Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS

Chapitre 8

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1 Mais je vais vous faire connaître, mes frères, la grâce de Dieu qui s'est manifestée dans les églises de la Macédoine, en ce que, au milieu de nombreuses épreuves de Tadversité, leur extrême pauvreté, jointe à un empressement plein de joie, a su abondamment produire de riches libéralités. Car c'est selon leurs moyens qu'ils ont donnée je l'atteste, et même au-delà de leurs moyens, de leur propre mouvement, en me suppliant avec beaucoup d'instances de leur faire la grâce de les laisser prendre part à ce service à rendre aux fidèles; et ils ont contribué bien au-delà de ce que j'osais espérer: oui, ils ont donné leurs propres personnes, au Seigneur d'abord, puis à moi, sous l'impulsion de Dieu.

6 Aussi ai-je engagé Tite à conduire à bonne fin, chez vous aussi, cette œuvre de charité, comme il l'avait déjà commencée. Ou plutôt, comme vous vous distinguez en toutes choses, en foi, en éloquence, en intelligence, en zèle à tous égards et en attachement de votre part à ma personne, faites en sorte que vous vous distinguiez aussi dans cet acte charitable.

VIII, 1-7. Paul, étant arrivé dans la première partie de l'épître (chap. I-VII) à rétablir ses bons rapports avec la communauté de Corinthe, revient à parler de la grande collecte dont il avait déjà été question précédemment (1 Cor. XVI, 1 suiv.), et qui, à ce qu'il paraît, n'avait pas marché dans l'intervalle. Il fait aujourd'hui les instances les plus pressantes auprès de ses lecteurs, pour les engager à prendre part à cette œuvre d'un genre tout nouveau à cette époque. On entrevoit facilement qu'il avait des doutes sur la réussite.

Le style de tout ce morceau (chap. VIII, IX) laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la lucidité et de la simplicité, mais l'embarras qui en résulte pour l'exégète, et surtout pour le traducteur, ne tient qu'à la forme de la phrase et non au fond de la pensée. À moins de s'astreindre à un absurde littéralisme, cette dernière pourra être rendue d'une manière parfaitement intelligible.

L'auteur commence par stimuler ses lecteurs en leur présentant l'exemple des églises de Macédoine, dont la situation économique et civile n'était rien moins que brillante. Elles étaient généralement pauvres et avaient beaucoup à souffrir de la part des païens et des Juifs (Actes XVI; XVII. Epp. aux Thess.). Malgré cela, la grâce de Dieu s'est manifestée là d'une manière extraordinaire, en ce qu'elle leur inspira, dans cette circonstance, un louable dévouement. Tout bon mouvement venant de Dieu, c'est à celui-ci que l'apôtre attribue l'heureux résultat qu'il a à signaler, savoir la riche libéralité avec laquelle les Macédoniens ont pris part à la collecte. Par une tournure qui ne laisse pas d'être piquante, Paul nomme la pauvreté des Macédoniens comme la cause, ou du moins comme le point de départ de cette richesse, et rapproche des afflictions de l'adversité la joie avec laquelle ils s'associèrent à cette œuvre. Plus loin, il renchérit encore sur cet éloge: ils ont donné sans avoir besoin d'être stimulés (avis au lecteur!), ils ont même été les premiers à demander qu'on leur permît de prendre part à cet acte de charité, enfin ils ont donné plus qu'on n'était en droit d'attendre d'eux eu égard à leurs ressources, ils se sont donnés eux-mêmes, c'est-à-dire, ils se sont dépouillés pour parfaire une somme plus considérable. Et c'est cet exemple, ajoute l'apôtre, qui m'a engagé à revenir à la charge, chez vous aussi. Quelle insinuation, pour qui savait lire entre les lignes! Aussi s'empresse-t-il d'effacer dans la phrase suivante (Ou plutôt...) ce que celle-là pouvait avoir de blessant ou d'équivoque.

Tout cela nous semble parfaitement clair et naturel. Cependant en comparant les traductions vulgaires, on voit que l'auteur n'a pas été généralement compris. Déjà les anciens copistes ont cru devoir changer le texte (par exemple par l'addition de quelques mots à la fin du 4° verset), pour lui prêter un sens étranger à la pensée de l'auteur.

8 Ce n'est pas un ordre que je vous donne là, mais par l'exemple du zèle des autres, je veux éprouver la sincérité de votre propre charité. Car vous savez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, comment à cause de vous il s'est fait pauvre, bien qu'étant riche, afin que vous fussiez enrichis par sa pauvreté. C'est donc un simple avis que je vous donne en ceci, car c'est là tout ce qu'il vous faut à vous, qui dès l'année passée avez commencé, non seulement à agir, mais aussi à vouloir: maintenant donc conduisez aussi l'action à bonne fin, et de même qu'il y a eu empressement à vouloir, qu'il y ait aussi accomplissement en raison des moyens.

12 Car si la bonne volonté y est, chacun est le bienvenu dans la mesure de ce qu'il a, et non de ce qu'il n'a pas. Car il ne doit pas y avoir soulagement pour d'autres et gêne pour vous, mais, d'après le principe de l'égalité, aujourd’hui votre superflu servira aux besoins de ceux-là, afin que leur superflu serve à son tour à vos besoins et qu'il y ait égahté, selon ce qui est dit dans l'Écriture: Celui qui en avait beaucoup nen avait pas trop^ et celui qui avait peu n'en avait pas trop peu.

VIII, 8-15. Cette partie du discours est destinée principalement à déterminer le point de vue auquel il convient à un chrétien d'envisager une œuvre de ce genre. Tout d'abord il ne s'agit pas d'un ordre; l'acte perdrait même toute espèce de valeur, si l'on n'y prenait part que par suite d'une sollicitation impérative. L'apôtre veut donc seulement montrer à ses lecteurs une occasion de bien faire, et les exciter en passant par un avis donné, par un simple conseil, à ne point la négliger. À cet effet, il leur a proposé d'abord l'exemple des Macédoniens. Il y en a un autre encore, plus digne d'attention, qu'il n'est guère besoin de rappeler à des chrétiens: c'est l'exemple de Jésus, qui a aussi donné tout ce qu'il avait, qui s'est dépouillé de sa gloire divine et est descendu dans l’humble sphère d'une bien modeste existence terrestre, .pour nous doter si richement (Phil. II, 5 suiv.). Cette considération est d'ailleurs introduite comme par parenthèse.

Par une autre raison encore, Paul croit pouvoir se borner à un simple avis: la cotisation a déjà été commencée à Corinthe (et organisée, comme on sait, d'après la méthode d'une collecte hebdomadaire), il s'agit donc seulement de continuer. Mais ici il y a dans l'expression que l'auteur donne à sa pensée quelque chose de paradoxal, on pourrait dire une contradiction: non seulement vous avez déjà agi, dit-il, mais vous avez même voulu; et plus loin: il ne faut pas se borner à vouloir, il faut aussi agir. Malgré l'apparence, la pensée est juste et vraie. Voici ce qu'il veut dire: L'année passée vous vous êtes mis à l'œuvre, et cela avec empressement et bonne volonté, ce qui est bien la chose capitale en pareille circonstance. Aujourd'hui vous voudrez faire voir que cette bonne volonté y est encore, en achevant l'œuvre, en persistant jusqu'au bout.

Ensuite l'apôtre passe à une nouvelle recommandation qui rentre dans le même ordre d'idées: Chacun doit donner selon ses moyens; c'est d'après cela, et non autrement, que le don sera apprécié, pourvu que la bonne volonté y soit. Elle rend également riches tous les dons, petits ou grands, dès qu'ils se mesurent d'après ce que chacun peut faire. Ici encore, la forme de la phrase n'est pas transparente. Chacun est le bienvenu (pour ceux qui se chargent de recueillir les dons, ou pour ceux qui doivent en profiter, ou enfin pour Dieu même) dans la mesure de ce qu'il a et non de ce qu’il n'a pas, en d'autres termes, chacun sera apprécié selon ce qu'il peut donner et non selon ce qu'il ne peut pas donner. Autrement le don du pauvre, le denier de la veuve, serait d'une bien mince valeur, parce qu'on le mesurerait d'après les sommes qui manquent au donateur et non d'après celles qu'il possède. On aurait dit plus simplement: dans la mesure de ce qu'il a et non de ce qu'il donne.

Enfin Paul fait valoir l'argument de la réciprocité qui doit être la conséquence d'un acte de charité, non pas que le chrétien doive donner pour qu'il reçoive, mais il doit se dire: si les autres étaient dans l'aisance et que moi je fusse dans le besoin, ils me donneraient aussi! En présence des nombreuses vicissitudes de la fortune humaine, une pareille considération se présentait tout naturellement. Aujourd'hui vous donnez; qui sait si demain vous ne serez pas dans le cas de demander! À ce propos, l'auteur cite un passage de l'Exode (chap. XVI, 18), où il est question de la manne recueillie dans le désert selon les besoins de chaque famille, de manière que chacune, n'importe le nombre de ses membres, en avait tout juste assez. Le fait était au fond d'une nature toute différente; Paul s'en tient à une ressemblance de forme, en tant que lui aussi a en vue un état de choses où l'inégalité des fortunes s'efface; seulement au désert c'étaient la provision et la consommation qui se compensaient, ici la compensation devait se faire par la réciprocité des services.

16 Grâces soient rendues à Dieu qui a mis le même empressement pour vous dans le cœur de Tite, car il a accueilli ma prière; mais comme il était déjà plein de zèle, c'est de son propre mouvement qu'il part pour aller chez vous. Avec lui j'envoie un frère, dont l'éloge, au sujet de ce qu'il a fait pour l'Évangile, est dans la bouche de toutes les communautés, et qui, ce qui plus est, a été choisi par les églises pour m'accompagner dans mon voyage, avec le produit de cette œuvre de charité, à laquelle je me suis employé, pour la gloire du Seigneur même et pour prouver ma bonne volonté.

20 Car je tiens à éviter que quelqu'un puisse dire du mal de moi au sujet de cette abondante collecte, à laquelle je me suis employé; parce que je me préoccupe de ce qui est bien, non seulement devant le Seigneur, mais encore devant les hommes. Avec eux, j'envoie encore un autre de nos frères, dont j'ai éprouvé le zèle maintes fois et en mainte circonstance, et qui aujourd'hui est bien plus zélé encore, par suite de la grande confiance qu'il met en vous. Ainsi, quant à Tite, il est mon collègue et mon collaborateur auprès de vous; quant aux autres frères, ils sont les députés des églises, la gloire de Christ. Confirmez donc par le fait et votre charité et l’éloge que j'ai fait de vous; confirmez-les leur à la face des églises!

VIII, 16-24. Cette dernière partie du chapitre est à plusieurs égards un modèle de tact et d'aménité de caractère. D'abord Paul recommande en deux mots aux Corinthiens son ami Tite, porteur de la présente lettre, et chargé de diriger l'affaire de la collecte. Il y avait de sa part du dévouement à faire une seconde fois un voyage fatigant, peut-être désagréable, et non exempt de périls; Paul lui laisse tout entière la gloire de ce service rendu à l'Église. (En grec, les verbes sont au passé: il est parti, j’ai envoyé, parce que l'auteur, en écrivant, se met au point de vue des lecteurs au moment de la réception de la lettre.)

Avec Tite, doivent arriver à Corinthe deux autres personnages que Paul introduit à cette occasion. Tous les deux nous resteront inconnus, bien que peut-être leurs noms se retrouvent ailleurs dans l’histoire apostolique. Il n'a pas plu à l'auteur de les nommer, et toutes les conjectures faites pour suppléer à son silence, sont incertaines et hasardées. Nous n'oserions pas même affirmer que leurs noms doivent être cherchés parmi ceux mentionnés dans les Actes (chap. XX, 3, 4) à l'occasion de ce même voyage de l'apôtre. L'un de ces personnages est signalé comme étant connu dans beaucoup d'églises par ses prédications ou ses travaux de missionnaire, l'autre comme ayant donné maintes fois à Paul personnellement des preuves de son zèle. Nous pourrons en conclure que ce dernier était plus intimement lié avec l'apôtre, l'autre moins rapproché de sa société habituelle. Tous les deux sont les députés des églises pour l'affaire de la collecte, c'est-à-dire chargés d'en porter le produit à Jérusalem. Paul insinue à cette occasion que c'est lui qui a provoqué ces choix pour éviter toute fausse interprétation de son zèle, ses adversaires pouvant jeter un faux jour sur son désintéressement s'il avait été personnellement détenteur et porteur des sommes réalisées. Il ne faut pas seulement, dit-il, avoir la conscience nette devant Dieu, mais encore être à l'abri du soupçon, même injuste, devant les hommes. C'était pour prouver sa bonne volonté (et non pas celle des Corinthiens, comme dit ridiculement le texte vulgaire) qu'il avait organisé la collecte; son but pouvait être manqué s'il donnait la moindre prise, même à la plus odieuse et la plus gratuite supposition de la calomnie.

Après avoir résumé en deux mots ses recommandations et les titres des trois députés à un accueil amical et respectueux de la part des Corinthiens (à laquelle occasion il les appelle la gloire de Christ, c'est-à-dire, des hommes par les services desquels le nom de Christ est glorifié), Paul termine en exhortant ses lecteurs à prouver par le fait, soit aux députés eux-mêmes, soit, par leur entremise, à tous les chrétiens, chez lesquels ceux-ci auraient l'occasion de les mentionner, que leur charité est sincère et prête à agir, et qu'ils méritent l'éloge qu'on a fait d'eux. (La syntaxe de la dernière phrase est incorrecte et fautive dans l'original, surtout dans les éditions critiques; notre traduction est un essai de la rendre intelligible sans trop s'en éloigner.)

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