Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

II THESSALONICIENS

Chapitre 2

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1 Or, mes frères, pour ce qui est de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et de notre réunion avec lui, je vous prie de ne point vous laisser troubler trop facilement, ni ébranler dans votre bon sens, soit par quelque inspiration, soit par quelque discours ou quelque lettre (comme venant de moi) comme si le jour du Seigneur était déjà là. Que personne ne vous égare en aucune manière: car à moins que l'apostasie ne soit arrivée d'abord, et que l'homme du péché ne se soit révélé, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève contre tout ce qui est réputé Dieu et adorable, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, prétendant être Dieu lui-même...

II, 1-4. L'apôtre arrive au sujet même pour lequel il a pris la plume. Les chrétiens de Thessalonique se préoccupaient de la proximité de la parousie et de la fin de l'état présent du monde, et s'il est permis de combiner avec notre passage ce que nous lirons à la dernière page de cette épître (chap. III, 6 ss.), ce n'était pas autant un sentiment de terreur que cette préoccupation leur avait inspiré, que plutôt une imprudente et coupable indifférence pour les obligations du moment présent, une regrettable négligence des devoirs de famille, un dégoût du travail qui, à son tour, amenait d'autres égarements. Paul les avertit donc de ne point s'exagérer la portée de ce qui pouvait être prévu ou prédit relativement à la grande révolution offerte en perspective à la foi de l'Église (I Thess. IV, 13 ss.): il faut, dit-il, qu'il se passe bien des choses encore avant ce moment suprême, et par conséquent il y a aussi bien des devoirs à remplir jusque-là.

Différentes causes pouvaient avoir poussé les esprits à Thessalonique dans cette fausse voie et avoir fait naître de l'enseignement apostolique des préjugés nuisibles. Ce pouvaient avoir été les prédications d'autres personnes qui, ayant l'imagination frappée par les croyances apocalyptiques, en parlaient de préférence et comme d'inspiration (1 Thess. V, 20, 21) dans les assemblées; ce pouvaient être des paroles ou des lettres venues de Paul même, et mal interprétées, ou du moins des écrits qu'on supposait venir de lui, mais qui étaient sans autorité authentique. La phrase est trop générale pour nous permettre d'affirmer ou de nier, soit que Paul fasse allusion à sa première épître, soit qu'il ait appris l'existence d'une lettre supposée, répandue en son nom. (Voyez l'introduction).

Quoi qu'il en soit, il importait à l'apôtre de rectifier les idées de ses disciples. L'avènement glorieux du Seigneur et la réunion des fidèles avec lui dans son royaume ne peut arriver qu'autant que certains faits précurseurs se seront accomplis d'abord. Aussi longtemps que ces faits n'auront pas été constatés par l'expérience, il serait imprudent de se livrer aux impressions d'une attente illusoire. (La phrase du texte est incomplète, comme nous l'avons fait ressortir par les points placés à la fin; la description prolongée des signes avant-coureurs a fait perdre de vue à l'auteur la construction syntactique dans laquelle il s'était engagé.)

Les faits précurseurs signalés ici sont au nombre de deux:

1° Une apostasie remarquable et affligeante. Beaucoup de commentateurs ont pensé qu'il s'agit ici de l'insurrection des Juifs contre les Romains; nous ne nous arrêterons pas à réfuter cette supposition. D'autres, avec plus de raison, ont cru que l'apôtre veut prédire l'apostasie d'un grand nombre de chrétiens. Ils pouvaient se fonder sur les passages parallèles Act. XX, 29. Matth. XXIV, 10 ss., 24. Cependant la suite de notre texte (v. 10) fera préférer un sens plus général: l'apostasie en question, c'est la rébellion de plus en plus générale et criminelle contre Dieu, c'est la séparation plus tranchée et plus évidente de la grande masse des méchants et des incrédules d'avec la faible minorité des croyants. Comme Paul y met l'article défini et parle ainsi d'un fait supposé connu de ses lecteurs, nous sommes autorisés à y voir une prophétie souvent formulée déjà par la théologie juive et comprise aussi dans les enseignements de l'apôtre.

2° L'apparition d'un puissant adversaire du royaume de Dieu, qui réunira en sa personne tout ce qui peut s'appeler méchanceté et mensonge, qui fera l'impossible pour ruiner la religion et l'Église, et qui poussera l'impiété jusqu'à vouloir se mettre à la place de Dieu. Ce personnage est appelé l'homme du péché (c'est-à-dire le pécheur par excellence, l'organe et le promoteur de tout mal), ou, d'après une variante, l'homme de l'impiété, l'impie, puis encore le fils de la perdition, celui qui, par la raison qui vient d'être dite, est voué à la damnation, le réprouvé, le maudit. On comprend sans peine que Paul a ici en vue le personnage que la théologie juive et judéo-chrétienne appelait l'Antéchrist (ou plutôt l'Anti-Christ). Le livre de Daniel en avait parlé le premier, en peignant le roi Antiochius IV comme l'adversaire direct de Dieu et comme celui dont la chute amènerait immédiatement l'inauguration du royaume messianique. Ce texte restait pour l'école une prédiction à réaliser ultérieurement, et Paul, à son tour, en reproduit ici la substance. Ce serait une question fort oiseuse, que de demander qui il peut avoir eu en vue. Le fait est qu'il ne désigne aucun personnage alors marquant dans l'horizon politique. Il parle d'une éventualité assurée pour le fond, mais voilée encore, quant à sa forme concrète et historique, pour la génération contemporaine. Quinze ans plus tard, les événements ayant marché, un autre apôtre (Apoc. XIII, 18) put déjà oser désigner l'Antéchrist par un nom propre. C'est précisément parce que Paul ne voyait encore nulle part une indication précise, qui pût servir à faire reconnaître l'individu, qu'il croit pouvoir en conclure que la fin n'est pas imminente.

Le caractère essentiel de l'Antéchrist, c'est de vouloir occuper la place de Dieu, de demander pour lui-même l'adoration des hommes, comme les rois macédoniens en avaient donné l'exemple et après eux les empereurs romains. Cette idée est exprimée d'une manière figurée, par la prétention de siéger dans le temple, à propos de laquelle il ne faut pas demander s'il est question du temple de Jérusalem.

5 Ne vous souvient-il pas que je vous ai dit cela lorsque j'étais encore auprès de vous? Or, vous savez aussi ce qui le retient encore, de manière qu'il ne se manifestera qu'en son temps.

II, 5-6. L'enseignement oral de l'apôtre avait donc aussi porté sur ces faits-là, mais dès lors il avait eu soin d'en indiquer l'évolution successive, de sorte que ses auditeurs auraient pu se prémunir contre cette inquiète préoccupation qui leur fait faire fausse route aujourd'hui. Ce qui retient encore l'Antéchrist, c'est donc aussi un fait qui devait précéder son apparition historique. Paul en parle comme d'une chose connue de ses lecteurs, sans s'y arrêter ici. La science des âges suivants et du nôtre a dû se livrer à des conjectures pour suppléer à ce silence. Écoutons la suite.

7 Car déjà l'impiété exerce sa puissance en secret, et quand seulement celui qui le retient encore sera mis de côté, alors se manifestera l'impie que le Seigneur détruira par le souffle de sa bouche et anéantira par l'éclat de son avènement. Sa manifestation se fera par la puissance de Satan, avec beaucoup de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec tous les vices propres à tromper ceux qui se laissent perdre, parce qu'ils ont refusé d'accepter la vérité qui devait les sauver. Et c'est pour cela que Dieu leur envoie une puissante séduction qui leur fait croire au mensonge, afin que tous ceux qui ne croient pas à la vérité, mais qui se plaisent au mal, soient condamnés.

II, 7-12. Bien que la parousie ne soit pas imminente dans le sens rigoureux du mot, elle n'en est pas moins relativement prochaine. Car déjà aujourd'hui on peut constater les symptômes de ces grands maux qui doivent la précéder immédiatement. Dès à présent, cette apostasie, dont il vient d'être question, se fait pressentir. Si le mal n'est pas tout à fait patent, il se fait sentir en secret, il est encore un mystère, c'est-à-dire voilé aux yeux de ceux qui n'ont pas le regard bien pénétrant, mais non de ceux qui savent apprécier les signes du temps. C'est là le vrai sens d'une phrase qui a été singulièrement détournée de sa valeur par une traduction servilement littérale (mystère de l'iniquité), et sous laquelle on soupçonnait nous ne savons quel secret apocalyptique.

Bientôt la manifestation publique de cette tendance déplorable du siècle ne sera plus arrêtée par rien du tout. Un dernier obstacle existe encore; quand celui-ci sera mis de côté, alors l'Antéchrist pourra se montrer dans toute sa terrible puissance. Satan lui-même lui prêtera son appui, et lui donnera le pouvoir de faire toutes sortes de prodiges, de manière à égarer les esprits. Ce sera, comme aurait dit l'Ancien Testament, une dernière occasion de chute, une pierre d'achoppement que Dieu placera dans la voie des incrédules qui ont rejeté sa vérité, et qui, en mettant ainsi le comble à leurs péchés, deviendront mûrs pour le châtiment. Dieu ne les séduit pas pour le plaisir de les punir, mais puisqu'ils ont déjà amplement mérité la punition, il les place dans une position telle, que leur méchanceté devient plus éclatante et justifie pleinement la peine qui leur est infligée. Mais ce but atteint, l'instrument de ce suprême triage des mortels, l'Antéchrist, sera lui-même anéanti par le souffle de Dieu (És. XI, 4), devant la puissance duquel aucune autre ne saurait subsister.

Avec ce que nous savons des croyances populaires et théologiques des Juifs de cette époque, il ne peut y avoir le moindre doute sur le sens général de tout ce chapitre. Aucun homme sensé n'y verra plus aujourd'hui une prédiction de l'avènement soit de l’empereur Tite, destructeur de Jérusalem, soit de la papauté usurpant des prérogatives divines, soit enfin de l'un ou de l'autre des grands conquérants modernes, auxquels on a songé fréquemment jusque dans ces derniers temps. Il est positivement question de l'Antéchrist apocalyptique, c'est-à-dire d'un personnage politique auquel Satan prêtera sa puissance, comme le Christ sera revêtu de celle de Dieu, et qui viendra combattre ce dernier pour faire échouer rétablissement de son royaume. Les deux manifestations sont nécessairement supposées contemporaines, l'une devant suivre l'autre sans aucun délai. Nous avons déjà vu que Paul déclare qu'à l'époque où il écrit, l'Antéchrist ne s'est point encore révélé; cela revient à dire qu'il ne saurait, lui, le désigner du doigt, ni le nommer par son nom. En présence de cette déclaration, il est absurde d'en demander davantage à son texte.

Mais tout aussi sûrement que, dans sa pensée, l'Antéchrist apparaîtra, comme un personnage historique, et non comme une puissance abstraite et purement idéale, ce qui le retient encore, ou celui qui le retient encore (car l'auteur se sert du masculin pour préciser sa pensée), doit être également quelque chose de concret, une personne (individuelle ou collective) actuellement existante. Les commentateurs n'ont pas réussi à la déterminer et rien n'est ridicule comme la supposition que Paul veut parler de lui-même, et se poser comme l'obstacle qui éloigne encore pour un moment le dernier acte du drame final. Tout aussi peu est-il question d'un ange ou du prophète Élie. L'explication doit se trouver dans la source même à laquelle la théologie a emprunté l'Antéchrist. Celui-ci, d'après le livre de Daniel, doit venir à la suite du dernier empire des hommes, et précéder immédiatement celui de Christ. Or, d'après l'exégèse contemporaine, le dernier empire était celui des Romains, il fallait donc que cet empire et son dernier empereur fussent mis de côté pour faire place à l'avènement de l’Antéchrist. Cela nous explique aussi pourquoi Paul parle si mystérieusement de la chose: de fait, il prédisait la fin prochaine de l'empire. Quinze années plus tard, d'autres combinaisons pouvaient prévaloir (Apoc. XIII; XVII).

13 Mais moi, mes frères bien-aimés du Seigneur, je suis dans le cas de rendre en tout temps grâces à Dieu à votre sujet, de ce qu'il vous a élus pour le salut, dès le commencement, au moyen de la sanctification par l'esprit et de la foi en la vérité, ce à quoi il vous a appelés par ma prédication, afin de vous faire prendre part à la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ. Restez donc fermes mes frères, et retenez les enseignements que je vous ai donnés, soit de vive voix, soit dans ma lettre. Et notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, ainsi que Dieu notre père, qui nous a aimés et qui nous a donné dans sa grâce une consolation éternelle, puissent-ils consoler vos cœurs et les affermir en toutes bonnes œuvres et paroles!

II, 13-17. Cette espèce de péroraison forme antithèse avec ce qui précédait. Il y a un contraste marqué entre ceux que Paul a ici devant lui, et ceux qui, d'après ce qu'il vient de dire, se laisseront aller à la suite de l'esprit du mal.

Le passage d'ailleurs ne fait que récapituler les principales phases de l'œuvre du salut. Dieu élit les siens dès l'éternité (variante: comme prémices, en comparaison de ceux qui suivront), puis, dans le temps, il les appelle, par l'organe à un prédicateur de l'Évangile; à cet appel, l'homme répond par la foi, et l'œuvre est continuée par l'assistance de l’Esprit divin et couronnée par l'obtention de la gloire de la vie future.

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