Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE À TIMOTHÉE

(LA PREMIÈRE)

Chapitre 1

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1 Paul apôtre du Christ Jésus, par ordre de Dieu notre sauveur et du Christ Jésus notre espérance, à Timothée, mon fils légitime dans la foi, grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu le père et du Christ Jésus notre Seigneur!

I, 1,2. Cette formule de salutation présente le plus d'analogies avec celle qui est en tête de l'épître à Tite. Seulement le disciple est appelé ici plus directement le fils de son maître clans la foi, parce que celle-ci n'est pas seulement le lien qui les unit (Tite I, 4), mais l'essence vitale même que l'un a donnée à l'autre. Dieu le sauveur, est une phrase également familière à la précédente épître. Christ est appelé notre espérance, soit en général comme le médiateur du salut dont la perspective nous est ouverte, soit plus particulièrement comme le garant des promesses divines (Col. I, 27).

3 Conformément à la recommandation que je t'ai faite, lors de mou départ pour la Macédoine, de rester à Éphèse, afin d'exhorter certaines gens à ne point enseigner une autre doctrine, et à ne pas prêter l'oreille à des contes et à d'interminables généalogies, qui amènent plutôt des discussions oiseuses, qu'elles n'avancent l'institution de Dieu basée sur la foi.....

I, 3, 4. Tout d'abord il faut ici reconnaître que la phrase n'est pas terminée. L'auteur, se laissant aller à l'idée qui le préoccupe, pendant qu'il en écrit la dernière ligne, entre dans des détails au sujet de la différence entre un enseignement vraiment évangélique et les discussions oiseuses qu'il désire écarter, et perd de vue le commencement de son discours. Mais il n'est pas difficile d'en rétablir le cadre parfait. Il voulait dire simplement: Je te réitère la recommandation que je t'ai faite en partant.

Pour les questions que ce passage soulève, d'un côté relativement aux circonstances de temps et de lieu, de l'autre côté à l'égard de la nature de l'enseignement signalé ici comme faux ou dangereux, nous renvoyons nos lecteurs à l'Introduction, où elles ont été traitées à fond. Du reste, le terme technique dont l'auteur se sert pour désigner cet enseignement et qui ne peut être rendu que par une périphrase, pourrait bien être inventé par lui-même (comp. 1 Cor. XIV, 21. 2 Cor. VI, 14); il l'explique d'ailleurs chap. VI, 3; et les passages 2 Cor. XI, 4. Gal. I, 8, tout en employant d'autres expressions, sont également propres à guider l'interprète. Il s'agit en tout cas de ceux qui enseignent, et non de ceux qui reçoivent l'enseignement (qui cherchent d’autres maîtres). Mais en même temps il est fait allusion à des chrétiens qui, sans s'ériger eux-mêmes en docteurs, auraient pris goût à des doctrines étrangères et malsaines. C'est à ceux-ci que s'adresse l'avertissement qui dit que ces doctrines, loin d'avancer l’institution de Dieu (et non pas l’édification, comme lisent les éditions vulgaires), c'est-à-dire loin de consolider, soit dans les cœurs, soit dans la société, l'œuvre fondée par la prédication de l'Évangile, ne font que diriger l'attention sur des choses inutiles, et par cela même nuisibles, sur des questions oiseuses, des recherches stériles, des idées relevant de l'imagination ou de la dialectique, mais ne touchant point la conscience, et ne contribuant point à. la sanctification.

5 Le but de l'instruction, c'est l'amour venant d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère, choses que certaines gens ont manquées, pour se tourner vers un vain bavardage, prétendant être docteurs de la loi, sans savoir ce qu'ils disent, ni au sujet de quoi ils font leurs assertions.

I, 5-7. En opposition avec les vaines questions, signalées comme devant être évitées dans l'enseignement, l'auteur indique quel doit être le véritable but de la prédication chrétienne. Il résume à cet effet tout ce qu'il a dit dans l'épître à Tite (chap. II et III), par le seul mot de l’amour. Tout ce qui ne tend pas, dit-il, à le faire naître dans les cœurs, et à en faire le mobile de tous les actes, doit être regardé comme étranger, éventuellement même comme contraire aux intérêts spirituels de la communauté. En nommant comme sources du véritable amour chrétien, d'un côté un cœur pur et une bonne conscience, de l'autre une foi sincère, il établit la liaison indissoluble entre l'élément religieux et l'élément moral dans la pensée évangélique. Le cœur pur représente de préférence les aspirations dégagées de tout égoïsme, la bonne conscience ne peut résulter pour le fidèle que du nouveau rapport dans lequel il est entré avec Dieu, enfin la foi implique l'attachement à la personne de l'auteur et promoteur de ce rapport. Mais l'amour de Dieu et des hommes est toujours le fruit le plus beau et le plus mûr de toute cette activité spirituelle, le but définitif auquel ces tendances doivent aboutir (1 Cor. XIII, 13). Une prédication ne sera donc ce qu'elle doit être, qu'autant qu'elle ne le perd pas de vue.

Parmi les erreurs qui peuvent faire manquer ce but, l'auteur cite de préférence celle que son expérience lui a fait constater dans sa sphère d'activité (comp. Tite III, 9). C'est une fausse idée qu'on se fait de la loi (mosaïque) et la prétention de l'appliquer dans la sphère chrétienne d'une manière à la fois contraire à son propre esprit et aux besoins ou privilèges de l'Église. Cela le conduit à dire deux mots de la nature et de la portée de la loi.

8 Nous savons bien que la loi est bonne, quand quelqu'un l'applique d'une manière légitime, convaincu qu'il est que la loi n'est point faite pour le juste, mais pour ceux qui la rejettent et s'en émancipent, les impies et les pécheurs, les hommes irréligieux et profanes, les parricides, les meurtriers, les libertins, les menteurs, les parjures, ceux qui se livrent à des débauches infâmes, ceux qui commettent des rapts, ou qui sont adonnés à tel autre vice contraire à la saine doctrine, conformément au glorieux Évangile du Dieu bienheureux, dont la prédication m'a été confiée.

I, 8-11. Au point de vue purement théorique et abstrait, la Loi est une chose bonne et sainte, puisqu'elle émane de Dieu et qu'elle a un but positivement salutaire (Rom. VII, 12); mais comme ce but est circonscrit dans certaines limites, quant à la durée de sa validité (Gal. III, 19 suiv.), il importe qu'on ne l'applique que dans la sphère et dans la mesure de son autorité permanente. Le chrétien n'est plus sous la loi, parce qu'il est régi par l'esprit; la loi conserve son utilité et par conséquent ses droits, là où l'esprit ne règne pas encore. Il est donc hors de propos de vouloir baser l'enseignement chrétien sur elle ou sur n'importe quelle interprétation arbitraire qu'on en ferait, là où elle est définitivement remplacée par un principe supérieur et plus efficace.

Dans cet ordre d'idées, le juste, c'est l'homme régénéré, celui dans lequel une nouvelle vie s'est produite par l'action de l'esprit de Dieu, et qui, pour se gouverner, n'a plus besoin d'un commandement venu du dehors et formulé dans un code composé d'articles plus ou moins nombreux. Un pareil code est au contraire parfaitement à sa place là où l'homme est encore sous l'empire de ses mauvais penchants, qui le conduisent sans cesse à transgresser les commandements de Dieu, au point que les crimes les plus détestables et les vices les plus honteux ne lui restent pas étrangers. Suit une énumération de ces vices et de ces crimes, à titre d'exemple (comp. Rom. I, 29 suiv. 1 Cor. VI, 9. Gal. V, 19 suiv. 2 Tim. III, 1 suiv.). C'est pour dire que là où de pareils faits se rencontrent, on fera bien de prêcher la loi et d'insister sur les menaces qu'elle formule.

Tout ceci, ajoute l'auteur, est conforme aux principes de l'Évangile. Cette phrase résume les deux cas opposés dont il venait d'être question, et ne se rattache pas exclusivement aux mots qui précèdent d'une manière plus immédiate. L'Évangile est appelé glorieux, en vue de la brillante perspective qu'il offre aux croyants; cependant on pourrait aussi traduire: l'Évangile de la gloire de Dieu, en le considérant comme ayant mis cette gloire dans son véritable jour (comp. 2 Cor. IV, 4). Dieu est appelé le bienheureux (comp. chap. VI, 15), d'un nom qui n'est pas reproduit ailleurs, mais qui probablement est une simple épithète honorifique, sans application spéciale dans le contexte.

La mention de l'Évangile, opposé aux fausses doctrines de certaines autres personnes, amène Fauteur à parler de lui-même et de sa mission (comp. Gal. I, 12 suiv. 1 Thess. II, 4. 2 Cor. III, 6; IV, 1. Éph. III, 8. Phil. III, 6, etc.). De cette manière il s'éloigne de plus en plus de sa pensée primitive, qu'il ne reprendra qu'au v. 18.

12 Et je rends grâces au Christ Jésus, notre Seigneur, qui m'a donné les forces nécessaires, de ce qu'il m'a jugé digne de sa confiance en me chargeant de ce ministère, moi qui antérieurement avais été blasphémateur, persécuteur et oppresseur. Mais il a eu pitié de moi, parce que je l'avais fait par ignorance, dans mon incrédulité, et la grâce de notre Seigneur a été surabondante, avec la foi et l'amour pour le Christ Jésus.

15 C'est là un fait certain et absolument digne d'être accepté, que le Christ Jésus est venu au monde pour sauver les pécheurs, parmi lesquels je suis le premier. Mais c'est pour cela que j'ai été l'objet de la miséricorde, afin que le Christ Jésus montrât toute sa générosité en ma personne d'abord, pour que je servisse d'exemple à ceux qui croiraient en lui, pour avoir la vie éternelle. Donc au roi de l'univers, au seul Dieu immortel et invisible, honneur et gloire aux siècles des siècles! Amen!

I, 12-17. Les passages parallèles cités à la fin de la note précédente, nous font voir très clairement la portée de cette nouvelle digression. C'est d'ailleurs un passage où l'individualité de Paul est très bien dessinée. En comparant ses tendances antérieures avec ce qu'il devint depuis sa conversion, celui-ci ne pouvait que s'incliner, avec une humilité pleine de reconnaissance, devant la grâce de Dieu qui, sans tenir compte de ses antécédents, lesquels le rendaient si peu digne de cette préférence, s'adressa tout juste à lui pour faire de lui l'instrument le plus actif et le plus énergique pour la propagation de l'Évangile. C'est bien lui qui pouvait dire: «J'avais fait beaucoup de mal à l'Église, mais la grâce de Dieu me fit encore beaucoup plus de bien, en faisant naître en moi la foi et l'amour pour ce Christ que je persécutais. Je suis l'exemple vivant, et le plus instructif entre tous, de ce que Christ a voulu faire et de ce qu'il peut faire pour les enfants de ce monde pécheur et perdu.» Ce passage s'accorde donc très bien avec la situation personnelle de l'apôtre Paul, dont toute la théologie est, en dernière analyse, le reflet de son expérience intime. Mais comme il avait l'habitude de rappeler lui-même ses antécédents partout où l'occasion s'en présentait, la reproduction de ces mêmes souvenirs était chose assez naturelle de la part de quelqu'un qui prétendait écrire en son nom. Le présent passage ne décide donc rien relativement à l'authenticité de l'épître (comp. du reste pour la phrase, Tite III, 8).

Pour la doxologie qui termine le morceau, voyez Rom. XI, 36; XVI, 27. 2 Cor. II, 14; IX, 15. Éph. III, 20. Phil. IV, 20. Au lieu du roi de l’univers (Hébr. I, 2; XI, 3), on peut aussi traduire le roi des temps, et y voir une expression synonyme d'Éternel. Pour les autres épithètes, voyez aussi chap. VI, 16. Rom. I, 20, 23.

18 Voilà la prédication que je te recommande, mon fils Timothée, en vue des prophéties faites autrefois sur ton compte, afin que, aidé par elles, tu fasses ton service de soldat dans cette belle campagne, en conservant la foi et une bonne conscience, que quelques-uns ont perdue, de manière à faire naufrage relativement à la foi. De ce nombre sont Hyménée et Alexandre, que j'ai livrés à Satan, pour qu'ils apprennent à ne pas blasphémer. .

I, 18-20. Si nous avons bien compris ces dernières lignes, l'auteur y reprend le fil de ses premières idées, en signalant tout ce qu'il vient de dire comme l'objet de la vraie prédication chrétienne (comp. v. 5), en opposition avec les sujets futiles ou stériles ou autrement impropres, traités par d'autres. La mention de la foi, de la conscience et des égarements de plusieurs, nous ramène nécessairement au passage cité.

Ce qui est dit, un peu obscurément, de prophéties faites autrefois au sujet de Timothée, reçoit peut-être son explication la plus naturelle par un autre passage de notre épître, où il est parlé de la consécration de ce disciple au saint ministère, par l'imposition des mains de la part des anciens de l'église de sa ville natale (chap. IV, 14). Rien ne nous empêche de nous représenter cette scène, sans doute solennelle et touchante, rehaussée encore par des vœux fervents et des espérances hautement énoncées sur la carrière que le jeune homme s'apprêtait à parcourir. D'après cela, il serait recommandé ici tous ceux qui se vouent au ministère, de ne jamais perdre de vue de telles prédictions et les promesses correspondantes, et d'y puiser un élément nouveau de forcé.

Les termes de service, campagne (non pas combat), appartiennent au langage militaire, et rappellent une des allégories-les plus familières à l'apôtre Paul, qui aime à comparer la carrière chrétienne en général, ou plus particulièrement la carrière apostolique, à un service militaire. Comme cette allégorie se prête à des applications très variées, elle revient dans les épîtres sous des formes très diverses: par ex. Rom* XIII, 12. 2 Cor. X, 5. 1 Thess. V, 8. Éph. VI, 11 suiv. 2 Tim. II, 3 suiv. ; IV, 7, 8, et ci-après chap. VI, 12.

Enfin, les injonctions faites à Timothée ramènent à l'esprit de fauteur, par une association naturelle des idées, le souvenir d'autres ministres qui n'avaient point justifié les espérances conçues à leur sujet. Mais les allusions que ce souvenir lui suggère sont peu intelligibles pour nous. Hyménée est encore nommé 2 Tim. II, 17. Alexandre pourrait être le même que celui qui est mentionné 2 Tim. IV, 14 (tandis que ce serait peut-être aller trop loin que de l'identifier avec celui dont il est parlé Actes XIX, 33). Mais ces diverses données ne jettent pas un jour suffisant sur notre passage. Celui-ci nous permet seulement de dire que les deux hommes en question ont fait naufrage relativement à la foi chrétienne, c'est-à-dire l'ont abandonnée ou reniée, après avoir perdu leur bonne conscience, et qu'à la suite de cela, Paul a dû les livrer à Satan, c'est-à-dire les déclarer exclus de la communauté d'Éphèse (1 Cor. V, 5). Rien n'empêche devoir dans ces lignes une allusion directe à des faits historiques. Chez ces hommes, la défection religieuse avait donc été une suite de la défection morale. Satan étant considéré comme exerçant son empire dans le monde non régénéré par l'esprit de Christ, l'excommunication est une espèce d'exil qui fait rentrer le condamné sous l'empire de Satan, ou plutôt elle est un arrêt qui constate que ce changement a eu lieu par la volonté même du coupable. Seulement il est essentiel de remarquer que cet arrêt n'est pas définitif et irrévocable, car ici même il est dit qu'il a un but pédagogique et qu'il réserve le cas où ce but serait atteint.

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