Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DEUXIÈME ÉPÎTRE AUX CORINTHIENS

Chapitre 2

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1 Je décidai donc en moi-même que je ne viendrais pas une seconde fois chez vous, de manière à vous affliger. (Car si moi-même je vous afflige, qui donc doit me réjouir, si ce n'est celui qui aura été affligé par moi?) Et je vous écrivis tout cela pour ne pas éprouver, à mon arrivée, de la tristesse, de la part de ceux qui devaient me donner de la joie; persuadé que j'étais, à l'égard de vous tous, que ma joie à moi est aussi la vôtre. Car je vous écrivais dans une grande affliction, dans l'angoisse de mon cœur et avec beaucoup de larmes, non pas pour vous affliger, mais pour vous faire connaître l'amour sans bornes que je vous porte.

II, 1-4. Ces lignes ne doivent pas être détachées de celles qui précèdent. Paul venait de dire que c'est pour épargner les Corinthiens qu'il n'était pas venu directement chez eux. Ici il explique cette pensée. Il avait été très affecté de tous les désordres qu'on lui avait signalés. Il avait manifesté, dans la précédente épître, son extrême mécontentement, et il espérait que ces remontrances serviraient à faire rentrer tout dans la bonne voie. Il voulait laisser à ses avertissements le temps de produire un effet salutaire. S'il s'était rendu lui-même à Corinthe immédiatement après, il aurait été obligé d'exprimer son déplaisir de vive voix, et sa présence n'aurait été agréable ni pour lui ni pour eux. Déjà à un précédent voyage (comp. chap. XIII, I) cela avait été le cas, et il ne voulait pas faire une seconde fois une si fâcheuse expérience. Ses reproches mêmes avaient été dictés par l'affection qu'il portait aux Corinthiens; il suppose que cette affection est mutuelle, qu'on serait heureux à Corinthe de le voir content et satisfait. Il voulait donc éviter une rencontre désagréable, corriger les défauts à distance et se ménager un séjour réjouissant. Il ne pouvait pas attendre de joie de la part de gens qu'il aurait commencé par attrister.

Ce qui naguère avait le plus excité le mécontentement de l'apôtre, c'était le cas d'inceste signalé 1 Cor. V, et en vue duquel il avait prononcé une excommunication. Averti maintenant par Tite que ses désirs avaient été remplis, il revient à cette affaire et en parle dans un but de conciliation et de pardon. Mais comme il n'en parle, pour ainsi dire, que par voie d'allusion, ses paroles, pour nous, auraient besoin d'un commentaire authentique, tandis que les premiers lecteurs ont pu les comprendre très aisément. Nous convenons qu'il est impossible de prouver que celui que nous en donnons ici, après la plupart des exégètes, soit le seul possible.

5 Si quelqu'un en particulier a été une cause de tristesse, ce n'est pas moi personnellement qu'il a affligé, mais vous tous en quelque sorte (pour ne pas trop le charger). C'est assez, pour un tel homme, du châtiment que lui a infligé la majorité, de sorte que, au contraire, vous devriez plutôt lui faire grâce et le consoler, de peur qu'il ne soit consumé par une tristesse excessive.

8 Je vous recommande donc de prendre à son égard une décision charitable; car c'est aussi dans ce but que j'ai écrit, pour vous mettre à l'épreuve et pour reconnaître si vous m'obéiriez en toutes choses. Or, si vous voulez lui faire grâce, j'en fais autant; car pour ma part, si je le fais, je le fais à cause de vous et à la face de Christ, pour que nous ne soyons pas les dupes de Satan, dont nous n'ignorons pas les machinations.

II, 5-11. On remarquera que l'apôtre ne désigne le coupable que d'une manière très indirecte. Puisqu'il veut jeter un voile de charité sur le passé, il n'insiste plus ni sur la personne, ni sur le fait; il se sert de formules générales, d'allusions peu transparentes. Le cas signalé avait été une cause de tristesse pour l'apôtre en particulier, de sorte que la peine prononcée aurait pu être considérée comme l'effet d'une inimitié personnelle. Le scandale avait été public, la honte rejaillissait sur tous; tous ont dû concourir à l'arrêt de condamnation. Maintenant, la sainteté de l'église ayant été sauvegardée par la punition du coupable et la cessation du mal, on peut oublier le fait. Les mots en quelque sorte sont ajoutés pour ne pas rendre le pardon impossible, en exagérant la culpabilité.

En demandant aux Corinthiens la punition de cet homme, l'apôtre avait eu un second motif, c'était de les mettre à l'épreuve eux-mêmes. Or, ils avaient fait leur devoir, ils étaient entrés dans ses vues; de ce côté-là, rien ne s'opposait donc plus à ce qu'on fît prévaloir des sentiments de charité. La condamnation avait été demandée dans l'intérêt de la communauté; de même le pardon sera accordé à cause d'elle, de la part de Paul, pour montrer qu'il tenait à entretenir, lui aussi, la bonne harmonie avec ses membres.

Faire quelque chose à la face de Christ, c'est dire qu'on est convaincu qu'il l'approuvera, que l'on pourra justifier devant un tel juge ce qu'on veut faire. Car, à vrai dire, le pardon est ici un acte fait dans l'intérêt de la cause de Christ. Si l'on se montrait inexorable, cet homme, aujourd'hui repentant, serait forcé de se séparer définitivement de l'Église; en le repoussant des bras de Christ, on le jetterait entre ceux de Satan; on aurait travaillé pour le royaume de l'adversaire. (Le terme grec, dont l'apôtre se sert pour exprimer cette idée, est emprunté aux affaires commerciales; il est familier et épigrammatique. Faute d'un terme français exactement correspondant, nous avons dû nous servir d'une locution analogue.)

12 Cependant, arrivé à Troade pour y prêcher l'évangile de Christ, et bien que le Seigneur m'y ouvrit la porte, je n'eus point de repos dans mon esprit, parce que je n'y trouvai pas mon frère Tite, mais je pris congé d'eux et je partis pour la Macédoine.

II, 12, 13. Si l'apôtre a retardé d'abord son arrivée à Corinthe pour éviter une rencontre désagréable, il la hâte plus tard par l’effet de son impatience affectueuse. Il a pris la route indirecte par Troade et la Macédoine, mais il n'a de repos nulle part, il attend Tite qui doit lui apporter des nouvelles de Corinthe, et malgré les travaux apostoliques qui auraient pu l'arrêter en route (la porte ouverte, c'est une figure pour dire: l'occasion du succès), il pousse en avant jusqu'à ce qu'il rencontre enfin son collègue. Voyez la suite de ce récit, chap. VII, 5.

Ici le fil historique que nous avons pu relever jusque-là à de courts intervalles (chap. I, 8 ss., 15 ss., 23; II, 1 ss., 12), nous échappe pour longtemps, par suite d'une longue et entraînante digression. La mention de ses prédications à Troade suggère à l'apôtre la p.ensée de son ministère en général, de son but, de ses moyens, de ses chances, de sa gloire et de ses périls; il se laisse aller à toutes ces considérations avec un abandon de cœur, et une supériorité de vues, qui font de cette partie de l'épître (chap. III-VI) l'une des pages les plus éloquentes qu'il ait jamais écrites.

14 Grâces soient rendues à Dieu, qui en tout temps nous fait triompher en Christ, et qui par nous en tout lieu révèle sa connaissance comme un parfum. En effet, nous sommes le parfum de Christ pour Dieu, et parmi ceux qui sont sauvés, et parmi ceux qui sont perdus: aux uns, une odeur provenant de la mort et devenant mortelle, aux autres, une odeur provenant de la vie et vivifiante.

II, 14-16. Les triomphes en Christ, pour lesquels l'apôtre rend grâces à Dieu, sont les succès de la prédication évangélique. Il se garde bien de s'en faire gloire à lui-même; ils ont quelque chose de mystérieux, de miraculeux. Aussi les compare-t-il à un fait physique qui échappe également à l'œil de l'observateur. La connaissance de Christ se répand, se propage d'une manière humainement inexplicable, pareille à une odeur qui traverse l'air sans qu'on la voie, mais non sans qu'on en constate la réalité.

Cette comparaison, qui s'était présentée tout spontanément, amène maintenant plusieurs applications. Ainsi d'abord la prédication de l'Évangile est semblable à un parfum, tel que dans les rites sacrés on le faisait monter vers le ciel; car certes, il n'y a pas d'encens plus agréable au Père céleste que les efforts faits en son nom pour l'établissement de son royaume, même abstraction faite du résultat obtenu. (L'expression est on ne peut plus brève: le parfum de Christ est opposé à toute autre espèce de parfum, dans le sens propre et matériel; Christ y est nommé comme l'objet de l'acte qui plaît à Dieu; et en disant: nous sommes ce parfum, l'auteur a proprement en vue de représenter les ministres de Christ comme ceux qui l'offrent.)

Dans une seconde application de la même image, l'auteur s'en tient à l'effet produit par la prédication de l'Évangile. Les uns l'acceptent, les autres le rejettent; ceux-là sont sauvés, ceux-ci périssent. C'est comme si deux courants d'air traversaient l'atmosphère, deux odeurs différentes, l'une suave et vivifiante, l'autre mauvaise et narcotique. Sans doute elles viennent toutes les deux de la même source, mais elles prennent la nature du milieu par lequel elles passent. Les individus sont dans une disposition déterminée au moment où le courant les atteint, les uns en état (dans un milieu) de corruption, de maladie, de mort, les autres dans une disposition saine et heureuse, un milieu salubre (Jean III, 20, 21); ainsi en arrivant aux hommes, l'air est ou vicié, ou maintenu dans ses bonnes qualités, et sert à hâter la mort des uns, comme à fortifier la vie des autres. (Le texte vulgaire a détruit en grande partie cette allégorie.)

16b Et qui donc est apte à une telle mission?

17 Car je ne suis pas comme le grand nombre, je ne frelate pas la parole de Dieu; mais c'est avec sincérité, c'est comme ayant mission de Dieu, que je prêche Christ à la face de Dieu.

II, 16, 17. C'est avec cette question que l'apôtre entre dans cette longue et célèbre digression qui peint tour à tour la gloire de l'apostolat et ses peines. Il commence par exalter la dignité et la grandeur de cette charge, et se demande comment un simple mortel peut y suffire. Il va sans dire qu'il la considère au point de vue idéal, d'après lequel la distance entre la grandeur du but et les forces de l'homme devient plus accablante et serait de nature à décourager quiconque ne saurait pas puiser la force nécessaire dans la certitude de l'assistance immédiate et permanente de l'esprit de Dieu. Tout le monde n'en est pas là, malheureusement. Tel puise ses forces dans des motifs mondains et égoïstes; tel ne craint pas même de compromettre à cet effet la vérité de l'Évangile, comme un marchand sans conscience a coutume de falsifier le vin pour s'enrichir plus vite.

En parlant ainsi, et surtout en se servant d'une image qui jetait un blâme amer sur d'autres missionnaires, Paul pouvait lui-même encourir le reproche de manquer de modestie. Aussi s'interrompt-il, et avant d'aborder son sujet, il s'explique de manière à prévenir une fausse interprétation de ses paroles.

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