Anne, la mère de Samuel (1 Sam. 2: 1-10). Bienheureuse Marie! Heureuse comme le dit Élisabeth, d'avoir été choisie entre les femmes pour devenir la mère de notre Seigneur, plus heureuse encore d'avoir cru en la Parole de Dieu, son Sauveur, ainsi qu'elle le nomme elle-même!


CCI. — Naissance de Jean.


2627. (56-63.) Marie étant demeurée environ trois mois auprès d'Élisabeth, elle la quitta comme le terme de sa cousine approchait. Zacharie eut donc un fils, à sa grande joie et à celle de tous ses alentours. Quand le jour de circoncire le petit enfant fut arrivé, il s'agissait de lui imposer un nom et les assistants n'en trouvaient pas de plus convenable que celui de Zacharie, car c'était donner à l'enfant le nom de son père; ce mot d'ailleurs signifie: l'Éternel s'est souvenu. Mais Zacharie était parvenu à instruire sa femme du nom que devait porter leur fils et elle se hâta de le déclarer à l'assemblée. On y faisait cependant quelques objections, lorsque Zacharie prit des tablettes, et, comme il y traçait le mot Jean, sa bouche fut déliée. Or il est probable que durant le temps qu'il fut muet, il n'avait pas pu écrire non plus.

2628. (64-66.) Le premier usage qu'il fit de la noble faculté que le Seigneur venait de lui rendre, fut d'éclater en actions de grâces; et tous ceux qui étaient présents se sentirent remplis à la fois d'admiration et d'une secrète frayeur, car il n'y avait pas moyen de méconnaître la main de Dieu dans ces événements. Bientôt le récit en courut de bouche en bouche, et les montagnards se demandaient ce que deviendrait ce petit enfant. Dans leur ignorance, plusieurs peut-être pensaient que le Messie serait manifesté en sa personne; mais le Messie ne devait pas sortir de la famille d'Aaron. Quoi qu'il en soit, il est dit que la main du Seigneur était avec Jean; c'est-à-dire qu'il ressentit, dès son enfance et durant toute son éducation, les précieuses influences de l'Esprit dont il avait subi l'action, même avant de venir au monde. C'est une grâce qui, dans cette mesure, ne fut faite à aucun des fils d'Adam; mais il est pourtant nombre d'enfants qui ont été de bonne heure sous l'éducation de l'Esprit de Dieu, faveur inestimable que des parents chrétiens ne sauraient assez solliciter, ni mes jeunes lecteurs demander avec trop d'instances.

2629. (67-75.) Zacharie, avons-nous dit, n'eut pas plutôt recouvré l'usage de la parole qu'il s'en servit pour bénir Dieu. Nous avons ici le cantique prophétique qui sortit de sa bouche sous la dictée du Saint-Esprit. Il se divise en deux parties. Dans la première, Zacharie oublie en quelque sorte son propre fils, pour ne penser qu'au fils de David qui devait naître dans peu, comme l'Esprit l'avait révélé à Marie et à Élisabeth, puis à lui-même. Il parle du grand salut qu'il venait procurer à son peuple (le peuple élu), et, pour bien établir que c'était vraiment le salut promis à leurs pères, il s'exprime en des termes tout semblables à ceux des anciens prophètes. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est ce qu'il indique comme le but final de la venue du Sauveur. Ce Sauveur nous est donné «afin que nous rendions à Dieu notre culte (vraie traduction) sans crainte, en piété, en justice, devant lui, tous les jours de notre vie.» On peut dire en effet que tout revient au culte, et si vous reprenez l'un après l'autre les six mots que j'ai soulignés, vous reconnaîtrez que rien ne manque à un culte qui a de tels caractères. Après quoi, l'étude entière du Nouveau Testament vous montrera que c'est bien ainsi que les rachetés de Jésus servent le Seigneur. Je me borne pour le moment à ces indications.

2630. (76-70.) Dans la seconde partie de son cantique, Zacharie porte enfin ses regards sur son fils, mais c'est encore une fois pour ne parler que du salut et du Sauveur. Placé sur les confins des deux alliances, il s'exprime tour à tour dans le langage de l'Ancien Testament et dans celui du Nouveau. Prêtons-lui l'attention la plus sérieuse, car voici une de ces admirables portions de l'Écriture où l'œuvre de la grâce de Dieu se trouve décrite avec une brièveté et une beauté vraiment incomparables. D'abord, Jean ne sera que le prophète du Très-Haut, tandis que Celui devant lequel il marchera est le Seigneur, l'Éternel; car, dans le Nouveau Testament, le dernier de ces mots est constamment remplacé par celui de Seigneur. Prophète, il préparera les cœurs à recevoir le Christ, son Seigneur, en donnant au peuple qui lui appartient, non pas le salut proprement, mais la connaissance du salut. Il fera comprendre aux âmes que la base de ce salut est dans le pardon des péchés, que la source en est dans l'infinie miséricorde de l'Éternel (notre Dieu, disent les rachetés) [485]; que l'auteur de ce salut est Celui que Malachie appelait le soleil de la justice (Malach. 4:2); qu'il est envoyé pour retirer de leurs ténèbres et de leur mort les pécheurs, même les plus grands; que le résultat enfin de cette œuvre de miséricorde, est de faire marcher les fidèles dans la paix de Dieu, c'est-à-dire aussi dans la paix de l'âme, dans la paix avec tous les hommes et dans l'amour de toute paix.

2631. (80.) Ainsi se termine l'histoire de la naissance de Jean; et vous y voyez, sans surprise, quo le Nouveau Testament, comme l'Ancien , fait tout converger vers Jésus-Christ. Vous remarquerez aussi que, dans ces récits, Dieu n'accorde rien à une vaine curiosité. Peut-être eussions-nous désiré quelques détails sur la jeunesse du fils de Zacharie; mais tout ce que nous savons, c'est que le petit enfant se développait, qu'il était fortifié spirituellement et que, plus tard, il vécut d'une vie très retirée, jusqu'au moment où il entra dans son ministère. Heureux les jeunes gens qui, semblables à lui, font de bonne heure l'apprentissage de ce qu'il y a de sérieux dans la vie!


CCII. — Naissance de Jésus.


2632. (Matth. 1: 18,19.) Nous avons vu que Marie était restée environ trois mois chez sa cousine Élisabeth. Ce fut à son retour sans doute et de sa propre bouche, que Joseph apprit l'auguste et profond mystère de sa prochaine maternité. Mais, bien que disposé à croire Dieu et malgré son affection pour Marie, il ne put se garder de soupçons dont on ne saurait lui faire un crime. Trop honnête, après cela, pour épouser une femme sur la pureté de laquelle il avait des doutes, trop compatissant aussi pour la livrer au châtiment que son crime supposé méritait (Deut. 22: 23, 21), il se résolut à rompre sans éclat leurs engagements, en lui laissant le soin de cacher sa honte du mieux qu'elle pourrait. Mais combien le cœur de cet homme de Dieu devait souffrir! Ces pensées le poursuivaient jusque dans le sommeil, et ce fut là que le Seigneur vint le tirer de son angoisse et entourer Marie de sa sainte protection.

2633. (20, 21.) Un ange apparaît en songe à Joseph; il l'invite à prendre Marie pour sa femme; il lui annonce la divine incarnation du Fils de Dieu; il lui dit, à lui aussi, quel nom devrait porter l'enfant; il l'autorise de la sorte à remplir envers lui les devoirs d'un père; puis l'ange explique à Joseph pourquoi son fils adoptif recevrait le nom do Jésus: c'est qu'il sauverait son peuple de la peine et de l'esclavage du péché. Nous verrons plus amplement par la suite en quoi consiste le salut et comment il s'est opéré: deux mots seulement à ce sujet. La base du salut est le pardon des péchés [2630], mais il renferme aussi la sanctification du cœur et de la vie. Or, le moyen du salut c'est la foi en Christ. Par elle les pécheurs s'approprient l'expiation qu'il a faite de nos péchés, et de cette expiation même découlent pour les fidèles les grâces sanctifiantes du Saint-Esprit.

2634. (22, 23.) Saint Matthieu, qui écrivait essentiellement pour les Juifs [2597], rappelle la prophétie d'Ésaïe (7: 14) que nous avons citée  (Matthieu 1: 24, 25. Luc 2: 1-5.) plus haut; et ce qu'il y a de remarquable, ici comme ailleurs, c'est qu'il attribue la prophétie directement à Dieu, entre les mains de qui le prophète n'a été qu'un instrument. Le Seigneur l'a déclaré par le moyen du prophète, disant: «Voici, etc.» Quel beau nom que celui d'EMMANUEL, Dieu avec nous! et puisque Jésus a dit avant de quitter ses disciples: «Je suis toujours avec vous jusqu'à la fin du monde» (Matth. 28: 20), il est donc aujourd'hui comme alors notre Emmanuel, si toutefois nous faisons partie de son peuple fidèle.

2635. (24, 25.) On se demande comment des paroles d'ange, entendues dans un songe, purent dissiper l'incrédulité de Joseph, mieux que ne l'avaient fait les discours de Marie et ses propres réflexions; comment, après avoir pu soupçonner la pieuse Marie de lui en imposer par une fable si hardie et si coupable, il ne se soupçonna pas lui-même de s'être forgé une chimère pendant les rêves de la nuit? La réponse est simplement qu'il plut à Dieu d'accompagner de la puissante efficace du Saint-Esprit la révélation qu'il avait jugé bon d'adresser lui-même à son serviteur. C'est encore de cette façon que la Bible agit sur les consciences. Non seulement il est des âmes qui, après avoir résisté aux paroles les plus persuasives des prédicateurs de l'Évangile, sont vaincues par la force des vérités que leur présente la lecture des saints Livres; mais encore l'Écriture elle-même n'a d'action sur les cœurs que si la lecture en est accompagnée de l'influence secrète du Saint-Esprit. Quoi qu'il en soit, Joseph, une fois convaincu, montra la même obéissance que Marie [2624]. Il la prit chez lui sans retard; mais, plein de respect pour elle, il n'en fit point sa femme qu'elle n'eût mis au monde son fils premier-né.

2636. (Luc 2: 1-5.) Il y avait vingt-cinq ans environ que le sceptre d'Auguste s'étendait sur la presque totalité des territoires qu'avaient occupés les anciens empires des Macédoniens, des Perses et des Babyloniens; avec lui régnait la paix sur la terre; les sciences et les arts fleurissaient; de nombreuses communications s'étaient établies entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique soumises à son pouvoir: on était dans un des plus beaux siècles de l'antiquité, lorsque naquit Celui qui devait fonder un royaume d'une tout autre nature, et commencer une ère qui s'étendra jusqu'au siècle des siècles (Dan. 2: 44).

2637. Bien que Joseph et Marie demeurassent à Nazareth, dans le nord de Canaan, ce ne fut point là qu'eut lieu la naissance de notre divin Rédempteur. Où qu'il fût né, Bethléhem eût été son lieu d'origine, puisque c'était le berceau de la famille de David [1392]; mais afin de rendre plus frappant l'accomplissement des prophéties (Michée 5: 2), l'Éternel voulut que Jésus naquît dans les lieux mêmes où le roi-prophète avait vu le jour. Puis, chose vraiment digne d'admiration, ce fut l'empereur César Auguste qui, de son palais à Rome, détermina le voyage de Joseph et de Marie. Comme bien d'autres princes, il ne se doutait pas que les mesures de son administration entrassent si bien dans les plans du gouvernement de Dieu!

2638. (2.) Le dénombrement auquel le pays entier fut soumis à cette époque ne doit pas se confondre avec un autre dénombrement qui se fit au moins dix ans plus tard, sous la direction d'un nommé Cyrénius ou Quirinus. Ce dénombrement-ci fut compté comme le premier, parce que le précédent peut-être ne s'acheva pas, circonstance qui ne rend que plus remarquable l'accomplissement de l'oracle, puisque Joseph et Marie allèrent à Bethléhem en vertu d'un ordre dont l'exécution fut suspendue pour être reprise beaucoup plus tard. Voici donc comment il faut lire le verset 2: «Le premier enregistrement même,» c'est-à-dire celui qu'on regarde avec raison comme le premier, «se fit pendant que Cyrénius, etc.; » et alors on met ceci en parenthèse. Il est permis aussi de traduire: «Ce dénombrement se fit avant que Cyrénius fût, etc.»

2639. Quoi qu'il en soit, on ne peut douter que Joseph et Marie ne se soient en effet rendus à Bethléhem, la ville de leurs pères, pour s'y faire enregistrer. Là se trouvait, comme de nos jours encore dans tout l'Orient, une hôtellerie, soit caravansérail, où les passants s'établissaient avec leurs bêtes de somme, vivant, chacun à sa manière, des provisions qu'ils avaient apportées avec eux. Ces bâtiments, ordinairement assez vastes, ont au rez-de-chaussée un grand hangar qui sert d'étable, de remise et de gîte pour les chameliers et les conducteurs de caravanes. À l'étage sont les logements proprement dits. Ce fut là que Joseph et Marie ne trouvèrent pas de place, en sorte qu'ils durent s'établir dans le bas. S'ils eussent été des gens riches, il est probable qu'on aurait eu pitié de l'état où se trouvait la mère de notre Seigneur; mais tout cela était conduit par l'infinie sagesse du Très-Haut.

2640. (6, 7.) Il résulta de ces circonstances que Marie dut déposer dans la crèche même de l'écurie, au milieu de tout ce mouvement et de tout ce bruit, le petit enfant qu'elle mit alors au monde et qui était le Saint d'Israël, le Seigneur des seigneurs de la terre. Quel abaissement inconcevable! Le Fils de Dieu qui devient fils de l'homme, qui participe à la chair et au sang comme les enfants, qui arrive ici-bas en cet état de faible commencement où le corps et l'âme sont privés de toute force, qui naît dans une étable et fait son premier sommeil au fond d'une crèche! Oh! comme on comprend bien que la raison humaine se refuse à croire de pareilles impossibilités et que notre cœur égoïste ne conçoive pas un tel dévouement! Nous verrons toutefois ce dévouement de notre Seigneur aller plus loin encore et le mystère de son abaissement devenir de plus en plus profond; mais après avoir entendu ses discours, vu ses miracles, assisté à sa résurrection, nous dirons: Oui, ce petit enfant, né dans ce pauvre état, la vingt-sixième année de l'empereur Auguste, cet obscur enfant était vraiment plus grand que tous les monarques du monde, car c'était le Fils de Dieu.

2641. (8.) Cependant, il ne se pouvait qu'une telle naissance passât inaperçue. Au sein même de cet abîme d'abaissement, il devait y avoir quelque manifestation de la majesté divine. Il y en eut plus d'une en effet; car c'est ici que vient l'histoire des bergers, de Siméon, d'Anne la prophétesse et celle des Mages d'Orient. Ces bergers étaient sans doute des hommes pieux, auxquels il plut à Dieu de faire annoncer la naissance de notre Seigneur pendant qu'ils gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. Ce n'était pas en hiver, comme on le pense communément. Bien que la plupart des Églises célèbrent la mémoire de ce fait le 25 de décembre, il n'est point prouvé qu'il appartienne à cette époque, et d'après le moment où Zacharie doit avoir eu sa vision dans le temple [2604], la naissance de notre Seigneur aurait eu lieu au plus tard vers le mois de septembre. Du reste, la chose importe assez peu, et c'est pour cela que l'Écriture la passe entièrement sous silence.

2642. (9, 10.) Ce qui importe bien plus assurément, c'est la manière dont l'Éternel révéla sa miséricorde aux bergers de Bethléhem. Un ange se présenta devant eux. Sous quelle forme? nous l'ignorons; mais nous lisons que la gloire du Seigneur, c'est-à-dire probablement une vive lumière qui éclairait à leurs yeux le monde invisible, resplendit autour d'eux. Saisis de crainte à ce magnifique spectacle, comme l'avaient été Zacharie et Marie, ils entendirent aussi, comme eux, cette douce Parole du Père céleste à ses enfants: «Ne craignez point;», mais plutôt réjouissez-vous, car voici une bonne nouvelle pour tout le peuple de Dieu.

2643. (11.) Cette bonne nouvelle, ou cet évangile [2594], c'était la naissance du fils de Marie. Pour faire sentir aux bergers tout ce qu'il y avait là d'heureux et d'admirable, l'ange leur dit en premier lieu que cet événement venait de se réaliser dans la ville de David, ce qui était leur rappeler de qui le Christ devait descendre selon la chair. Puis ce fils de David leur est annoncé comme Sauveur, comme Christ ou Oint, enfin comme Seigneur. Tout l'Évangile se trouve renfermé dans ces quatre mots. Croyons du fond de nos cœurs que Jésus s'est fait réellement homme, qu'il a accompli tout ce qu'il fallait pour le salut des pécheurs, qu'à cet effet il a été oint sacrificateur, prophète et roi, qu'il est le Seigneur, l'Éternel: oui, croyons du cœur à ces choses et nous avons la vie éternelle.

2644. (12.) Mais où donc les bergers trouveront-ils le petit enfant? Dans quelque palais sans doute, s'il en existe à Bethléhem! À quels signes le reconnaîtront-ils? À l'éclatante lumière, à la gloire céleste qui environne sûrement son berceau; à quelque signe non moins merveilleux que l'apparition même de l'ange dont ils entendent la voix! Non, mes chers lecteurs, le temps de la gloire n'était pas encore venu pour Celui qui est digne de l'adoration des anges, mais qui entrait alors dans une carrière d'humiliation et de souffrances. C'est enveloppé de langes comme l'enfant le plus ordinaire; c'est, couché dans la crèche commune d'un caravansérail, que les bergers vont trouver le fils de David, le Sauveur, le Christ, le Seigneur! Quelle secousse ne dut pas recevoir leur foi à l'ouïe de ces étonnantes paroles! Aussi le Seigneur leur donna-t-il promptement une nouvelle preuve que c'était bien lui qui leur parlait par la bouche du messager céleste.

2645. (13, 14.) Pour chanter la venue du Rédempteur des hommes, une multitude d'anges joignirent leur voix à celle de leur compagnon de service, et leur cantique, plus court que ceux de Zacharie et de Marie, les surpasse toutefois en magnificence. Là, c'était le Saint-Esprit se servant d'organes humains; ici, c'est le ciel même descendant sur la terre. Aussi, voyez ce que disent les anges dans leur hymne. Ils célèbrent la venue du Christ comme le moyen par lequel la gloire de Dieu sera magnifiée au plus haut des cieux; et c'est, en effet, par lui et par son œuvre que les anges ont pu connaître la miséricorde de l'Éternel. Ils disent que le Christ vient dans le monde pour y apporter la paix; et c'est en effet par lui que l'homme pécheur est réconcilié avec Dieu. Ils annoncent enfin que le Christ apprendrait aux humains ce que c'est que la vraie bienveillance; et c'est de Jésus, en effet, de la foi en son salut, que découle la charité. Apprendre aux hommes à s'aimer; commencer pour cela par les réconcilier avec Dieu; procurer et avancer par l'une et l'autre de ces voies la gloire de Jéhovah sur la terre et dans les cieux, tel est le but de la venue de notre Seigneur; voilà ce que proclamèrent les anges, pour la joie des bergers de Bethléhem et de tous ceux qui reçoivent là Parole de Dieu.

2646. (15-20) Ce qui suit est facile à comprendre. Les bergers coururent à Bethléhem. S'ils avaient pu croire un moment que leur vision n'était qu'un beau rêve, tous leurs doutes furent dissipés en voyant le petit enfant couché dans la crèche. Alors ils racontent à ceux qui étaient là ce qui venait de leur arriver; on s'étonne, on admire, et Marie aurait pu donner un nouvel élan à cette admiration, si elle avait révélé ce que l'ange de l'Éternel lui avait dit à elle-même; mais ce n'en était pas encore le moment, en sorte qu'elle gardait ces choses dans le fond de son cœur. Quant aux bergers, ils s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu. Plusieurs d'entre eux peut-être moururent avant que Jésus entrât dans son ministère; mais ils avaient été des premiers à croire en lui, et c'en était assez pour l'éternel repos de leurs âmes.


CCIII. — Siméon; Anne la prophétesse; les Mages d'Orient.


2647. (Luc 2: 21-24.) Il fallait, on le conçoit, que notre Seigneur fût à tous égards irréprochable et que ses concitoyens n'eussent aucun prétexte plausible pour le rejeter; il dut par conséquent être circoncis le huitième jour, en vrai fils d'Abraham, et se plier, dès ce moment, aux diverses exigences de la loi de Moïse, comme tous les descendants d'Israël. Bethléhem n'étant qu'à deux lieues de Jérusalem, il fut facile à Joseph et à Marie de transporter Jésus dans le lieu saint pour y accomplir la consécration de ce premier-né, autre cérémonie ordonnée par la loi [693, 694]. Après cela vint la purification de Marie, qui était aussi d'ordonnance divine. Par l'offrande que fit la mère de Jésus, nous avons la certitude qu'elle était réellement pauvre (Lév. 12: 8); en sorte que notre Seigneur, dont les richesses sont incompréhensibles, ne connut de la vie humaine que ses privations. Ce qu'il y a dans tout cela de plus digne de remarque, c'est qu'on célébra sur la personne de Jésus-Christ, ou à son occasion, des rites qui, tous les trois, étaient figuratifs du péché et de la délivrance. Mais, comme le dit saint Paul, à peu près en ces termes: «Celui qui n'a pas connu le péché, Dieu l'a traité, comme s'il eût été le péché même, afin que nous devinssions justes devant Dieu par lui» (2 Cor. 5: 21). 

2648. (25-28.) Ce fut alors que Dieu fit rendre un nouvel hommage à la gloire de notre Seigneur. L'instrument dont il se servit cette fois, fut un homme vénérable par sa piété, un fidèle qui attendait la consolation d'Israël, c'est-à-dire le salut qu'Ésaïe avait prophétisé par ces belles paroles: «Consolez, consolez mon peuple, dira votre Dieu» (40: 1). Siméon était juste comme le sont tous ceux qui croient. Il avait été averti par le Saint-Esprit «qu'avant de voir la mort, il verrait l'Oint du Seigneur» ou de l'Éternel; car, je le répète, le Nouveau Testament se sert du mot Seigneur comme l'équivalent de celui de Jéhovah qui se lit si fréquemment dans les anciennes Écritures. Puis, à l'instant même où l'enfant Jésus venait d'être amené dans le lieu saint, Siméon y fut conduit par l'impulsion de l'Esprit, et ce prophète du Seigneur prit l'enfant dans ses bras et, à son tour, il en célébra la naissance par un très beau cantique.

2649. (29-32.) C'est le quatrième que nous rencontrons depuis que nous avons ouvert l'Évangile, et ce fait me rappelle l'observation fondamentale que j'ai présentée à mes lecteurs, à l'occasion du premier cantique mentionné dans la Bible [711]. Le cantique suppose la délivrance, et la délivrance suppose un libérateur. Rien donc n'est plus naturel que cette effusion d'hymnes et de chants de joie à l'occasion de l'entrée de Jésus dans le monde. Rien non plus ne convient autant que de les faire abonder dans le culte chrétien, mais il faut y apporter des dispositions semblables à celles de Siméon. Zacharie avait dit que le Sauveur venait diriger les pas de son peuple dans le chemin de la paix (Luc 1: 79), les anges célébrèrent sa venue en disant: Paix sur la terre! (Luc 2: 14.) Siméon bénit à son tour le Souverain des cieux et de la terre, de ce qu'il laisse aller son esclave en paix, après lui avoir manifesté le salut découlant de sa grâce. Vous voyez l'unité qui existe dans les inspirations divines et, en même temps, vous apprenez de tout ceci à considérer la paix comme le premier et le plus beau fruit de la foi. Après cela, Siméon rappelle que le salut de Dieu, gloire particulière d'Israël, devait être annoncé à tous les peuples, pour révéler ou manifester les élus du Seigneur parmi les nations. Je dis qu'il le rappelle, vu qu'une foule d'anciennes prophéties avaient annoncé la même miséricorde. Toujours est-il que si le pieux Siméon la proclame de nouveau, c'est par une nouvelle révélation du Saint-Esprit; car nous verrons plus tard que les Juifs n'avaient point  compris le mystère de la vocation des peuples demeurés jusqu'alors étrangers à l'alliance divine.

2650. (33-35.) Ils n'avaient pas mieux saisi ce que les prophètes avaient annoncé relativement à l'opposition violente que le Messie rencontrerait de la part de son propre peuple, en sorte que Siméon ne se montre pas moins inspiré par le Saint-Esprit, quand il prophétise que Jésus, envoyé pour le relèvement de beaucoup d'âmes, serait aussi pour un grand nombre une occasion de chute; qu'il aurait à essuyer toutes sortes de contradictions; qu'on verrait alors clairement l'impiété cachée dans une foule de cœurs, et qu'il souffrirait des maux si affreux, que l'âme de sa mère en serait comme transpercée. Cette dernière parole se réalisa, notamment lorsque Marie vit notre Seigneur expirant sur la croix; quant aux autres traits de la prophétie, non seulement ils se sont accomplis du vivant de Jésus-Christ, mais ils s'accomplissent encore de nos jours.

2651. Partout en effet où l'Évangile est prêché purement et fidèlement, on voit des hommes se convertir; mais on en voit aussi qui, ayant passé jusque-là pour honnêtes, même pour religieux, se tournent quelquefois avec une grande violence contre le Seigneur. Or, comme ils ne peuvent le persécuter lui-même, leur colère se décharge sur ceux qui font profession de lui appartenir et qui, en quelque mesure, le représentent ici-bas. C'est ainsi que Jésus est un signe auquel on contredit; une occasion de blasphèmes et de ruine pour beaucoup d'âmes.

2652. (33.) En entendant les paroles du saint vieillard, Joseph et la mère de Jésus avaient ressenti une vive admiration. Non pas de l'étonnement, comme dit une version française, à moins qu'on n'entende un sentiment semblable à celui que nous font éprouver les grandes scènes de la nature. Nous nous y attendons; elles nous sont familières, et toutefois elles ne laissent pas de nous pénétrer d'une sorte de saisissement. Peut-être aussi qu'à l'ouïe des paroles de Siméon, Joseph et Marie reçurent du Saint-Esprit une intelligence toute nouvelle des anciennes prophéties, et qu'il leur arriva comme aux fidèles qui, découvrant dans la Bible de nouvelles harmonies, en sont remplis d'admiration et pour ainsi dire d'étonnement, bien que de telles découvertes soient au fond toutes naturelles.

2653. (36-38.) Autre sujet de joie pour Joseph et pour Marie. Il y avait à Jérusalem une femme pieuse nommée Anne. Âgée de quatre-vingt-quatre ans et veuve depuis fort longtemps, elle s'était consacrée au service particulier de l'Éternel dans le lieu saint; c'est même là qu'elle demeurait, se livrant à de constants exercices de piété. L'écrivain sacré lui donne le litre de prophétesse, soit que son mari eût exercé le ministère de la Parole en Israël, soit qu'elle-même se fût vouée, depuis sa viduité, à l'enseignement religieux de la jeunesse, ou bien simplement parce qu'il lui fut donné de célébrer avec Siméon la venue du Sauveur. Toujours est-il que cette descendante d'Ascer vint, en quelque sorte au nom des dix tribus dispersées, saluer à son tour l'enfant Jésus, et qu'elle eut le bonheur de pouvoir, dans les derniers jours de sa longue vie, parler du Christ à tous ceux de Jérusalem qui l'attendaient avec foi.

2654. (39.) Lorsque Joseph et Marie eurent accompli ce qu'ordonnait la loi de Moïse, ils retournèrent en Galilée, nous dit saint Luc. Mais ce ne fut pas immédiatement; car on voit par le chapitre 2 de saint Matthieu (i, 2), que d'abord ils regagnèrent Bethléhem, d'où ils durent fuir en Égypte. Ce fut après cela qu'ils retournèrent à Nazareth. Aucun des évangélistes, avons-nous dit [2595], n'a eu l'intention de nous donner une histoire complète de notre Seigneur. C'est donc à saint Matthieu que nous allons demander le récit des faits que Luc n'a pas racontés, comme nous avons pris dans Luc ceux que ni Matthieu ni les autres n'eurent mandat d'enregistrer.

2655. (Matth. 2: 1, 2.) Ainsi que je l'ai déjà remarqué [2641], Un événement tel que la naissance de notre Seigneur ne pouvait avoir lieu sans qu'il fût entouré d'un certain éclat. C'est pourquoi nous avons vu Dieu Je faire annoncer et célébrer par des anges, par des bergers, par Siméon et par Anne la prophétesse. Ce n'était pas suffisant: il fallait encore que la révélation en fût adressée à des hommes nés au sein des nations étrangères et que ces hommes se missent à prêcher aussi la venue du Christ. La tradition en fait trois rois dont elle indique même les noms; mais d'après le texte sacré, il est impossible de déterminer leur nombre, et rien n'autorise à voir en eux des grands de la terre. C'étaient des Mages, tels que ceux dont il est parlé plus d'une fois dans l'Ancien Testament. À en juger par les offrandes qu'ils apportèrent au Messie, on conjecture qu'ils habitaient l'Arabie et peut-être le pays même d'où était venue la reine illustre qui visite jadis Salomon (Ésaïe 60: 6).

2656. Ces hommes, bien que païens de naissance, pouvaient partager l'espoir, alors si généralement répandu, au sujet d'un envoyé de Dieu; et, comme ils s'occupaient beaucoup d'astrologie, ce fut par ce moyen qu'il plut au Seigneur de les amener à ses pieds. Il leur fit voir une étoile qu'ils n'avaient point encore observée. Cet astre nouveau ou ce météore tout semblable à une étoile, mû par la main de l'Éternel, avait une marche fort extraordinaire; mais pour que les mages comprissent la valeur de ce signe céleste, il fallut sans doute que l'Esprit de Dieu leur en donnât miraculeusement l'intelligence.

2657. (3.) Pleins de foi en la révélation dont ils sont favorisés, les mages se rendent à Jérusalem; ils s'informent du roi qui vient de naître; ils le demandent à la cour d'Hérode, où l'on ignorait parfaitement ce qui s'était passé dans le temple entre Joseph, Marie, Siméon, Anne et quelques fidèles, et voilà le roi Hérode et tous ses partisans qui se sentent émus d'une secrète frayeur. Malgré sa puissance et celle des Romains, dont il tenait son autorité, le fils d'Antipater l'Iduméen sentait bien qu'il ne lui appartenait point d'être assis sur le trône de David, et il n'ignorait pas que certaines prophéties (Ésaïe 11: 1-4) annonçaient la venue d'un Prince du sang royal, d'un rejeton du tronc d'Isaï, concurrent fort redoutable pour lui et les siens, pensait-il. C'est pourquoi cet homme, aussi rusé que cruel [2586], eut bientôt formé son plan.


2658. (4-8.) Il assemble ceux des sacrificateurs et des scribes qui formaient le grand conseil des Juifs, leur demandant où le Christ était né, car il ne doutait pas qu'il ne fût né en effet et qu'ils ne dussent le savoir. Puis quand ils lui eurent rapporté la prophétie si remarquable de Michée (5: 2), il manda secrètement les mages et s'informa d'eux de l'époque exacte où ils avaient vu l'étoile en Orient. Alors, feignant un grand désir de rendre hommage au roi céleste qu'ils venaient eux-mêmes adorer, il les pria de lui faire savoir le lieu où ils le trouveraient.


2659. (9-11.) C'était la nuit à ce qu'il paraît; et lorsque les mages eurent quitté le roi, ils revirent avec une joie inexprimable l'étoile qui leur était apparue en leur pays. Elle marchait dans la direction du nord au sud ou à peu près, et quand ils furent à Bethléhem l'étoile s'arrêta. Serait-ce de là qu'est venue une manière de parler assez usitée dans le monde? Je l'ignore. Toujours est-il que les mages furent bien réellement conduits à Jésus par une bonne étoile, puisque cette étoile ne fut qu'un intermédiaire entre eux et le Dieu de toute grâce. Quant à nous, mes chers lecteurs, nous avons pour guide assuré la sainte Parole que nous méditons. Là est notre étoile, et nous ne devons pas en consulter d'autre. Elle nous enseigne que Jésus est le Christ; elle nous invite à l'adorer et à lui offrir tout ce que nous avons de plus précieux. Faisons ainsi, et nous n'aurons rien à envier ni aux mages, ni à Siméon, ni aux bergers de Bethléhem: nous aussi, nous pourrons dire que nous avons vu le salut de Dieu.


CCIV. — Fuite en Égypte. — Jésus à l'âge de douze ans.


2660. (Matth. 2: 12-18.) Le sinistre projet d'Hérode fut déjoué par une volonté plus puissante que la sienne. L'Éternel avertit les mages de ne pas retourner à Jérusalem et, dans le même temps, il ordonnait à Joseph de passer en Égypte, avec Marie et l'enfant Jésus. Quant à Hérode, furieux de l'affront qui lui était fait par les mages, il envoya ses sicaires à Bethléhem, leur enjoignant d'égorger tous les enfants âgés de moins de deux ans. Dans une localité si peu considérable, il ne devait pas se trouver beaucoup d'enfants de cet âge; plusieurs sans doute furent mis à l'abri des coups de leurs bourreaux; toujours est-il que le sang coula, que d'innocentes créatures furent immolées, comme pour attester la corruption et la misère du monde que Jésus est venu sauver.

2661. (19-23.) Quant aux fugitifs, ils curent à faire cinq ou six journées de marche avant d'atteindre l'Égypte, et, bien que ce pays renfermât beaucoup de Juifs [2377, 2567], ils n'en devaient pas moins ressentir une vive douleur de se voir chassés ainsi par la persécution sur une terre étrangère. S'ils s'étaient fait des illusions sur le genre de grâce dont l'Éternel les avait honorés en leur confiant l'enfance du Christ, ils pouvaient maintenant se détromper. Déjà la prophétie de Siméon s'accomplissait, et le petit enfant se trouvait de bonne heure en butte à la contradiction des pécheurs. Cependant leur épreuve ne fat pas de longue durée. Une année environ après leur fuite, le cruel Hérode mourut à l'âge de soixante-dix ans, dans les douleurs d'une horrible maladie et dans des dispositions morales plus horribles encore. On raconte qu'il assembla les principaux du peuple à Jéricho, donnant ordre de les massacrer au moment même où il expirerait; c'était, dit-il, afin que sa mort fît verser des larmes. On conçoit qu'un ordre si détestable ne fut pas exécuté; mais on y retrouve toute la méchanceté de l'homme qui avait massacré les petits enfants de Bethléhem, après avoir été le meurtrier d'une grande partie des membres de sa propre famille.

2662. Joseph, divinement averti de la mort d'Hérode, repartit aussitôt pour le pays d'Israël. Il aurait voulu se fixer dans la ville de David; mais Archélaüs, un des fils d'Hérode, avait reçu en partage le gouvernement de la Judée proprement dite, et comme ce prince cruel marchait sur les traces de son père, Joseph résolut de regagner Nazareth, ville de la Galilée jusque-là si obscure, que l'Ancien Testament n'en fait pas mention une seule fois. Ce fut pourtant ainsi que s'accomplit une prophétie dont la réalisation est d'autant plus remarquable qu'elle est une des moins claires, parmi celles qui se rapportent au Messie. Jésus a été appelé le Nazaréen par terme de mépris, et il se trouve que le mot (Nètzer) dont se sert Ésaïe (11: I), et qui est traduit par rejeton paraît être le même d'où dérivait le nom de la ville de Nazareth. Il est une opinion plus généralement répandue, c'est que l'évangéliste fait allusion au vœu du Nazaréat et peut-être à la prédiction de Jacob contenue dans la Genèse [596, 597]; mais alors Nazaréen ou plutôt Natsaréen, serait là pour Nazarien.

2663. Remarquons à cette occasion les deux autres prophéties que saint Matthieu rapporte comme s’étant accomplies en ce même temps. La première (15) est tirée d'Osée (11: 1). Elle avait sans doute pour objet prochain le peuple d'Israël; mais le Saint-Esprit nous apprend ici par la bouche de saint Matthieu, qu'en inspirant ces paroles à Osée, il avait pareillement en vue Jésus-Christ. On peut faire la même observation sur la seconde (18), qui se lit en Jérémie (31: 15). Ces deux exemples montrent toujours mieux comment les anciennes Écritures se rapportent tout entières à notre Seigneur.


2664. (Luc 2: 39, 40.) Ce fut donc à leur retour d'Égypte que Joseph et Marie regagnèrent Nazareth avec l'enfant Jésus, qui y passa toute sa jeunesse, «croissant et se fortifiant en esprit, dit saint Luc, «étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui!» La grâce de Dieu, c'est-à-dire l'amour de Dieu et toutes sortes de saintes affections. Ce fut par cela seulement que les premières années de notre Seigneur eurent quelque chose de remarquable; car il entrait dans les vues de Dieu que son existence fût tout unie et sans rien de miraculeux, jusqu'au moment où il se manifesterait devant le peuple, pour montrer le Messie en son auguste personne. Celui donc qui, par son origine, était le Saint de Dieu (1: 35), eut, comme tout autre enfant, un développement graduel, mais parfait à chaque instant; son corps, son intelligence et son cœur faisaient des progrès qu'aucune faiblesse et qu'aucun péché n'arrêtèrent jamais: car, «la grâce de Dieu était sur lui.

2665. (41-52.) Il y eut cependant une circonstance où Dieu voulut faire briller aux yeux des hommes la divine sagesse de Jésus, avant même qu'elle éclatât dans tout son lustre. Il avait atteint l'âge de douze ans, et ce devait être l'an 8 de l'ère chrétienne [2590]. Joseph et Marie s'étant rendus à Jérusalem, selon leur coutume, pour la fête de Pâques, avaient pris l'enfant avec eux; c'était peut-être la première fois qu'il les accompagnait. Alors donc allaient s'accomplir d'une manière encore plus sensible que douze ans auparavant, les paroles d'Aggée et de Malachie dont on se souvient sans doute (Ag. 2:9; Malachie 3: I). Quand la fête fut achevée, et que les nombreuses bandes venues de la Galilée et d'ailleurs se mirent en route pour regagner leurs foyers, Jésus demeura seul en arrière, de propos délibéré. Ses parents, auxquels il n'avait jamais fait aucune peine ni donné la moindre inquiétude, pensèrent sans doute qu'il était avec une partie de la caravane où se trouvaient de leurs proches et de leurs connaissances, et ils continuèrent leur route en toute sécurité. Mais lorsqu'on fut arrivé à la halte du soir, Jésus ne se trouva point, et, dès le lendemain, Joseph et Marie rebroussèrent chemin vers Jérusalem, où ils arrivèrent le soir du second jour.

2666. Aussitôt ils se mettent en perquisition, le cherchant partout, avant de songer aux salles et aux portiques du temple où s'assemblaient les docteurs. Ce fut là pourtant qu'ils le trouvèrent enfin. Or, quel ne fut par leur étonnement de le voir assis au milieu des rabbins et s'entretenant avec eux d'un ton à commander le respect et à exciter l'admiration de tous. Il semble qu'en voyant cela, Joseph et Marie auraient dû s'asseoir aussi et écouter. Mais qu'on se mette à leur place. La divinité proprement dite de notre Sauveur ne s'était point encore manifestée par des actes personnels; d'où l'on comprend qu'à ce moment une seule pensée ait dû occuper leur cœur: «Comment se peut-il que cet enfant admirable (Ésaïe 9:5), qu'un enfant, jusqu'à cette heure si attentif et si soumis, nous ait jetés dans une telle inquiétude?»

2667. Ce fut là ce que lui dit Marie, avec un reproche tout pénétré de douleur. Et Jésus, sérieux et grave comme on ne l'est ordinairement que dans l'âge mur, répondit à ses parents en la chair: «Quoi! «vous me cherchiez! Ne saviez-vous pas qu'il me faut être aux affaires «de mon Père?» Eh! non, ils ne le savaient pas encore comme il fallait le savoir et comme ils le comprirent plus tard. Ce qu'ils connaissaient, c'était l'origine divine de Jésus, c'était le but général de son existence humaine (Matth. 1: 21); mais que sera-t-il finalement? que fera-t-il? que deviendra-t-il? tout cela leur était caché et le leur fut longtemps encore; car après cet éclair, Jésus rentra dans son obscurité. Il redescendit à Nazareth avec sa mère et Joseph, pour leur rendre comme du passé la plus parfaite obéissance. Cependant Marie ne traita pas légèrement ce qu'elle avait vu et entendu: elle le repassait en son cœur; ce que nous devons faire nous-mêmes, pour nous étudier à la soumission envers nos supérieurs et tout à la fois au service de notre Père céleste. Quant à Jésus, afin de montrer qu'il fut aussi réellement fils de l'homme que Fils de Dieu, l'Évangile nous dit, pour la seconde fois, qu'il continuait à faire des progrès en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes, saint et divin modèle que tout enfant doit avoir sans cesse devant les yeux.

2668. Il est à remarquer que cette douzième année de notre Seigneur fut l'année même où Archélaüs fut déposé par l'empereur Auguste, qui nomma président de Syrie ce même Quirinus ou Cyrénius, sous lequel se fit le grand dénombrement [2638]. Dès ce moment, la Judée fut entièrement soumise à l'administration romaine; les Juifs perdirent le droit d'infliger la peine de mort en matière civile; ils eurent pour souverains sacrificateurs les hommes qu'il plut aux Romains de leur donner, et ils se virent chargés d'énormes impôts qui furent l'occasion de divers soulèvements. Ainsi s'accomplit d'une manière admirable la célèbre prophétie de Jacob (Gen. 49: 10). En effet, c'est au moment où la Judée voit s'évanouir les derniers restes de son indépendance, que notre Seigneur fait le premier acte personnel destiné à le signaler comme le Silo ou le Christ de l'Éternel; et ce qu'il y a de bien frappant, c'est qu'à cette même époque, la Galilée et les autres provinces du pays de Canaan demeurèrent sous la domination des fils d'Hérode. La seule terre de Juda se trouvait directement sous le joug étranger. O profondeur de la sagesse et de la connaissance de Dieu! (Rom. 11: 33.)


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