Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PAPILLON ET LA CHENILLE

FABLE


Dans un jardin couvert de fleurs,

Un papillon, brillant des plus riches couleurs,

Volait tout fier de sa jeunesse,

Tout fier aussi de sa richesse.

Il se croyait venu des cieux

Pour dominer en ces bas lieux;

On aurait dit que sa puissance

S'étendait avec majesté 

Depuis la pâquerette en son humble beauté, 

Jusqu'à la rose en sa magnificence. 

À droite, à gauche, il allait, il venait,

Tantôt donnait une caresse,

Et tantôt il se pavanait

Pour faire admirer sa noblesse.


Un jour, en parcourant

Son soi-disant empire.

(Je ne saurais vous dire

Dans quel endroit précisément)

Il aperçoit une chenille

Qui se traînait sur un buisson.

«Halte-là, misérable fille!

Ici que fais-tu donc?...

Lui dit-il avec arrogance,

Qui t'a permis d'entrer chez moi?...

C'est une impertinence

Dont les gens tels que toi

Sont seuls capables.

Qui pourrait vous souffrir?

Tous les tiens sont des misérables

Qui mériteraient de périr.

En vérité, l'Auteur de la nature

À bien mal rempli son devoir,

Quand il a fait par son pouvoir

Une aussi vile créature.

Ah! tu voudrais salir les fleurs

De mon jardin!...

Va-t-en traîner ailleurs

Ta hideuse personne.

Sors d'ici! Je l'ordonne...»

La voyageuse, en écoutant

Un discours aussi virulent.

Ne savait que se dire.

Aux premiers mots, elle se mit à rire.

En vérité, ce papillon,

Se disait-elle, est un gai compagnon,

Il a du goût pour la plaisanterie;

Apprenons-lui qu'on entend raillerie.

Bientôt le ton du superbe orateur

Lui fit connaître son erreur;

Mais, jugeant qu'il vaut mieux se taire

Que de répondre avec colère,

Elle attendit fort sagement

Que le premier moment

Fût passé; puis, levant la tête,

Et, sans battre en retraite.

Elle adressa paisiblement

À peu près le discours suivant.

«Par ton air et par ton langage,

Si tu t'es proposé

De jouer le grand personnage,

Crois-tu m'en avoir imposé?

Je connais ton histoire,

Je puis te remettre en mémoire

D'où tu sors, quels sont tes parents,

Et comment tes propres enfants,

Malgré tout l'éclat de leur père,

Auront à ramper sur la terre.

Dans le passé, dans l'avenir,

Tout devrait t'avertir

Que ta grandeur est passagère,

Que richesse et misère

Sont deux états bien rapprochés,

Ou plutôt deux métamorphoses

Ne changeant rien au fond des choses.

On sait que les plus haut perchés

Bientôt devront descendre,

Et que des petits viendront prendre,

À leur tour, la place des grands.

Ces fleurs, ces jardins et ces champs

Ne sont pas ta conquête,

C'est Dieu qui te les prête;

Il te les reprendra,

À quelqu'autre il les donnera.

Pourquoi donc blesser ton semblable

Par ton orgueil coupable?

Et pourquoi, dans ta vanité,

Manquer d'humanité?

Pense à ton origine,

C'est ta pauvre voisine

Qui te le dit.» — Elle avait bien raison;

Mais notre matamore

Mit-il à profit la leçon?

Demandez-lui; moi, je l'ignore.

Quant à nous, ne l'oublions pas:

Dans quelque état que soit l'homme ici-bas,

Qu'il soit papillon ou chenille,

Il est toujours de la même famille;

Sachons-le bien, et que l'humilité

S'unisse en nous avec la charité.

L. ROEHRICH, pasteur.



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