Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

SAUVÉS PAR GRÂCE

----------


Vous êtes sauvés par grâce, au moyen de la foi.

Cela ne vient pas de vous, c'est un don le Dieu.

(Eph. 2. 8)


I

Sauvés par grâce! Cette formule que Saint Paul propose aux Éphésiens dut certes trouver un facile accès auprès de ces convertis de fraîche date, de ces habitants de la grande métropole asiatique, centre des cultes païens les plus somptueux, et cité des débauches et des plaisirs. Il avait bien fallu une grâce d'En-Haut, c'est-à-dire une initiative puissante et inattendue de Dieu, pour que quelques-uns, au sein de cette immense populace ignorante, en vinssent à entendre parler de Jésus, à renier leur sombre passé d'erreurs, à être enfin introduits par le baptême chrétien dans une vie nouvelle, inspirée par l'Esprit saint.

Que l'on nous présente aujourd'hui encore un païen ou un pêcheur scandaleux, dont l'existence après s'être longtemps et misérablement déroulée dans la nuit ou dans la boue, s'est trouvée soudain bouleversée par une conversion décisive, que nous entendions des témoignages d'hommes que la tyrannie de leurs passions avait conduits jusqu'à la prison, ou jusqu'aux basses déchéances de l'ivrognerie et de la brutalité et nous trouverons naturel d'entendre dire à leur sujet: «Sauvés par grâce!» Eux-mêmes se sont reconnus les objets d'une inexplicable faveur divine. Leurs âmes, comme des fleurs merveilleuses, qu'auraient trop longtemps étouffées et empêchées de s'épanouir les lianes serrées et épineuses d'une inextricable forêt, ont enfin pu s'ouvrir au soleil de la vie. Le Maître souverain des destinées, qui, s'il n'était qu'un législateur implacable les eût laissées s'en aller à la mort, en les abandonnant simplement aux lamentables suites de leurs habitudes de péché, a eu pitié d'elles. Sa parole est parvenue jusqu'au point sensible de ces consciences, qu'on eût cru à jamais pétrifiées Il a exercé sa grâce en leur faveur.

Sauvé par grâce! Avant que de l'adresser aux âmes libérées par son ministère d'apôtre, Saint Paul s'est appliqué à lui-même ce titre de gloire. Observateur scrupuleux de la Loi d'Israël, il ne s'était jamais égaré sur les routes obliques du mensonge, du vice, ou de la bestialité. Tout jeune déjà, vivant à Tarse en étroit contact avec les souillures païennes, il a cherché à se garder pur, et tout l'effort de son adolescence ardente a visé à faire de lui le pharisien parfait, c'est-à-dire, le «séparé», le Juif pieux que les barrières d'une réglementation minutieuse isolent du péché du monde. Son zèle religieux l'a conduit à observer les jeûnes, les dîmes et les sabbats et à éviter tout faux pas, afin de mériter, par l'excellence de ses oeuvres, les récompenses divines.

Mais le Christ a passé dans sa vie, et l'a arraché au culte de la Loi. En face de Jésus, plus encore qu'en face de Moïse et des prophètes, sa conscience s'alarme. Comment accomplir pleinement cette loi de perfection et de sainteté, incarnée dans la personne du Sauveur? Comment ne pas sentir en face de Lui, la persistance d'un péché intérieur qui marque la distance entre un Seigneur, seul parfait dans l'obéissance à Dieu et la fidélité, et un disciple, irrémédiablement inférieur à la volonté révélée du Père?

Puis, quels que soient maintenant le zèle missionnaire de Saint Paul, et l'étendue de son travail, et la valeur de son intense activité, par quelle action chrétienne éminente ou sublime pourrait-il prétendre effacer la honte de l'amer souvenir: J'ai jadis été le persécuteur de l'Église de Dieu, l'adversaire du Christ, mon Sauveur? Ah! nous comprenons trop bien que pour une telle conscience, tourmentée à la fois par la mémoire d'un aveuglement terrible, et par l'exigence d'une nature morale exceptionnellement forte et lucide, il n'y ait eu à sa crise intérieure, d'autre issue que l'affirmation: Je suis sauvé par grâce. Dieu m'a cherché et m'a vaincu sur la route de Damas; Dieu m'a donné de croire en Christ et de recevoir son esprit; Il m'invite à mettre toute ma confiance, non plus en mes oeuvres, mais dans la valeur de l'oeuvre définitive du Crucifié. Je ne mérite ni le pardon, ni l'éternelle gloire, mais Dieu me les offre, Dieu me les donne, gratuitement, sans que je puisse prétendre y avoir un droit quelconque. C'est par sa grâce que je suis ce que je suis. Je suis un faible pécheur, capable désormais d'être fort; un perdu... qui est sauvé, sauvé par grâce.

Sauvé par grâce! C'est au XVIe siècle un des thèmes centraux des prédications de nos Réformateurs. Le catholicisme, retombant dans les impasses du légalisme judaïque, avait persuadé aux pauvres âmes craintives que celles-là seulement échapperaient à l'enfer éternel, qui se seraient acquis des mérites suffisants, par leurs oeuvres pies. C'est cette doctrine qui conduit Luther au couvent, où, après de longues tortures, son âme travaillée perçoit l'écho direct du christianisme apostolique: «Sauvé par grâce!»

Vanité désormais que la recherche des pénitences extérieures, la multiplication des cérémonies de dévotion, vanité que tout l'effort des moines et des mystiques pour gagner, au prix de disciplines pénibles et douloureuses quelque droit au paradis de Dieu. L'homme est exilé du ciel, pécheur, perdu, sans espoir, aussi longtemps que Dieu ne descend pas le chercher dans sa misère, lui dire sa pitié, et lui montrer en Jésus-Christ la seule voie du salut. «Sauvé par grâce» et par une grâce divine, qui agit directement dans l'âme, sans passer par les intermédiaires obligatoires du prêtre et des sacrements: tel est le message libérateur qui crée la joie de la piété protestante, qui inspire ses cantiques et lui dicte son enthousiasme. Si la grâce suffit, tout le reste est secondaire, et la conscience chrétienne n'a plus à se tourmenter par d'inquiétants calculs: Ai-je assez racheté par les mérites de mes oeuvres, les fautes de ma vie? Qui calcule avec Dieu sera toujours vaincu, car l'homme est définitivement réduit à rien devant le Saint et l'Éternel. Le seul salut est de tendre la main pour recevoir de Dieu son pardon, son Esprit et sa vie! Sauvé par grâce.

Vous êtes fort éloignés d'être dans une situation personnelle comparable à celle d'un Saint-Paul, ancien Juif devenu apôtre, d'un Luther, ancien moine fervent devenu Lin révolutionnaire religieux, ou d'un disciple Éphésien des premiers siècles, ancien adorateur d'idoles, converti au Christ. Vous n'avez passé ni par la vie païenne, ni par l'école des rabbins, ni par celle des moines. Et beaucoup pensent que les Épîtres de Saint-Paul, avec leurs notions théologiques, ne renferment que de vieilles théories, aussi obscures pour nos esprits modernes, qu'inutiles pour notre vie pratique.

Que Saint-Paul ait pu dans ses lettres employer des raisonnements ou comparaisons qui nous semblent un peu étranges ou compliquées, je l'admets volontiers; mais qu'il nous ait donné dans sa théorie du péché et du salut le fondement d'une compréhension définitive de l'oeuvre du Christ, voilà ce qui apparaît solidement établi par vingt siècles d'histoire chrétienne.

Les époques où l'on a méprisé la pensée de Saint-Paul, sont celles dans lesquelles la piété a été en baisse. À l'heure des réveils (et la Réformation fut un réveil des âmes croyantes) on a toujours remis en lumière la théologie paulinienne, et par-dessus tout l'affirmation du salut par la grâce.

Sauvé par grâce! Voyons de plus près quelle est la position intérieure que je prends lorsque je m'applique à moi-même cette parole, ce que cette devise signifie pour un disciple d'aujourd'hui; comme pour un chrétien des premiers âges, et ce à quoi nous nous engageons en l'adoptant. Cette position nouvelle du croyant qui se sait sauvé par grâce m'apparaît avant tout caractérisée par ces deux mots: Humilité, Certitude.


III

Sauvés par grâce... cela ne vient pas de vous, c'est un don de Dieu. La doctrine du Salut rabaisse l'orgueil humain. Tous ont péché et se sont privés de la gloire de Dieu (Rom. III. 24.). Une saisissante égalité nivelle toutes les prétentions des hommes à s'élever au-dessus de leurs frères, à escompter une récompense insigne, à se flatter d'être les premiers. Les plus instruits, les mieux éduqués, les plus favorisés doivent, s'ils ont moins péché que d'autres, se dire que leurs transgressions sont plus graves et leur responsabilité, plus lourde que celle des frères qui ont vécu, sans loi et sans lumière. Il y a telle âme, qui avec les bienfaits dont elle a été comblée, avec la nourriture spirituelle qui lui a été assurée, est aussi coupable par ses pensées égoïstes ou impures, que telle autre âme qui, grandie dans une atmosphère saturée de vices, a commis quelque délit qui l'envoie devant les tribunaux humains.

Il est des saints qui ont confessé avoir nourri jusque dans la pieuse solitude de leurs vies cloîtrées des pensées coupables et folles; il est des justes, dont aux yeux du monde l'existence se déroule impeccable et admirée, et qui pleurent dans l'intimité sur l'irrémédiable misère intérieure d'une volonté qu'ils savent méchante ou lâche; il est des vies qui après être longtemps montées vers la lumière, se trouvent tout d'un coup en face de l'abîme et qui s'effondrent. Qui es-tu donc, toi qui voudrais te sauver toi-même?

L'humilité seule est permise à celui qui se sent en face du Dieu qui sonde les coeurs. Dieu ne s'arrête pas au catalogue trompeur de nos bonnes actions, ou de nos apparentes vertus. Il vient nous dire: Je ne te demande pas seulement ce que tu as fait, je te demande ce que tu penses et ce que tu désires, ce que tu rêves et ce que tu espères, je te demande ce que tu es, dans les profondeurs dernières de ton être.

Ce que je suis? Ah! mon Dieu, tu le sais! un pécheur qui n'a d'autre recours que ta bonté parfaite et ton pardon, un pécheur qui sera sauvé par grâce ou qui, sans ta grâce, est perdu!

Si ces essentielles constatations nous sont souvent difficiles, c'est que nous consentons trop à vivre à la surface de nous-mêmes. Mais la vérité de Dieu déchire parfois notre ciel, dans les heures de crise, alors que nous sommes arrachés à la facile somnolence de la vie coutumière.

Que demain Dieu permette que surgisse sur votre route une de ces tentations puissantes, qui font appel aux instincts les plus violents de notre égoïsme — pour l'un, une fortune à gagner; pour l'autre, la voix d'un amour coupable; pour l'autre encore, l'appel à quelque basse vengeance ou à quelque acte déloyal qui pourrait servir ses intérêts ou ses ambitions, — sans doute, vous lutterez, et vous lutterez, Dieu le veuille, en vainqueurs. Mais vous sentirez aussi, au cours même du combat, à quel point il est juste de dire que l'adversaire est dans la place. Un mot de plus, et nous étions vaincus une imprudence de plus, et nous étions terrassés. Nous avons côtoyé l'abîme; humiliés, nous renonçons à tout jamais à la piété du Pharisien pour redire avec le péager prosterné: Mon Dieu sois apaisé envers moi qui suis pécheur.

Que demain la maladie ou l'accident fasse peser sur vous la menace de la mort, qu'un instant vous pensiez à la gravité morale de l'heure suprême, celle dont Pascal disait: «Tu mourras seul», oui, seul, en face de ton Dieu; et aussitôt, comme un éclair qui déchire la nue, la vérité resplendit: Ou perdu, ou sauvé par la grâce. Ce qui apparaît, dans l'aurore annoncée de l'Éternité, ce n'est pas seulement la trop certaine réalité de nos erreurs et de nos fautes, c'est aussi la trop réelle misère du bien que nous avons su si mal accomplir, le caractère dérisoire et si limité de nos plus justes efforts, en face de la perspective qui s'ouvre radieuse, d'une ascension dans l'Éternité. Que Dieu réponde à ma foi chrétienne, en me faisant participer à la vie des anges et à la gloire du ciel? Jamais, non jamais une conscience droite n'osera dire: voilà ce que j'ai mérité, voilà ce que m'ont valu mes efforts et ma justice. Plus cette conscience se sera élevée dans l'ordre moral, plus elle sentira la distance qui subsiste entre la pauvreté de l'humaine vocation — avoir fait si peu de bien — et la richesse du salut chrétien: «Entre dans la joie de ton maître.» La promotion céleste est une grâce; une grâce, pour tous, pour l'apôtre comme pour le brigand repenti, pour le juste comme pour l'impie.

Le croire, le dire, le savoir, c'est demeurer humble de coeur, c'est assainir notre piété en en expulsant tout orgueil.


IV

Sauvé par grâce... Ce message qui nous rabaisse et nous prosterne dans l'humilité, est aussi le message qui nous relève et nous anoblit, par la possession de la certitude.

L'incertitude, le doute, projettent leur ombre sur toute âme de croyant qui fait dépendre son salut de la seule valeur de ses actes. Il y a là une source d'incertitude terrible que cultive le catholicisme, lorsqu'il pousse les fidèles à augmenter leurs aumônes, à multiplier leurs prières, à effacer par des oeuvres pies, le compte trop lourd de leurs dettes envers Dieu. Les dettes seront-elles jamais toutes acquittées? La balance entre le bien et le mal penchera-t- elle du bon côté? Je ne suis jamais sûr de mon salut, je n'en serai jamais sûr avant ma mort.

Et tout protestants que vous êtes, vous pouvez, vous aussi, gémir de même, si vous pensez encore devoir être sauvés, uniquement parce que vous n'avez pas trop fait de mal, ou parce que, comme le dit la sagesse populaire à courte vue, vous n'avez ni tué, ni volé.

En vérité, pour qui reste placé sur le terrain des oeuvres humaines, il n'y a jamais de sécurité. Nul homme (et pas même le prêtre) ne peut juger des actions humaines du point de vue de Dieu. C'est une impiété que prétendre le faire. La seule chose que nous osions dire ici, c'est que Dieu déteste le mal, d'une manière plus absolue qu'aucun d'entre nous et que nul ne peut être certain d'avoir été jusqu'au bout dans l'accomplissement d'une volonté dont Jésus a donné la suprême interprétation dans son appel: Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Pour être certain qu'il y a pour toi pardon et salut, que faudrait-il donc? Il faudrait, que ce salut te soit apporté du dehors comme le cadeau offert par la bonté d'un Dieu, il faudrait que tu n'aies qu'à tendre la main, à accepter, à recevoir. Or, cette main tendue qui saisit, c'est la Foi; ce don, c'est le Christ; et la source dernière du Salut, c'est la «Grâce». Désormais, celui qui se confie en Jésus-Christ et qui l'aime est certain; le salut n'est pas seulement devant lui, comme le prix lointain qu'il espère, sans trop oser l'espérer; le salut est en lui, réalité d'une vie nouvelle d'amour, de joie et de ferveur, alimentée dans l'âme par la présence du Christ éternel. Plus de calculs et plus de crainte. La victoire est remportée. Ce que le Christ a accompli, il l'a accompli pour nous. «Je sais en qui j'ai cru.» «Je suis vainqueur et plus que vainqueur par celui qui m'a aimé.» Dans la foi au Sauveur, l'âme se rassure et s'établit sur le roc de l'inébranlable conviction.

Sauvé par grâce! c'est la religion qui abandonne le triste manteau de la crainte et revêt les vêtements de la joie. C'est Dieu qui veut ma vie, quand même je demeure faible, quand même le péché sommeille encore en moi, quand même Je me sens indigne. Dès que je suis chrétien par le coeur, lié au Christ par une communion intime, attaché à Lui par une foi sincère, les portes du salut sont ouvertes pour moi. Je le sens, je le sais, parce que Je regarde moins à ma détresse qu'à la richesse du Christ, moins à ma misère qu'à sa gloire. Je le sais, parce que le Christ fait circuler dans le coeur de ses disciples la sève de l'Esprit qui inspire la prière, l'amour et le sacrifice. Quel apaisement! Quel élargissement de l'horizon! Dieu,nous invite à attacher notre certitude à un point fixe, Jésus-Christ et sa double victoire sur le péché et sur la mort. Il y a une telle force dans cette conviction, je suis sauvé par la grâce de Dieu! que les consciences qui ont vécu de cette conviction ont su être à la fois les plus humbles devant Dieu et les plus fières devant le monde. Ceux qui sont à genoux devant l'Éternel, ce sont ceux-là qui refuseront de se prosterner devant les idoles et les puissances d'ici-bas.

Sauvé par grâce! Cette certitude est si forte que quand une âme s'en est emparée, elle peut dominer les foudres des empereurs, les mépris des puissants, les excommunications des églises et les malédictions des foules!

Sauvé par grâce! C'est la parole qui a fait chanter les martyrs, qui a permis aux Réformateurs de braver les colères du pape! C'est la devise de ceux qui se sont sentis saisis par Dieu et qui, tenus par sa main puissante, ont reçu de sa part le trésor que personne au monde ne peut enlever, parce que personne ne peut le donner, le don de Dieu.

Acceptez-vous la vie divine comme ce don splendide, immérité et généreux? Avez-vous éprouvé que dans votre vie religieuse ce n'est pas vous qui avez trouvé Dieu et acheté ses faveurs, mais que c'est Lui qui vous a par sa grâce, élus, appelés, cherchés? Ne craignez plus désormais, vous avez la certitude et vous avez la joie. Qui oserait dire que la joie caractérise aujourd'hui la piété, chrétienne?

Et l'on penserait que pour cultiver la joie de Dieu dans nos jardins, il faudrait égayer notre coeur par des moyens extérieurs, rendre nos cultes plus amusants, négliger la vieille Bible des protestants, faire oublier aux hommes les réalités tragiques qui les dominent, ne plus parler du péché, et ne plus penser à la mort?

Ceux qui parlent ainsi ne sont que de mauvais médecins, que des charlatans qui ignorent les sources authentiques de la vraie joie. La joie religieuse, elle est dans la certitude du salut. Il n'y a pas de joie dans une église où ne retentit plus, claire et triomphante, la prédication apostolique.

Sauvés, vous pouvez l'être aujourd'hui, maintenant, par vos oeuvres excellentes? non pas, hommes pécheurs, éphémères et misérables, mais par votre foi au Fils de Dieu. Par la loi? non pas, car en face de la loi tout homme est transgresseur, mais par la grâce personnelle d'un Dieu qui vous aime, qui s'est donné en Christ, et qui se redonne à nouveau, dans la démarche infinie et permanente de son amour, dès que l'âme s'ouvre à l'action intérieure de l'Esprit-Saint.

***

Ces deux colonnes du Temple, l'humilité et la certitude, appellent ensemble une troisième pierre qui les achève et les couronne, celle de la reconnaissance. Pour nous, nous aimons Dieu parce qu'Ils nous a aimés le premier (1 Jean IV. 19.).

Sauvés par grâce! c'est donc d'En-Haut que part l'initiative. Ce n'est pas vous qui avez inventé l'Évangile: il vous a été donné, et vous avez appris à le lire sur les genoux d'une mère, ou sur les bancs de l'Église, mère commune des fidèles, Ce n'est pas la terre qui, d'elle-même a produit Jésus-Christ, le seul homme inexplicable de l'histoire, le miracle vivant qui défie la sagesse incrédule, Jésus-Christ a été donné au monde par le Dieu souverain.

Ce n'est pas vous qui avez tout fait, tout mis en oeuvre pour rencontrer Dieu, mais c'est Dieu qui, à travers les bénédictions ou les combats de vos carrières, vous a attendus. Il vous a attendus à l'heure de votre enfance ou de votre jeunesse pour vous instruire ou vous avertir. Il vous a retrouvés à l'heure de vos larmes ou de vos chutes pour s'introduire en vous à la faveur d'une douleur qui vous a ouvert les portes de l'invisible. Il vous a parlé dans la splendeur des choses, comme à travers la bonté ou la perfidie des hommes.

Tout vient de Lui. C'est Lui qui le premier a prononcé sur vous la parole de l'amour et de l'espoir; c'est Lui qui a tout fait pour vous avoir à Lui, pour vous faire vivre en lui.

Sauvé par grâce! Le croire, le savoir, le proclamer, c'est faire de la reconnaissance envers le Père l'inspiration centrale, joyeuse et ardente de notre activité et de notre service. C'est nous reconnaître obligés à dire merci à l'auteur de notre salut par la consécration décidée de nos âmes libérées. C'est répondre à la gratuité du Dieu Sauveur par la gratitude de l'homme sauvé!


1928.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant