Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX GALATES

Chapitre 5

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1 C'est donc dans cette liberté, pour laquelle Christ nous a affranchis, que vous devez demeurer fermes et ne pas vous laisser de nouveau engager sous le joug de la servitude. Voyez, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. Au contraire, je déclare encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu'il est tenu d'accomplir toute la loi. Vous êtes foncièrement séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi; vous êtes déchus de la grâce. Car nous, c'est de la foi que nous attendons l'espérance d'être justifiés au moyen de l'esprit. Car en Jésus-Christ ni la circoncision ni la non-circoncision n'a de valeur, mais une foi qui se montre efficace par l'amour.

V, 1-6. La démonstration relative à la position de la loi dans l'économie de l'œuvre de Dieu est achevée dans le chapitre précédent. Il s'y joint ici des exhortations pressantes de ne pas laisser échapper le bénéfice du nouvel ordre des choses. Car, dit l'auteur, il ne faut pas perdre de vue ce fait, que les deux principes ne s'accordent pas: on ne peut pas à la fois vouloir arriver au but par la loi et par Christ; il faut choisir. Christ est pour ceux qui renoncent à la prétention de faire valoir les œuvres. Ceux qui veulent parvenir à la justice par eux-mêmes, par leurs actes et mérites propres, n'ont rien à attendre de Christ. Évidemment il est ici parlé de la circoncision, non comme d'un simple rite, mais comme d'un acte méritoire et surtout comme d'un gage de la soumission pleine et entière à un ensemble d'institutions du même genre et de la même portée. Or, voyez la différence de ces deux voies du salut: d'un côté, la grâce, la justification gratuite, la communication de l'esprit de Dieu; de l'autre, une obligation terrible, un joug insupportable, et, à vrai dire, malgré tout cela, point d'espérance. Le choix serait-il douteux?

Quand Paul dit aux Galates: Ne vous engagez pas de nouveau, il paraît oublier qu'il parle principalement à des païens convertis qui, autrefois, n'étaient pas sous le joug de la loi. Mais il songeait aussi aux judéo-chrétiens, qu'il croyait avoir convaincus antérieurement de la justesse de son point de vue, et de plus, le joug de la loi appartenant au passé, un engagement dans cette direction était toujours un retour vers le passé.

La vraie justification, celle que les œuvres ne sauraient procurer, s'obtient à deux conditions: celle de l'esprit donné par Dieu, et celle de la foi offerte par l'homme. Ces deux éléments sont d'ailleurs corrélatifs; ils n'existent pas l'un sans l'autre, dans l'individu, dans la réalité. Ici, comme partout, l'esprit est opposé à la loi, la foi aux œuvres. Cela n'empêche pas que la foi soit active, elle aussi; elle ne saurait même être morte, elle se produit au dehors par des faits et des actes. Ces actes s'appellent l'amour, la charité. Seulement ces actes ne constituent pas de mérite personnel pour l'homme, à faire valoir auprès de Dieu, puisqu'au fond c'est Dieu qui les produit dans l'homme (Éph. II, 10). Du reste, en s'exprimant ainsi, Paul se met au point de vue humain; pour juger de la réalité de la foi, il en veut voir les effets, (Jacq. II, 14 ss. Hist, de la théol, apost., II, 260.)

7 Vous marchiez si bien! Qui est-ce qui vous a barré le chemin, de sorte que vous ne vous laissez plus engager à la vérité? Cet engagement ne vient pas de celui qui vous appelle. Un peu de levain fait lever la pâte entière. J'ai la confiance à votre égard, dans le Seigneur, que vous penserez de même; mais celui qui porte le trouble chez vous en portera la peine, quel qu'il soit! Quant à moi, mes frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je toujours en butte à la persécution? Le scrupule relatif à la croix, qui les choque, serait donc ôté! Eh! qu'ils se mutilent plutôt complètement, ceux qui vous bouleversent!

V, 7-12. Toutes ces phrases sont extrêmement brèves et décousues, mais à une seule près, elles n'offrent pas de difficulté pour le sens.

Au début, c'est encore l'étonnement de l'apôtre qui perce dans son exclamation (comp. chap. I, 6): il persiste à ne pas comprendre les causes du revirement d'opinion qu'il a constaté. L'expression figurée de marcher (litt., courir), qu'il affectionne beaucoup (comp. chap. II, 2), en amène une autre, celle du chemin barré. Les Galates lui apparaissent, pour ainsi dire, comme empêchés par quelque obstacle extérieur de continuer à marcher dans la bonne route, dans celle où les appelle, où les engage la vérité. De fait, ils sont aussi engagés, appelés dans une route, mais cet engagement ne vient pas de Dieu, de ce Dieu qui leur a adressé la première vocation. Ici l'ellipse est dure; il manque toute une phrase intermédiaire qui doit motiver ce mot: cet engagement; mais à moins de faire une paraphrase au lieu d'une traduction, il ne restait d'autre moyen de relier les idées de fauteur entre elles, que celui de mettre en français deux fois le même mot (engager), comme cela est aussi dans l'original. Mais d'où vient donc cet autre engagement, cet appel qui les égare? Paul ne le sait que trop bien. C'est le mauvais élément qui a pénétré dans la masse, le levain qui infecte la pâte (1 Cor. V, 6); ce sont quelques hommes pervers ou ignorants qui mettent ces choses dans la tête des chrétiens de la Galatie. Je ne perds pas l'espoir, dit l'apôtre, de vous voir revenir à mon sentiment. Dieu y aidera. Mais malheur à ceux qui vous ont égarés!

Ce sont ces faux docteurs surtout qui préoccupent Paul et qui excitent sa colère. Il se livre à différentes sorties contre eux, mais ses paroles sont en partie obscures. Il faudra supposer que, pour donner plus de poids à leur enseignement, ils ont prétendu que Paul lui-même prêchait la circoncision. Ils pouvaient se prévaloir de ce qu'il avait fait à l'égard de Timothée (Act. XVI, 3), ou remonter à l'époque où il admettait la distinction établie à Jérusalem (Act. XV, 21). Comp. Hist, de la théol. apost., I, 345 ss. Mais, dit-il, quand il s'agit des principes de l'Évangile, je ne transige point. Les Juifs le savent bien eux-mêmes. Autrement ils ne continueraient pas à me persécuter, à me traquer partout et toujours. Ils ne s'effaroucheraient pas de ce Christ crucifié, qui est pour eux la grande pierre d'achoppement, si je laissais à côté une place pour la loi. Cet obstacle capital à leur conversion serait donc ôté. Moi je serais Juif, eux ils seraient chrétiens, et tout serait au mieux!

On voit que le discours tourne à l'ironie et prend un ton d'amertume polémique non méconnaissable. On ne sera donc pas trop étonné de trouver au bout une phrase affreuse, qui révolte notre sentiment et que la plupart des traducteurs ont mieux aimé détourner de son sens, que de la rendre fidèlement. Mais il ne s'agit pas ici d'une excommunication ou d'une retraite volontaire hors de l'Église. Le verbe employé par l'apôtre est en rapport direct et hyperbolique avec l'opération même de la circoncision.

13 Car vous, vous avez été appelés à la liberté, mes frères; seulement que cette liberté ne devienne pas un motif pour la chair! Soyez plutôt les serviteurs les uns des autres par l'amour. Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, dans celle-ci: Tu aimeras ton prochain comme toi-même! Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous perdiez les uns les autres.

V, 13 - 15. Toute émancipation offerte ou octroyée à des hommes non suffisamment préparés à en faire un usage légitime, peut tourner au mal par l'abus qu'ils en feraient. Parler de liberté à des hommes qui n'y voient que l'affranchissement d'une gêne, c'est les exposer à se jeter dans le désordre et la licence. Paul en a fait l'expérience ailleurs (1 Cor. VI, 12; X, 23). Aussi se hâte-t-il de prévenir toute fausse interprétation de son principe. (Le mot grec que nous avons traduit par motif, signifie proprement le point de départ ou l'impulsion (comp. Rom. VII, 8), on, pourrait même dire le prétexte.)

Paul arrive à son but par deux voies, l'une toute pratique, l'autre consistant à exposer le principe sous une nouvelle face. Voici la première. À la place de la servitude légale désormais abolie, il recommande aux chrétiens une autre servitude, c'est l'amour du prochain, la tendance ou le désir de s'occuper du véritable bien-être des autres. C'est là, dit-il, le moyen le plus efficace d'éviter les égarements qui pourraient être la conséquence de la méprise signalée tout à l'heure. Une occupation utile est partout le meilleur préservatif contre le vice; le travail pour le bien du prochain empêche l'homme de s'employer à la satisfaction de ses désirs égoïstes et sensuels. D'ailleurs, ajoute-t-il, ce travail est au fond le résumé de la loi, dans son essence. Elle est accomplie dans ce précepte (Matth. XXII, 40; VII, 12; Rom. XIII, 8 ss. Lév. XIX, 18). Or, comme Paul n'ignorait pas qu'il y avait dans la loi bien des choses qui ne rentrent pas dans ce commandement, il est évident que le terme d'être accompli signifie pour lui, non pas simplement être compris, renfermé, mais encore être élevé à sa vraie signification, à son principe impérissable (comp. Matth. V, 17), de manière à laisser tomber ce qui n'appartient qu'à la forme ou aux besoins du moment.

La dernière phrase, si l'on veut lui donner une portée directe, peut s'appliquer aux dissensions intérieures qui devaient résulter, dans les églises de la Galatie, des divergences de la conception religieuse. Mais peut-être l'auteur songe-t-il seulement à tout ce qui est contraire à l'amour du prochain en général.

16 Je dis donc: marchez selon l'esprit et n'accomplissez pas les désirs de la chair. Car la chair et l'esprit ont des tendances contraires; ils sont opposés l'un à l'autre, afin que vous n'arriviez pas à faire ce que vous voudriez. Mais si vous vous laissez conduire par l'esprit, vous n'êtes plus sous la loi.

V, 16 -18. Voilà maintenant la seconde considération par laquelle Paul veut empêcher que le principe de la liberté soit mal interprété. En déclarant la loi abolie, il n'entend pas abandonner l'homme au jeu naturel de ses désirs, sans aucun frein. Au contraire, la loi est remplacée par un guide plus puissant qu'elle, par l'esprit. Elle est devenue superflue dès que ce guide a pris possession de la volonté. Or, au point de vue théologique, l'esprit dont il est question ici, est celui de Dieu.

Cependant, avant d'arriver à cette antithèse de la loi et de l'esprit, considérés comme deux guides successivement octroyés par Dieu à l'homme, Paul rappelle la lutte permanente entre les deux principes qui se disputent l'empire sur celui-ci (Rom. VII, 7-25), la chair et l'esprit, lutte dans laquelle la chair est plus souvent victorieuse et force l'homme à agir contrairement à ce qu'il est lui-même obligé de reconnaître comme bon. Car c'est bien ce dernier fait que l'apôtre a en vue, en écrivant sa phrase du V. 17, quoique la forme de cette phrase puisse aussi impliquer le fait opposé, savoir que F esprit empêche quelquefois la chair de faire ce qu'elle désire. Dans cette lutte, il s'agit évidemment de l'esprit de l'homme. Mais le texte ne paraît pas distinguer celui-ci de l'esprit de Dieu. C'est que ce dernier, pour nous diriger, s'allie ou plutôt s'identifie avec le nôtre, l'absorbe pour ainsi dire, de sorte que la théologie n'a guère besoin de les distinguer.

19 Or, les œuvres de la chair sont aisément reconnues: c'est le libertinage, l'impureté, la débauche, l'idolâtrie, la sorcellerie, les inimitiés, la discorde, la jalousie, les emportements, les querelles, les divisions, l'esprit de parti, l'envie, l'ivrognerie, les orgies et autres choses pareilles, au sujet desquelles je vous déclare d'avance, comme je l'ai déjà dit, que ceux qui font de telles choses n'hériteront point le ro3'aume de Dieu.

22 Mais le fruit de l'esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance. Pour des hommes de ce genre il n'y a point de loi; mais ceux qui sont à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises. Si nous vivons par l'esprit, marchons aussi dans l'esprit.

V, 19-25. Les énumérations de ce genre sont familières au style de Paul (Rom. 1, 29 ss. 1 Cor. VI, 9 ss. 2 Cor. XII, 20 ss., etc.). Les copistes tenant à les rendre très complètes, n'ont pas manqué d'y ajouter des termes que le hasard avait fait oublier à l'apôtre, comme si ce dernier, en citant des exemples, avait dû remplir le cadre des vertus et des vices d'une manière systématique. Ainsi plusieurs éditions ajoutent ici l'adultère et le meurtre.

Les termes eux-mêmes n'ont guère besoin d'explication. Il y en a des deux côtés de plus généraux et de plus spéciaux; des lacunes, si l'on veut, et surtout des répétitions. C'est dans la nature de pareilles énumérations rhétoriques. (La sorcellerie, supposée être pratiquée avec l'aide de Satan, était très répandue dans ce siècle et il en est souvent fait mention dans le Nouveau Testament (Hist, de la théol. ap., I, 369); la joie, doit être le plaisir qu'on prend au bien-être d'autrui, car il est partout ici question de rapports sociaux.)

La fin du V. 23 est généralement mal traduite. On veut que Paul ait écrit: La loi n’est pas contre ces vertus-là. Ce serait là une grande platitude, ou tout au plus une tournure ironique sans sel et sans esprit. D'ailleurs, en aucune façon le raisonnement n'amenait l'auteur à faire une déclaration de ce genre, comme si quelqu'un avait pu ou voulu soutenir la thèse contraire. Mais on voit par les v. 21 et 24 que l'adjectif pronominal est au masculin et non au neutre, qu'il se rapporte aux hommes et non à leurs qualités; et puis le v. 18 avait déjà énoncé la même idée sous une autre forme. Paul veut dire: Ceux qui sont dans cette voie-là, ceux dont ce sont là les qualités, n'ont plus affaire à la loi, par la simple raison qu'ils sont guidés par l'esprit, dont ces vertus sont le produit. Il est vrai que le texte grec dit à la lettre: Contre eux il n'y a pas de loi, parce que, au point de vue de Paul, la loi se pose vis-à-vis de l'homme comme un juge menaçant, puisque lui ne l'accomplit guère, tant qu'il est abandonné à lui-même. Ceux qui ont reçu l'esprit et qui par lui sont unis à Christ, n'ont plus à craindre d'être subjugués par la chair; ils l'ont crucifiée, mise à mort; dans eux, c'est l'esprit seul qui vit et agit, donc la loi n'existe plus pour eux. Car la loi sert de pédagogue, de correcteur, de frein, à ceux qui sont encore exposés à cette lutte inégale avec la chair.

26 Ne cherchons pas une vaine gloire en nous provoquant les uns les autres, en nous enviant mutuellement.

1 Mes frères, lors même qu'un homme serait surpris en défaut, vous qui êtes guidés par l'esprit, corrigez-le dans un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, que tu ne sois pas tenté à ton tour! Supportez mutuellement ce qui est à votre charge, et accomplissez ainsi la loi de Christ. Car si quelqu'un croit être quelque chose, tandis qu'il n'est rien, il se trompe lui-même. Que chacun examine ses propres actes, et il en viendra à garder sa gloriole pour lui seul et non pour l'autre; car chacun aura sa charge à porter.

V, 26; VI, 1-5. L'épître, tirant à sa fin, s'engage dans des exhortations générales et diverses, qui ne sont plus que dans un rapport éloigné avec le sujet traité d'abord. Le morceau que nous avons devant nous parle d'un devoir très important, dont la mention est suggérée à l'apôtre précisément par le principe qu'il venait de formuler. Oui, le chrétien a crucifié la chair, il a fait taire ses passions; cela est le cas pour le chrétien parfait; mais dans la réalité, il faut bien se garder de se croire tel trop facilement, tant en oubliant ses propres défauts, qu'en critiquant trop orgueilleusement ceux des autres. Chacun en a sa charge (litt.: son petit paquet, v. 5), s'il veut bien y regarder de près; chacun, en s'étudiant lui-même, comme il le doit, arrivera non à se vanter, mais à garder pour lui seul sa petite gloriole, à y renoncer, car, à vrai dire, la vertu de l'homme n'est rien, il n'en a pas pour lui et par lui-même, qui vaille la peine d'être exaltée. Ce qu'il a, il le doit à Dieu. Par conséquent, dans l'appréciation des autres, il faut aussi appliquer une mesure modeste, et les fautes que nous pouvons découvrir chez eux doivent être plutôt un avis pour nous-mêmes d'être sur nos gardes, qu'un motif de nous croire meilleurs. Il est remarquable que ces idées si simples et si naturellement enchaînées aient été si mal comprises par les interprètes, qui ne voient dans le v. 4 que le précepte de ne pas se vanter publiquement. (La loi de Christ est celle de l'amour du prochain, Jean XIII, 34.)

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