Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS

Chapitre 4

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1 C'est pour cela que, chargé d'un pareil ministère par la grâce de Dieu, je ne faiblis point, mais rejetant loin de moi tout ce qui est honteux et ce qui fuit la lumière, je ne suis point les voies de l'astuce, je ne fausse point la parole de Dieu, mais je tiens à me recommander à la conscience de tous les hommes, à la face de Dieu, par la manifestation de la vérité.

3 Et si mon évangile reste voilé encore, c'est pour ceux qui périssent qu'il reste voilé, pour les incrédules dont le dieu de ce monde a aveuglé l'intelligence, afin qu'ils ne voient point briller la splendeur de l'évangile de la gloire de Christ, lequel est l'image de Dieu. Car ce n'est pas moi-même que je prêche, mais le Christ Jésus, le Seigneur; quant à moi, je me déclare votre serviteur, en vue de Jésus. Car le Dieu qui a dit à la lumière de luire dans les ténèbres, c'est lui aussi qui l’a fait luire dans nos cœurs, à l'effet de faire resplendir sur la face de Christ la connaissance de la gloire de Dieu.

IV, 1-6. Reprenant maintenant la pensée déjà indiquée plus haut (chap. III, 12), l'apôtre expose en peu de lignes comment il comprend son devoir en face d'une mission aussi importante, et qu'il doit, non à son mérite propre ou à sa capacité naturelle, mais à la seule grâce de Dieu, lequel lui donne, avec la charge, l'aptitude qu'elle réclame. Il parle donc de son courageux dévouement, de la fidélité avec laquelle il remplit sa tâche, de l'intégrité de son caractère qui dédaigne tous les moyens détournés de conquérir la faveur et l'estime des hommes, pour se recommander uniquement par sa droiture et son zèle apostolique, qualités qui, en se produisant à la face de Dieu, c'est-à-dire sincèrement et loyalement, doivent lui assurer en même temps Tassentiment des consciences. Mais il ne peut s'empêcher de signaler en passant la conduite toute différente de ceux auxquels il a déjà fait allusion plus haut (chap. II, 17; III, 1) et dont il repousse avec énergie les motifs égoïstes, les moyens astucieux et les faux enseignements.

Sans doute, ajoute-t-il, mes efforts ne sont pas partout et toujours couronnés de succès: le voile dont j'ai parlé cache toujours la vérité aux yeux de plusieurs, et la gloire de Christ, lequel est pour l'humanité l'image du Dieu invisible, en d'autres termes, le révélateur par excellence et la révélation la plus parfaite, leur reste cachée indéfiniment. Le fait est incontestable; pour l'expliquer, l'apôtre ne connaît qu'une seule cause, c'est l'action du dieu de ce monde, c'est-à-dire du diable, qui frappe d'aveuglement ceux que la grâce du Dieu sauveur ne recherche point. Pour ce qui est de la désignation de Christ comme l'image de Dieu, nous aurons l'occasion d'y revenir. (Voy. Col. I, 15.)

Autrement la prédication évangélique a pour unique objet cette même gloire de Christ, devant laquelle la personne du ministre doit s'effacer entièrement pour se subordonner à l'intérêt du salut des autres. Éclairé le premier et par une illumination d'en haut, laquelle est éloquemment comparée à celle du monde primitif par la lumière nouvellement créée, l'apôtre doit, à son tour, et dans une sphère de plus en plus étendue, faire resplendir sur la face de Christ, la connaissance de la gloire de Dieu, en d'autres termes, exposer au monde les admirables et salutaires desseins de la Providence, dont Christ est le centre, et déchirer ainsi le voile de Moïse qui cachait l'éclat vivifiant de la face radieuse du fils de Dieu.

7 Mais je porte ce trésor dans un vase de terre, afin que ce qu'il y a d'extraordinaire dans mes forces soit attribué à Dieu, et non à moi, qui suis toujours surchargé mais non écrasé, embarrassé mais non désespéré, persécuté mais non délaissé, abattu mais non anéanti; qui porte toujours avec moi, dans mon corps, le martyre de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste aussi dans mon corps.

11 Car je suis sans cesse livré vivant à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste à son tour dans ma chair mortelle. Ainsi la mort exerce son pouvoir sur moi, la vie agit en vous. Et comme moi aussi j'ai l'esprit de foi, selon ce mot de l'Écriture: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, moi aussi je crois, et c'est pour cela que je parle, sachant que celui qui ressuscita le Seigneur Jésus, me ressuscitera aussi avec Jésus et me fera paraître avec vous devant lui. Car tout cela se fait à cause de vous, afin que la grâce de plus en plus abondante fasse aussi abonder, à la gloire de Dieu, les actions de grâces d'un plus grand nombre.

IV, 7-15. L'apôtre passe au revers de son tableau. Après avoir exalté la dignité du ministère évangélique, il en retrace aussi les peines et les misères; il le fait cependant de manière à insister sur les considérations et les expériences qui doivent F élever au dessus des faiblesses humaines (chap. IV, 7-V, 10). Ce morceau, tout simple et naturel qu'il est, a donné lieu à quelques méprises exégétiques, et nos traductions ordinaires laissent beaucoup à désirer relativement à l'expression de la vraie pensée de l'original. Rien qu'en persistant à mettre partout le pluriel (nous au lieu de je), elles en effacent les plus belles couleurs, pour beaucoup de lecteurs.

Tout d'abord il faut bien comprendre la portée des antithèses qui caractérisent cette partie du discours. Un trésor dans un vase de terre! Une inégalité patente, choquante même, entre la part de Dieu et celle de l'homme dans le travail apostolique, dans cette oeuvre de régénération du monde par l'Évangile. Du côté de Dieu, non seulement la grâce, la révélation, la rédemption, mais encore la vocation du ministre, les dons de l'esprit, même les effets qui peuvent se produire; du côté de l'apôtre, l'héritage commun des mortels, la faiblesse physique et morale. Il s'ensuit que la gloire de l'œuvre revient uniquement à Dieu. Plus le succès de l'homme est grand, plus ses forces paraissent extraordinaires, plus il se sentira le devoir d'en faire hommage au souverain dispensateur de tout bien.

Puis nous avons la peinture des tribulations auxquelles la carrière apostolique est en butte: charges et labeurs, embarras et soucis, persécutions et haines, revers et catastrophes — c'est un martyre incessant, qui rend plus étroits encore les liens qui unissent le disciple au Maître, c'est une vie qu'on pourrait appeler à juste titre une mort de tous les jours (1 Cor. XV, 31), une existence où l'on meurt tout en vivant.

Mais c'est aussi une existence où l'on vit tout en mourant, où les forces qui naissent remplacent celles qui s'usent, où une main invisible allège le fardeau au moment où il menace de devenir écrasant, où la lueur céleste de l'espérance écarte les nuages qui assombrissent l'âme, où Dieu est proche quand les amis se cachent et que les ennemis s'avancent. Voilà ce qu'on peut appeler la vie de Jésus, comme l'autre phrase s'appelait son martyre. C'est cette sérénité d'esprit, cette fermeté de caractère, cette énergie de volonté, qui triomphe par la résignation même, et que le Maître verse abondamment, comme une sève intarissable, dans le corps du disciple, dans ce vase de terre, afin que sa chair mortelle, cet instrument faible et fragile, puisse continuer encore à faire son devoir. (Dans tout ceci il n'est pas le moins du monde question de la résurrection de la chair; voyez plutôt l'interprétation authentique qu'en donnera l'apôtre lui-même plus bas, V. 16.)

Un troisième élément principal de ce morceau, c'est l'idée que tout ce travail se fait, que toutes ces peines se supportent, et que toutes ces grâces se répandent pour les hommes vers lesquels l'apôtre est envoyé, pour vous! Paul revient jusqu'à trois fois à cette application. Mon lot à moi, dit-il, c'est la mort, la mort dans le sens indiqué tout à l'heure, le mourir perpétuel; mais c'est pour que votre lot à vous soit la vie, la vie dans le sens éminent du mot, dans le sens évangélique. Les chemins se présentent ici sous des aspects différents, car l'apôtre ne parle pas en ce moment des tribulations des autres, mais la perspective est la même pour eux et pour lui: une résurrection qui nous rapprochera de Jésus (chap. V, 6), et un jugement qui tiendra compte de l'emploi de la vie présente (chap. V, 10). (Si naguère encore, chap. XV, 52, il parlait de manière à se mettre au nombre de ceux qui ne mourraient point avant la parousie, on comprend que la préoccupation plus sérieuse relativement aux dangers qu'il courait tous les jours, lui faisait ici apparaître l'avenir sous d'autres couleurs, chap. I, 8; V, 8.) C'est cette perspective aussi qui soutient mes forces, dit Paul en concluant; mon devoir est de prêcher l'Évangile; je l'accomplis parce que je crois, parce que ma mission se présente à mon esprit comme une charge imposée par Dieu (1 Cor. IX, 16), ou mieux encore, parce que sa vocation a fait vibrer le fond de mon âme. (La citation du Psaume CXVI, 10 est faite de mémoire et n'a qu'une analogie fort éloignée avec l'original, dont elle n'exprime pas le vrai sens.)

16 C'est pour cette raison que je ne faiblis point, mais quand bien même mon homme extérieur se consume, l'homme intérieur du moins se renouvelle jour par jour. Car les légères tribulations du moment présent produisent pour moi une masse infinie, incommensurable de gloire éternelle, en tant que je ne regarde pas à ce qui est visible, mais à ce qui est invisible; car ce qui est visible est passager, ce qui est invisible est éternel.

IV, 16-18. La perspective de l'avenir assuré au chrétien l'élève au-dessus des faiblesses et des découragements inévitables pour ceux qui n'ont pas d'espérance; pour lui, la comparaison de l'actualité plus ou moins sombre et de ce qui doit finalement la remplacer, fera toujours disparaître les peines du moment, ou du moins les rendra faciles à supporter (Rom. VIII, 18). L'apôtre de Christ, qui en souffre peut-être plus qu'un autre, puisera aussi dans ses convictions plus souvent éprouvées et mieux affermies une consolation plus riche et un courage plus invincible.

L'homme extérieur et intérieur ne représentent pas simplement le corps et l'âme; le morceau qui précède nous fait voir clairement qu'il s'agit de l'antithèse entre la vie réelle, celle de l'expérience et du devoir journalier, les agitations et les dangers inséparables de la carrière apostolique, et la vie en foi et en espérance, qui est comme l'aliment qui soutient cette existence et la rend possible, alors que tout tendrait à la consumer rapidement. Après tout, le fardeau du moment est léger si l'on met dans la balance le poids des biens à venir; la comparaison de la durée respective des deux conditions suffit à elle seule pour donner la préférence à ce qui est aujourd'hui encore invisible.

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