Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES VENTS ALIZÉS


À l'époque de la renaissance des sciences dans l'Europe occidentale, un roi, que ses travaux ont rendu illustre dans l'histoire de l'astronomie, disait: «Si Dieu m'avait appelé dans son conseil, lorsqu'il créa le monde, les choses auraient été mieux ordonnées!» On peut croire que cette exclamation d'Alphonse de Castille est moins un cri d'impiété qu'une protestation contre les hypothèses compliquées que l'esprit de système avait introduites dans la science. Mais si l'on doit la considérer comme l'expression candide et naïve de l'orgueil scientifique aveuglé, on peut aujourd'hui, mieux qu'à aucune autre époque, mesurer toute la profondeur de l'ignorance qui l'a dictée, et affirmer, sans crainte, que l'histoire de la science n'aura plus à enregistrer de telles aberrations.

À mesure, en effet, que les sciences d'observation se perfectionnent et que l'homme parvient à soulever le voile qui, dans les phénomènes dont il est le témoin, lui cache le but du Créateur et les moyens qu'il emploie pour l'atteindre, à mesure aussi se révèle à lui une intelligence supérieure qui commande un saint respect, et il se voit forcé de reconnaître, avec une conviction toujours plus puissante, la profonde vérité de cette déclaration de l'Apôtre: Les perfections infinies de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient, comme à l'œil, depuis la création du monde, quand on considère ses ouvrages.

Toutes les sciences qui se proposent pour but l'étude du monde physique, de la création matérielle, peuvent également conduire à ce résultat. Dans l'étude des faits généraux qui font impression par leur ensemble et leur grandeur, on est frappé de la simplicité des causes et de l'harmonie des effets nombreux et variés qu'elles produisent. Dans l'étude de ceux qui semblent moins importants, la sagesse, la bonté et la puissance du Créateur, se manifestent encore jusque dans les plus petits détails; tel fait spécial, tel phénomène passager ou capricieux qui peut d'abord paraître stérile à cet égard, fournit au contraire un contingent de conviction d'autant plus précieux, peut-être, qu'il est plus inattendu.

Malgré la sécheresse qui peut s'attacher à un exposé didactique, le but religieux de ce recueil ne nous paraît pas exclure l'examen de quelque point de la science, et nous essaierons, en conséquence, de présenter aujourd'hui, en regard des réflexions qui précèdent, quelques considérations sur les mouvements généraux de l'atmosphère, qui produisent, à la surface de la terre, les vents constants connus sous le nom de Vents Alizés.

Les différentes parties de la surface de la terre présentent des différences extrêmes, à l'égard des vents régnants, et, si l'on embrasse d'un coup d'œil la surface entière du globe, on peut y distinguer, à l'égard du régime qu'y présentent les mouvements de l'atmosphère, plusieurs régions ou plusieurs zones très nettement caractérisées. Cette distinction est surtout évidente sur les grands océans, parce que la mer, par la constance relative de sa température et par la régularité de sa surface, laisse aux vents toute leur liberté, sans leur opposer les obstacles qu'ils rencontrent sur les continents, dans le relief et dans la température capricieusement variable du sol.

Or, en considérant la surface de la terre dans son ensemble, on observe, en premier lieu, aux environs de l'équateur et tout autour du globe, une zone large en moyenne de 80 à 100 lieues, dans laquelle règne toute l'année un calme presque absolu, une absence à peu près complète de vents, qui lui a mérité le nom de Région des calmes de l'Équateur. Les navires à voiles qui ont à franchir cette ceinture y sont quelquefois retenus des semaines entières, dans une complète immobilité, et, en raison de la température qui y règne et des circonstances atmosphériques qu'ils y rencontrent souvent, les marins redoutent ce passage plus encore que la tempête. (Un commodore américain, Arthur Sinclair, retenu durant douze jours dans ces calmes, à l'un de ses voyages, dit dans son journal: «Il est impossible, à moins de les avoir ressentis soi-même, de se faire une idée exacte des effets accablants qu'on y éprouve. On ressent, dans une mesure extrême, une lassitude que ne peuvent amoindrir les bains de mer, partout ailleurs si vivifiants. Excepté dans l'attente d'un naufrage imminent, je n'ai jamais, dans ma carrière de marin, souffert une angoisse pareille à celle que m'a fait éprouver, durant douze jours, la traversée des calmes de ces latitudes.»)

Au nord de cette région calme, on trouve une zone, large de 700 lieues environ, dans laquelle règne, durant toute l'année, un vent d'une extrême constance, soit dans sa direction qui est nord-est, soit dans sa vitesse qui est d'un peu plus de deux mètres par seconde; cette zone se nomme Région du vent alizé nord-est. En s'éloignant toujours davantage de l'équateur, on rencontre au-delà, c'est-à-dire vers le 30e degré de latitude nord, une nouvelle zone entourant aussi le globe entier, et dans laquelle règnent, durant toute l'année, des calmes comme sous l'équateur. Cette zone, que l'on nomme Région des calmes du Cancer (du nom du tropique qui l'avoisine), est un peu, mais très peu moins large que celle de l'équateur. Enfin, depuis le 53e degré de latitude nord, jusqu'aux latitudes les plus élevées auxquelles on soit parvenu, on observe des vents variables soufflant tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, mais avec une prédominance très évidente et incontestable des vents du sud-ouest.

Au sud de l'équateur, des faits analogues se reproduisent, mais d'une manière symétriquement inverse. Dans la région des vents constants, l'alizé est un vent sud-est, et, au-delà de la Région des calmes du Capricorne, on observe, jusqu'aux plus hautes latitudes australes, des vents variables parmi lesquels prédomine incontestablement le nord-ouest.

La régularité persistante de ces faits, qui est presque absolue dans les grands océans, dans l'Atlantique comme dans le Pacifique, est altérée dans le voisinage des terres et quelquefois complètement dénaturée, même dans de grandes mers ouvertes, lorsqu'elles sont en quelque mesure entourées, quoique à de grandes distances, par des continents ou des îles, comme cela a lieu, par exemple, dans l'Océan Indien ou dans le golfe de Guinée. Nous ferons ici abstraction de ces déviations anormales, pour ne considérer que la partie régulière du phénomène. Nous ajouterons seulement que les différentes zones, celle de l'alizé nord-est et celle de l'alizé sud-est, ainsi que les bandes calmes qui les limitent, sont toutes assujetties à un léger déplacement, dont la période est d'une année. Depuis le mois de mars au mois de septembre, elles s'avancent vers le nord en conservant à peu près leur parallélisme et leur étendue relative; depuis le mois de septembre au mois de mars, elles retournent vers le sud, oscillant ainsi, pendant la durée de l'année, autour de la position moyenne que nous avons indiquée plus haut.

La cosmographie et la physique générale se sont efforcées de trouver une cause capable d'expliquer, dans son ensemble et dans ses détails, cette constitution de notre atmosphère, si éminemment propre à lui imposer le rôle multiple et important qui lui est destiné dans les plans de la création. Le fait le plus saillant de cette constitution est l'existence des vents alizés, au nord et au sud de la ceinture des calmes de l'équateur.

Dès la fin du XVIIe siècle, Halley, contemporain et ami de Newton, que de fréquents voyages scientifiques sur mer avaient rendu témoin de ces faits intéressants, en donna une explication qui a été acceptée par la science, et à laquelle on a peu ajouté jusqu'à présent. La théorie de Halley est exposée dans un mémoire imprimé dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres, en août 1686. (An Historical Account of the Trade Winds and Monsoons observable in the Seas between and near the Tropicks, with an attempt to assign the Physical Cause of the said Winds, by E. Halley. Philosophical Transactions, t. XVI, n° 183.). Comme les lois, sur lesquelles s'appuie cette explication, sont les plus élémentaires de la physique et sont assez évidentes pour frapper les personnes les moins attentives et les moins observatrices, nous essaierons d'en reproduire une esquisse.

La région de la terre comprise dans le voisinage de l'équateur, reçoit, durant toute l'année, les rayons verticaux ou presque verticaux du soleil, et la surface, terre ou mer, y est constamment à une température très élevée. La température moyenne de la mer y est de 28 degrés centigrades, et elle reste à peu près invariable durant toute l'année. On connaît, en effet, cette propriété de l'eau, en vertu de laquelle il lui faut perdre ou acquérir une dose de chaleur beaucoup plus considérable que les autres corps, pour modifier sa température. La partie de l'atmosphère qui s'appuie sur cette zone participe, par contact et aussi par l'action directe du soleil, à cette température élevée. Or, tout le monde sait que l'air échauffé se dilate et tend à s'élever par sa légèreté spécifique. Les particules d'air, en contact avec la mer, tendent donc à s'élever pour former, dans la zone la plus chaude du globe, un vent vertical dirigé de bas en haut. La place abandonnée par les particules qui s'échappent ainsi verticalement, est immédiatement occupée par les parties voisines de l'atmosphère, qui y sont appelées par aspiration au nord et au sud, et, comme la cause est constante, l'effet est constant aussi, en sorte que de nouvelles particules d'air sont incessamment appelées vers l'équateur, et le mouvement, se propageant de proche en proche, s'étend à de grandes distances et atteint les régions polaires. Si, d'un autre côté, nous suivons par la pensée, dans leur mouvement vertical, les particules d'air échauffé qui s'élèvent dans le voisinage de l'équateur, nous comprendrons facilement que, parvenues à la limite de l'atmosphère, elles se déverseront au nord et au sud, et tendront à se rendre vers les régions polaires pour y remplacer celles que leur propre fuite a appelées vers l'équateur. Ce mouvement, dans son ensemble, constituera donc une circulation en vertu de laquelle régneront, à la surface de la terre, des vents dirigés de chacun des pôles vers l'équateur, et, dans les régions supérieures de l'atmosphère, des vents dirigés, au contraire, de l'équateur vers les pôles. On observera, par conséquent, dans l'hémisphère boréal, un vent du nord à la surface de la terre, et un vent du sud dans les régions supérieures; et dans l'hémisphère austral, au contraire, un vent du sud à la surface, et un vent du nord à une grande hauteur.

Mais, jusqu'ici, nous avons supposé la terre en repos. Si nous avons égard à son mouvement de rotation autour de son axe, les conclusions théoriques auxquelles nous venons d'être conduits se trouveront modifiées. Ce mouvement de rotation de la terre s'accomplit, de l'ouest à l'est, dans l'espace de 24 heures environ; toutes les parties de sa surface y participent, mais on comprend facilement qu'il ne s'accomplit pas pour toutes avec une égale vitesse absolue. Dans le voisinage des pôles, cette vitesse est presque nulle, et elle va en s'accélérant jusqu'à l'équateur, où elle atteint sa plus grande valeur; un calcul très facile montre que cette vitesse maximum est d'environ 465 mètres par seconde.

Or, si nous suivons par la pensée une particule d'air partant, par exemple, du pôle nord et se dirigeant au sud, nous reconnaîtrons facilement que, quittant une région où le mouvement de l'ouest à l'est, est très-lent, et atteignant successivement des régions où il est de plus en plus rapide, cette particule résistera, par son inertie et sa mobilité, à cette accélération, et, paresseuse à se mettre à l'unisson d'un mouvement plus rapide, restera en arrière, c'est-à-dire à l'ouest; son mouvement apparent semblera donc dirigé vers le sud-ouest, et, comme la direction des vents se désigne par le point de l'horizon d'où ils soufflent, elle constituera réellement un vent du nord-est. Par conséquent, dans l'hémisphère nord, le vent qui règne à la surface de la terre doit être, non un vent du nord, mais un vent du nord-est.

Suivons au contraire une particule d'air, qui, dans les parties supérieures de l'atmosphère, part de l'équateur pour se rendre au pôle. Comme elle part d'un point où le mouvement vers Test est très-rapide, et qu'elle se rend vers d'autres où ce mouvement se ralentit de plus en plus, elle n'abandonnera qu'en partie sa tendance vers l'est, et se dirigera, non vers le nord, mais vers le nord-est; en d'autres termes, elle constituera réellement un vent du sud-ouest.

Les mêmes choses se passeront dans l'autre hémisphère d'une manière symétrique, et, pour les exprimer, il suffira de dire nord partout où nous avons dit sud, et sud partout où nous avons dit nord.

La circulation de l'atmosphère, telle que nous la décrivions plus haut, se trouvera donc modifiée par la rotation de la terre, de telle sorte que, dans l'hémisphère boréal, on aura à la surface de la terre un vent nord-est, avec un vent sud-ouest dans les parties élevées de l'atmosphère, et que, dans l'hémisphère austral, on aura à la surface un vent sud-est, avec un vent nord-ouest à une grande hauteur.

Tels sont les principaux traits de la théorie par laquelle Halley rend compte des vents généraux. Si notre analyse n'a pas été trop obscure, on peut reconnaître dans quelle mesure cette théorie explique les faits observés. Elle rend compte, d'une manière satisfaisante, de l'existence de cette ceinture de calmes que les marins rencontrent sous la ligne; là règnent, en effet, d'après cette théorie, des vents verticaux, inefficaces pour agir sur des navires placés sur la surface de la mer, à leur origine même. Elle rend compte, en même temps, du mouvement d'oscillation annuel de cette ceinture qui, suivant le soleil dans ses mouvements, se rapproche du nord dans les saisons chaudes de l'hémisphère boréal, et marche vers le sud, lorsque le soleil s'incline vers l'hémisphère austral. Enfin, elle assigne une cause très satisfaisante à l'alizé nord-est, au nord de la ligne, et à l'alizé sud-est, au sud. Mais on voit, en même temps, que, pour que cette explication fût complète, il faudrait que la région de l'alizé nord-est s'étendit jusqu'au pôle boréal, et, celle de l'alizé sud-est, jusqu'au pôle austral.

Si les faits eussent réalisé cette conséquence de la théorie de Halley, la terre, dans sa plus grande étendue, eût été à jamais dépourvue des conditions indispensables au séjour de l'homme. En effet, dans la zone tempérée que nous habitons, au lieu de ces vents variables qui viennent, en temps convenable, donner à la météorologie de nos climats ces alternatives de pluies et de sécheresses qui répondent aux vœux du cultivateur, un vent éternel du nord-est, une bise sèche et glacée, aurait incessamment soufflé la stérilité sur des contrées désertes et inhabitables.

Mais une cause providentielle vient modifier ces désastreuses conséquences. Cette cause est restée, jusqu'à présent, cachée à la science humaine, mais ses heureux effets n'en sont que plus frappants. Vers le 30e degré de latitude nord et de latitude sud, s'opère, pour obéir à des lois qui nous sont encore inconnues, un échange, au moins partiel, entre les vents supérieurs et inférieurs de l'atmosphère. Dans notre hémisphère, le vent du sud-ouest gagne la surface, et le nord-est tend à atteindre les régions supérieures. Cet échange se manifeste, soit par la région des calmes qu'on rencontre vers cette latitude, et qui sont toujours l'indice de vents verticaux, soit aussi par la prédominance des vents du sud-ouest qu'on rencontre au-delà. Par cet échange, les vents qui soufflent dans nos contrées, au lieu de nous amener les froids rigoureux du pôle, viennent, au contraire, nous apporter la chaleur et l'humidité qu'ils ont recueillies dans les contrées les plus chaudes de la terre. Ainsi se trouve rétabli, par les voies mystérieuses de la Providence, cet ensemble harmonieux que des lois aveugles semblaient devoir rompre.

Les lecteurs qui nous auront accompagnés dans cette étude, bien qu'incomplète et rapide, y auront trouvé, nous l'espérons, la justification des réflexions que nous avons présentées au début. Ils auront reconnu comment se montrent, à chaque pas, sur la route de l'observateur, des témoignages de la sagesse et de la bonté de Dieu, qui, aux jours de la création, paraît cette terre qu'il destinait à être, pour un temps, notre demeure. Ils auront vu que le livre de la nature fait entendre à l'homme le même langage que le livre de la Révélation, et lui fait dire, avec le Roi Prophète: 0 Éternel! que tes œuvres sont en grand nombre! Tu les as toutes faites avec sagesse; la terre est pleine de tes richesses.

Élie RITTER


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