Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TIMOTHÉE (1)

Chapitre 3-4

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1 C'est un fait certain: si quelqu'un aspire à être chef de la communauté, il désire une belle fonction. Or, il faut que le chef de la communauté soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, sage, modeste, hospitalier, sachant enseigner, point ivrogne ni violent, mais doux, pacifique, n'aimant point l'argent, gouvernant bien sa propre maison, tenant ses enfants dans la soumission et dans une parfaite honnêteté. Si quelqu'un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment dirigera-t-il la communauté de Dieu? Il ne doit pas être nouvellement converti, de peur qu'étant enflé d'orgueil, il ne finisse par donner prise au diable. Enfin, il doit aussi jouir d'une bonne réputation de la part de ceux du dehors, pour qu'il ne soit pas l'objet d'incriminations et ne tombe au pouvoir du diable.

III, 1-7. Ici l'auteur aborde un sujet déjà traité dans l'épître à Tite (chap. I, 5 suiv.). de manière que les deux textes emploient en partie des expressions identiques. On comprend que nous ayons évité de nous servir des termes: évêque, épiscopat, qui nous mettraient à eux seuls en face d'un état de choses inconnu au premier temps du christianisme. L’épiscopos des épîtres est l’Ancien, le membre du corps des administrateurs ou pasteurs de l'église locale. Nous avons d'ailleurs traité ces choses dans l'Introduction.

II n'y a d'obscur dans ce passage que ce qui y est dit pour motiver la nécessité des deux dernières qualités exigées des chefs de la communauté. Ils ne doivent pas être néophytes (expression qui est restée dans le langage ecclésiastique), c'est-à-dire nouvellement convertis (à la lettre: nouvellement plantés, 1 Cor. III, 6), par conséquent trop inexpérimentés encore, trop peu familiarisés avec l'Évangile, ses principes et les devoirs qu'il impose; et en second lieu ils doivent jouir d'une bonne réputation même au dehors, parmi les païens, de peur que la mauvaise opinion qu'on aurait d'eux dans le public ne retombe sur la communauté. Dans les deux phrases accessoires il est positivement question du diable, comme c'est le cas partout dans le Nouveau Testament quand le mot est accompagné de l'article, et le diable doit être nommé dans les deux cas, comme auteur ou promoteur d'une conséquence fâcheuse pour l'individu, objet d'un choix inconsidéré. Le jugement du diable (v. 6) ne peut pas être celui par lequel le diable lui-même est condamné (en vue de son orgueil, comme l’a voulu la théologie des écoles, bien que les textes n'en parlent nulle part), mais c'est la condamnation qu'il amène lui-même sur ceux qui se laissent séduire par lui (qui donnent dans ses pièges (chap. VI, 9. 2 Tim. II, 26). Une pareille issue est très possible là où l'orgueil d'un homme élevé à une dignité qui ne lui revenait pas, et l'autorité considérable dont est revêtu quelqu'un qui n'en était pas digne, sont autant de causes directes d'égarements et de chutes.

8 Les diacres pareillement doivent être honnêtes, sans duplicité, ni adonnés à des excès de vin, ni avides de lucre, unissant la foi en la vérité révélée à une conscience pure. Eux aussi doivent être d'abord éprouvés, et n'exercer leur ministère que s'ils sont irréprochables. Les femmes pareillement doivent être honnêtes, non médisantes, sobres, fidèles en toutes choses. Les diacres doivent être maris d'une seule femme, et savoir bien gouverner leurs enfants et leurs familles. Car ceux qui auront bien rempli leur ministère, obtiennent un rang honorable et une grande assurance dans la foi au Christ Jésus.

III, 8-13. Les diacres étaient, comme on sait par de nombreux passages (Actes VI, 1 suiv. Phil. 1,1. 1 Cor. XII, 28. Rom. XII, 7), une classe particulière de fonctionnaires de l'Église primitive, chargés particulièrement des intérêts matériels de la communauté, et du soin des pauvres et des malades. Les prescriptions faites ici relativement à leur choix, font voir qu'on ne les regardait pas comme des serviteurs subalternes, mais comme placés dans un poste d'honneur, et chargés d'une certaine responsabilité. On ne doit donc pas y mettre le premier venu, mais choisir des hommes sûrs, qui auront fait leurs preuves par leur conduite antérieure.

Nous nous sommes permis de traduire un peu librement: unissant la foi en la vérité révélée à une conscience pure, idée qui a été exprimée dans des termes plus simples, chap. I, 19. Le texte dit à la lettre: ayant le mystère de la§ foi dans une conscience pure. Le terme de mystère désigne, dans le langage paulinien, les vérités cachées autrefois, et devenues naguère l'objet de la révélation évangélique; comp. 1 Cor. II, 7 suiv. ; IV, 1. Éph. VI, 19. Col. IV, 3, etc. Le mystère de la foi est donc l'ensemble des faits révélés par la manifestation de Christ, et qui sont l'objet de la foi chrétienne.

On s'est demandé de quelles femmes l'auteur peut avoir voulu parler dans un pareil contexte. Comme il continue immédiatement après à s'occuper des diacres, il n'y a que deux explications qui soient admissibles. Ou bien il a voulu parler des épouses de ces diacres, ou des diaconesses, dont l'institution, dans l'Église primitive, est attestée par Rom. XVI, 1. Nous préférons cette dernière interprétation, l'auteur introduisant ces personnes, comme les diacres aussi, par l'adverbe: pareillement, ce qui semble indiquer une nouvelle catégorie de fonctionnaires. De fait, il a partout en vue, dans ce chapitre, non pas autant de donner des avis à ces derniers, que de signaler les qualités auxquelles il conviendra de regarder en les choisissant. Or, on n'avait pas à choisir les femmes des diacres, mais les diaconesses.

Enfin la dernière phrase aussi a donné lieu à des interprétations très variées. En disant: un rang honorable, nous écartons l'opinion qui y voit une promesse pour la vie future, ainsi que celle qui prétend y trouver la perspective d'un avancement hiérarchique. L'auteur veut dire que le diaconat est une fonction ou position tout aussi honorable que la charge d'Ancien, quoique peut-être plus pénible et moins prééminente, la dignité du ministre se mesurant, au point de vue chrétien, non d'après des considérations extérieures et sociales, mais d'après la fidélité dans l'accomplissement du devoir (comp. 1 Cor. XII, 4 suiv.). Mais il ne s'agit pas seulement d’Imposition sociale; celui qui s'acquitte consciencieusement de son devoir acquiert en même temps pour lui-même une force morale plus grande, une trempe de caractère plus énergique, un courage plus ferme, dans tout ce qui concerne la sphère religieuse.

14 Je t'écris cela, tout en espérant revenir auprès de toi dans un bref délai, et pour le cas que je devrais être retardé, afin que tu saches comment il convient de se conduire dans la maison de Dieu, c'est-à-dire dans l'Église du Dieu vivant, qui est la colonne et la base de la vérité.

III, 14, 15. On peut supposer que l'auteur, en commençant cette phrase, songeait à terminer sa lettre; mais par des motifs particuliers, peut-être après une courte interruption, il reprend la plume et parcourt encore une fois le même cercle d'idées, en revenant aux instructions pastorales et polémiques qu'il a touchées dans les premiers chapitres.

La dernière ligne du texte que nous venons de transcrire et le verset qui va suivre, offrent des difficultés nombreuses et sont regardés à juste titre comme le passage le plus obscur de toute l'épître. Nous avons traduit le texte, de manière que les mots: colonne et hase de la vérité, sont joints à ce qui précède et contiennent une espèce de définition de l'Église, qui serait ainsi désignée comme une maison solidement bâtie, pour servir d'un lieu de dépôt auquel Dieu aurait confié le trésor de la révélation. L'auteur, retournant cette image de plusieurs manières, s'en tient tour à tour à la notion de la maison entière, surtout parce qu'il veut aussi, parler de ses habitants, à celle d'une colonne qui soutient le toit de l'édifice, enfin à celle du fondement, sur lequel repose la construction. Ces diverses applications de l'allégorie reviennent aussi ailleurs (Gal. II, 9. Éph. II, 20). En tout cas il serait faux de traduire de manière que Timothée serait appelé une colonne et un fondement de la vérité, comme quelques commentateurs l'ont proposé.

Tout de même nous avouons qu'il y a encore une autre explication du texte qui se recommande à notre attention. C'est celle qui détacherait la phrase en question de ce qui précède, pour en faire le commencement du verset suivant: «C'est la colonne et la base de la vérité, et une vérité révélée grande et importante de l'aveu de tous, que celle qui fait l'objet de notre foi, savoir», etc. Ce qui rend le choix difficile, c'est que le morceau précédent qui parle des anciens et des diacres, et le suivant qui parle des faux docteurs, ne sont pas reliés l'un à l'autre par une transition indiquée clairement dans le texte, de quelque manière qu'on coupe celui-ci. Tout au plus pourrait-on dire que le chapitre III contenant des avis pratiques, et le chapitre IV des faits relatifs à la prédication positive, la phrase qui parle delà vérité semblerait plutôt appartenir à la seconde série d'idées. Mais à cela on peut objecter que la première ayant abouti (v. 15) à la mention de la vérité, c'est là ce qui amène naturellement la seconde.

16 Et elle est grande sans contredit, la vérité révélée de la religion: Qui fut manifesté en chair, légitimé en esprit, vu des anges, prêché aux nations, cru dans le monde, exalté en gloire.

1 Mais l'Esprit dit clairement que dans les derniers temps plusieurs abandonneront la foi, en prêtant l'oreille à des esprits séducteurs, à des doctrines de démons, de menteurs hypocrites, dont la propre conscience est flétrie, qui proscrivent le mariage et commandent l'abstinence à l'égard d'aliments que Dieu a créés pour que les fidèles, qui ont reconnu la vérité, en usent avec actions de grâces. Car tout ce que Dieu a créé est bon et rien n'est à rejeter, pourvu qu'on le prenne avec actions de grâces; car c'est sanctifié par la parole de Dieu et la prière.

III, 16-IV, 5. Nous avons cru devoir combiner la fin du chapitre III et le commencement du chapitre IV, de manière qu'il en résulte une antithèse entre la vérité et l'erreur, entre l'évangile authentique et la fausse doctrine. Nous convenons cependant que cette antithèse est assez peu logique et ne fait guère ressortir la tendance opposée des deux points de vue. Car dans la première partie, l'auteur relève exclusivement les thèses de la prédication chrétienne qui se rapportent à la personne de Christ, sans en tirer aucune application pratique; dans la seconde, au contraire, il n'est question que d'un ascétisme extérieur et grossier, lequel n'est ramené en aucune façon à des principes théologiques. Il n'y a donc pas, à vrai dire, correspondance entre ces deux membres. C'est probablement ce qui a autrefois fait préférer aux interprètes la coupe usuelle des chapitres, par laquelle la liaison des idées, que nous avons cherché à rétablir, est rompue tout à fait.

La première partie (v. 16) est intéressante parce que d'après elle l'Évangile (le mystère de notre religion, v. 9) est résumé de manière que la personne de Christ (et non pas même son œuvre) en fait toute la substance. Une assertion aussi exclusive semble avoir dû être amenée par une théorie opposée qui tendait à amoindrir le rang de Christ, ou sa position au centre même de la nouvelle économie. Le résumé lui-même ne se rattache pas facilement à ce qui précède; car la substitution du mot Dieu, au mot qui, dans les manuscrits du second âge, a été un expédient de la critique ou des copistes, tout aussi bien que le changement du masculin du pronom relatif, au neutre, chez les Pères grecs. Ce passage a l'air d'une citation, d’un emprunt fait à un texte connu dans l'Église, texte que quelques-uns ont pensé avoir été celui d'un cantique et que d'autres ont supposé avoir été une formule de confession. Quoi qu'il en soit, nous avons cru devoir le mettre entre guillemets. Les phrases dont ce résumé se compose, semblent être le produit d'une rédaction étudiée et rythmique; aussi ne sont-elles pas absolument transparentes. La seconde, légitimé en esprit, combinée avec la première, rappelle le passage Rom. I, 3, 4, où il est aussi question de la légitimation du Fils de Dieu, ou de la preuve de sa nature supérieure, en face de son apparition historique et humaine. L’esprit, dans cette phrase, paraît être opposé à la chair, et désigner ainsi l'élément supérieur dans la personne de Christ. Il est difficile de dire à quoi fait allusion la phrase qui parle des anges. Nous croyons cependant qu'elle se rapporte, non à des scènes de la vie terrestre de Jésus, mais à son état d'exaltation. Le parallélisme poétique, si l'on tient à le trouver dans ces lignes, mettrait en regard, dans ce cas, la 3 e et la 6 e , tandis que la l re correspondrait à la 2 e , et la 4 e à la 5 e . Mais un livre de cantiques chrétiens, en prose grecque rythmique, au début même de l'Église? C'est peut-être le cas de rappeler que Pline le jeune, dans sa fameuse lettre à Trajan (Epp. X, 97), parle de cantiques chantés en l'honneur de Christ. Ce témoignage aura sa valeur surtout si l'on reconnaît la force des autres arguments qui peuvent faire croire que l’épître n'a été composée que quelques dizaines d'années après la mort de Paul.

Pour bien comprendre la seconde partie de ce morceau, il faut ne pas perdre de vue que Fauteur parle à la fois de faux docteurs et de personnes égarées et séduites par eux. Quant aux premiers, il est évident, par ses paroles mêmes, qu'ils sont déjà à l'œuvre, puisqu'il ne se borne pas à décrire leurs tendances plus ou moins vaguement, mais qu'il dénonce les opinions qu'ils veulent faire prévaloir; tandis qu'à l'égard des autres, il exprime simplement des craintes, il signale le danger, il met le lecteur en garde contre des doctrines qui menacent d'envahir la communauté, et lui recommande (v. 6 suiv.) de veiller à ce que le mal ne se propage pas. Les craintes lui sont suggérées par l'esprit; ce n'est pas la vaine appréhension d'un pessimiste, mais un pressentiment qui puise sa raison d'être à la même source que les autres manifestations de l'activité apostolique. Et si ce pressentiment, d'ailleurs clair et positif, cette prévision, se rapporte aux derniers temps, il faut se souvenir que les derniers temps, c'étaient, d'après l'opinion commune des premiers chrétiens, précisément ceux dans lesquels on vivait, la prochaine réapparition de Christ dans sa gloire devant bientôt inaugurer un nouveau siècle. On se représentait toujours l'avenir messianique comme formant le contraste le plus absolu avec la situation de l'époque immédiatement précédente, entre autres aussi à l’égard des dispositions religieuses et morales des hommes (Matth. XXIV, 11 , 12). L'auteur s'attend donc à ce que les mauvaises influences prévaudront à mesure qu'on s'approchera de la fin, mais cela ne l'empêche pas de continuer à les combattre, et d'enjoindre à ceux qu'il veut instruire d'en faire de même.

Pour ce qui est de la fausse doctrine elle-même, caractérisée ici par quelques traits spéciaux, nous en avons parlé dans l'Introduction. Au sujet des abstinences prescrites à l'égard des aliments, on peut comparer Col. II, 16 suiv. (Rom. XIV. 1 Cor. X, 26; VIII, 8. Matth. XV, 11). L'essentiel n'est pas qu'on choisisse les aliments, mais qu'on en use avec reconnaissance pour celui qui les donne. Ce n'est pas l'objet matériel qui décide de la valeur de l'acte, mais le sentiment qu'on y apporte. Il en sera de même du mariage, qui est d'institution divine, et qui vient d'être signalé comme une sphère particulière où le devoir chrétien s'exercera avec un égal profit pour les individus et pour la société. Ceux qui, par des motifs étrangers aux intentions de Dieu, prescrivent, à ces deux égards, des devoirs factices, et dénaturent ainsi l'enseignement de l'Évangile, sont des menteurs, inspirés non par Dieu, mais par le diable, ennemi lui-même de la vérité. Ils sont de plus hypocrites, puisque tout en affectant, par une pareille doctrine, d'élever les hommes à une plus grande perfection, ils ne sont pas purs eux-mêmes, mais portent sur leur propre conscience les marques, la flétrissure du vice (Col. II, 18-23).

6 En inculquant cela aux frères, tu seras un bon ministre du Christ Jésus, nourri des paroles de la foi et de la bonne doctrine, que tu as suivie jusqu'ici. Mais ces contes profanes et absurdes, repousse-les, et exerce-toi à la piété. Car l'exercice corporel est bien peu utile; la piété, au contraire, est utile à tous égards, puisqu'elle a la promesse de la vie présente et de la vie future. C'est là un fait certain et absolument digne d'être accepté. C'est aussi pour cela que nous subissons fatigues et déboires, parce que nous mettons notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes, avant tout de ceux qui se fient en lui. Voilà ce que tu dois prêcher et enseigner.

IV, 6-11. L'auteur revient aux instructions à donner à son disciple, pour la conduite du troupeau qu'il lui a confié. On peut admettre que la recommandation formulée ici embrasse à la fois le côté positif de l'enseignement (les paroles de la foi, la bonne doctrine, la piété) et le côté négatif, la résistance à opposer à l'invasion des fausses doctrines signalées tout à l'heure. Ces dernières sont qualifiées encore une fois (comp. chap. I, 4. Tite I, 14) de contes, à la fois profanes, c'est-à-dire contraires à la vraie religion, et absurdes, litt.: tels que les débitent les vieilles femmes, n'ayant ni rime ni raison. Elles sont encore désignées par le terme d’exercices corporels, c'est-à-dire comme tendant à un ascétisme purement extérieur, empêchant tout au plus les excès grossiers, mais ne contribuant en rien à la sanctification intérieure, à la régénération foncière et radicale. Ce dernier travail (car c'en est aussi un; l'auteur l'appelle hardiment un exercice, une gymnastique de l'esprit) est résumé et caractérisé par le terme de piété, nous dirions peut-être plus exactement: tendance, direction de toutes les forces vives vers les choses religieuses. C'est à des tendances et des efforts de ce genre (Col. III, 1) qu'est promise la double récompense de la paix de l'âme pour la vie présente, et de la félicité à venir. Un apôtre, un ministre de Christ, doit d'autant plus travailler et lutter dans ce sens, que ce n'est qu'en élevant constamment sa pensée vers Dieu et en restant en communion avec ce sauveur, qu'il triomphera des obstacles et des avanies que lui réserve le monde. Les moyens purement corporels n'y peuvent rien.

Dans la dernière phrase, il y a une expression un peu singulière. L'auteur paraît dire que Dieu sauvera (en réalité) tous les hommes, sans distinction; et que les croyants n'auront à cet égard qu'un privilège relatif, comme par exemple celui de la priorité. Cela dépasserait encore l'assertion du chap. II, 4. Mais telle n'a jamais été la doctrine chrétienne, qui a toujours nommé la foi comme la condition indispensable du salut. Il faudra donc admettre que la forme de la phrase ne répond pas exactement à la pensée de l'auteur. L'universalité du salut est bien dans les intentions de la bonté éternelle, mais ce salut est assuré avant tout à ceux qui sont dans les dispositions religieuses nécessaires pour l'obtenir; c'est donc avant tout de ce côté-là qu'il faut tendre, et exercer ses forces.

12 Fais en sorte que personne ne te méprise à cause de ta jeunesse, mais sois le modèle des fidèles à l'égard de la parole, de la conduite, de la charité, de la foi, de la chasteté. Jusqu'à ce que je revienne, aie soin de la lecture, de la prédication, de l'enseignement. Ne néglige point le don que tu possèdes, et qui t'a été donné, avec prophétie, lorsque tu reçus l'imposition des mains par les Anciens. Voilà ce dont tu te préoccuperas, voilà en quoi tu mettras ton existence, afin que tout le monde puisse reconnaître tes progrès. Prends garde à toi et à ton enseignement; sois persévérant dans ces choses: car en faisant cela, tu te sauveras toi-même ainsi que ceux qui t'écoutent.

IV, 12-16. Les instructions données à Timothée continuent en prenant un caractère à la fois plus personnel et plus général. (On peut comparer Tite II, 7, 15.) Timothée était jeune encore du temps de Paul, comparativement parlant, et avait en face de lui, à Éphèse, bien des hommes plus âgés. Il devait donc s'observer avec d'autant plus de soin, pour ne donner aucune prise à la critique, et pour allier toujours la fermeté à l'aménité du caractère. On comprend que ce rapport a dû se reproduire bien fréquemment, de sorte que les recommandations faites dans le texte, individuelles pour la forme, étaient d'une application générale et journalière. Voyez d'ailleurs ce que nous avons dit sur ce passage dans l'Introduction. Nous avons traduit à dessein la première phrase un peu librement, parce qu'elle contient évidemment un avis donné à Timothée, bien qu'à la lettre (que personne ne méprise ta jeunesse) elle semble s'adresser plutôt aux autres.

C'est ici le seul passage du Nouveau Testament où il soit explicitement question de la lecture (de textes sacrés de l'Ancien Testament) dans l'Église apostolique. Mais les nombreuses citations scripturaires qu'on rencontre dans les épîtres, prouvent à elles seules que les chrétiens grecs mêmes devaient être plus ou moins familiarisés avec ces textes, par suite de l'instruction qui leur avait été donnée. Dans la synagogue, ces lectures étaient d'usage depuis longtemps (voyez notre Histoire du Canon, chap. 1). La prédication et l'enseignement sont ici nommés comme deux choses distinctes. Par ce dernier terme, on désigne une instruction suivie et méthodique, par le premier, le discours d'occasion et subsistant pour lui-même. Pour plus de détails, voyez 1 Cor. XIV. Il n'est pas dit précisément que Timothée doit faire tout cela par lui tout seul; il doit prendre soin que les choses se fassent régulièrement d'après l'ordre établi.

Le don dont il est parlé ici, c'est l'aptitude d'un homme à un certain genre d'activité; c'est le talent dont parlait la parabole, en disant que le Maître le confia à ses serviteurs pour le faire valoir. Ici il s'agit naturellement des capacités particulières que la Providence (le Saint-Esprit, 1 Cor. XII, 4 ss.) avait accordées à Timothée pour remplir dignement et utilement un ministère comme celui dont il avait été chargé. À ce propos, on lui rappelle la scène de sa consécration solennelle, où les Anciens de la communauté de Lystres (Actes XVI, 1 ss.), sous les auspices de l'apôtre (2 Tim. I, 6), lui avaient imposé les mains, pour appeler sur lui la bénédiction céleste, et où, dans l'émotion du moment, les uns et les autres lui prédisaient une carrière pastorale pleine de succès (chap. I, 18). Nous justifions notre traduction de la phrase qui s'y rapporte (avec, accompagné de prophétie, pendant que celle-ci se produisait) par des passages où la préposition a nécessairement un sens analogue, par ex. 2 Tim. II, 2. 2 Cor. II, 4; V, 10; et nous ne disons pas: le don t'a été donné par la prophétie.

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