Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX GALATES

Chapitre 3

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1 O Galates mal avisés! qui vous a fascinés, vous, devant les yeux desquels Jésus-Christ a été décrit d'avance comme crucifié au milieu de vous? Je ne veux savoir de vous qu'une seule chose: est-ce par les œuvres de la loi que vous avez reçu l'esprit, ou par l'enseignement de la foi? Seriez-vous à ce point mal avisés? Après avoir commencé par l'esprit, vous voulez finir par la chair? Toutes ces expériences vous les auriez faites en vain? Puisque vous les avez faites, fût-ce même en vain! Celui qui vous accorde l'esprit et qui opère des miracles parmi vous, est-ce par les œuvres de la loi qu'il le fait, ou par l'enseignement de la foi?

III, 1-5. Paul vient de déclarer que le salut n'est point dans la loi, mais dans la foi en Christ. Or, comme cette thèse se présente à son esprit non comme un sujet d'enseignement, mais comme une question de controverse, comme une vérité à défendre contre ceux qui ne l'acceptent pas, ou qui du moins paraissent l'avoir perdue de vue, c'est sous la forme de la polémique qu'elle va être développée. Et cette polémique ne procède pas d'après une méthode logique et raisonnée, mais l'apôtre, préoccupé d'un fait qu'il a de la peine à concevoir, savoir que les Galates aient pu oublier à ce point l’instruction qu'ils avaient reçue de lui, commence par leur adresser une série de questions exprimant son étonnement, et arrive plus loin à faire valoir, sans trop d'ordre, les principales considérations positives en faveur de sa théorie.

Les premiers mots peignent à merveille la difficulté que Paul éprouve à se rendre compte de ce qu'il a constaté en Galatie. Vraiment, il faut avoir perdu le sens commun, il faut être fasciné, ensorcelé, pour se laisser aller à un pareil égarement! (Le texte vulgaire ajoute ici quelques mots parfaitement superflus, que les copistes ont pris dans chap. V, 7). Comment, dit-il, pouviez-vous ainsi vous fourvoyer? Vous aviez, pour vous guider, deux motifs puissants et décisifs, qui auraient dû également vous préserver de cette erreur:

1°L' Écriture, qui vous parlait d'avance (comp. Rom. XV, 4) de la mort de Christ, et cela d'une manière évidente et irréfragable, et qui s'est trouvée accomplie par le crucifiement de Jésus arrivé de nos jours. Or, si le Christ promis devait mourir, il s'ensuit que cette mort devait avoir une signification (chap. II, 16 ss.), autrement elle n'aurait pas eu lieu et la loi aurait suffi. (Comme la suite du texte amène les passages mêmes de l'Ancien Testament, sur lesquels Paul fonde son argumentation, nous sommes parfaitement rassuré sur la justesse de cette explication, et nous repoussons celle d'après laquelle l'apôtre aurait parlé ici de son propre enseignement antérieur.)

2° L'expérience intérieure (et non les souffrances, comme le veulent les traductions vulgaires), par laquelle vous avez pu constater un changement très-remarquable en vous-mêmes, à partir du moment où, après avoir entendu la prédication de la foi, vous vous êtes sentis transformés et comme devenus de nouveaux hommes, animés, fortifiés, consolés, exaltés par l'esprit de Dieu, par cette puissance de vie et d'enthousiasme qui vous était absolument inconnue, tant que, sous le régime de la loi, vous vous efforciez péniblement de satisfaire aux devoirs prescrits. Recueillez vos souvenirs, et dites à qui vous devez cela? Cette ardeur pour le bien, cet amour de Dieu, ce dévouement qui fait des miracles? Les faits sont là; vous ne direz pas que vous n'en avez rien éprouvé; eh bien, voulez-vous que cette expérience ait été faite en vain? (C'est la seule interprétation admissible du v. 4; il serait absolument faux de traduire: si toutefois c'est en vain.) Après avoir joui de ces avantages que donne l'esprit, voulez-vous retomber dans l'état d'apathie, de froideur, de crainte, d'angoisse, qui est inséparable de la condition purement légale, où l'on attend le salut des œuvres, et comme qui dirait de la chair, de la circoncision, des choses matérielles enfin?

Après ces questions. Paul s'engage dans une discussion exégétique destinée à prouver que l'Ancien Testament lui-même attache le salut à la foi et non aux œuvres. Comparez pour le fond Rom. IV.

6 C'est ainsi qu'Abraham crut Dieu et cela lui fut imputé à justice. Vous reconnaîtrez donc que ceux-là sont les enfants d'Abraham qui le sont par la foi. Et l'Écriture, prévoyant que c'est par la foi que Dieu veut justifier les païens, a d'avance annoncé à Abraham: Toutes les nations seront bénies en toi; de sorte que ceux qui ont la foi sont bénis avec Abraham le croyant. Car tous ceux qui s'en tiennent aux œuvres de la loi sont sous la malédiction; car il est écrit: Maudit est quiconque ne reste pas fidèle à tout ce qui est écrit dans la loi, de manière à le pratiquer!

11 Et quant à ce que nul n'est justifié auprès de Dieu au moyen de la loi, cela est évident, puisque c'est celui qui est juste par la foi qui vivra. Or, la loi ne se base pas sur la foi, mais: Celui qui pratique ces choses aura la vie par elles. C'est Christ qui nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant malédiction pour nous (car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au gibet!)., afin que la bénédiction d'Abraham passât aux païens, en Jésus-Christ, pour que nous reçussions par la foi l'esprit qui nous était promis.

III, 6-14. L'argumentation, très peu transparente ici, se fonde sur une série de passages de l’Ancien Testament (Genèse XV, 6; XII, 3. Deut. XXVII, 26, XXI, 23. Lév. XVIII, 5. Hab. II, 4), que l'apôtre combine les uns avec les autres, pour en tirer le raisonnement suivant:

L'Écriture déclare qu'Abraham était juste, ou du moins que Dieu voulut bien le regarder comme tel, parce qu’il avait cru. Ce n'est donc pas en vue de quelque acte matériel, de quelque vertu, de quelque oeuvre, que Dieu fit cette déclaration, mais en vue de sa disposition intérieure. Ailleurs, l'Écriture promet au patriarche que toutes les nations (donc aussi les païens) seraient bénies en lui. Qu'est-ce que ces nations peuvent avoir de commun avec Abraham? Ce n'est pas la loi, ou la circoncision, ou la filiation naturelle, qui les rattache à lui: elles lui sont étrangères à tous ces égards. Elles ne peuvent avoir de commun avec lui qu'une chose, c'est la foi. C'est donc par la foi que l'on devient enfant d'Abraham, qu'on participe aux promesses et bénédictions qui lui ont été données. Tout ce qui est dit ici à Abraham, est donc à vrai dire une révélation prophétique et évangélique, et quoique le texte, pour la forme, s'adresse aux patriarches, en vérité il s'adresse à la postérité, il contient un évangile. L'Écriture est en même temps personnifiée en quelque sorte (elle prévoit), et Paul fait abstraction de ce que c'est proprement Dieu et non le rédacteur de la Genèse qui a dû parler à Abraham.

D'un autre côté, s'il est vrai qu'on n'est reconnu juste par Dieu qu'en vertu de la foi, il est vrai aussi qu'on n'y parvient pas par les œuvres, ou plutôt que les œuvres, c'est-à-dire le désir de fonder le salut sur elles, conduisent à la mort, à la damnation; parce que la loi est édifiée sur ce principe souverain, qu'il faut faire tout ce qui est commandé, à moins d'être maudit: or, personne ne parvient à tout faire, à ne jamais transgresser un commandement. La loi ne se fonde pas sur la foi; elle ne s'enquiert pas de votre disposition intérieure, de votre bon vouloir; elle vous demande des actes, elle constate ce que vous faites, et c'est d'après cela qu'elle vous juge. D'un côté, au point de vue légal, l’Écriture dit négativement: Maudit celui qui ne fait pas! de l'autre côté, au point de vue évangélique, le prophète dit positivement: Celui-là seul aura la vie, qui sera juste par la foi. L'Écriture ne se contredit donc pas, mais elle présente la même vérité sous deux aspects différents.

Enfin, pour ce qui est de la transition de l'état légal à l'état évangélique, nous le devons à Christ. Sans lui, le premier état serait encore le seul légitime. Nous serions, comme transgresseurs de la loi, sous le coup de la malédiction que la loi prononce. Mais nous en sommes délivrés, parce que Jésus s'en est chargé en subissant la mort sur la croix, à laquelle la loi attache une malédiction. Il s'est ainsi substitué à nous pour porter cette malédiction......

Il manque ici toute la série des idées intermédiaires qui expliquent cette notion de substitution (voyez Gal. II, 16 ss. 2 Cor. V, 15 ss. Rom. VI, 3 ss.). Il faut compléter le raisonnement par ces passages parallèles et se rappeler ce qui est dit ailleurs de l'abrogation de la loi par Christ, à quoi se rattachera alors facilement la conclusion: 1° que c'est par la foi que nous (tous) devions et pouvions recevoir l'esprit promis, de manière que 2° la bénédiction d'Abraham passât aussi aux païens, la condition qui y était mise leur étant désormais tout aussi accessible qu'à nous.

15 Mes frères, je vais parler d'après ce qui se fait parmi les hommes: quand quelqu'un a fait une disposition en due forme, il est certain que personne ne peut l'annuler, ni la changer par addition. Or, les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité. Il n'y a pas: à ses postérités, comme s'il s'agissait de plusieurs, mais comme pour parler d'un seul: et à ta postérité, c'est-à-dire à Christ. Voici ce que je veux dire: une disposition faite en due forme par Dieu antérieurement, la loi, survenue quatre cent trente ans après, ne peut l'abolir, de manière à anéantir la promesse. Car, si l'héritage doit venir par la loi, c'est qu'il ne vient plus par la promesse; or, c'est par la promesse que Dieu en a gratifié Abraham.

III, 15-18. Si déjà dans les usages légaux de la société humaine la volonté d'un testateur, dûment exprimée, est respectée par les survivants, à plus forte raison cela doit être le cas pour Dieu, bien qu'à vrai dire de pareils rapprochements soient peu convenables (Rom. III, 5; VI, 19), parce que Dieu ne meurt pas, et n'est pas exposé à voir sa volonté méconnue par quelqu'un contre lequel il ne pourrait pas la faire prévaloir. Paul aurait pu asseoir plus simplement son argumentation sur l'immutabilité de Dieu.

Voici d'ailleurs le sens de son raisonnement: Dieu a fait à Abraham des promesses parfaitement indépendantes d'une loi qui n'existait pas, il lui a annoncé des bénédictions qui devaient se réaliser, en vue de ce que le patriarche avait déjà accompli (en vue de sa foi) et non d'une condition légale ultérieure dont il n'est pas même fait mention à cette occasion. Or, comment croire que 430 ans plus tard, du temps de Moïse, Dieu ait tout à coup renversé ses conditions, aboli ses promesses, remplacé l'ancienne disposition par une nouvelle? Comment admettre qu'après avoir promis de bénir et de justifier en vue de la foi, il ait plus tard pu déclarer qu'il ne le ferait plus qu'en vue des œuvres? Donc, la loi ne peut pas avoir été instituée pour annuler les promesses.

Incidemment Paul s'arrête un instant à la formule même de la promesse en question; il prend dans le texte de la Genèse (chap. XXII, 18) un mot qu'il avait négligé au v.8: toutes les nations seront bénies dans ta semence (postérité), et il insiste sur ce que ce mot est mis au singulier, comme se rapportant à un seul individu, c'est-à-dire à Christ. La promesse faite à Abraham n'est donc pas seulement une promesse générale, elle est déterminée, elle est spécifiquement évangélique; en d'autres termes: l'Évangile avec son centre et foyer, la personne de Christ, fils d'Abraham, était donc déjà dans la pensée, volonté et déclaration de Dieu, longtemps avant la promulgation de la loi; donc cette dernière ne peut pas prévaloir contre lui.

L'apôtre parle ici certainement avec une entière conviction et non par une espèce d'accommodation aux méthodes de l'école, que ses adversaires auraient pu vouloir respecter de préférence à une argumentation purement évangélique. Tout de même il est positif qu'il se trompe sur la portée de son texte. Le mot de semence, postérité, ne se met jamais au pluriel; c'est un collectif cent fois employé pour désigner toute une race, un peuple entier. Lui-même, partout ailleurs, l'emploie ainsi: voyez v. 29 et surtout Rom. IV, 13, 18. — L'héritage dont il est question, est naturellement le salut.

19 Qu'est-ce donc que la loi? Elle a été ajoutée à cause des transgressions, jusqu'à ce que la postérité, en vue de laquelle la promesse avait été faite, fût venue; elle fut promulguée par des anges, par le ministère d'un médiateur. Or, le médiateur n'est pas l'agent d'un seul parti, tandis que Dieu est un seul.

III, 19, 20. La question posée ici était naturellement amenée par ce qui précédait. Les Juifs (les chrétiens judaïsants) ne pouvaient manquer de la faire. Si la loi (comme nous le croyons), n'est pas faite, pour régler la destinée future des hommes, quel est donc son but? pourquoi, enfin Dieu l'a-t-il donnée?

La réponse est à la fois négative (v. 21) et affirmative (v. 19), et revient à ceci: La loi n'est pas contre les promesses antérieures; elle n'est qu'un incident, quelque chose d'intermédiaire, par conséquent de transitoire, entre la promesse et son accomplissement. Son but prochain, positif, est indiqué par cette phrase: Elle a été donnée à cause des transgressions. Ces mots ont été diversement expliqués. Les uns y ont vu cette idée que les péchés devaient être provoqués et multipliés par la loi, pour que la grâce de Dieu se manifestât plus glorieusement (Rom. V, 20. 1 Cor. XV, 56); les autres ont rappelé que c'est par la loi que l'homme apprend à connaître son état de pécheur; ce serait donc pour l'éclairer sur sa misère et ses besoins que la loi lui aurait été donnée (Rom. III, 20; VII, 7); d'autres enfin ont de préférence assigné à la loi le but de contenir la faiblesse et la passion humaine, laquelle aurait débordé trop pernicieusement sans ce frein; on s'est surtout prévalu à cet effet du terme de servitude, usité chez Paul, pour peindre la nature du rapport entre l'homme et la loi (comp. Matth. XIX, 8). Il faut convenir que toutes ces idées rentrent dans la théologie paulienne, au point qu'on serait tenté de croire que l'auteur les a eues toutes en vue, en donnant à sa phrase une forme si peu précise. Cependant, si nous consultons le contexte, surtout v. 23 et suiv., nous voyons que la loi lui apparaît en ce moment comme une autorité roide et impérieuse, sous la pression de laquelle l'homme soupire après la délivrance. Ce sera donc entre la première et la troisième explication qu'il faudra choisir, si l'on n'aime mieux les combiner toutes les deux. Pour notre part, nous inclinons pour la dernière seule.

D'après la théologie judaïque, la loi du Sinaï fut transmise à Moïse par les anges (Deut. XXXIII, 2, texte grec. Hébr. II, 2. Act. VII, 53), la science religieuse n'admettant plus qu'il y ait eu des apparitions personnelles de Dieu. Ces anges étaient donc les organes de la révélation, et Moïse le médiateur entre eux et le peuple d'Israël. Or, qui dit médiateur, dit deux parties contractantes, par conséquent deux volontés, qui, tout en s'unissant momentanément, peuvent d'autres fois se contredire. Une loi promulguée par médiation est donc toujours quelque chose de chanceux, d'imparfait; tandis que la promesse, émanée de Dieu seul, ayant sa volonté à lui pour source unique et pour garantie, est incomparablement plus sûre et partant plus élevée. La loi ne saurait donc en aucun cas primer les promesses. Son but doit être un but secondaire.

Cette explication d'une phrase qui passe pour être la plus difficile du Nouveau Testament, parce qu'il a plu aux commentateurs d'y rattacher trois cents interprétations diverses, est claire, suffisante, et surtout parfaitement conforme à l'ensemble du raisonnement. Inutile de réfuter les autres. La diversité parvient de ce que: 1° on a eu l'idée de mettre le v. 20 dans la bouche d'un adversaire que Paul aurait eu à combattre; 2° on ne savait pas si le médiateur au v. 20 doit être Jésus ou Moïse, tandis que ce n'est ni l'un ni l'autre; 3° on a ajouté toutes sortes de substantifs au génitif d'un seul; 4° on n'a pas compris pourquoi l'apôtre parle de l'unité de Dieu; 5° on a diversement rétabli la liaison avec ce qui précède et ce qui suit; 6° on a donné au mot seul des significations différentes dans les deux membres de la phrase, etc. etc.

21 La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu? Pas le moins du monde! Oui, s'il avait été donné une loi qui put conduire à la vie, alors sans doute la justice viendrait par la loi. Mais l'Écriture elle-même a tout enfermé sous le péché, afin que la promesse fût réalisée pour les croyants par la foi en Jésus-Christ. Mais avant que la foi vint, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en attendant la foi qui devait être révélée; de sorte que la loi est devenue pour nous un pédagogue, jusqu'au temps de Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. Or, la foi étant venue, nous ne sommes plus sous le pédagogue.

III, 21-25. La loi, n'étant qu'un incident, ne peut donc pas être contre la promesse, c'est-à-dire qu'elle ne saurait baser le salut sur une autre condition que cette dernière. Ah! si vous pouviez prouver que la loi vous rend justes, en d'autres termes, que vous parvenez par elle seule à satisfaire pleinement à la volonté de Dieu, alors sans doute la loi serait contre la promesse, et celle-ci ne devrait pas être invoquée comme la dépassant. Mais c'est là précisément ce qui n'est pas le cas. L'Écriture, cette suprême autorité, déclare que tous sont pécheurs (Rom. III, 10 ss., etc.), elle les enferme, pour ainsi dire, tous sous le péché, les représente comme enchaînés par cette puissance, afin de faire voir d'autant plus clairement que le salut promis ne peut pas être obtenu par cette voie-là, mais uniquement par celle de la foi dont parlait la promesse antérieure.

Dans tout ce qui suit, Paul raisonne en vue des deux périodes, dans lesquelles les rapports de Dieu avec l'humanité se sont formés sur deux bases diverses. Dans la période légale, avant que vînt la foi, c'est à dire avant l'époque où la foi trouva enfin son objet (Christ) et put ainsi produire son effet salutaire, nous étions tous comme enfermés, enchaînés, emprisonnés sous la loi; c'était un état de servitude, où la loi nous commandait, nous menaçait, nous effrayait, sans pouvoir nous rendre bons et justes. Il résulte clairement de ceci, que Paul ne parle pas d'une éducation progressive vers Christ qu'il attribuerait à la loi, et que le pédagogue n'est pas un guide, un conducteur. C'est un personnage sévère (1 Cor. IV, 15), morigénant son pupille avec dureté, le tenant dans la dépendance et dans une obéissance forcée, et par cela même toujours incomplète, jusqu’à Christ, jusqu'à l'époque où Christ (et avec lui la foi) vint enfin établir le nouvel ordre de justification. Cette image d'un pédagogue (tuteur) va revenir plus loin; elle serait absolument mal comprise, si l'on y voyait l'idée d'une marche progressive, d'après laquelle, par exemple, la plus récente génération des Juifs aurait été plus près du but que telle autre plus ancienne. L'enfant mineur est dans le même rapport avec son tuteur la veille de son émancipation et à n'importe quelle époque antérieure. Le changement est brusque, instantané; il dépend, non d'une transformation intérieure, morale ou psychologique, mais de l'inauguration d'un nouvel ordre de choses voulu par Dieu (ou, dans l'allégorie, par le Code civil).

26 Car vous êtes tous enfants de Dieu, par la foi, en Jésus-Christ. Car vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus là ni Juif, ni Grec; il n'y a plus là ni esclave, ni homme libre; il n'y a plus là ni homme, ni femme: car tous vous êtes un en Jésus-Christ. Mais si vous êtes à Christ, c'est que vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse.

III, 26-29. C'est par antithèse à la notion de pédagogue que l'apôtre arrive à celle d'enfant (chap. IV, 1 ss.). Il dit donc aux Galates: Vous êtes maintenant émancipés, élevés au rang d'enfants libres, majeurs, mis en possession du bien paternel. On voit encore une fois que la notion de pédagogue représente, non l'idée d'une éducation, mais celle d'une contrainte.

Il faut ensuite remarquer que l'apôtre passe ici à la seconde personne. Jusqu'ici il avait parlé à la première, parce qu'il avait eu en vue son propre peuple, le peuple de la loi, auquel s'appliquait de préférence ce qu'il avait eu à dire de la valeur de cette dernière. Maintenant il s'adresse à tous, mais surtout aux païens, c'est à dire aux croyants venus du dehors, pour leur dire qu'ils sont devenus en Christ les égaux des Juifs. Par le fait que les Juifs ont changé de condition, ce qui avait séparé les deux portions de l'humanité n'exerce plus sa puissance, et par deux routes différentes elles sont arrivées à un point où elles se confondent. Et ce ne sont pas seulement les différences de nationalité qui disparaissent, mais encore celles de la condition sociale et du sexe même; l'unité devient telle, que les individus de toute origine forment un seul grand corps dont Christ est l'âme.

Cette dernière idée est encore exprimée par une figure très hardie et pour l'explication de laquelle il faut remonter à la rhétorique de l'Ancien Testament. En hébreu, on aime à comparer les qualités morales aux vêtements; on dit: se revêtir de courage, d'humilité, etc. Revêtir Christ, serait donc proprement devenir semblable à Christ au point de vue moral (Rom. XIII, 14). Ici Paul veut dire plus et, pour bien saisir sa pensée, il faut oublier que le vêtement est toujours distinct du corps qu'il couvre; car c'est précisément l'union intime que l'auteur veut faire ressortir. Le baptême symbolise une véritable communion personnelle du Sauveur et des croyants, lesquels se dépouillent de ce qui leur était propre, pour vivre désormais d'une vie dont le principe leur est venu d'ailleurs.

Ici, la postérité d'Abraham (toujours le mot grec [hébreu] au singulier) est un collectif, et l'auteur ne paraît pas se rappeler que plus haut (v. 16) il a insisté sur ce même singulier, pour écarter la notion collective.

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