Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIX

ÉVANGÉLISER

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Va dans les chemins et le long des haies et contrains les gens d'entrer afin que ma maison soit remplie!

(Luc 14, 23)


(Ce discours est publié ici, tel qu'il a été prononcé aux Journées du Christ de Douai (Nord) le 26 septembre 1929.)

Que la maison de Dieu soit remplie! Sans considérer nos temples comme des vestibules du Ciel, voilà un voeu que plus d'un pasteur a pu secrètement formuler à l'heure du culte public, que tant de fidèles semblent oublier. Les excuses et prétextes que la vie contemporaine fournit en abondance à ceux qui cherchent à éluder le commandement divin: Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier, ne sauraient nous masquer l'humiliante vérité. Si nos membres d'église, fiers de porter le titre de chrétiens évangéliques, connaissaient vraiment la faim et la soif de la parole de l'Éternel, et si nous, ministres de cette parole, imposions davantage à ceux qui nous voient vivre la certitude que l'Esprit nous possède, nos temples seraient tous trop étroits et la maison de Dieu, d'elle-même, se remplirait. Pourtant, dans notre pensée comme dans celle du Sauveur, la préoccupation ecclésiastique du sanctuaire à remplir disparaît dans une vision plus large et plus essentielle, celle du Royaume de Dieu, celle de la maison du Père.

Que chaque foyer devienne un temple, où Christ réside, que chaque vie de disciple soit placée sous l'inspiration constante du Maître, voilà ce qui nous importe par dessus tout. Et notre peine profonde est de surprendre, derrière le recul des habitudes de la piété collective et cultuelle, le recul de la piété familiale, la paralysie de la religion personnelle; c'est de voir des paroisses au passé glorieux se laisser envahir par l'égoïsme et la paresse; c'est de voir beaucoup de ceux qui dès leur jeunesse ont entendu l'appel du Sauveur chercher plus tard à se dérober à ses exigences saintes et se condamner ainsi à être exclus du festin et contribuer pour leur part à faire le vide dans la maison.

Mais alors que se produisent ces désertions, et lorsque les premiers invités répondent à l'appel par de misérables excuses, le Maître se tourne vers ses serviteurs et leur donne un mot d'ordre nouveau. Il leur montre, tout auprès, les pauvres, les estropiés, les infirmes des carrefours et au delà ceux qui errent dans les banlieues de misère. Il en viendra de loin, et même des terres étrangères, de l'Orient et de l'Occident, qui prendront leur part au festin de l'Éternité.

En cette soirée qui doit être pour vous une soirée de consécration, une veillée d'armes en vue d'une action renouvelée, c'est à vous que le Seigneur adresse aussi le mot d'ordre qui vous dit à la fois:

Le but de Dieu: Que ma maison soit remplie.

L'action qu'Il attend de vous: Va dans les chemins et le long des haies.

La méthode qu'Il vous propose: Ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer.


I

Que ma maison soit remplie.

Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Timothée 11, 4.). Certes, et les apôtres honnis et persécutés, et le Christ, méconnu, bafoué et crucifié, se sont heurtés à l'opposition du monde pécheur. Le divin Semeur a souffert, plus qu'aucun d'entre nous n'est capable de souffrir, de voir la bonne graine se perdre sur des terrains pierreux ou stériles. Mais ni ces apôtres, lancés à quelques-uns à la conquête d'une humanité nouvelle, ni ce Sauveur, qui embrasse dans son amour tous les enfants du Père, n'ont consenti à n'avoir pour but que le salut d'un petit nombre et pour idéal que celui de la chapelle bien close, fermée aux tempêtes du monde, que celui d'une arche de salut où quelques-uns s'abriteraient, satisfaits de leur sécurité personnelle alors que les autres, la grande foule, continueraient à être entraînés aux abîmes par les vagues et les tourbillons du péché. S'il en est qui repoussent la main tendue du Dieu Sauveur, qui méprisent ses promesses et sa gloire, nous n'en devons pas moins, nous, disciples de Jésus, garder devant les yeux l'image de la maison remplie. S'il en est qui s'en vont, il faut que d'autres viennent prendre place à la table préparée, il faut que dans la multitude humaine tous entendent l'appel et se sachent conviés; il faut que tous aient au moins quelque jour l'occasion de percevoir sur leur sentier un rayon de l'amour divin qui les cherche; il faut que la maison soit remplie des cris de joie, des chants, de reconnaissance de ceux qui ont retrouvé les chemins de la demeure paternelle.

Ce but du Dieu de l'Évangile est odieusement travesti par ces sectes qui enseignent qu'il n'y a qu'un nombre déterminé et extrêmement réduit d'élus, dont aucun effort, dont aucune prière ne pourrait grossir le nombre total d'une seule unité. Mais, il faut bien le dire, le but de Dieu est singulièrement oublié aussi par la résignation et l'apathie effarantes de tant d'églises qui se contentent de ce programme d'action qui est à plus, exactement parler un programme d'inaction: attendre ceux qui veulent venir et se borner à constituer quelques pauvres îlots de croyants, perdus dans une masse indifférente, qu'on abandonne à son indifférence, c'est-à-dire que l'on contribue à enfoncer dans la mort spirituelle.

Au siècle dernier un admirable réveil a secoué la paresse chrétienne, alors que s'est imposé à l'Église le devoir missionnaire. Et nous ne saurions trop souligner les bénéfices multiples que l'Église a retirés de son obéissance à l'ordre du Ressuscité: Allez jusqu'aux extrémités du monde. Aujourd'hui encore les messages de victoire nous parviennent des îles lointaines, et peut-être avez-vous parfois en considérant la carte du monde, trouvé quelque réconfort et quelque consolation à vous dire que si le règne de Dieu n'avance guère chez nous, il avance ailleurs. Mais si cette constatation a de quoi nous encourager, elle a aussi de quoi nous émouvoir et nous alarmer. Faudra-t-il un jour que nos vieilles patries christianisées, que nos églises historiques d'Europe en arrivent à sentir peser sur elles la condamnation prononcée par Jésus sur les vignerons infidèles? La vigne du Seigneur vous sera enlevée et sera donnée à d'autres (Matthieu XXI, 41.). L'Israël nouveau n'aura-t-il plus pour foyers que les pays neufs?

Nous n'avons pas le droit de nous abandonner à cette humiliante perspective tant que nous n'avons pas fait notre devoir et tout notre devoir à l'égard de ceux qui à côté de nous, dans nos cités et nos campagnes, ignorent encore l'appel du Christ Sauveur. L'évangélisation de la France doit demain intéresser, passionner, obséder vos églises au même point que la conversion des indigènes de vos colonies.

Il faut dire et proclamer ce que l'évangélisation a déjà donné à nos églises, prémices de tout ce qu'elle peut leur donner demain, si le peuple chrétien s'enthousiasme enfin pour cette cause sacrée.

Vouloir évangéliser les incrédules de chez nous, vouloir apporter Christ à votre voisin, c'est consentir à un travail que vous ne pouvez plus faire par procuration ou par délégation, à un effort, qui ne demande pas seulement (et nous savons que cela est déjà beaucoup) vos dons, vos sympathies, vos prières. Il s'agit de tout cela sans doute aussi, mais de plus encore! Il s'agit de joindre à cela une oeuvre plus directe celle du témoignage personnel. Il faut que chacun parle du Sauveur, et par ses lèvres et par son amour. Or il faut, pour que tu deviennes ce témoin, vaincre ta timidité et ta fausse honte, triompher de l'incompréhension de beaucoup, accepter toi-même des blessures d'amour-propre, des fatigues, des combats. Il s'agit et, vous le savez vous qui avez voulu être dans tel faubourg de nos cités les colporteurs du livre saint, ou les chanteurs publics de cantiques de l'Éternel, ou les courageux dénonciateurs du péché social, de l'alcoolisme ou de la tyrannie des puissants de ce monde, il s'agit de l'immense honneur de porter quelque chose de l'opprobre du Christ, d'être jugé digne de participer à ses souffrances. Et la connaissance personnelle de ce privilège est une des premières bénédictions de celui qui veut évangéliser.

Échecs, combats et souffrances, sans doute, mais aussi, victoires et quelles victoires! Ce sont celles-là mêmes qui redonnent à l'Évangile éternel son actualité et sa vérité poignantes. Je vous apporte ici le témoignage d'un pasteur qui est heureux, profondément heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de crier sa reconnaissance aux aînés qui l'ont entraîné jadis sur les voies du Christianisme conquérant. Et je sais que derrière moi toute une armée de serviteurs du Christ serait prête à faire écho à ma parole et à en confirmer le sens.

Notre vraie consécration pastorale, nous l'avons reçue, définitive, lumineuse, triomphante aux jours où nous avons pu lire au pied de tel terril du pays minier, dans quelque réunion en plein air, la parabole de l'enfant prodigue devant des hommes attentifs, sur le visage desquels étaient imprimées les marques de la ruine morale, et la détresse de ceux qui, ignorant Christ, ignorent tout. Nous l'avons reçue à l'heure où nous avons vu des frères dans la force de l'âge répondre à la lecture de la Brebis perdue ou à la proclamation du Salut gratuit, à l'instant même par leurs sanglots étouffés, le lendemain par les balbutiements de leur première prière; nous l'avons reçue, la consécration au saint ministère de l'Évangile de la grâce, durant ces années où nous avons vu sur cette terre du Nord, et avant et pendant la grande tourmente, se répéter le miracle du Nouveau Testament: les yeux qui s'ouvrent, la langue du muet qui éclate de joie, les impurs purifiés, les résurrections spirituelles. Et il m'a toujours semblé qu'il devait manquer quelque chose à la compréhension vivante du message chez ceux qui n'avaient pas connu cette face bénie du ministère: Aller de lieu en lieu en parlant de Jésus à ceux qui n'en ont point entendu parler. L'évangélisation réapprend aux Chrétiens à lire l'Évangile.

Et du même coup elle leur rend le sens de l'Église. L'Église fille de la Pentecôte est née, création de l'Esprit, dans le but de conquérir le monde à Jésus-Christ. Là est son sens et sa raison d'être. Dès qu'elle l'oublie, la vie s'étiole en elle, elle devient l'organisme affaibli dont le sang ne circule plus. Dès qu'elle reprend conscience de sa vraie tâche, la jeunesse et la force lui sont rendues et elle sent de nouveau battre en elle le coeur du Sauveur des hommes.

Il m'arrive, à moi, faible serviteur à courte vue, de rencontrer des frères en face desquels je me dis: Si nous savions refléter sur leur sombre route un rayon de l'amour du Christ, ils entreraient dans la maison de fête. Et je songe alors à ce Christ dont le regard pénétrant fouille les âmes, scrute leur détresse et devine leur attente. Christ souffre plus que nous des misères d'une église qui prétend l'adorer et qui demeure un instrument si infirme et si rebelle, et lui qui a voulu être et demeurer tout près des ignorants, des égarés et des vaincus, il voit dans nos cités et dans nos paroisses tous ceux qui seraient prêts à se lever pour accourir si seulement quelqu'un allait leur annoncer que c'est pour eux aussi que la table est dressée dans la maison de Dieu! Oui, aujourd'hui, dans cette région même dont on vous a dépeint la détresse spirituelle, dans ce pays même, comme dans la Corinthe d'autrefois, Dieu veut se constituer un grand peuple (Actes XVIII, 10.)!


Saurez-vous la saluer, l'espérer, la vouloir, la grande journée de la maison remplie?


Il

Allez chercher vos frères.

Va les chercher dans les carrefours où se pressent les malheureux et les maltraités de la vie. Va les chercher plus loin encore sur les chemins et le long des haies, là où erre la foule de ceux qui ne savent pas. Le Christ est inconnu.

Dans les banlieues des grandes capitales habite une population immense d'esclaves, esclaves du travail ou esclaves de Satan, captifs de l'iniquité des hommes ou prisonniers de leur propre déchéance. Ils vivent, peinent et meurent sans avoir jamais ouvert les yeux sur les splendeurs, merveilles de l'art et chefs-d'oeuvre de beauté dont la gloire illustre la cité toute proche et dont la seule contemplation a illuminé les vies de foules d'admirateurs fervents. Ainsi aux confins de nos églises, dans tel village, très voisin peut-être de telle vieille paroisse protestante, dans tel faubourg qui est encore nominalement compris dans le rayon d'action de telle église d'un de nos centres industriels du Nord, vit tout un peuple qui ignore que tout près de lui se trouvent des croyants qui prient, qui chantent et qui espèrent. Et ceux-là mêmes qui par hasard s'arrêtent en passant devant le temple, le baraquement ou la maison où vous chantez vos cantiques et où vous vous penchez sur votre Bible ne savent pas, que ce que vous chantez, c'est la joie d'être nés de nouveau, c'est l'allégresse d'avoir trouvé le Dieu Sauveur. Cela, il faut aller le leur dire. Il faut sortir et les chercher.

Cherchez le long des haies les incrédules et les ignorants. Comment croiront-ils si personne ne leur est envoyé? Quels fruits bénis et abondants n'a pas produits le travail patient de nos colporteurs bibliques, ceux d’hier qui ont défriché le sol, jeté les premières semences et préparé par leur modeste labeur les fondations spirituelles de mainte église; ceux d'aujourd'hui qui creusent des sillons nouveaux et dont l'action fidèle et quotidienne symbolise si exactement l'invisible effort de celui qui se tient à la porte et qui frappe (Apoc. III, 20.).

Allez les chercher aux carrefours... les incrédules, par révolte, ceux que l'acuité de leurs souffrances a conduits au blasphème, ceux que l'incurie de notre civilisation laisse sans armes en face des tentations multipliées par nos estaminets, nos bars et nos taudis.

Le Christ leur est inconnu. Mais quoi? Ne l'est-il pas aussi au sein même des églises? Que se lève dans une paroisse une pléiade d'hommes qui s'offrent pour le service actif et immédiat; pour l'oeuvre de charité: panser les blessures, entourer les solitaires, donner une famille aux orphelins, une nouvelle santé aux débiles et aux défaillants; pour l'oeuvre de relèvement: arrêter le buveur au bord de la route, rendre une dignité aux sans travail et aux sans aveu que le monde repousse dans la boue d'où ils émergent parfois; pour l'oeuvre d'instruction: offrir la Bible et le message de Dieu de porte en porte et de lieu en lieu; que ce groupe se forme, s'affirme, travaille et persévère. Et au sein de cette église, c'est le Christ qui ressuscite, non plus le Christ mort des cultes somnolents et des imageries pieuses mais le Christ authentique, le Christ vivant, le Christ d'amour! Et c'est le réveil qui vient.

Réveillés, les disciples le sont quand ils vivent tout près de Dieu et quand ils demeurent penchés, sur les sources invisibles. Or jamais la prière, la consécration, la vie intérieure ne deviennent, et plus urgentes et plus faciles à cultiver qu'à l'heure où pour l'amour de Jésus, vous sortez avec ce seul désir au coeur d'aller convier au grand festin tous les ignorants et tous les égarés.

Au jour où se pressait autour du Christ la multitude des affamés et où les disciples déploraient la nullité de leurs ressources, Jésus ayant béni les cinq pains et les deux poissons dit aux siens: Donnez-leur vous-mêmes à manger. Et c'est en partant sur l'ordre de leur Maître pour aller distribuer leurs misérables provisions au peuple, qu'ils s'aperçurent qu'ils étaient riches.


III

Contrains-les d'entrer...

Appel énergique et catégorique, dont l'Église du passé a hélas fait parfois le plus détestable usage. N'a-t-elle pas prétendu y trouver, sortant de la bouche même du Christ, une justification de ses méthodes de violence, une permission d'utiliser contre l'hérétique la force et la persécution, un droit à obliger les récalcitrants à assister contre leur gré à ses cultes et cérémonies?

Nul aujourd'hui ne songerait à interpréter ainsi le: «Contrains-le d'entrer!» de l'Évangile. Ce serait une drôle de fête en vérité que celle à laquelle les invités auraient été amenés à leur corps défendant, par l'autorité brutale de quelque police! Et nous nous refusons à imaginer la joie que le Christ pourrait trouver à voir une maison ainsi remplie.

Contrains-les d'entrer. Qu'est-ce donc à dire? Sans doute s'agit-il ici de ce conseil dont l'apôtre se fait l'écho quand il dit: Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps (Il Timothée IV, 2.). Il y a dans notre conviction chrétienne et dans l'incomparable valeur que nous lui attribuons de quoi nous inspirer le désir de poursuivre l'âme incroyante de nos démarches, de l'assiéger. Il est des cas où il faut savoir persévérer, revenir et répéter, et ne pas reculer devant la méthode agressive seule capable de briser les chaînes tyranniques dont tant d'âmes sont captives. Ils le savent, nos vaillants champions de la Croix-Bleue, qui parfois sont revenus dix fois, vingt fois offrir leur carnet de signatures au malheureux buveur jusqu'au jour où enfin ce fut la promesse décisive, prélude de la conversion et du salut.

Le cadeau que Dieu offre gratuitement à la foi, son pardon, son esprit de victoire, sa promesse éternelle, est un trésor trop merveilleux pour que nous ne mettions pas tout en oeuvre pour persuader ceux que nous trouvons sur nos routes de nous suivre sur le chemin qui conduit à la maison de Dieu et de venir s'asseoir avec nous à sa table généreuse.

Cependant quand derrière les figures de la parabole je cherche à saisir la figure même de Jésus, je comprends que le: Contrains-les d'entrer! implique non seulement l'insistance dans l'appel et l'énergie dans la parole mais aussi, et plus encore la contrainte exercée par l'amour et la prière.

Il est une manière d'aimer une âme qui doit arriver à vaincre sa résistance et à triompher de ses hésitations. N'a-t-il pas souvent suffi d'un mot au Sauveur pour briser un coeur endurci et pour enfanter une âme à la vie d'En-Haut? Une parole dite avec amour dans l'esprit du Maître a une puissance formidable. Et c'est ici que nous touchons à la plus grave difficulté de l'oeuvre d'évangélisation. Ce qui nous manque ce n'est pas l'adhésion joyeuse aux vérités de la foi; ce n'est pas même la claire appréhension du but à poursuivre; ce qui nous manque c'est l'Esprit. Il faut évangéliser non seulement en apportant les paroles et le message de Jésus, il faut évangéliser avec l'esprit de Jésus avec son esprit d'amour et de prière. Et qui sera suffisant pour cela?

Voyez Jésus-Christ porteur de la bonne nouvelle. Avant de parler de son Père à une âme perdue, Jésus apporte cette âme au Père lui-même; il prie pour elle avec intensité, Savez-vous prier et aimez-vous prier avec cette ferveur qui rend l'exaucement certain?

Tout en parlant du Père à l'enfant égaré, Jésus l'entoure de sa tendresse bienveillante et du rayonnement de sa personnalité sainte. Ah! comme en face de ce Christ débordant d'amour et de pureté, il devrait être facile à l'âme de s'ouvrir, de voir Dieu et de croire! Et en face de nos vies à nous, si pleines d'inconséquences, de petitesses, de secrètes infidélités qui s'attachent à nous à l'instant même où nous voudrions faire du bien, je sens combien il doit être difficile d'apercevoir à travers tant de laideurs et de misères la splendeur de Dieu!

La puissance qui contraint les âmes d'entrer, elle fut en Christ; elle réside encore aujourd'hui en lui; et ce n'est que dans la communion retrouvée avec son esprit que nous pouvons espérer en être revêtus.

La vision de deux détresses me dominent en cet instant. C'est la détresse de ceux qui dans ce pays même souffrent et meurent sans foi et sans que se soit levé sur eux le soleil des résurrections. C'est la vision de nos chères églises, dont plusieurs s'appauvrissent dans le repliement de leur égoïsme et au sein desquelles s'affirme pourtant l'aspiration vers un réveil. Des vagues ont passé qui semblent annoncer une nouvelle marée montante de l'Esprit.

De la jonction de ces deux détresses, celle des églises, celle des âmes du dehors, jaillit l'étincelle d'espérance. Dans le troupeau du vrai berger, c'est un même mouvement de vie qui pousse les brebis à entrer et à sortir (Jean X, 9.). Allez vers vos frères, cherchez-les sur les routes et le long des haies et vous retrouverez la vraie face du Dieu de l'Évangile. Montez vers Dieu, demeurez près du Christ et vous connaîtrez le secret de cet amour véritable qui pourra contraindre ces frères d'entrer.

L'heure sonne où tout disciple doit accueillir personnellement l'ordre souverain de la conquête pour Christ. Et individuellement, dans le secret de vos âmes recueillies, et collectivement avec nos églises qui s'humilient, associez-vous aujourd'hui à l'apostrophe que Saint Paul s'adressait à lui-même: Malheur à moi si je n'évangélise (1 Corinthiens lX, 16.).

1924-1929.

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