Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PRÉPARATION A LA SAINTE-CÉNE.

SERMON PRÊCHÉ À GENÈVE, EN DÉCEMBRE 1856,

Par M. Le pasteur OLTRAMARE.


«Que chacun s'éprouve soi-même.»



Mes bien-aimés Frères en Jésus-Christ notre Seigneur!

Une nouvelle communion s'apprête, et, dans trois jours, la sainte Table sera dressée dans nos temples. Cette communion est d'autant plus solennelle, qu'elle touche à un anniversaire singulièrement émouvant. Noël est le jour de grâce à jamais béni où le Fils de Dieu nous fut donné, et, d'un bout à l'autre du monde chrétien, s'élèvent avec une touchante unanimité des accents de reconnaissance. Vous prendrez part à cette joie, mes bien-aimés Frères, et vous viendrez renouveler l'alliance en renouvelant votre union avec le Seigneur.

Nous avons pensé répondre à votre attente en vous relisant le narré de la Cène, et en dirigeant votre attention, non pas sur l'institution en général, mais sur une recommandation particulière de saint Paul. Nous voulons parler des mots: «Que chacun donc s'éprouve soi-même,» mots qui renferment un avertissement apostolique sur la manière dont le chrétien doit venir a la communion, s'il a le sincère désir qu'elle soit digne, approuvée de Dieu et salutaire.


I. — Saint Paul ne veut pas que nous venions à la Sainte-Cène sans y avoir réfléchi auparavant, sans une préparation préliminaire, et il a raison.

On ne réussit guère à faire les choses sans réflexion, et l'on ne fait convenablement que celles auxquelles on a mûrement pensé. Ainsi le veut notre infirme nature. Au reste, nous le savons bien, et nous n'agissons pas autrement dans les choses qui nous tiennent au cœur. Pour peu que quelqu'une nous intéresse, nous recueillons nos pensées avant de la consommer; nous y songeons d'avance, et, si nos propres lumières ne nous paraissent pas suffisantes, nous nous éclairons des conseils d'autrui. Plus l'affaire est grave, plus nous sommes attentifs, prévoyants, précautionneux; nous pesons toutes les circonstances, et ne marchons à l'exécution que lorsque nous avons fait, humainement, tout ce qui dépend de nous pour en assurer le succès. Cela même nous paraît si naturel, que nous n'aurions pas bonne opinion de l'homme qui agirait différemment, et se comporterait avec légèreté ou insouciance dans les affaires importantes de sa vie. Nous ne pourrions nous empêcher de l'accuser de ses propres malheurs, en faisant retomber sur sa tête toute la responsabilité d'un revers. «On ne se joue pas, dirions-nous, des choses sérieuses; il fallait y regarder de plus près, et ne pas agir comme un fou ou comme un enfant.»

Mes Frères, serons-nous d'autre avis pour la communion, ou ne nous paraîtra-t-elle pas chose assez sérieuse pour réclamer toute notre attention?

La communion est un des actes les plus graves que nous puissions accomplir. En douteriez-vous? Elle se rapporte à ce que le chrétien a de plus précieux: le salut, — et elle touche à ce que le Christ a de plus vénérable: sa mort.

Là, sur une simple table, est le pain et le vin consacré. Ce sont les symboles du corps et du sang de Jésus; c'est le souvenir d'une mort douloureuse injustement ordonnée et angéliquement soufferte, le mémorial d'un grand crime de l'humanité et d'une réparation divine. Qui ne s'inclinerait déjà avec respect devant de pareils symboles? Une mort, — un crime, — une expiation! N'est-ce pas assez sérieux déjà?

Ce n'est pas tout. Vous franchissez l'espace qui vous sépare de cette table; vous approchez, vous regardez. Ce pain rompu retrace à vos yeux un corps rompu; ce vin répandu est l'image du sang découlant. Transportée par ces symboles, votre imagination remonte le cours des siècles; vous repassez par la voie douloureuse; vous voilà au Calvaire, en face du Crucifié! Votre esprit le voit, le contemple souffrant, brisé, sur une croix. Votre cœur vous redit ce cri déchirant: Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné? ou cette agonie finale: Tout est accompli.... Mon Père, je remets mon esprit entre tes mains! — N'est-ce pas sérieux, cela, sérieux jusqu'à effrayer?

Et quel est-il, cet être que vous contemplez là, en face de vous, et dont ces symboles vous peignent l'agonie? — C'est l'Agneau de Dieu, qui ôte les péchés du monde; c'est le Saint et le Juste qu'on immole; le Prince de la Vie qui meurt; le Fils de Dieu qui s'humilie, se dévoue, s'anéantit. C'est le Sauveur qui prend sur lui les tortures de la mort et porte nos péchés en son corps sur le bois, pour faire savourer à d'autres les joies de la vie et les délices du paradis. Son crime est d'avoir aimé ceux qui ne l'aimaient point, de les avoir aimés plus que le ciel où il était, plus que ces ravissements éternels qu'il goûtait, plus que lui-même. — N'est-ce pas sérieux, cela, sérieux jusqu'à attendrir le cœur le plus insensible, et à arracher des larmes aux yeux les plus desséchés?

Et qui êtes-vous, vous qui allez à cette table contempler ce drame affreux, vous qui saisissez ce pain et savourez le vin de cette coupe? Vous qui communiez, qui êtes-vous! — Des pécheurs, oui, tous des pécheurs, qui seriez condamnés de Dieu pour vos fautes si vous n'étiez sauvés par son amour; qui seriez l'objet des châtiments célestes, si Jésus ne vous eût réconciliés par son sang; des pécheurs dont tout le recours en grâce est là, dans cette mort et dans cette croix. Ah! je comprends que des chrétiens l'aiment, cette croix, qu'ils célèbrent avec délices le mémorial de tant d'amour, et que, émus, ébranlés par ces symboles, par ces souvenirs, ils accomplissent avec effusion de reconnaissance un acte où la froideur serait presque un crime, et où l'indifférence ne se conçoit pas. En vérité, il est peu d'actes plus sérieux dans notre vie. Nous n'en connaissons point où la légèreté puisse revêtir des caractères plus répréhensibles, plus condamnables.


II. — Ces considérations sur la nature même de la communion sont bien propres à nous faire sentir que l'état de notre âme et la disposition de notre cœur, loin d'être indifférents dans cet acte, en sont, au contraire, un des éléments essentiels. Ce ne serait pas seulement une haute inconvenance que d'y venir avec irréflexion et sans recueillement; ce serait s'exposer à cette menace: «Quiconque mange de ce pain et boit de cette coupe indignement, mange et boit sa condamnation.» Comme en toute chose sérieuse, il faut s'y être sérieusement préparé; si on ne le fait pas pour son salut et pour son Sauveur, pour qui et pour quoi le fera-t-on?

Il est vrai qu'une heure de méditation religieuse précède régulièrement chaque communion. Notre Église a voulu que le fidèle n'approchât de la table qu'après s'être recueilli dans la maison de Dieu.

Cette manière est excellente sans doute. Mais, borner là toute sa préparation, ce ne serait pas en faire une préparation sérieuse, ou, pour mieux dire, une préparation suffisante; car, cette dernière halte avant d'arriver à la sainte table ne saurait être, à notre avis, du moins, que la préparation finale de ceux qui déjà sont prêts.

Nous n'entendons cependant pas par là que toute communion célébrée sous l'influence unique de ces derniers moments ait été, par cela même, faite à la légère et compromettante pour le salut. Notre pensée ne va pas si loin. Nous savons trop avec quelle énergie la Parole de Dieu peut saisir et remuer salutairement le cœur de l'homme à certains moments, pour poser jamais une limite à sa puissance, et dire: Elle s'arrête là. Nous le bénissons bien plutôt de ce que son Saint-Esprit a maintes fois pénétré, réchauffé, vivifié les cœurs en cette heure solennelle, et les a pressés de venir chercher à la table du Seigneur leur pardon et leur grâce, alors même qu'ils étaient venus distraits ou préoccupés. Plus d'une fois, en temps ordinaires, un mot chrétien, une seule parole évangélique tombée sur un cœur agité, luttant, misérable, y a porté la paix et l'a enrichi pour l'éternité; pourquoi n'en serait-il pas de même dans ces saints jours? Les voies de Dieu sont si mystérieuses, que chacun sait, et sait seul, ce qui s'est passé au dedans de soi.

Mais ces bénédictions exceptionnelles ne doivent pas nous faire illusion sur ce qui se passe à l'ordinaire, et nous n'en persistons pas moins à dire que c'est là une préparation insuffisante, et que, en thèse générale, ce serait tenter Dieu que de lui demander de bénir des communions faites par manière d'acquit.

Afin de rompre cette uniformité de chaque jour, qui tendrait à endormir notre piété par cette uniformité même, et à affaiblir insensiblement notre vie religieuse en la maintenant continuellement au même niveau, l'Église a placé, à certaines époques déterminées, la célébration de la Cène. Elle a voulu que nos communions fussent comme des stations disposées de distance en distance sur le chemin de la vie, afin que le chrétien, en s'y reposant pour reprendre haleine, vît se dérouler sous ses yeux la route qu'il a parcourue et en reçût instruction. S'il s'arrête à chaque station, se recueille, et s'y livre, comme il le doit, à cette vue rétrospective, il apercevra bien vite s'il a erré dans la plaine, ou s'il s'est élevé de quelques degrés vers ce ciel qui est son lieu. Alors même que, comme le voyageur qui gravit la montagne, il voit toujours les cieux dominer infiniment au-dessus de sa tête, il s'assure néanmoins, par ce paysage qui fuit et s'étend derrière lui, qu'il a quitté les régions basses de la terre et leur atmosphère pesante, pour atteindre à ces hauteurs où l'on respire un air plus léger et plus pur. Mais, s'il passe sans s'arrêter ni se recueillir, s'il évite de regarder en arrière ou ne jette sur le passé qu'un coup d'œil distrait ou furtif, quel bien peut-il en attendre? Il marche à l'aventure, sans savoir où il va. À quoi lui serviront ses communions?

Les choses valent ce qu'elles nous coûtent, et ces communions qui ne coûtent rien ne sauraient non plus avoir grande valeur. Elles n'amènent aucune amélioration sensible, aucun progrès réel dans notre vie religieuse. Il faut des causes pour produire des effets, et une communion que rien ne précède ne peut être suivie de rien. Une émotion religieuse a son prix, sans doute, et il n'est pas donné à tous de l'éprouver; mais si notre communion n'est que cela (et, sans préparation, comment serait-elle autre chose?) elle est tout au plus une jouissance, elle ne sera jamais une puissance ni une force. Elle a manqué son but; elle est frappée de stérilité.

Qui n'en a fait la triste expérience? Combien de fois ne l'avons-nous pas éprouvé? Ouvrez le livre de vos souvenirs, mes frères; feuilletez les pages de ce registre qui s'inscrit jour par jour, devant Dieu, en caractères ineffaçables; cherchez quelles sont les communions qui ont été vraiment bénies, par l'essor qu'elles ont imprimé à votre vie religieuse, et vous verrez si ce ne sont pas celles qui ont été marquées par une sérieuse préparation. Tenez, lisez. Qu'est-il écrit a cette page? — «Aujourd'hui, j'ai communié. Il y a longtemps que je ne l'avais fait. Après bien des luttes intérieures, je me suis humilié devant Dieu, et suis venu implorer mon pardon à la table de mon Sauveur. Cette communion m'a ôté un poids de dessus le cœur; une nouvelle vie a commencé pour moi.»

Préparation par un sérieux repentir. — Lisez plus loin; qu'y trouvez-vous? — «Communion sérieuse! Dieu m'y avait appelé et préparé par la mort de ma mère.»

Préparation par le deuil. — Et là: «Bonne communion; j'y ai puisé de la consolation et du courage au milieu de mes revers.»

Préparation par le malheur. — Et ici, en remontant tout au haut, que lisez-vous? «Belle journée pour moi. Je me suis approché des symboles de la mort de mon Sauveur. Je me suis uni à lui. Il est à moi; puissé-je être à lui pour l'éternité!»

C'est la première communion, celle qu'on se rappelle toujours avec une suave émotion, comme un jour où le cœur n'était pas forcé, où les intentions étaient droites, les désirs sincères, l'avenir riant; celle qu'on regrette bien souvent comme on regrette un ciel pur; celle qui est presque toujours la meilleure, non seulement parce qu'elle a toute la fraîcheur d'une première impression, mais parce qu'elle a été sérieusement préparée par une année d'études religieuses, par des retours fréquents sur soi-même, par un changement intérieur et par une émouvante réception.

Cherchez maintenant ce qui est écrit aux communions sans préparation. Vous les trouverez consignées dans les plus tristes pages de votre vie, dans celles où sont relatés les temps que vous déplorez. Vous y lirez souvent ces mots: «Communion sans désir, consommée par habitude! Communion sans recueillement, faite par respect humain! Communion sans retour ni repentir, accomplie je ne sais pourquoi!» Jusqu'à ce qu'enfin vous arriviez au temps où on lit: «Point de communion!!» Quelle leçon! mes Frères.

L'expérience joint ici sa voix éloquente à celle de l'apôtre saint Paul, pour nous rappeler au sérieux des choses saintes, pour nous apprendre où il faut chercher les éléments d'une communion digne et salutaire. À nous d'y prendre garde, et de ne pas attendre du dernier moment, de ne pas faire dépendre des exhortations finales d'un prédicateur, les dispositions et les sentiments qui ne peuvent résulter que d'une préparation attentive et consciencieuse.


III. — Au reste, mes Frères, partout et toujours on a senti la nécessité d'une préparation sérieuse. Jamais les chrétiens pieux, à quelque Église ou à quelque congrégation qu'ils appartinssent, n'ont failli à cette pratique, et les Églises elles-mêmes se sont souvent efforcées de sauvegarder la dignité des communions par des institutions particulières.

Tous les fidèles n'y procèdent pas, il est vrai, de la même manière, et les Églises, surtout, se distinguent bien sensiblement par la largeur ou l'étroitesse des principes qui les dirigent à cet égard.

Pour nous, il nous suffit de consulter la Bible pour être suffisamment enseignés sur ce point, car saint Paul ne se borne pas à nous demander une préparation; il en signale parfaitement le mode et la nature en se résumant dans ces mots: «Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe.»

«Que chacun s'éprouve soi-même.» Telle est l'instruction en même temps que l'ordonnance apostolique.

Vous remarquerez que saint Paul remet purement et simplement cette préparation à la conscience de chaque chrétien. Elle est, à ses yeux, quelque chose d'essentiellement individuel, l'affaire d'un chacun. Elle appartient à son for intérieur, et c'est lui-même qui est tenu de l'accomplir. Saint Paul ne dit pas: «Que chacun se fasse éprouver par un frère, par un pasteur ou par un prêtre; qu'il se soumette à leur jugement, et mange de ce pain et boive de cette coupe;» il dit, au contraire: «Que chacun s'éprouve soi-même;» oui, vous l'entendez, «soi-même.» Il en fait le droit du fidèle, parce que c'est à lui qu'il en impose le devoir, et il lui donne ce droit sans restriction ni réserve, afin qu'il porte toute la responsabilité de sa communion.

L'indépendance du chrétien, en cette matière, est donc pleine, entière et sans limites. Personne, quelque nom qu'il porte, n'a le droit de s'immiscer dans cette épreuve qui ressortit au fidèle et se passe tout entière dans le domaine de sa conscience, où lui seul, avec Dieu, a le droit de descendre. Le rôle de l'Église est ainsi parfaitement tracé par l'Apôtre. Elle doit s'abstenir. Elle peut offrir au chrétien son concours, en lui présentant des facilités et des ressources pour l'aider dans l'accomplissement de son devoir; mais elle n'a rien à lui imposer. Le for intérieur est un sanctuaire où elle n'a pas le droit de pénétrer. Les abords de la table sainte doivent être libres.

Notre Église se montre fidèle à cette prescription en laissant au chrétien sa liberté tout entière. Elle l'excite à son devoir par de pressantes sollicitations; elle l'y dirige par ses conseils; mais elle s'arrête là. Elle respecte la volonté de Dieu en ne portant pas la main plus loin, en ne soumettant pas le communiant à l'obligation d'un jugement fraternel, comme cela se fait dans quelques congrégations, ou à une confession à l'oreille du prêtre, comme cela a lieu dans l'Église de Rome. Elle obéit à la parole de l'Apôtre, et elle fait bien.

On ne gagne rien à outrepasser la volonté de Dieu, et à se croire plus sage que Lui. Il nous serait facile de le prouver, non seulement en vous montrant l'inanité de ces mesures pour empêcher les communions indignes, mais en vous révélant les dangers qu'elles ont pour la conscience, et les tristes résultats auxquels elles ont toujours conduit.

Mais nous avons mieux à faire, en ce moment, que d'entrer dans ces considérations. Il suffit, pour notre but, de vous avoir fait sentir que cette préparation est le devoir de chacun, qu'elle ne peut être faite que par lui, et que si, entre la table sainte et nous, l'Église n'a rien qui puisse restreindre notre liberté ou l'amoindrir, c'est qu'elle a obéi à un ordre suprême, et qu'elle fait peser ainsi sur notre tête toute la responsabilité de notre communion.


IV. — Parlons maintenant de la nature même de cette préparation. En quoi consiste-t-elle? Comment doit-elle se pratiquer?

Saint Paul l'indique d'un mot: «Que chacun s'éprouve soi-même.»

Résumer sous notre regard les actes dont nous avons rempli — non pas notre journée — mais toute cette partie de notre vie que renferme l'intervalle de deux communions; puis, quitter cette surface plus ou moins trompeuse, pour descendre en nous-mêmes, dérouler les replis de notre cœur, et reconnaître les sentiments qui l'animent ou les dispositions qui le remplissent; porter la lumière dans ces profondeurs impénétrables où se cachent les ressorts secrets et les vrais mobiles qui nous font agir, afin de les juger devant Dieu comme Dieu les juge, de les appeler comme Dieu les appelle, de les condamner comme Dieu les condamne, — telle est l'épreuve que saint Paul réclame comme la vraie préparation.

Au fait, c'est un examen de soi-même, particulièrement de l'état de son cœur, et un examen consciencieux et sévère. Il faut se voir avec sa vraie figure, non plus tel qu'on paraît aux yeux du monde, paré d'une auréole d'estime et de considération, mais tel qu'on est, tel qu'on paraît devant Dieu, a qui rien n'est caché, et devant l'œil duquel tout est nu et entièrement à découvert. Il faut savoir si on a été fidèle ou si on ne l'a pas été; si nos sentiments de foi sont des réalités ou des paroles; si nous croyons comme les démons qui tremblent, ou comme les enfants de Dieu qui aiment et obéissent; si nous appartenons à Jésus par notre vie, par un amour filial, par nos sacrifices, ou, à défaut de ces choses, par nos repentirs et nos regrets.

C'est bien difficile, direz-vous. — Je le sais; nous aimons trop à nous faire illusion. C'est rude et pénible! — J'en conviens; notre cœur est si profondément égoïste et travaillé par le péché. C'est humiliant! — Certainement ; mais c'est pour cela même que Dieu nous le demande. Il résiste à l’orgueilleux. Sa force n'est que pour les faibles, son pardon pour ceux qui s'avouent pécheurs, son salut pour ceux qui se condamnent, et la communion de Jésus pour ceux qui se sentent perdus sans Lui. Il faut être humble pour être à Lui.

Avons-nous besoin d'ajouter que, sans le secours de Dieu, nous ne parviendrions pas à faire un tel examen, peut-être même ne l'entreprendrions-nous jamais? Mais Dieu nous aide. Quand nous chancelons, il nous soutient; quand nous hésitons, il nous affermit. Il nous fait sentir en tout ceci qu'il est notre Père, non pas notre juge, mais un Père qui veut notre bien, notre sanctification et nos vrais progrès. Il nous donne confiance par l'attrait du pardon qui doit couronner cette épreuve, et le sentiment de la paix que l'union avec Jésus doit répandre dans notre cœur. Si nous semons avec larmes, nous moissonnerons avec chants de triomphe.


V. — Permettez-nous donc de vous le dire voici comment nous nous sommes toujours représenté le chrétien sérieux dans cette préparation.

Pénétré de l'importance de cette pratique, il a mis en réserve une heure. Le moment venu, il se retire à l'écart, se recueille en silence, et implore l'assistance de Celui avec qui il va s'entretenir seul à seul. «Mon Père, dit-il, toi qui connais les plus secrets replis de mon cœur mieux que je ne les connais moi-même, fortifie-moi pour y descendre avec toi. Ouvre mes yeux pour qu'ils voient, touche mon cœur pour qu'il soit sensible, et donne à mon esprit la connaissance de ses transgressions, même les plus cachées, afin que je m’humilie sincèrement, et que les résolutions que je prendrai en ta présence partent d'un cœur converti.»

Cette assistance ainsi réclamée, il se met à l'œuvre, à l'œuvre rude et pénible, nous voulons dire à celle des aveux.

Qui n'en a à faire? Qui n'a ses faiblesses et ses défauts saillants? Qui n'a présentes à sa mémoire bien des transgressions? Il commence par là. Il part de ce qu'il connaît, et s'en accuse avec confusion devant Dieu. Il constate si la communion précédente l'a rendu meilleur, plus attentif, et a porté quelque fruit. Il s'humilie toujours de ce qu'elle en a porté si peu.

De là, il passe aux défauts qui affectent d'ordinaire les personnes de son âge, de son sexe et de sa condition. Est-il père? Il se demande s'il a eu soin d'enseigner à ses enfants les paroles de l'Éternel; s'il les a élevés en les avertissant selon le Seigneur, ne les irritant point de peur qu'ils ne perdent courage. Est-il fils? Il s'interroge pour savoir s'il a honoré son père et sa mère, s'il a reçu leurs répréhensions avec déférence, s'il leur a obéi selon le Seigneur. Est-il maître? Il considère s'il a rendu à ses serviteurs ce que demandent la justice et l'équité. Est-il serviteur? Il voit s'il s'est efforcé de complaire à ses maîtres, et n'a rien détourné de ce qui leur appartient, se montrant fidèle en toutes choses.

Si c'est un jeune homme, il se dira: Ai-je eu horreur de toute souillure de la chair et de l'esprit? Me suis-je abstenu des mauvaises compagnies, des mauvaises lectures, des convoitises charnelles, en vivant dans la pureté?

Si c'est une jeune fille, elle se demande si elle a vécu dans la modestie, si elle a déféré aux avis de sa mère, ne lui cachant rien de ce qui se passe en son cœur.

Si c'est un vieillard, il se demandera s'il se trouve prêt, sachant que le Fils de l'homme vient à l'heure où on l'attend le moins.

Si c'est un homme d'âge, il s'interroge sur les principes qui dirigent ses occupations et ses travaux, si c'est l'Éternel qui bâtit sa maison, et s'il a devant les yeux, avant tout, le royaume de Dieu et sa justice. Est-il dans l'aisance? Il ajoute: Ai-je été prompt à faire part de mes biens? Quelle dîme ai-je consacrée aux pauvres, puisque Dieu prend plaisir à de tels sacrifices? Est-il dans la pauvreté? Il se dira: Vais-je porter envie à personne? Ai-je été patient dans l'affliction, persévérant dans le travail, regardant à Jésus, au chef et au consommateur de ma foi?

Cela fait, il dirige son attention du côté des habitudes religieuses. La lecture de la Bible, la prière, la fréquentation du culte, le repos du dimanche, sont l'objet de son examen. Il s'interroge, enfin, sur ses rapports avec ses frères. N'ai-je point regardé la paille qui est dans l'œil de mon prochain? — Ai-je eu en abomination le mensonge? — N'ai-je méprisé aucun de mes frères? — N'ai-je point été prompt à m'emporter? — N'ai-je point rendu le mal pour le mal? — N'ai-je point cherché mon profit au détriment de mon frère?

C'est dans ces questions, mes frères, que le cœur se gonfle. On se surprend bien différent de ce qu'on se croit. Quand on se voit en gros, on s'ignore; ce sont les détails qui nous instruisent. Plus l'examen est étendu, plus on connaît l'étendue de ses transgressions, car il est rare qu'on n'ait pas des reproches à se faire, même dans les devoirs qu'on accomplit, et combien on en néglige! Combien où l'on est habituellement et ouvertement infidèle? Nos transgressions s'accumulent devant nous aussi nombreuses que les grains de sable de la mer, ou que les étoiles des cieux, et souvent le cœur nous fait défaut pour continuer. On sent le besoin de s'arrêter en s'écriant: «Seigneur! aie pitié de moi, qui suis un pécheur! 0 voile, voile le reste de devant ta face! Épargne-moi d'autres aveux, change mon cœur, purifie ma vie, et agrée les larmes de ma pénitence!»

Enfin, il termine par des résolutions fermes qu'il demande à Dieu de bénir, et il marche immédiatement à l'exécution. A-t-il des haines dans le cœur?... Il les dépose, et va se réconcilier avec sa partie adverse. Est-il souillé par des liaisons criminelles?... Il prend la plume et notifie sa rupture. Est-il enfant ingrat et indocile?... Il rentre dans le devoir. Est-ce un Zachée prévaricateur?... Il répare le tort qu'il a fait. Est-ce un profanateur des sabbats?... Il cesse son travail. Il s'est éprouvé lui-même, et c'est ainsi qu'il mange de ce pain et boit de cette coupe, assuré que cette communion sera bénie, qu'elle portera dans sa vie des fruits de sanctification, et, dans son cœur, de la paix, une ineffable paix.


VI. — Si tant de communions sont stériles et ne vivifient plus nos sentiments religieux; si la sève de la piété, comme congelée au dedans de nous, ne circule plus aux rayons de la grâce qui s'échappent de la croix; si les cérémonies les plus émouvantes de la foi n'ont plus d'efficace sur notre cœur, qui en accuserons-nous? — N'est-ce pas nous qui, au lieu de nous appliquer au devoir sérieux de la pénitence et de sonder nos plaies, ne voulons considérer que ce qui peut être loué en nous, et annulons, par les dispositions de notre cœur, les promesses de la grâce de Dieu? Nous fuyons, dans la piété, ce qui est salutaire, parce que cela coûte les réformes et les sacrifices, pour ne lui demander que des jouissances, du repos ou de douces émotions. Notre foi appauvrie, efféminée, transforme en cérémonies, décentes peut-être, mais vaines, les sources mêmes de la vie et de la foi.

Préoccupons-nous donc de Dieu, mes Frères, et pas tant du monde. Considérons que le salut de notre âme est assez sérieux pour être traité sérieusement. Pensons que, lorsque Dieu nous appelle à la table de son Fils, c'est un temps béni, et que le jour peut venir où il ne nous appellera plus.

Souvent, en présence d'une communion nouvelle, je me suis dit: C'est peut-être la dernière que Dieu t'accorde, — et cette pensée a toujours eu sur moi une heureuse influence. Ah! si l'on vous disait: «C'est la dernière!» — quelle révolution se passerait en vous! Qui voudrait y manquer? Qui ne fouillerait, avec une émotion profonde, au fond de son cœur, pour déposer au pied de la croix le lourd fardeau de ses transgressions? Qui n'estimerait comme une grande grâce cette dernière invitation à célébrer la mort de son Sauveur, pour entendre ces consolantes paroles: Tes péchés te sont pardonnés? Qui ne voudrait, avant d'être enveloppé des ténèbres de la mort, saisir la main de Celui qui illumine le chemin de l'Éternité, et se sentir uni à jamais à Celui qui a dit: Parce que je vis, vous vivrez.

Eh bien! sachez-le donc. Pour plusieurs de nous, cette communion est la dernière. Ce n'est pas seulement vraisemblable: c'est certain, oui, certain. Pour qui le sera-t-elle? — Je ne sais. Puisse chacun de vous se dire: «C'est pour moi!...» et se préparer sérieusement. Dans trois jours, la table se dresse, le Sauveur vous y attend, et vous saurez, alors, ce que c'est qu'une communion bénie. Amen!