Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS

Chapitre 6

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1 Mais comme ouvrier de Christ, je vous exhorte aussi à ne pas recevoir en vain cette grâce de Dieu. Car il dit: Au temps favorable je t'ai exaucé, au jour du salut je te suis venu en aide. Or, voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut!

VI, 1, 2. Suit une péroraison pratique et exhortatoire qui se rattache à la description du ministère apostolique. Elle n'est pas aussi longue qu'elle le paraît d'abord (elle va jusqu'à chap. VII, I), parce que l'apôtre y insère en passant une nouvelle apologie de sa personne et de ses actes, de même qu'il la fera suivre au chapitre suivant d'autres considérations individuelles.

En sa qualité d’ouvrier de Christ (terme que nous préférons à celui de collaborateur, parce qu'il n'implique pas l'idée d'une égalité qui serait ici hors de propos, comp. 1 Cor. III, 9), il ne se borne pas à prêcher l'Évangile (chap. V, 20), mais il s'applique aussi à le faire accepter, à lui faire porter ses fruits. Car il ne suffit pas qu'on l'entende, il faut aussi qu'on l'écoute, qu'on s'en pénètre. À ce propos, l'auteur rappelle une parole de Dieu consignée dans le livre d'Ésaïe (chap. XLIX, 8) et qu'il interprète comme une prophétie relative au siècle évangélique. «Ne laissez pas passer inutilement le moment favorable signalé d'avance à votre attention.»

Cette exhortation est surtout rendue efficace par la conduite et l'exemple de celui qui la donne. Du moins, l'apôtre déclare, V. 3-10, faire son possible à cet égard, et éviter tout ce qui pourrait affaiblir l'effet de ses discours.

3 Je m'applique aussi à ne jamais offenser ou heurter quelqu'un en aucune façon, afin que mon ministère ne devienne pas un objet de blâme; au contraire, je tâche de me recommander à tous égards, comme doit le faire un ministre de Dieu, par une grande constance dans les tribulations, dans les calamités, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les émeutes, dans les fatigues, dans les veilles, dans les jeûnes; par la pureté, par l'intelligence, par la longanimité, par la douceur, par un Esprit saint, par un amour sincère, par une prédication véridique, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice, par l'honneur et par l'ignominie, par la mauvaise et la bonne réputation; comme séducteur et véridique, comme inconnu et reconnu, comme allant mourir et toujours vivant, comme livré au châtiment et échappant à la mort, comme affligé, mais toujours joyeux, comme pauvre, mais enrichissant beaucoup d'autres, comme n'ayant rien et possédant tout.

VI, 3-10. Ce tableau composé de souvenirs et d'expériences personnelles reproduit, en d'autres termes et avec des détails plus variés et plus pittoresques, celui que nous avons vu au chap. IV, V. 7 et suiv. Il y en aura un troisième plus bas, au chap. XI. Bien qu'il nous soit impossible de savoir tous les faits particuliers qui ont dû se représenter à l'imagination de l'auteur, au moment où il écrivait chaque mot de ce morceau (car il est impossible de méconnaître qu'il s'agit ici d'allusions à des réalités historiques), nous ne trouvons guère d'obscurité dans cette énumération, et peu de mots suffiront pour préciser les termes un peu brefs de l'une ou de l'autre phrase.

Il y a d'abord l'assertion que l'apôtre se recommande en tant qu'il a fait ses preuves la constance dans les tribulations, etc. La liberté que nous prenons ici, en variant les prépositions, ne peut que profiter à l'intelligence du texte. Paul s'étend beaucoup sur cette première série de faits, au sujet desquels nous pouvons nous borner à renvoyer les lecteurs au commentaire très instructif qu'ils trouveront plus bas, chap. XI, 23-27.

Outre cette première qualité, il y en a d'autres que l'apôtre se permet de signaler, et à l'égard desquelles il pouvait hardiment défier ses adversaires de lui contester ses droits à l'estime du public chrétien; mais il se borne à les énumérer, sans entrer dans des détails, et de manière à rendre nécessaire, de notre part, quelques additions exégétiques. Ainsi nous dirions plus clairement: la pureté des intentions ou des mœurs, l’intelligence de l'Évangile même, la longanimité et la douceur dans les rapports ecclésiastiques souvent désagréables, l’Esprit saint qui inspire les paroles, règle la conduite et soutient les forces...., la puissance divine qui se manifeste dans le succès et sert en même temps de preuve à la vérité et de témoignage en'faveur de l'orateur (1 Cor. II, 4, 5); enfin, les armes offensives et défensives de la justice (comp. 1 Thess. V, 8. Eph. VI, 13 suiv.), ce sont en général toutes les qualités que Dieu accorde à ses ministres, ou dont il les arme, pour les mettre à même de remplir leur mission. Elles sont appelées armes de la justice, soit pour les distinguer des armes matérielles qui servent souvent une cause injuste, soit parce que le mot de justice peut servir à désigner d'une manière générale tout ce qui tient de loin ou de près à l'accomplissement de la volonté de Dieu, et il ne sera pas besoin de songer exclusivement et de préférence au sens spécial que ce terme a dans la théorie paulinienne.

Suit une dernière série de traits caractéristiques, dans laquelle il y a cela de particulier que ceux-ci sont énoncés par des antithèses, et qu'on peut, jusqu'à un certain point, rester dans le doute à l'égard de la valeur des prépositions, ou, ce qui revient au même, de la liaison logique des idées. L'interprétation la plus ordinaire veut que Paul dise: Je fais mon devoir, je me recommande, soit qu'on m'honore, soit qu'on me méprise, de sorte que la préposition grecque marquerait l'état dans lequel il se trouve, et que le sens serait: la diversité de ces états n'exerce aucune influence sur ma conduite, je reste fidèle à mon devoir, n'importe ma position, etc. Cette explication peut s'appuyer surtout sur ce que Paul paraît insister sur les fausses appréciations dont il est la victime (comme séducteur, etc.), et auxquelles il semble opposer la vérité (quoique véridique, etc.).

Peut-être cependant sera-t-il permis ici de laisser aux particules leur signification usuelle, de manière à faire dire à l'apôtre: par la mauvaise réputation que m'ont faite quelques-uns et par l'ignominie qu'ils me prodiguent, je me recommande et me légitime, non moins que par les sentiments opposés avec lesquels les autres m'accueillent. Comme le séducteur que je semble être à mes ennemis, comme l'iiomme inconnu qu'ils méprisent, comme le malheureux abandonné de Dieu, tous les jours exposé à mourir, éprouvé par les calamités, affligé par les revers et luttant contre la misère, je fais lionneur à ma mission et j'en donne les preuves, tout aussi bien que parce que d'autres m'acceptent comme le prédicateur de la vérité, et me reconnaissent pour ce que je suis, et parce que Dieu me sauve toujours, parce que je conserve la sérénité de mon esprit, et parce que je possède des richesses d'un ordre supérieur, qui non seulement me suffisent à moi, mais profitent encore au monde.

Nous n'osons nous prononcer d'une manière absolue entre ces deux explications, il serait même possible que l'entraînement de l'écrivain, dans cette éloquente tirade, lui eût suggéré successivement des antithèses formulées à des points de vue différents.

11 Ma bouche s'est ouverte pour vous, Corinthiens; mon cœur s'est élargi! Vous n'êtes pas logés à l'étroit en moi; c'est dans vos entrailles qu'il y a peu de place. Eh bien, pour me rendre la pareille (je vous parle comme à mes enfants!), accordez-moi aussi une place plus large!

VI, 11-13. Le ton de la lettre devient de plus en plus amical et paternel. L'effusion même, avec laquelle l'apôtre venait de parler de lui-même, était une preuve de la chaleur de ses sentiments; ce n'est que dans l'intimité qu'il pouvait se laisser aller ainsi, sans crainte d'être mal compris. Du moins, c'est ainsi qu'il interprète lui-même son discours de tout à l'heure. — La bouche ouverte, le cœur élargi, sont des images, des formes symboliques de la pensée, faciles à ramener aux idées de franchise, de sincérité, d'abandon, de sympathie. Après cela, il ne reste plus qu'une chose à désirer, c'est que l'harmonie se rétablisse complètement par le retour des Corinthiens à des sentiments plus chaleureux pour leur ancien maître.

14 Ne vous mettez pas de pair avec les incrédules; car, quel accord y a-t-il entre la justice et l'impiété? ou quelle compatibilité entre la lumière et les ténèbres? quelle communion entre Christ et Bélial? ou quelle relation entre le croyant et l'incrédule? enfin, quel rapport entre le temple de Dieu et les idoles? Car vous êtes un temple du Dieu vivant, selon cette parole de Dieu: Je demeurerai et je marcherai au milieu d'eux; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Sortez donc du milieu d'eux et tenez-vous à part, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur et moi je vous accueillerai; et je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur, le Tout-Puissant.

1 Or donc, puisque nous avons de pareilles promesses, mes bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu.

VI, 14-VII, 1. L'auteur reprend le fil interrompu de son exhortation, que nous estimons être d'une portée tout à fait générale, et ne pas devoir être restreinte à quelque question spéciale, par exemple aux mariages mixtes ou à l'usage des viandes de sacrifice (1 Cor. VII; VIII). Le danger de retomber dans les errements du paganisme était, pour les Corinthiens, beaucoup plus à craindre sur le terrain moral, qu'à d'autres égards, et comme le salut ne saurait échoir aux pécheurs (1 Cor. VI, 9 suiv.), il convenait d'insister sur cette application pratique après l'invitation générale et théorique formulée à la fin du chapitre précédent et dans la première ligne de celui-ci.

Se mettre de pair, s'associer, vivre en communauté de sentiment et de conduite, cette idée est exprimée en grec par un terme qui rappelle une loi mosaïque (Lév. XIX, 19), par laquelle il était défendu d'atteler à la même charrue deux animaux d'espèce différente. C'est pittoresque, mais intraduisible, à moins qu'on ne veuille faire une longue paraphrase.

Paul déclare donc que cette communauté est moralement impossible, radicalement contraire à l'esprit de l'Évangile. Il va sans dire qu'il ne s'agit pas là des relations purement civiles (1 Cor. V, 9 suiv.), mais d'une participation des chrétiens à une vie foncièrement incompatible avec l'essence du christianisme, avec les lois du royaume de Dieu. Il est tellement pénétré de cette vérité, il éprouve tellement le besoin de l'inculquer aux consciences de ses lecteurs, qu'il la reproduit sous cinq formes absolument synonymes. Dans ces diverses antithèses, il n'y a rien qui exige une explication spéciale, la justice et la lumière représentent la vérité théorique et pratique octroyée et confiée à l'Église de Christ par la révélation; la notion du temple de Dieu, appliquée tantôt aux individus (1 Cor. VI, 19), tantôt à la communauté entière (ib., chap. III, 15 suiv.), est immédiatement rattachée à des passages de l'Ancien Testament avec lesquels elle est dans un certain rapport; enfin Jésus-Christ lui-même, comme chef et fondateur du royaume de Dieu, est naturellement opposé au chef du royaume opposé. Bélial (d'après l'étymologie hébraïque: négation du bien, perversité, mort), était dans la théologie judaïque du temps l'un des noms du diable. La forme Béliar provient d'une corruption populaire.

Quant aux passages cités, on en trouve beaucoup de semblables dans l'Ancien Testament (Lév. XXVI, 11, 12. Es. LII, 11. Éz. XXXVI, 28; XXXVII, 27. Jér. XXXI, 9, 33; XXXII, 28), et il n'y a pas lieu de s'arrêter à ce que les dernières lignes ne s'y retrouvent pas littéralement. Paul cite de mémoire.

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