Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE MOUVEMENT RELIGIEUX

Appel à la conscience de chacun.


Instruis le sage, et il deviendra encore plus sage. (Prov. XX, 9.)

On parle beaucoup de mouvement religieux, de réveil dans nos églises. Une aurore nouvelle s'est levée, et nous sommes en marche dans un progrès réjouissant et béni.

Tel est, du moins, le sentiment de beaucoup de personnes; et ces personnes, presque toutes, pensent n'être pas étrangères à ce mouvement, à ce réveil. Quiconque parle de progrès, se compte naturellement au nombre de ceux qui avancent ou qui ont avancé.

En êtes-vous, lecteur? — Si vous le pensez, si, prenant plaisir à certaines lectures, à certaines œuvres chrétiennes; si, plus occupé qu'autrefois à l'extension du règne de Dieu, vous vous considérez, avec d'autres, comme le levain qui doit faire fermenter toute la pâte, c'est à vous précisément que ces lignes sont adressées, car je voudrais vous fournir l'occasion de faire sur vous-même un retour des plus sérieux que vous ayez jamais faits.

Est-il vrai qu'il y ait mouvement religieux, — je ne dis pas dans le monde, car c'est incontestable, — mais en vous?

Je l'espère; mais c'est là ce qu'il vous faut examiner de fort près. Si vous vous refusiez à le faire, seul avec Dieu et ces quelques pages, ce serait bien mauvais signe! — Vous y consentez donc, n'est-ce pas? Eh bien! recueillons-nous, et faisons la chose avec cette impartialité chrétienne devant laquelle la réalité seule peut subsister.

D'abord, songez à vous, à vous seul. Écartez de votre pensée les vues d'ensemble, et considérez votre âme isolée. Supprimez de la question tout ce qui, dans cette âme, n'est qu'un écho fugitif du bruit extérieur, je veux dire l'espèce de surexcitation causée par les nouvelles religieuses, les communications avec des frères, les assemblées, l'activité chrétienne. Laissez tout cela; allez plus au fond, tout au fond; pénétrez jusqu'aux moelles, jusqu'à votre conscience individuelle, et interpellez-la directement.

Conscience chrétienne, écoute et instruis-moi! Le mouvement religieux dont je me flatte est-il en moi une réalité? Suis-je, devant Dieu, différent de ce que j'étais il y a dix ans? Quelque chose a-t-il marché dans mes convictions et mes sentiments habituels?

À première vue, peut-être répondrez-vous un oui bien sincère. — Mais encore, sous quel rapport êtes-vous différent de ce que Vous étiez? Qu'est-ce qui a changé, vos idées, ou votre cœur?

Conscience chrétienne! tu comprends que c'est peu de chose qu'un progrès dans la croyance, fût-ce un vrai progrès, si le cœur est resté stationnaire. Pauvre mouvement religieux que celui qui se réduirait à savoir mieux ce qui est! La connaissance est beaucoup, sans doute; la vérité est importante, l'erreur est un mal; nous sommes sanctifiés par la vérité. L'indifférence dogmatique est une chose déplorable; on ne doit jamais dire qu'il importe peu de croire ceci, ou cela, pourvu qu'on ait la foi. Mais cependant, la connaissance est peu de chose en comparaison des sentiments. Consultez saint Paul; il vous dira: «Quand j'aurais la connaissance de tous les mystères et la science de toutes choses, quand j'aurais toute la foi, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien.» Consultez Philippe; avant de vous admettre dans l'Église, il vous dira: «Si tu crois de tout ton cœur.» Consultez Dieu! Il ne dit point: «Sois un savant théologien,», mais: «Donne-moi ton cœur!»

Vous voici donc au vif de la question. La valeur du mouvement religieux va être décidée: vos sentiments ont-ils changé?

Conscience chrétienne! Tu sais qu'il ne s'agit pas de savoir si le cœur est devenu un peu plus impressionnable, plus accessible aux émotions religieuses, si les yeux se mouillent plus souvent dans les assemblées chrétiennes. C'est quelque chose de plus sérieux et de plus profond qu'il faut pouvoir constater.

Êtes-vous devenu plus pieux au fond? — Prenons cela en détail, s'il vous plaît.

Pour votre Dieu, qu'éprouvez-vous de plus qu'autrefois? De la reconnaissance, de l'admiration, de l'amour, non en paroles, mais en sincérité?

Serait-ce vrai? — Ainsi, tous les jours, quand vous pouvez dérober au monde une minute, vous en profitez avec bonheur pour vous entretenir avec Celui que vous aimez, et, à chaque bienfait. qu'il vous envoie, votre cœur bondit de gratitude? Si, aujourd'hui, on vous disait: Voici la mort, il faut partir d'ici-bas, — vous vous réjouiriez d'aller enfin rejoindre et contempler face à face Celui que vous aimez sans l'avoir vu? — Conscience chrétienne! est-ce bien exactement ainsi?

Pour Jésus, que ressentez-vous? Pareillement: de la reconnaissance, de l'amour?

En toute vérité, vous êtes donc son ami? Vous le préférez à tout autre? S'il s'agissait de suivre plutôt un homme, ou un système humain, ou des intérêts humains, vous seriez, comme Pierre, effrayé, indigné, et vous vous presseriez vers Jésus en lui disant: «A qui irais-je, Seigneur?» Ainsi, encore, vous aimez à entendre parler de lui, vous êtes réjoui de l'entendre glorifier, quelle que soit la bouche qui l'annonce, quelle que soit la faiblesse du prédicateur qui le glorifie? — Bien, très bien! Il y a donc progrès. Autrefois, votre cœur était partagé; bien des choses vous étaient plus chères que Jésus, bien des autorités vous étaient plus respectables que la sienne, et vous éprouviez un médiocre intérêt à entendre parler de lui, à moins que ce ne fût par des hommes de talent et de grande réputation.

Et pour vos frères, quels sont vos sentiments? Indulgence, confiance, douceur?

Ainsi donc, vous avez récemment crucifié en vous et décidément tué ce vieil homme, qui pose en axiome le «chacun pour soi» qui, en toute chose, commence par tirer soigneusement son propre avantage, laissant ses frères trouver le leur comme ils peuvent? Vous en avez fini avec celui-là? Vous avez perdu l'habitude des contestations et des brouilleries, et il ne vous arrive plus de détourner les yeux avec froideur à la rencontre de quelqu'un qui vous déplaît, ne tient pas votre parti, ou vous a offensé? Vous pardonnez plus souvent qu'autrefois, et plus réellement? Vous avez cessé de juger témérairement, et, quand vous blâmez, c'est par nécessité, avec regret et vraie douleur, non avec une secrète satisfaction? Vous ne pouvez plus vous décider à faire à quelqu'un ce qui vous blesserait profondément, si on vous le faisait? Votre cœur s'est élargi, et vous avez résolu de n'en exclure personne? Tout cela est-il vraiment exact?

Enfin, pour vous-même, que ressentez-vous? Autrefois, vous étiez assez habitué à vous admirer; un instinct naturel vous mettait en première ligne dans votre estime. Votre avis était toujours le meilleur, vos vues les plus justes, votre manière d'agir la plus convenable et la plus chrétienne. Autrefois, vous n'aviez «rien à vous reprocher.» — Aujourd'hui, qu'en est-il?

Vous répondez que vous avez reconnu vos péchés et votre misère. — Est-ce vrai? — Conscience chrétienne! sois éveillée, sois plus que jamais difficile. — Est-ce vrai?

Examinez-vous dans la pratique; c'est la vie ordinaire, la petite vie de tous les jours, qui est l'épreuve exacte de nos vrais sentiments. Dans la commune et pratique réalité, êtes-vous donc moins admirateur de vous-même qu'autrefois? Quand vous êtes laissé de côté, quand votre opinion ne prévaut pas et que votre volonté ne s'exécute pas, en souffrez-vous moins qu'autrefois? Trouvez-vous naturel et juste qu'un pécheur, comme vous déclarez l'être, soit compté pour peu de chose parmi les hommes? Quand s'élève un différend entre vous et quelqu'un, qui accusez-vous en première ligne? Et les conseils, et les reproches, comment les recevez-vous? Vous savez que, dans le monde, rien n'est plus mal reçu qu'un conseil, tellement qu'on n'ose presque plus en donner, et que les sages s'en abstiennent. — Ose-t-on vous en donner, à vous? Les entendez-vous humblement, les acceptez-vous? N'êtes-vous plus du monde sous ce rapport? Votre cœur ne se cabre-t-il plus quand on vous blâme? À la lecture de ces lignes mêmes, si vous vous sentez atteint par quelque reproche direct, êtes-vous offensé? Repoussez-vous ces observations en considérant le peu d'autorité de celui qui vous les adresse, ou les acceptez-vous au nom de Christ, prêts à reconnaître votre misère sur ces points en particulier? En lisant ces détails, en faites-vous aussitôt la maligne application à votre voisin, ou les saisissez-vous personnellement et vous frappez-vous la poitrine en disant: «0 Dieu, prends pitié de moi qui suis un pécheur!» Je croyais «être riche et n'avoir besoin de rien,» et maintenant je me vois réellement «pauvre, misérable, aveugle et nu. »

Conscience chrétienne! fais ton devoir sans faiblesse! Sonde ce cœur! Découvre tout au jour, et parle!

Et vous, lecteur, mon frère, écoutez cette conscience. Sa voix n'est pas bruyante; elle est calme et grave comme «le son doux et subtil» qu'entendit le prophète quand l'Éternel passait! Elle ne vous forcera pas à l'écouter; elle va se taire si vous ne prêtez pas l'oreille, et une fois de plus vous aurez «contristé l'Esprit de Dieu.» Ah! de grâce, n'évitez pas sa rencontre, et ne vous roidissez pas contre ses avis!

Si elle vous dit que vous avez seulement changé de vues, et plutôt par entraînement que volontairement, si elle vous suggère que votre piété plus grande vous a rendu plus méticuleux et plus sévère dans vos jugements sur la piété d'autrui, plus difficile à contenter en fait d'édification, et que ce n'est point là un progrès en Christ; si elle vous fait observer qu'au fond votre âme n'est pas plus frappée qu'auparavant des réalités invisibles, que votre foi n'est pas plus puissante, n'éteint pas plus de colères dans votre cœur, et n'arrête pas plus souvent votre langue ou votre main prêtes à pécher; si elle vous fait toucher au doigt la tiédeur persistante de vos sentiments pour Dieu et pour Jésus; si elle proteste que votre charité est restée au même point, qu'elle soupçonne le mal, espère peu, excuse peu, supporte peu, que vraiment vous n'avez cessé de vous estimer plus que les autres, et de vous considérer avec une certaine satisfaction propre — Si elle vous dit quelques-unes de ces graves choses, et si bas qu'elle vous les insinue, mon frère, au nom de Jésus, ne niez pas, ne contestez pas! Convenez que le mouvement religieux n'a pas remué les bas fonds de votre cœur, que ç'a été une excitation toute à la surface, et que vraiment le progrès que Jésus veut et approuve est encore à venir pour vous.

Ne vous laissez cependant pas décourager par ces affirmations de votre conscience, qui vient de parler en vous plus franchement que vous n'auriez voulu peut-être. Si elle vous arrache une illusion dans laquelle vous vous complaisiez, si elle vous prouve que vous n'avez pas fait autant de chemin que vous aimiez à le penser, ce n'est pas à dire que vous ne puissiez et ne deviez vous mettre en route et parvenir au but. Priez d'abord, puis levez-vous et marchez! C'est votre Sauveur qui vous le dit. Marchez !.... sur ses traces, et sur celles de nul autre. Courez!.... non à l'aventure, mais en suivant le bon Berger.

Avancez, faites des progrès non selon votre propre sens, non selon les hommes, mais «selon Christ.» Voilà le vrai mouvement religieux.

Je vous laisse à vos réflexions, mon frère. J'ai osé être sévère au nom de Christ et pour sa gloire. J'ai osé l'être à votre égard, lecteur des Étrennes religieuses, car j'ai meilleure opinion de vous qu'il ne le semble. En dépit de mes observations, je pense que vous êtes capable de mettre à profit cet avertissement sérieusement fraternel. Je crois que vous êtes de ceux qui ont assez avancé, au moins, pour comprendre combien il faut avancer encore. J'ai été encouragé par ce mot des Proverbes: Instruis le sage, et il deviendra encore plus sage.

Si donc je ne me suis pas trompé en attendant trop de votre piété, si le terrain où Dieu sème à cette heure n'est pas durci, ou obstrué de pierres ou d'épines, vous prendrez sérieusement cet appel; vous ne vous hâterez pas d'en écarter l'impression, ni de l'appliquer à d'autres qu'à vous-même; vous en tirerez de fermes et personnelles conclusions pour le présent et pour l'avenir.

Ainsi, il y aura mouvement religieux dans votre âme d'abord, et celui qui se manifeste dans l'Église n'en sera que plus réel, et plus digne de ce nom.

E. VAUCHER, pasteur à Génes.


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