Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

I THESSALONICIENS

Chapitre 1

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Paul et Sylvain et Timothée à l'église des Thessaloniciens, en Dieu le père et en notre Seigneur Jésus-Christ: que la grâce et la paix soient avec vous!

I, 1. Cette formule de salutation est la plus courte que nous trouvions dans les épîtres de Paul, bien qu'elle contienne au fond tout ce qui fait ailleurs l'essence des formules plus développées. Aussi les copistes l'ont-ils trouvée trop maigre et se sont-ils hâtés d'y joindre à la fin la phrase généralement usitée: de la part de Dieu, notre père, et de notre Seigneur Jésus-Christ, que les plus anciens témoins ne connaissent pas. Le titre d'apôtre est omis, sans qu'il soit besoin d'en rechercher la cause: on peut supposer que Paul ne s'accoutuma que plus tard à l'employer explicitement là où il pouvait rencontrer une certaine opposition personnelle. Les mots: en Dieu le père, etc., ne sont pas bien clairs par eux-mêmes. On les envisage ordinairement comme la qualification de l'Église, afin de donner à celle-ci le caractère d'une communauté religieuse et chrétienne, le terme grec à l’église étant employé à cette époque dans un sens civil ou politique. Mais les règles de la syntaxe exigeraient la présence de l'article pour exprimer le sens de l'église qui est en Dieu, etc. Des considérations analogues nous empêchent de renverser la construction pour dire: Grâce et paix à vous, en Dieu, etc. L'explication la plus simple sera toujours de rattacher la phrase en question au sujet même: ce sont les trois apôtres qui s'adressent aux Thessaloniciens en (au nom de) Dieu, etc. (Sur le sens du moi paix, voy. Hist. de la théol, apost., Il, 179.)

2 Je rends grâces à Dieu en tout temps au sujet de vous tous, en faisant mention de vous dans mes prières, et en rappelant sans cesse, en présence de Dieu, notre père, l'œuvre de votre foi, l'activité de votre charité, et la persévérance de votre espoir en notre Seigneur Jésus-Christ. Car je sais, mes frères bien-aimés de Dieu, que vous avez été élus, ma prédication ayant été faite auprès de vous non pas seulement en paroles, mais encore avec puissance, avec l'esprit saint, et avec une entière conviction, comme vous savez en quelle manière je me suis présenté chez vous pour votre bien.

6 Et vous aussi, vous êtes devenus mes imitateurs et ceux du Seigneur, en recevant la parole, au milieu de beaucoup de tribulations, avec la joie du Saint-Esprit, de sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de la Macédoine et de l'Achaïe. Car c'est de chez vous que la parole du Seigneur s'est répandue non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais partout votre foi en Dieu a été connue en même temps, de sorte que je n'ai pas besoin d'en parler: ce sont eux-mêmes qui racontent quel accueil vous m'avez fait et comment vous vous êtes convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre du haut des cieux son fils qu'il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous sauve de la colère à venir.

I, 2-10. Le préambule contient ici, comme partout ailleurs, des actions de grâces adressées à Dieu pour l'heureuse conversion des chrétiens de Thessalonique, dont les progrès et les qualités excellentes, suffisamment connues et constatées, amènent et justifient des éloges tout particuliers. Toute la partie du texte que nous venons de transcrire peut être ramenée à cette idée bien simple, dont il conviendra de signaler les éléments et la construction logique par une analyse généralement facile.

1. Le fait d'une action de grâces adressée à Dieu au sujet des Thessaloniciens, est décrit (v. 2 et 3) comme se produisant dans les prières des apôtres et comme consistant dans l'éloge fait, à la face du Très-Haut, de ces fidèles disciples. Paul, dans ses deux phrases absolument parallèles et synonymes, ne dit pas qu’il se souvient, lui, des Thessaloniciens, mais qu'il les rappelle à Dieu; il ne dit pas que les Thessaloniciens croient, aiment et espèrent en présence de Dieu, mais que lui préconise, à la face de Diou, leur foi, leur charité et leur espérance.

Dans ces premières lignes déjà, les plus anciennes que nous possédions de la plume de l'apôtre, nous rencontrons ainsi cette combinaison des trois éléments fondamentaux de la vie chrétienne, de la foi, de la charité et de Xespérance, sur lesquels il aime à revenir si fréquemment [Théol. apost., II, 240). La première établit l'union entre l'homme et Dieu, parla médiation de Christ; la seconde transmet au monde le bénéfice de cette union, en tant que Dieu veut se servir des mortels pour avancer son œuvre; la troisième enfin dirige les pensées et les efforts du chrétien vers l'éternité et son propre avenir. Tout ce que nous pouvons appeler sentiments chrétiens, expériences intérieures, aspirations évangéliques, devoirs ou vertus, rentrera dans l'une ou l'autre de ces trois sphères, de ces trois manifestations, d'ailleurs étroitement unies entre elles, de l'existence de ceux qui sont devenus en Christ de nouvelles créatures. C'est dans un développement égal de ces trois éléments que consistera la perfection. L'éloge donné ici aux Thessaloniciens est donc le plus grand que l'auteur pût formuler. Chacune de ces trois qualités est de plus caractérisée d'après son genre propre de manifestation. La charité est active, elle travaille au bien-être des autres hommes; l'espérance se signale par l’attente patiente de la suprême et dernière révélation du Seigneur, laquelle devra mettre fin aux épreuves terrestres et apporter la couronne aux fidèles. Si, à côté de cela, il est question de l’œuvre de la foi, ce serait un double emploi que d'entendre ce mot des actes de charité inspirés par le sentiment chrétien (Cal. V, 6); nous croyons plutôt que l'apôtre veut parler du fait même de la foi, de sa réalité, de tout ce qui s'est fait pour la produire dans les membres de la communauté, de l'œuvre de Dieu en eux.

2. L'objet de cette action de grâces, décrit tout à l'heure d'une manière plus populaire, est encore introduit par une formule théologique. Le texte dit à la lettre (v. 4): nous savons votre élection; nous avons acquis la certitude que vous aussi vous êtes du nombre des élus, de ceux que Dieu a désignés d'avance comme devant être amenés au salut par Christ (Théol. apost., liv. V, chap. 12), et plus ce nombre est restreint, plus nous voyons autour de nous d'hommes qui restent en dehors de cette communion salutaire, plus nous devons nous féliciter et remercier Dieu de sa grâce. Mais comme le fait de l'élection n'est connu des mortels que par son application évidente aux individus, Paul se hâte d'ajouter, dans les lignes suivantes, comment il a pu et dû le constater chez ses lecteurs.

Il y a d'abord à considérer (v. 5) la nature même de la prédication apostolique, dont les effets ne sont pas les mêmes sur tous les esprits. Pour bien des hommes, ce sont des paroles, entendues mais non écoutées; pour d'autres, ces paroles ont une force qui agit sur eux d'une manière mystérieuse, une vertu secrète ou mystique qu'elles tiennent de Dieu, lequel y met, pour ceux qu'il a élus, une puissance, une force de conviction, son esprit enfin; et l'action de ces éléments sur l'auditeur s'appelle la vocation, laquelle est ainsi le corollaire de l'élection même (Rom. VIII, 30). Cette action de Dieu sur l'homme s'exerce le plus souvent par le ministère d'un apôtre ou prédicateur; la disposition, la tendance subjective de ce dernier peut donc en activer ou en affaiblir l'effet (I Cor. II, 4 ss.). Voilà pourquoi Paul, au moment où il déclare que la prédication de l'Évangile a porté les fruits désirés chez les membres actuels de l'église de Thessalonique, leur rappelle la manière dont il s'est présenté chez eux; il affirme qu'il a exercé son ministère de manière que l'effet, que l'Évangile pouvait produire par sa vertu propre, ne fût pas amoindri par son intervention. Pour la puissance, nous dirions, dans notre langage actuel, soit l'effet moral, soit l'aptitude à le produire; la conviction est celle qui de l'évangéliste se communique à ses auditeurs, et que le premier doit avoir, si les autres doivent y arriver; le Saint-Esprit, enfin, est cette force spirituelle qui seule peut diriger et maintenir l'homme dans les voies de Dieu et qui remplace toute autre loi, sans aucun préjudice pour la morale. C'est ainsi que l'apôtre, dans cette seconde phrase, réunit encore trois éléments qui constituent dans leur ensemble l'action salutaire de Dieu sur l'homme, savoir l'élection, la vocation et la communication du Saint-Esprit (Théol. apost., liv. V, chap. 13.)

Une autre preuve de l'élection des chrétiens de Thessalonique est fournie par les résultats extérieurement appréciables que la grâce de Dieu a provoqués chez eux (v. 6). Leur conversion a été pour eux un moment d'épreuve, à cause de l'inimitié du monde et des persécutions qui en furent la conséquence immédiate. Leur attachement à l'Évangile est d'autant plus glorieux; ils ont vaincu l'affliction venue du dehors par la Joie intérieure, qui était déjà un premier fruit de ce Saint-Esprit que Dieu leur avait accordé, la véritable force de résistance ne pouvant venir au chrétien que de cette source-là. Par ce fait, ils ont suivi l’exemple, non seulement de l'apôtre, qui avait été lui-même maintes fois éprouvé de la sorte et qui pouvait, sans vanité, signaler ses actes comme un modèle (1 Cor. IV, 16; XI, 1. Phil. III, 17. Gal. IV, 12), mais encore de Christ lui-même, le modèle par excellence de la patience et de la soumission dans les revers et dans les épreuves.

3. Enfin l'éloge adressé aux chrétiens de Thessalonique est d'autant plus flatteur, que l'apôtre se plaît à leur assigner la première place parmi tous les Grecs récemment convertis. Il les représente comme ayant donné l'exemple ailleurs, et comme étant justement récompensés de cette glorieuse initiative par la renommée dont ils jouissaient partout. La construction syntactique du v. 8 présente une petite difficulté. Si l'on s'attache à la lettre, exactement rendue par notre traduction, Paul dit que la réputation bien méritée des Thessaloniciens a pénétré avec l’Évangile non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais partout ailleurs. Or, nous ne sachions pas que l'Évangile ait été prêché dans d'autres pays encore que dans ces deux provinces, depuis l'arrivée de Paul à Corinthe et avant la rédaction de la présente épître. Ainsi, à moins d'assigner à celle-ci une époque bien postérieure, il faudra admettre une légère inexactitude dans la forme de la phrase: non seulement la parole de Dieu s'est répandue dans toute la Grèce depuis votre conversion, mais votre nom et votre exemple s'est partout recommandé en même temps. Le premier de ces deux faits pouvait encore être inconnu aux lecteurs et devait les réjouir autant que le second. Du reste, quand Paul affirme que les nouveaux convertis des autres parties de la Grèce sont eux-mêmes les premiers à vanter leurs frères de Thessalonique, sans que lui ait besoin de leur rien dire, il ne faut pas s'exagérer la portée de cette phrase. La première nouvelle de rétablissement du christianisme à Thessalonique n'a pas, sans doute, pénétré en Achaïe sans que l'apôtre y fût pour quelque chose, mais l'appréciation du fait se faisait spontanément et sans aucun effort de sa part.

La conversion au christianisme est signalée dans le dernier verset, par voie d'analyse, comme comprenant: 1° la renonciation au culte des idoles et la foi au seul vrai Dieu, 2° l'espérance en Christ, le futur juge et roi, dont le retour est attendu. Ces deux faits, positivement fondamentaux dans la prédication apostolique et épuisant peut-être le programme de plus d'un missionnaire judéo-chrétien, ne doivent pas être envisagés ici comme résumant à eux seuls tout l’Évangile, surtout ce que Paul appelait son Évangile (Gal. I, 6 ss.). En ajoutant la mention de Jésus ressuscité et sauveur, l'apôtre ne complète sa définition que dans une mesure imparfaite. Aussi bien n'éprouvait-il pas le besoin immédiat de placer ici une formule plus détaillée. La résurrection de Christ est la garantie de celle des fidèles; la colère de Dieu étant apaisée par l'intervention de Christ, cette résurrection apparaît comme un fait réjouissant. C'est tout ce qu'il fallait dans cette circonstance. Le développement théologique de ces points de doctrine pouvait être réservé pour une autre occasion.

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