Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XVII

HABITER TOUTE MA VIE DANS LA MAISON DE L'ÉTERNEL!

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(RÉCEPTION DE CATÉCHUMÈNES)


(Psaume 27, 4)

(Lire aussi: Psaume 84,)


I

Mes chers catéchumènes,

Le «oui» que vous êtes invités à prononcer ce matin peut avoir une répercussion sur votre vie tout entière, et voilà ce qui confère à cette heure sa solennité, voilà ce qui justifie votre émotion, et notre émotion. Toute votre vie! Vous la voyez, vous, comme une route qui s'élève vers des horizons élargis, vers un avenir que votre imagination peuple de ses rêves, et qui s'en va loin, très loin, à l'infini à travers les régions fleuries des bonheurs espérés.

Toute votre vie! À nous vos aînés, elle apparaît comme un chemin sinueux où il y aura des joies et des luttes, et les épines sous les roses et, à côté de la lumière et des chants, de l'ombre et des larmes. Et parce qu'ils savent cela, ceux qui au foyer ont veillé sur votre enfance pour écarter les dangers de vos corps fragiles et de vos âmes novices, vous voyant approcher du moment décisif où il vous faudra savoir marcher seuls, libres, responsables, se sentent partagés entre deux sentiments opposés. Le désir de leurs coeurs est de garder encore longtemps et pour eux et sous leurs ailes ceux que Dieu leur a donnés; et d'autre part il leur faut obéir à la loi de la vie, expression de la volonté du Tout-Puissant, aider ces jeunes à prendre leur vol à leur tour, à choisir leur voie, à faire leurs expériences, à être eux-mêmes.

Toute votre vie! Au-dessus de vous et au-dessus de nous, haut élevé au-dessus des modestes cimes que nous avons pu gravir, il en est Un qui domine votre vie du haut de son éternité, Dieu, le Dieu souverain. A ses yeux votre course rapide n'est qu'un éclair dans la nuit des temps, qu'une petite vague dans l'océan des siècles. Mais dans son adorable amour il s'intéresse à vous, créatures d'un jour, et vous offre cette possibilité magnifique: Vous diriger vers Lui, et par la foi, accrocher votre vie fugitive à sa vie qui demeure. Il vous ouvre les portes de sa maison pour que vous y entriez et pour que vous veniez y demeurer pour le temps et pour l'éternité.

Toute votre vie! Mais quoi! ne faut-il pas être bien imprudent pour demander à des jeunes de seize ans de s'engager pour la vie tout entière? Plusieurs sont venus ici même, comme vous aujourd'hui, qui se sont montrés incapables de rester purs, de rester honnêtes, de rester des disciples du Christ, je ne dis même pas: toute leur vie, mais bien durant ces quelques années d'adolescence où il nous semblait que dût encore retentir dans leur coeur l'écho de nos appels et que dût les garder le souvenir tout frais encore de leurs promesses de catéchumènes. Vaincus par les invitations d'un monde trop complaisant au péché ils sont partis sur les chemins où nous les avions suppliés de ne point se risquer. Et d'ailleurs qui sommes-nous nous-mêmes pour vous répéter la loi du Sauveur: Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait; nous, vos parents et vos guides qui avons si peu reflété dans nos âmes la sainteté de l'Éternel, nous qui retrouvons en nous les cicatrices de tant d'erreurs et de faux pas? Aurions-nous la folie ou l'hypocrisie de vous présenter comme une chose possible et aisée ce qui nous est apparu à nous si impossible et si difficile, la réalisation d'une vie sans défaillance, la fidélité absolue à Jésus-Christ?

C'est le langage de la vérité que nous voulons employer. Vous aurez vos luttes et vos heures de faiblesse. Nous ne nous attendons pas à vous voir atteindre dès à présent une perfection surhumaine et angélique dont les meilleurs humains se sont à peine approchés au prix d'une course longue et persévérante. Ce que nous vous disons bien plutôt c'est que vous avez aujourd'hui une direction à prendre nette et résolue, c'est que vous avez à obéir à la voix qui vous dit: C'est ici le chemin, marchez-y (Ésaïe XXX, 21.). Ce que nous vous demandons c'est de saisir la différence entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas (Malachie III, 18.).

Vous avez compris qu'il y a une manière chrétienne de saisir la vie. Vouloir la vivre sous le regard de Dieu, marcher sur le chemin qui conduit à la maison du Père: Voilà le devoir. Et ce Dieu de l'infinie bonté ne repousse ni ne méprise ceux qui ne s'avancent que lentement, en hésitant parfois, en trébuchant peut-être; ce qu'Il réclame, c'est que chacun veuille demeurer sur la voie droite et fasse effort pour ne jamais s'en laisser détourner sans retour. Ce que Dieu voit en cet instant, c'est si vous prenez, oui ou non, l'orientation véritable, celle que Jésus a marquée d'une manière décisive dans son Évangile d'amour, celle que le Psalmiste d'Israël avait déjà choisie lorsqu'il pouvait dire dans sa prière: Il est une chose que je désire ardemment; je voudrais vivre toute ma vie dans la maison de l'Éternel.


Il

La maison de l'Éternel! Pour l'ancien Israël il s'agit ici du temple de Jérusalem élevé sur la colline de Sion. Le cortège des pieux pèlerins accourt des provinces lointaines et des pauvres bourgades. À l'occasion de quelque fête religieuse ils ont quitté leurs campagnes reculées pour venir adorer dans la ville sainte. Une émotion sacrée les emplit à la vue du sanctuaire majestueux. Ils pénètrent dans ces larges parvis où des docteurs expliquent la loi de Dieu, où tout un peuple de prêtres et de lévites préside aux exercices du culte et apporte à l'Éternel l'hommage des sacrifices et des prières. Ils s'arrêtent avec une pieuse révérence devant l'arche sainte qui repose sous les ailes étendues de deux anges sculptés. La présence invisible du Très-Haut s'impose à eux et leur inspire une fervente adoration. Vient l'heure du départ; et ils regardent alors avec un regard d'envie ces hommes qui possèdent ce privilège d'habiter dans la maison de l'Éternel, et le cantique monte de leurs coeurs à leurs lèvres: Avec ardeur je demande une grâce à l'Éternel c'est d'habiter constamment dans sa maison pour admirer la magnificence de ses parvis et contempler l'Éternel dans sa splendeur.

Vous savez les sentiments qui plus tard s'emparèrent de Jésus lui-même lorsqu'à l'âge de douze ans il pénétra pour la première fois dans le Temple. Dieu lui avait déjà parlé dans l'atelier paternel et à travers la poésie de la douce nature galiléenne. Mais ici, en face de ces sages qui parlent des choses de Dieu et annoncent ses merveilles, ici, dans l'atmosphère de ferveur créée par tout un peuple assemblé, son jeune coeur est à ce point conquis et exalté qu'il en oublie l'heure du départ. Il s'attarde dans le temple, il faut qu'il demeure dans la maison de Dieu, il faut qu'il s'occupe des affaires de son Père.

Mes chers catéchumènes, l'humble communauté qui vous reçoit ce matin ne vous accueille ni sous les hautes voûtes d'une cathédrale mystique, ni dans les parvis aussi spacieux que ceux du Temple d'Israël. Pourtant c'est ici aussi une maison de l'Éternel. Plus d'un de vos aînés a pu s'attacher à ce modeste temple et n'y revient pas sans se dire: C'est ici que Dieu m'a parlé. Plus d'un a su demeurer dans la maison de Dieu en s'attachant à son église, à notre église et nous croyons que vous voulez être de ceux-là.

Ce que vous trouverez ici, c'est un lieu de prière. Et le désir de venir dire à Dieu votre reconnaissance ou votre angoisse, le besoin de lui crier: Exauce et pardonne, vous le connaîtrez demain, plus intensément à mesure que le sérieux de la vie et de ses luttes s'imposera davantage à votre coeur. La soif du Dieu vivant qui renouvelle l'énergie vous ramènera dans la maison de la prière.

Ce que vous trouverez ici, c'est un foyer de chrétienne affection. L'église n'existe pas seulement le dimanche matin à l'heure du culte. Elle est l'admirable mutualité spirituelle où vous savez pouvoir rencontrer dans vos moments de solitude, de crainte, d'hésitation, des frères et des soeurs capables de prier avec vous et pour vous. Personne n'a jamais vu Dieu, mais quand nous nous aimons les uns les autres Dieu demeure en nous. (I Jean IV, 12.) Oh! quelle expérience douce et bénie que celle de l'amitié en Dieu, que cette intime fraternité de la confiance par laquelle l'âme devient transparente à l'âme et par laquelle se perpétue dans l'église la vie du Christ éternel. Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis présent au milieu d'eux. Le besoin de communion fraternelle vous ramènera dans la maison de l'Éternel.

Ce que vous trouverez ici, c'est un centre d'action bonne. Dieu ne prend plus son plaisir au sang des agneaux immolés depuis que la Croix du Christ a prêché au monde une nouvelle notion du sacrifice agréable à Dieu, l'offrande de celui qui se donne pour ses frères.

Les oeuvres de la justice, de la miséricorde, du dévouement, voilà les rites de la religion de Jésus-Christ; voilà les fleuves de vie qui doivent sortir des sanctuaires de la piété pour répandre dans le monde l'amour et le bonheur.

L'Église vous convie, jeunes amis, à vous grouper pour les luttes saintes, à nous aider à construire les digues que les hommes de coeur doivent élever pour arrêter les progrès de l'immoralité, de l'alcoolisme, de la légèreté qui menacent notre peuple et qui désolent les foyers et les cités.

L'Église vous invite à être de ceux qui feront entendre, au-dessus de toutes les paroles de haine et de guerre, les accents de la bienveillance et de la paix. Vous viendrez avec nous entendre et étudier le message de Celui qui a voulu rapprocher les hommes les uns des autres en les rapprochant tous ensemble de leur Père Céleste. Des aînés vous attendent, prêts non pas à vous sermonner, mais à vous aider, à vous guider, à vous entraîner sur les chemins qui montent. Le besoin d'agir pour le bien vous dictera la fidélité à cette église où vous demandez d'entrer. Vous y voudrez être des pierres vivantes et Dieu bénira jusqu'à la fin votre attachement à sa maison.


III

Mais, quoi? Les plus fidèles d'entre vous ne passeront jamais que quelques heures par mois dans la maison de Dieu. Notre texte ne nous invite-t-il pas à une interprétation plus large? Regardez le monde comme Jésus l'a regardé; voyez l'humanité telle que Jésus l'a vue et apprenez à voir dans ce monde et dans cette humanité le temple où Dieu demeure.

La maison de l'Éternel, c'est cet univers sensible, cette nature en face de laquelle le poète s'écriait:


Que tes temples, Seigneurs, sont étroits pour mon âme. Tombez, murs impuissants, tombez! Laissez-moi voir ce ciel que vous me dérobez. (Lamartine)

Le Dieu tout puissant qui remplit les cieux et la terre n'est pas prisonnier de quelques pierres. La nature immense chante sa gloire et manifeste l'oeuvre de ses mains. Dieu ne parle pas à Jésus seulement dans le recueillement de la Synagogue. Il lui parle à travers le langage multiple de la beauté des choses; il l'attend dans les solitudes de la montagne où Jésus se retire pour prier; les lis épanouis, les oiseaux de l'air, la graine qui germe et le fruit qui mûrit, sont autant de symboles transparents, images vivantes à travers lesquelles le Christ perçoit la voix d'amour de son Père.

Enfants d'une patrie privilégiée et vêtue de splendeur, vous vous sentirez dans la maison de Dieu, durant vos heures de vacances et vos courses sur l'Alpe, alors que vous serez en communion avec la nature. Mais ce ne sont là encore que les instants rares et précieux du repos, les haltes de la course.

Les heures de votre vie, de toute votre vie, vous les vivrez ailleurs dans les cadres de la vie sociale, la famille, le bureau, l'atelier, la cité. C'est là que vous avez à agir et à demeurer. Vivre toute votre vie dans la maison de Dieu, ce serait introduire Dieu partout et partout le redécouvrir, au foyer et dans le travail. Programme impossible? Chers amis, c'était celui de Jésus venu pour faire de notre terre un royaume de Dieu. Et vous ne pourriez retrouver dans les circonstances de votre vie quotidienne cela même que vous venez chercher dans le temple de Dieu, l'esprit de prière, la joie des affections pures et l'enthousiasme de ces saints combats?

Une maison de l'Éternel! Oui, il l'est le foyer où l'on s'aime, où jeunes chrétiens, vous démontrerez à ceux qui vous entourent que vous avez pris pour devise la devise du Maître: servir et servir dans la joie; elle l'est la famille où chacun pratique dans la simplicité d'un coeur aimant la loi de l'Évangile. «Nul ne vit pour soi-même», et où toute brève querelle aboutit au pardon et au triomphe de la bonté; elle l'est la demeure où, jeunes, vous avez à apporter ce parfum de bonne humeur et de saine gaieté qu'il est si doux de respirer à ceux dont les fatigues du temps et les épreuves subies ont parfois alourdi la marche.

Une maison de l'Éternel! oui, il doit le devenir ce monde du travail lui-même, si terriblement dominé par les préoccupations de l'argent, de l'intérêt, de la lutte, et dans lequel il vous appartient de montrer par votre exemple la valeur plus haute de la conscience, de l'entraide, de la mutuelle collaboration. Vous entrerez dans la vie sociale avec l'idéal de Jésus, le seul idéal de salut, celui auquel il faudra bien qu'un jour l'humanité revienne si elle ne veut périr dans les luttes fratricides, l'idéal d'un monde où chacun pense moins à ses droits tout d'abord que tout d'abord à ses devoirs, l'idéal d'un monde où les hommes travaillent ensemble pour le bien commun, réclamant la justice pour les opprimés, la pitié pour les victimes, et où chacun s'efforce de faire rayonner un peu d'amour.

Oui, c'est vivre dans la maison de Dieu, c'est se rassasier au réveil de son image que de partir vers le devoir d'un coeur joyeux, prêt à fournir sa part à l'effort universel, prêt à saisir toute occasion que la Providence nous donne de nous dévouer et d'apporter un peu du soleil de Dieu dans l'obscurité des misères humaines. C'est vivre dans la maison de l'Éternel que d'obéir partout et chaque jour aux lois du royaume et que de contribuer ainsi à hâter l'exaucement de la prière du Christ: Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel.


IV

Mais pour que ce désir puisse être réalisé: Je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l'Éternel, il faut que vous refusiez d'entrer dans la maison du péché. Nous pourrions dire dans l'Esprit de Jésus: Nul ne peut habiter deux maisons, car s'il est heureux dans la maison de Dieu, il se sentira perdu dans la maison de Satan et s'il aime les demeures du péché, il ne pourra subsister dans la maison du Père.

J'aime mieux, disait le Psalmiste, me tenir sur le seuil de la maison de mon Dieu que d'habiter sous les tentes de la méchanceté. Aujourd'hui Satan n'habite pas seulement sous des tentes grossières comme aux siècles antiques, alors qu'il pouvait remplir le coeur de quelque chef cruel et pillard. Il a ses palais brillants; il mobilise à son service toutes les ressources de notre civilisation raffinée et, déguisé en prince du plaisir, il vous invitera vous, qui vous avancez dans la vie, altérés de bonheur et de liberté. Alors que notre peuple hésite encore si malheureusement à démolir les forteresses du mal, les lieux où l'on boit, où l'on joue, où de pauvres consciences dans la recherche de la joie grossière s'acheminent vers le suicide ou vers la honte, vous du moins qui savez où est le secret du véritable bonheur, vous n'irez point grossir le nombre des enfants prodigues conduits par leur folle imprudence dans les déserts où l'on pleure.

Mais le Psalmiste dit encore: Heureux qui médite ta loi et ne s'assied pas au banc des moqueurs (Ps. LXIV, 11. - Ps I.), Il y a d'autres périls que ces périls grossiers de l'ivresse et de la débauche. Une autre tentation vous guette, celle de vous installer, non pas certes dans les demeures de la mort, mais peut-être ailleurs que dans la maison de l'Éternel, dans ces immenses régions de l'indifférence et de la légèreté où se poursuivent tant de vies, honnêtes en somme, et d'apparence aimable, mais misérables pourtant parce que vides de Dieu et privées par là même de vraie grandeur, de force intime et de noble beauté.

Ceux qui tuent la foi, ce ne sont pas seulement les artisans du vice:

- Ce sont aussi ces moqueurs, désabusés, ironiques, spirituels peut-être, qui, demain par leurs plaisanteries faciles et par leur attitude détachée essaieront lentement de vous faire oublier ce que vous éprouvez en cet instant devant Dieu.

- Ce sont ces esprits frivoles à qui toute conversation sérieuse semble impossible et qui ne voient de la vie que le côté le plus extérieur, les toilettes et les bals.

- Ce sont ces jeunes gens au goût du jour, pour qui rien n'existe au delà du sport, du match, du triomphe de la vitesse, tristes citoyens de demain, incapables de prendre intérêt à ce qui concerne la justice, la vérité et le progrès!

Ah! s'il était vrai que la génération à laquelle vous appartenez et qui nous remplacera bientôt, ne dût connaître aucun autre désir que celui de gagner et de jouir, s'il était vrai que les jeunes femmes de demain rabaissant l'idéal éternel de la famille, celui de l'amour, de la maternité, du sacrifice, dussent ne poursuivre d'autre rêve que celui d'une existence facile et sans souci et ne voir toutes choses, l'amour, le mariage, la vie tout entière que sous le seul angle du plaisir, s'il était vrai que l'égoïsme dût devenir à ce point le roi du monde qu'on ne puisse plus trouver d'hommes capables de vibrer pour les saintes causes, de s'enthousiasmer pour le bien, de vouloir collaborer à rendre plus doux à quelques-uns le séjour de la terre; alors nous devrions renoncer à voir l'humanité devenir un jour cette maison où Dieu habitera avec ses enfants et où la justice et la paix s'embrasseront. Mais cela n'est pas! en dépit de l'insolent triomphe du mal et de l'incrédulité bruyante, il y a encore partout ici-bas des âmes qui s'ouvrent à l'influence de Dieu et qui disent au Christ:

Viens oh! Seigneur, régner sur cette terre. Dans les pays mêmes où la folie des tyrans cherche à faire oublier au peuple le nom de Jésus-Christ, ce nom demeure le refuge secret de ceux qui croient encore à l'amour éternel; au près, au loin, sous le grand ciel de la liberté ou sous le vent des persécutions, des fidèles continuent à creuser le sillon dans le champ où le divin semeur a jeté jadis la parole divine.

Lentement, sans bruit, s'élève la maison de Dieu où viendra un jour s'abriter l'humanité repentante, lasse de ses guerres, dégoûtée de sa misère, la maison de l'Éternel, maison d'une humanité prête à acclamer le Christ qu'elle a crucifié.

Il y a une humanité chrétienne qui s'édifie peu à peu en un Temple du Seigneur, et c'est à cette humanité-là que vous déclarez aujourd'hui vouloir appartenir.

***

La maison de l'Éternel, c'est l'Église, c'est le monde, c'est l'humanité. Certes vous entendrez mille voix moqueuses qui en face des injustices, des mystères de la souffrance et de toutes les obscurités de la terre viendront vous dire: Où est-il ton Dieu? Et vous aurez parfois de la peine à retrouver à travers les brumes qui vous envelopperont la face du Dieu d'amour. Il en est un pourtant qui a habité toute sa vie avec le Père, qui a senti la douceur de sa présence en tout lieu. Jésus a vu Dieu dans les jours de joie et dans les heures d'angoisse; il a retrouvé son image dans le coeur pur de l'enfant, mais aussi dans le coeur souillé du pécheur et du méprisé; ni la solitude ni l'abandon, ni la mort ni la croix n'ont altéré son regard dirigé vers le soleil de l'invisible amour. Il a projeté partout la présence adorable du Dieu qui sauve, qui guérit et qui ressuscite parce que ce Dieu, il le portait en lui. Il était un temple de Dieu; mes chers catéchumènes, vous pouvez l'être aussi (I Cor. VI, 19.).

Ici Dieu demeure, telle est l'inscription qui devrait Être gravée sur vos fronts, la parole qui devrait se lire à travers vos regards. Voilà la certitude capable de faire reculer les ennemis qui voudraient venir s'installer dans votre coeur. Votre coeur n'est pas libre, il n'est pas vide, il n'est pas à vendre. Quelqu'un l'habite, le Dieu de Jésus-Christ. Restez-lui intérieurement fidèles par la ferveur de votre amour; et, alors que vous aurez refusé de séjourner dans les tentes de la méchanceté ou de vous asseoir au banc des moqueurs, vous connaîtrez votre récompense, parce que votre vie tout entière sera illuminée de la grande lumière qui vient d'ailleurs et qui vous appelle ailleurs. Dans l'attente de l'éternelle joie, vous pourrez redire, avec le poète chrétien, à l'heure de votre prière:

Quand je te parle, et que dans le silence

Tu fais sentir à mon coeur ta présence,

Je suis déjà dans ta maison, oh! Père, Sur cette terre.

Et c'est cela le bonheur.


Mai 1929.

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