Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II

COURIR AVEC PERSEVERANCE

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Courons avec persévérance dans l'arène ouverte devant nous, les yeux sur Jésus qui entraîne les croyants et les conduit au but

(Version de la Bible du Centenaire (et Bible de la Famille).

(Hébreux XII 1-2, Lire aussi : Hébreux XI)


I

Quelle grandeur dans ce chapitre onzième de l'Epitre aux Hébreux! Quelle impression se dégage de ce défilé des héros de l'ancienne alliance que l'écrivain sacré fait surgir devant ses lecteurs en introduisant chacun de ces géants de l'esprit par ce même refrain de victoire : Par la Foi!

Ce chrétien du premier siècle écrit à des disciples, sujets comme lui aux tentations et aux faiblesses humaines, et exposés comme lui aux persécutions d'un monde hostile, du monde juif qui a crucifié le Seigneur, du monde romain qui cherche à étouffer la religion nouvelle. Il y a parmi ceux auxquels il s'adresse des gens qui ont souffert et d'autres qui vont souffrir, des volontés prêtes à faiblir, des intelligences prêtes à douter, des âmes qui se sentent isolées au sein d'un peuple incrédule ou aveugle. Et c'est à ceux là qu'il offre la vision magnifique du cortège des victorieux en Dieu, c'est devant eux qu'il ouvre les portes de l'invisible pour leur montrer, venant du fond dit passé pour éclairer les routes du présent et l'inconnu de l'avenir : La nuée des témoins.

Je pénètre dans la chambre d'un jeune homme perdu dans quelque grande capitale où il est venu se perfectionner dans son art ou dans son métier, où il désire poursuivre son étude ou son rêve. Au mur quelques photographies sont fixées ; celle d'un aïeul qui n'est plus, mais qui avait éclairé de son indulgente bonté les jours de son enfance, celle d'un père au regard droit, celle d'une mère chérie, celle d'une fiancée qu'il veut sentir près, très près de lui malgré les kilomètres qui la séparent de lui, celle d'un ami ou d'un aîné qui hier encore était son confident et son appui. Sur l'autre mur, ce sont d'autres témoins encore : un maître qu'il a respecté et écouté ou quelques-uns de ces maîtres de l'humanité qui s'appellent les génies. C'est la figure d'un Beethoven dont le regard profond dit : «Crée de la joie avec ta souffrance » ; c'est la vieille gravure d'un de nos Réformateurs tenant en main une Bible ; c'est le portrait de quelque aviateur intrépide dont le vol prodigieux a vérifié l'ancien adage «La fortune sourit à ceux qui savent oser!» c'est enfin, image sublime entre toutes, la figure dit Christ, le Berger, le Crucifié.

Ah! qui dira ce qu'a signifié dans la vie d'une âme à l'heure de quelque lutte décisive, le regard jeté sur l'image d'un être aimé, l'apparition soudaine dans l'esprit troublé ou hésitant de quelque grande figure capable de redresser ceux qui sont courbés, de fortifier les genoux alanguis et de redire, à l'instant sombre du découragement : Crois et espère! Qui dira surtout tous les miracles opérés dans des vies tourmentées par la communion retrouvée avec Jésus-Christ!

La nuée des témoins. Tel est le titre d'un admirable livre que vient de nous donner le pasteur Wilfred Monod (La Nuée des Témoins, 2 vol., Ed. Fischbacher, Paris, 1929.). Dans la noble armée de ceux qui peuvent nous aider à vivre parce qu'ils ont vécu en Dieu, l'auteur a choisi vingt-cinq personnalités ; il remonte jusqu'à Moïse pour arriver jusqu'à notre époque et a dessiné ces portraits d'hommes de Dieu avec une force saisissante, en une langue où se marient la poésie et la vérité. Quelle richesse est la nôtre! Nous n'avons pas seulement les prophètes de l'ancienne alliance qu'évoque l'auteur de l'épître aux Hébreux. Dieu, après avoir écrit la préface biblique de l'histoire du Royaume, a continué le livre éternel. Voici les héros de la conscience ! Par la foi ils ont lutté contre la superstition, c'est Jean Hüss, c'est Calvin ; par la foi ils ont trouvé le secret de la joie dans la pauvreté volontaire : François d'Assise ; par la foi ils ont été forts dans la souffrance : Pascal ; par la foi ils chantent le pardon de Dieu: Luther; par la foi ils réveillent les consciences : Wesley, Vinet; par la foi ils vont porter la lumière de Jésus-Christ dans les prisons, dans les bas fonds, dans la ténébreuse Afrique, Élisabeth Fry, William Booth, Coillard.

La vie de victoire a été vécue sur la terre, et chaque année dont la page se tourne, et chaque siècle qui se replie pour tomber dans le passé, contribuent à augmenter le nombre des héros, illustres ou connus de Dieu seul, à qui toutes choses ont été possibles par la foi. Mais si la galerie des vainqueurs s'est accrue d'âge en âge, une chose n'a pas changé depuis l'époque du Nouveau-Testament. La nuée des témoins demeure dominée par le Christ. C'est lui qu'attendaient et que saluaient prophétiquement ceux qui en Israël ont chanté les premiers cantiques de la foi, les psaumes de l'Eternel. C'est en s'appuyant sur lui que depuis vingt siècles les croyants ont pris l'élan qui leur a assuré le triomphe. Et le cri d'appel de notre texte a gardé à notre adresse sa pleine actualité : Nous donc puisque nous sommes environnés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous entrave et courons avec persévérance dans l'arène ouverte devant nous, les yeux sur Jésus qui entraîne les croyants et les conduit au but.


Il

L'arène est ouverte, et les coureurs de s'élancer, animés d'une émulation passionnée. L'auteur a assisté à quelques-uns de ces concours auxquels la foule avide se précipitait avec la même ferveur que nos contemporains aux grandes manifestations sportives. Il a observé l'attitude de ces hommes. Les voici au départ. Il s'agit d'abord d'être léger, léger comme la flèche qui vole au but. Ils rejettent tout vêtement qui leur serait fardeau ; dépouillé, presque nu, le corps doit pouvoir utiliser toutes les ressources des muscles agiles, serviteurs d'une volonté tendue dans l'effort.

Ainsi le Chrétien qui, quand il a entendit l'appel de son Maître consent aux nécessaires dépouillements. Arrière tout fardeau, et le péché qui nous entrave! L'amour de Dieu m'appelle.

Et en cet instant, je me sentirais encore esclave de mon argent, comme le jeune homme riche condamné à abandonner le chemin de la vie éternelle dont il avait pourtant au fond du coeur le désir sincère ?

Et je m'attarderais encore à vouloir goûter les joies douteuses de quelque plaisir grossier ?

Et je continuerais encore à haïr ou à soupçonner, à médire ou à envier, alors que Dieu me convie à prendre part aux saints combats dans l'arène chrétienne ?

Ah le fatal encombrement de ceux à qui Dieu dit « En avant », et qui s'attardent à regarder en arrière, qui retournent à leurs pensées mesquines, qui voudraient trainer après eux le misérable bagage des offenses non pardonnées, des rancunes, des désirs orgueilleux ou impurs. Celui qui veut courir se dépouille ; il dépose résolument le vieux vêtement de son péché, et alors il peut courir.

Courons avec persévérance. L'intérêt de la course grandit de minute en minute. Au début on peut noter les hésitations et les retards de ceux qui ne sont pas encore prêts et qui se laissent encore entraver. Plus tard ce sont des gestes parallèles, dont le rythme harmonieux crée une beauté d'ensemble émouvante. Une unanime volonté, une unanime puissance dominent les évolutions rivales de ces hommes dont les formes mouvantes peuplent de vie et de passion la vaste arène. Plus tard encore des différences, s'annoncent, se préparent, s'accusent entre ceux qui tiennent bon et ceux qui s'épuisent. Des signes de fatigue, des marques de découragement se lisent sur tel ou tel, et les paris sont ouverts. Où sont ceux qui persévèreront?

Image de la course de la vie. Le départ est important, certes, il n'est pas tout. «Il est mal parti.» Oh ! que ce cri est désolant et déchirant, quand il sort de lèvres d'une mère qui a vu son enfant céder aux premières sollicitations puissantes de l'ennemi et s'enfoncer dès sa jeunesse dans quelque ornière boueuse et profonde ! Est-il moins douloureux et moins tragique l'aveu d'un homme qui s'arrête au sommet de sa vie, et peut-être au moment où la route commence à descendre, pour se retourner vers son passé et s'écrier dans l'amertume de son âme : «J'étais bien parti, je n'ai pas persévéré ?»

C'est celui qui a voulu construire la tour (Luc XIV. 28.) sans calculer la dépense et qui dans son enthousiasme juvénile a dit jadis : «Je serai chrétien », sans se dire qu'il aurait besoin et de la prière et de toutes les armes divines pour pouvoir tenir ferme aux jours mauvais. Et ces jours finissent toujours par survenir dans toute vie humaine. Ils sont venus pour l'apôtre Pierre, l'homme fort et sûr de lui qui pouvait dire à son Maître : Quand tous viendraient à tomber, moi jamais (Marc XIV. 29.)!

Bien parti et je n'ai pas su persévérer! Le monde a dressé sur votre route des obstacles auxquels vous n'aviez point pensé. Au jour du départ, il n'y avait ni la maladie, ni le deuil. La mort était si loin, la santé si robuste. Au jour du départ, il n'y avait ni les difficultés économiques, ni les conflits domestiques. «Je travaille fort et je gagnerai ma vie, j'ai une femme charmante et nous nous entendons si bien. » Et l'instant est venu où l'argent a été plus rare, où l'amour a été moins fort, où le monde a passé avant le foyer : pour l'un ce fut le café et ses traîtres attraits, pour l'autre ce fut la course aux plaisirs. Et après les chutes s'est affirmée cette soif mortelle d'oublier et de s'étourdir. Et c'est ainsi que dans l'arène chrétienne, l'Église, il est de pauvres frères, de pauvres sœurs dont nous pouvons dire : ils ne courent plus avec persévérance, ils marchent, que dis-je ? ils se traînent comme les vaincus de la course qui, par une sorte de force acquise, continuent encore à essayer d'avancer péniblement sans joie et sans élan, trop éloignés du but pour croire encore à la victoire.


III

Mais cependant parfois, parmi ces fatigués sur lesquels la foule a déjà lancé son verdict : «Perdus ! » il en est un qui se relève en un sursaut d'énergie et qui attache ses pas à ceux de l'un de ces entraîneurs professionnels qui sont là sur le stade pour remettre debout ceux qui fléchissent. Une résurrection s'opère, il repart, il s'élance. L'entraîneur, qu'une sorte de passion sainte semble lier au vaincu de tout-à-l'heure, lui communique un essor nouveau ; il lui redonne une âme, il l'entraine au but où la couronne l'attend. C'est l'apparition du génie Sauveur, de ce saint Georges de la légende que le poète Verhaeren évoque dans ces vers :

Il sait de quels lointains je viens

Avec quelles brumes dans le cerveau

Avec quels signes de couteau

En croix noires sur la pensée

Avec quel manque de biens

Avec quelle puissance dépensée

Avec quel masque et quelle folie

Sur de la honte et de la lie.

Le saint Georges rapide et clair

A traversé par bonds de flamme

Le frais matin jusqu'à mon âme

Il était jeune et beau de foi ;

Il se pencha d'autant plus bas vers moi

Qu'il me voyait plus à genoux ;

Comme un intime et pur cordial d'or

Il m'a rempli de soit essor

Et tendrement d'un effroi doux

Devant sa vision altière,

J'ai mis, en sa pâle main fière,

Les fleurs brisées de ma douleur

Et lui s'en est allé, m'imposant la vaillance,

Et sur le front la marque en croix d'or de la lance

Droit vers son Dieu avec mon cœur .

(E. VERHAEREN, Les Apparus dans le Chemin.)

Quelle beauté dans cette vocation de l'Entraineur, capable «d'imposer sa vaillance» à quelqu'un des attardés et des vaincus de la course! Qui peut dire qu'il ne sera jamais de ceux qui aspirent du sein de leur détresse ou de leur solitude, à saisir une main tendue qui les remette debout ? Et la tâche de l'Église au sein du monde, n'est-elle pas de multiplier le nombre de ces nouveaux saint-Georges, toujours prêts à courir vers les frères, toujours prêts à leur communiquer un élan nouveau, toujours prêts à apporter leurs cœurs lassés au Dieu des relèvements et des renaissances ?

Mais, derrière le saint Georges de la légende et derrière tous les entraîneurs qui s'efforcent d'aller vers leur prochain pour leur rendre le courage, une figure se dresse, celle du Jésus de l'histoire, celle du Christ d'amour et je ne vois pas de définition plus lumineuse de son oeuvre permanente et bénie que celle de notre texte.

Il entraîne les croyants et les conduit au but.

Jésus est l'entraineur divin sur la course de la vie ; fixons les yeux sur Jésus.

À l'heure où s'éveillent en vous, les jeunes, les passions de la vie, - ces passions qui ont leur côté périlleux puisqu'elles sont la voix d'une nature de chair et de péché, mais qui ont aussi une face sainte puisqu'il y a dans notre nature l'empreinte du Créateur, - à cette heure riche de promesses et de dangers, ce qu'il vous faut pour vous engager sur le chemin qui monte, c'est un grand enthousiasme pour le bien, c'est une passion divine. Voici le Christ, son Évangile, sa Croix. Non pas un livre de morale, non pas l'image effroyable d'un Dieu gendarme, non pas des menaces et des interdictions, non pas des lois étroites qui vous retiendraient dans leur prison on Qui vous amèneraient à dire hypocritement : j'obéis, alors que vous n'obéiriez pas ; mais bien la puissance souveraine d'une personne qu'à travers l'Evangile vous voyez vivre et servir et aimer, niais bien la contagion d'une vie qui a trouvé en Dieu le secret de toute pureté et de toute joie, mais bien cet élan prodigieux que vous communique la main du vainqueur qui saisit votre main.

A l'heure plus lourde où la sagesse des hommes, qui est sottise devant Dieu, vous a appris les propos découragés et les gestes lassés, alors que devant l'injustice des autres ou devant votre propre misère, vous vous abandonnez et murmurez l'A quoi bon ? de la défaite et vous surprenez à douter de la vie, de son sens, de sa beauté, alors que quelque chose en vous est brisé parce que vous avez trop souffert ou trop longtemps erré, l'appel retentit de nouveau :Fixe les yeux sur Jésus qui entraîne les croyants.

Vous retrouverez à tous les contours du chemin celui qui veut être votre Sauveur; et c'est aux endroits où vous vous êtes assis pour pleurer que vous découvrez le mieux, à travers le brouillard même de vos larmes, les traits du Crucifié: Le Christ est l'entraîneur du monde non seulement lorsqu'il instruit la foule sur la montagne des Béatitudes, mais Il l'est encore dans l'apparente immobilité, du Calvaire alors que se tournent vers Lui les regards suppliants du brigand, alors que dans l'ombre de la croix le peuple se tient là et regarde.

Ni la souffrance, ni le péché ne t'empêchent plus de repartir à l'instant où ton regard croise celui du Christ.

La souffrance? le Christ la sanctifie et la croix crie aux lutteurs d'ici-bas : «Ne désespère jamais. »

Le péché ? Christ crucifié nous oblige à le détester et nous donne l'assurance de son pardon. Il n'est jamais trop tard, pécheur, pour mourir et ressusciter.

Il conduit les croyants au but.

Au but. Après la course le triomphe, les palmes et les lauriers au front des combattants, la plénitude du triomphe. Les visions de la victoire visitent l'intrépide coureur, contrecarrent chemin faisant l'influence de la fatigue et soutiennent son énergie.

Ainsi le Chrétien au cours de son voyage, a pour le rafraîchir intérieurement la vision du trône de Dieu et de la gloire du Ressuscité. Il savoure par avance dans la joie d'aimer, dans la joie de servir, dans la joie de prier quelque chose de la céleste paix. Et la persévérance, si difficile au pèlerin solitaire, devient facile à celui qui part comme le cavalier de l'Apocalypse, en vainqueur et pour remporter la victoire (Apoc. VI. 2.) les yeux fixés sur Jésus qui entraîne les croyants et les conduit au but.

Saisissez derrière la splendide image de l'Écriture la réalité qu'elle entend exprimer, la réalité solide et sûre sur laquelle repose votre espérance.

Il est une seule réponse au problème de l'existence : la Foi ; et la foi entière, victorieuse, est comme un grand courant d'énergie qui circule de la conscience à Jésus-Christ et de Jésus-Christ à la conscience. Rejette tout péché et regarde à Jésus. Et alors tu courras avec persévérance et tu pourras permettre à Dieu d'ajouter un chapitre nouveau à l'histoire de la nuée grandissante des témoins. Aujourd'hui au XXe siècle, chez nous dans notre Eglise, il en est qui, par la foi, ont repoussé les démons, terrassé l'adversaire, vu l'invisible, et marché vers l'inconnu.

Oh! mon Dieu, accorde-nous la grâce de courir avec persévérance dans l'arène ouverte devant nous, et d'être conduits, entraînés par le Christ, sur qui s'attache le regard de notre foi, jusqu'au port de ton Éternité !

1929.


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