Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX GALATES

Chapitre 1

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1 Paul apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le père, qui Ta ressuscité des morts, et tous les frères qui sont avec moi, aux églises de la Galatie: que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu le père, et de notre Seigneur Jésus-Christ, qui s'est donné pour nos péchés, afin de nous retirer de ce temps mauvais qui va venir, selon la volonté de notre Dieu et père, à qui soit gloire aux siècles des siècles! Amen.

I, 1-5. Cette formule de salutation est un peu plus longue que d'ordinaire, et non sans motif. D'un côté, Paul tenait à constater dès l'entrée la nature et l'origine de sa mission apostolique, que révoquaient en doute ses adversaires judaïsants; de l'autre, il voulait faire ressortir la portée de l'œuvre de Christ en opposition avec les erreurs qu'il devait combattre dans son épître même.

Pour ce qui est du premier point, l'assertion de l'auteur est exprimée à la fois négativement et affirmativement. On ne manquera pas de remarquer que Jésus-Christ est opposé ici aux hommes et placé à côté de Dieu, comme une autorité supérieure et indiscutable. Un missionnaire, et en général un docteur ou pasteur chrétien, peut être mis à la place qu'il occupe, par un homme, ou de la part des hommes, qui exercent un pouvoir régulier dans l'Église; l'essentiel est qu'il ait reçu en même temps sa vocation de la part de Dieu et du chef invisible de l'Église. Mais Paul insiste sur ce fait que, à l'égard du premier rapport aussi, ce ne sont pas des hommes (par exemple les apôtres de Jérusalem) qui lui ont conféré sa mission apostolique, qu'aucun homme n'est intervenu ni de près ni de loin pour lui assigner sa place dans l'Église, mais qu'il la tient immédiatement de Dieu et de Christ, de sorte que ses titres sont les mêmes que ceux des Douze. Ce n'est pas sans motif qu'il parle en passant de la résurrection de Jésus, puisque c'est le ressuscité qui lui a adressé la parole sur le chemin de Damas, et que sans la résurrection son apostolat ne serait qu'une usurpation, une illusion (1 Cor. XV).

Quant au second point, il n'est qu'effleuré en deux mots; mais ces deux mots nous rappellent toute la série des idées qui constituent le fond de la prédication de Paul. Christ s'est donné pour nos péchés; ce fait est rappelé aux lecteurs, moins pour lui-même et pour en établir la réalité dogmatique, que pour l’opposer dès l'abord à la conception qui l'amoindrit ou le méconnaît, savoir celle d'après laquelle les moyens légaux suffiraient ou concourraient à l'obtention du salut. Nous avons souligné la préposition pour y rattacher la remarque qu'il y a là une variante dans l'original, mais qui ne change rien au fond. Car quelle que soit la formule qu'on préfère, elle signifiera toujours: en vue de, à cause de nos péchés, c'est-à-dire pour les abolir. D'ailleurs, le but de cet acte de Christ est indiqué plus nettement dans la phrase suivante: afin de nous retirer (séparer, exempter) du siècle mauvais qui va venir, qui est imminent, qui commence; en d'autres termes, pour nous préserver, non pas précisément du contact avec un monde corrompu (car cela n'est pas possible d'une manière absolue, 1 Cor. V, 10), mais de la participation à tous les égarements et à tous les malheurs de la période qui doit précéder la seconde venue de Christ et qui va amener sur l'humanité non convertie une série de maux et de châtiments dont les seuls enfants de Dieu seront exempts.

6 Je m'étonne que vous passiez si vite de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, à un autre évangile. Mais il n'y en a point d'autre, si ce n'est qu'il y a des gens qui vous troublent et qui prétendent changer l'évangile de Christ. Mais lors même que je viendrais moi-même, ou qu'un ange du ciel vînt vous prêcher un évangile différent de celui que je vous ai prêché, qu'il soit maudit!

Comme je l'ai dit précédemment, je le dis maintenant encore une fois: Si quelqu'un vous prêche un évangile autre que celui que vous avez reçu, qu'il soit maudit! — Maintenant, sont-ce les hommes que je veux gagner, ou bien est-ce Dieu? Où sont-ce les hommes à qui je veux plaire? Si j'en étais encore à plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur de Christ.

I, 6-10. Ces quelques lignes peuvent être considérées comme une espèce d'exposition du sujet à traiter, ou du motif qui a provoqué la rédaction de l'épître. On voit tout de suite qu'il s'agira de deux systèmes d'enseignement opposés l'un à l'autre, de deux évangiles, ou plutôt d'une prédication soi-disant chrétienne qui prétend se mettre à la place du seul vrai évangile, enseigné autrefois en Galatie par l'apôtre même, mais risquant aujourd'hui d'être dénaturé par l'influence d'autres docteurs.

Ce fait capital, le seul même que l'auteur aura à discuter devant ses lecteurs, le préoccupe tellement, qu'il oublie de commencer son épître par quelques paroles bienveillantes, comme c'est son habitude partout ailleurs. Nous verrons plus loin qu'il sait retrouver le ton de l'affection paternelle, qu'il n'a pas perdu tout espoir et toute confiance au sujet de l'avenir de son troupeau égaré, qu'il est plutôt dans le cas de les arrêter sur une pente glissante que de déplorer une chute irréparable; mais pour le moment la surprise, l'impatience, la difficulté de comprendre un changement qui l'attriste et qui l'effraie, tous ces sentiments joints à celui de la séparation personnelle qui menace d'affaiblir l'effet des paroles les plus éloquentes, impriment au style de l'écrivain une vivacité exceptionnelle et lui donnent quelquefois aussi une brièveté gênante.

Du reste ici, si l'on excepte la dernière ligne, tout est clair et simple. Vous passez (au présent) si vite d'une conviction à l'autre! Si vite! Il y a quelques années à peine que vous connaissez Christ; déjà vous avez pu constater les heureux changements opérés en vous par votre conversion (chap. III, 1 ss.), et voilà que vous abandonnez, sans motif, volontairement, une foi qui vous assurait le salut, pour un autre évangile! Mais ce qu'on vous offre sous ce nom, ce n'est pas un autre évangile, par la raison que ce n'est pas un évangile du tout, ce n'est pas une bonne nouvelle, car la seule bonne nouvelle à donner à l'homme, c'est celle que ses péchés peuvent être abolis, tandis que ce qu'on y substitue, la loi, ne fait que les rendre plus fréquents et leurs conséquences plus terribles. L’Évangile le vrai évangile, n'est qu'un seul, c'est celui que je vous ai prêché, c'est celui qui vous parle de l'appel de Dieu, de la grâce de Christ (Rom. V, 15). Comment pouvez-vous vous laisser troubler dans la conviction qui vous tranquillisait naguère, comme si votre salut était compromis si vous n'y pourvoyiez pas au moyen de la circoncision? En prononçant l’anathème contre lui-même et contre un ange qui prêcherait un autre évangile, l'apôtre se sert exprès d'une formule hyperbolique: car les deux cas sont également impossibles. À plus forte raison, la malédiction frappera ceux dont les actes sont dans la sphère des choses possibles ou réelles. (Pour l'origine du mot anathème, voyez la note sur Act. XXIII, 14.) Ces avertissements énergiques, dit-il, je vous les ai donnés antérieurement, soit en vous prêchant l'Évangile pour la première fois, soit lors de mon dernier séjour quand je constatai vos tendances judaïques.

La dernière phrase s'expliquera le plus facilement par la supposition qu'on aurait reproché à Paul de dispenser les païens de l'observation de la loi par des motifs très peu légitimes et même égoïstes. Ç'aurait été pour leur être agréable, pour les décharger de beaucoup de devoirs onéreux. Eh bien, dit-il, ce reproche me sera-t-il toujours encore adressé? Est-ce pour obtenir la faveur des hommes que je me prononce avec une telle énergie? Ces malédictions que je formule si solennellement, me concilieront-elles le bon vouloir de ceux qui m'ont repoussé jusqu'ici? Non, je n'ai en vue que la cause de Dieu, la vérité de l'Évangile, ma mission apostolique; peu m'importe, qu'en suivant la ligne de mon devoir, j'obtienne l'adhésion des hommes; je sais, au contraire, que le plus souvent il faut choisir entre leurs suffrages et celui de Christ, et à cet égard mon choix est fait. Autrefois, sans doute, je n'en étais pas là; il y avait un temps (v. 13) où j'ambitionnais les éloges publics, mais aujourd'hui je n'encours plus ce reproche.

Et c'est ce souvenir qui suggère maintenant à l'apôtre l'idée de rappeler en deux mots à ses lecteurs sa propre histoire, dans le double but de constater qu'il a reçu sa mission, et par conséquent aussi le fond de son évangile, par une communication directement émanée de Dieu, et de prouver par les faits, qu'il n'a dû ni voulu passer par l'école d'aucun homme, de manière que son enseignement pourrait ou devrait être apprécié d'après sa conformité avec celui d'un prédécesseur.

11 Car je vous déclare, mes frères, que l'évangile qui est prêché par moi, n'est point une affaire d'homme; je ne l'ai pas même reçu d'un homme, ni appris par enseignement, mais par une révélation de Jésus-Christ. Car vous avez entendu parler de ma vie d'autrefois, dans le judaïsme; comment je persécutais à outrance l'Église de Dieu, que je la ravageais et que je surpassais dans mon judaïsme beaucoup de ceux de mon âge parmi mon peuple, étant un champion fanatique des traditions de nos pères.

15 Mais lorsque celui qui m'avait choisi dès le sein de ma mère, et qui m'appela par sa grâce, daigna révéler en moi son fils, afin que je le prêchasse parmi les païens, aussitôt, sans m'adresser à ce qui est de chair et de sang, sans me rendre à Jérusalem auprès de ceux qui avaient été apôtres avant moi, je me retirai en Arabie, puis je m'en retournai à Damas; ensuite, après trois ans, j'allai à Jérusalem pour faire la connaissance de Céphas et je restai quinze jours auprès de lui; mais je ne vis aucun autre d'entre les apôtres, si ce n'est Jacques, le frère du Seigneur.

20 Ce que je vous écris là, je dis à la face de Dieu que ce n'est pas un mensonge! Ensuite je passai dans les provinces de la Syrie et de la Cilicie. Or, j'étais inconnu personnellement aux églises de Christ dans la Judée; on y apprenait seulement cette nouvelle: Celui qui autrefois nous persécutait, prêche maintenant la foi qu'il voulait détruire naguère! et on glorifiait Dieu à mon sujet.

I, 11-24. Tout ce que nous lisons ici a pour but prochain de revendiquer, pour l'évangile prêché par Paul, l'autorité d'un enseignement révélé, indépendant de ce qui est chair et sang, c'est-à-dire purement humain. Sans doute, Paul ne veut pas préjuger ici la valeur de l'enseignement de ses collègues; il ne fait point de comparaison; il parle pour lui seul. Plus tard seulement, au second chapitre, et sans y toucher davantage la question que nous venons de poser, il insiste sur ce que son enseignement à lui a été reconnu comme légitime par ceux-là même dont l'autorité était invoquée contre lui par ses adversaires; et déjà dans les dernières lignes du morceau présent, le fait que les églises de la Judée glorifiaient Dieu au sujet de ce qu'elles apprenaient sur le compte du converti de Damas, prouve qu'aucune réserve, aucun scrupule ne troublait la joie causée par cette nouvelle, dans la sphère même où l’on aurait pu d'abord en suspecter la valeur.

L'apprentissage par enseignement est opposé ici et ailleurs (1 Cor. XIV) à celui, par révélation, surtout en tant qu'à ce dernier terme il se rattache l'idée de quelque chose de subit, et par cela même d'étranger au travail subjectif de l'homme, tandis que le premier rappelle de préférence quelque chose de continu, de méthodique, de laborieux. Dès ce premier mot, on voit où l'auteur en veut venir. Il s'agit de sa conversion soudaine sur le chemin de Damas, à laquelle il fait allusion ailleurs aussi (1 Cor. IX, 1), et qui, d'après ses souvenirs les plus positifs, a été un fait instantané qui lui révéla la vérité absolue, précisément de ce que, jusqu'à ce moment, il avait regardé comme une funeste et exécrable erreur. Du reste, les expressions du v. 15 (choisir et appeler) nous représentent un élément essentiel de la théologie paulinienne.

La comparaison avec le récit du neuvième chapitre des Actes nous fait remarquer quelques différences au sujet desquelles il est peut-être difficile de se décider d'une manière absolue pour l'une ou l'autre rédaction. Sans doute, en thèse générale, les affirmations de Paul doivent primer les dires d'un narrateur placé à distance et travaillant peut-être d'après la tradition; mais comme après tout Paul n'a pas ici le but spécial de raconter tous les détails chronologiques de sa vie, il se pourrait bien que son récit aussi n'eût pas la prétention d'être rigoureusement exact dans les circonstances purement accessoires. Voici d'ailleurs les faits auxquels nous faisons allusion: D'après notre texte, Paul, après sa conversion, va en Arabie (pour se recueillir ou pour prêcher immédiatement? question non résolue), puis il retourne à Damas, et seulement après trois ans (depuis sa conversion? depuis son retour à Damas?) il va à Jérusalem, pour quinze jours, y voit Pierre et Jacques, et paraît être resté hors de tout contact intime avec la masse des fidèles. D'après les Actes, il prêche à Damas, aussitôt après sa conversion et pendant assez longtemps, jusqu'à ce qu'il se trame contre lui une conspiration qui l'oblige à fuir. De là, il va à Jérusalem, où on ne lui fait aucun accueil, jusqu'à ce que Barnabas se charge de l'introduire auprès des apôtres; à partir de là, il est en relation avec eux et avec l'Église et prêche même jusqu'à ce qu'il soit encore chassé par les mauvais desseins des Juifs. Ainsi, le séjour en Arabie est omis par Luc, ce qui est de peu d'importance; la chronologie reste douteuse et incomplète; enfin, ce qui est moins indifférent, le séjour de Jérusalem paraît être autrement coloré par la relation essentiellement négative de Paul, que par celle de Luc, qui est étrangère aux préoccupations signalées dans l'épître.

Les accusations contre lesquelles Paul avait à se défendre, doivent avoir été bien violentes, puisqu'il se croit obligé d'introduire, sous la foi du serment, le simple récit des faits historiques. On l'avait donc représenté comme un menteur, comme un hypocrite!

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