Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PHILIPPIENS

Chapitre 4

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2 Je prie Évodie et je prie Syntyche de vivre en bonne intelligence, dans le Seigneur. Et toi aussi, mon fidèle collègue, je te supplie, soutiens-les, elles qui ont travaillé avec moi pour l'Évangile, ainsi qu'avec Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont inscrits au livre de la vie.

IV, 2, 3. L'épître tire à sa fin; il n'y a plus que quelques affaires et recommandations personnelles et de circonstance, entremêlées de pensées détachées et de vœux. — Notre texte fait allusion à des personnes et des faits qui nous sont absolument inconnus. Il est permis de supposer que Syntyche et Évodie étaient des dames philippiennes qui occupaient un certain rang dans la communauté, ou qui exerçaient une certaine influence, peut-être des diaconesses, et qui à cette époque avaient troublé la bonne harmonie par des rivalités ou des querelles quelconques. Le fidèle collègue est sans doute un membre de l'église de Philippes placé à la tête des autres, appelé de préférence à ramener la paix. (D'autres ont voulu que ç’ait été le mari de l'une de ces femmes, ou la femme de l'apôtre lui-même ( ! ), ou un homme nommé Syzyge, ou l'apôtre Pierre, hypothèses que nous ne mentionnons que pour faire voir où peut s'égarer la science quand elle ne veut pas confesser son ignorance.) Clément également doit avoir été un chrétien zélé de Philippes et c'est certainement à tort qu'on l'a identifié avec son homonyme, le célèbre Clément de Rome, disciple des apôtres et l'un des premiers évêques de Rome, d'après une tradition ancienne, mais sujette à caution.

Le livre de la vie est une conception appartenant à la théorie eschatologique du judaïsme postérieur (Dan. XII, 1) et employée par les apôtres, soit comme un fait objectif (Apoc. XX, 12), soit comme une figure de rhétorique. L'image est empruntée à l'usage des registres civils.

11 Réjouissez-vous dans le Seigneur, en tout temps; je le répète, réjouissez-vous! Que votre esprit paisible soit connu de tout le monde! Le Seigneur est proche: ne vous inquiétez de rien, mais qu'en toutes choses vos désirs se fassent connaître à Dieu par la prière et la supplication avec actions de grâces, et la paix de Dieu, qui dépasse toute compréhension, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ!

IV, 4-7. L'exhortation réitérée de se réjouir chrétiennement forme un contraste saisissant avec la position triste et désespérée de l'auteur; elle est d'autant plus éloquente dans sa bouche. La paix de Dieu résultant dé la foi et des bienfaits de l'Évangile, élève le croyant au-dessus de tous les soucis et inquiétudes du moment, et pour lui, la joie peut toujours prédominer sur la crainte et les appréhensions.

Ainsi, dit Paul, du côté de Dieu il n'y a rien à craindre; vous resterez en communication avec lui par la prière qui lui fera part de vos désirs, mais vous n'oublierez point d'y joindre les actions de grâces pour ce que vous avez déjà reçu. Le souvenir des bienfaits déjà obtenus est une sauvegarde contre des prétentions exagérées. D'ailleurs si le moment présent devait être pour vous une épreuve douloureuse, songez que le Seigneur est proche, que la délivrance définitive et glorieuse ne se fera plus longtemps attendre. Ainsi encore à la dernière page de sa dernière épître, l'apôtre puise des forces dans la conviction positive de la proximité du retour de Christ pour l'établissement de son royaume.

Du côté des hommes il y a aussi une règle de conduite qui amortira les inimitiés de ceux du dehors et fera taire les préjugés malveillants et les calomnies. Faites en sorte, dit l'apôtre, que tout le monde apprenne à connaître votre esprit paisible, vos vertus domestiques, vos mœurs pures, votre concorde et votre bienfaisance. C'est le plus sûr moyen de désarmer une injuste critique et les préventions du fanatisme.

La paix de Dieu est avant tout ce sentiment de tranquillité amené par la prière et la pieuse résignation, et qui est aussi la meilleure garantie ou sauvegarde contre les tentations qui pourraient nous éloigner de Christ. Cette paix est au-dessus de toute compréhension (on traduit aussi, mais très sottement: elle vaut mieux que la raison); car celui qui ne la connaît pas par son expérience intime n'en a aucune idée; il faut l'avoir sentie pour la comprendre.

8 Au reste, mes frères, tout ce qui est vrai, tout ce qui est noble, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui est honorable, ce qui est une vertu et ce qui est un éloge, que ce soit là l'objet de vos pensées. Ce que vous avez appris, reçu, entendu et vu de ma part, pratiquez-le, et le Dieu de paix sera avec vous!

IV, 8, 9. Exhortation finale destinée à récapituler les divers préceptes de la morale chrétienne. C'est une espèce d'analyse de la pensée formulée chap. I, v. 27. Dans les énumérations de ce genre, on aurait tort de vouloir trop préciser la définition de chaque mot, et surtout d'envisager la nomenclature comme la norme d'une classification de toutes les vertus. Ce sont plutôt des points de vue différents d'après lesquels tour à tour les mêmes vertus se recommandent au sentiment chrétien.

10 J'ai été grandement réjoui dans le Seigneur, de ce que vous avez pu enfin retrouver les moyens de songer à moi; puisque auparavant vous y songiez bien, mais l'occasion vous manquait. Ce n'est pas que je dise cela en vue de mes besoins; car j'ai appris à me contenter de ce que j'ai. Je sais m'accommoder du dénuement comme de l'abondance. En tout et par tout je suis initié à l'alternative du rassasiement et de la faim, de l'abondance et du besoin. Je puis tout supporter par Celui de qui je tiens mes forces. Cependant vous avez bien fait de m'assister dans ma détresse.

15 Vous savez d'ailleurs vous-mêmes, Philippiens, que dans les premiers temps de l'évangélisation, lorsque je quittai la Macédoine, aucune église, excepté la vôtre, ne se mit avec moi en rapport de compte-courant, en ce que à Thessalonique déjà vous m'envoyâtes, et à plusieurs reprises, de quoi pourvoir à mes besoins. Ce n'est pas que je recherche les cadeaux: ce que je recherche, ce sont les intérêts qui doivent être bonifiés pour votre compte. J'ai tout reçu, je suis dans l'abondance, je suis riche pour avoir touché, par l'entremise d'Épaphrodite, ce qui me vient de vous, comme un parfum de bonne odeur, un sacrifice agréable auquel Dieu même prend plaisir. Mon Dieu aussi, selon sa richesse, pourvoira à tous vos besoins, glorieusement, en Jésus-Christ. Qu'à notre Dieu et père soit gloire aux siècles des siècles! Amen.

IV, 10-20. L'apôtre remercie les Philippiens de l'argent qu'ils lui ont envoyé à Rome par l'entremise d'Épaphrodite. Il leur rappelle que ce n'est pas la première fois qu'il est dans le cas de leur rendre grâces pour des présents pareils (comp. 2 Cor. XI, 9). Pour bien, comprendre la portée de chaque expression dont il se sert ici, surtout dans les premières lignes, il faudrait que nous eussions la lettre des Philippiens dont il reproduit évidemment les phrases. Ils ont dû lui écrire qu'ils avaient songé depuis longtemps à lui rendre sa position moins difficile, mais que l'occasion ou les moyens leur avaient fait défaut. (Au lieu de retrouver les moyens, le texte dit tout à fait poétiquement: refleurir, repousser comme la plante au printemps.)

Cependant il ajoute que la privation même ne l'aurait pas mis au désespoir, qu'il a fait le dur apprentissage d'une position toujours chanceuse, et qu'il sait se plier aux exigences variables de cette situation.

Les expressions des v. 15 et suiv. sont empruntées au style commercial. Les Philippiens ont ouvert un crédit, un compte-courant à Paul. Ils ont reçu de lui, et lui il reçoit d'eux; il ne veut pas de cadeau, il veut leur bonifier des intérêts. On comprend sans peine qu'il balance ici les présents matériels des Philippiens avec les enseignements spirituels qu'il leur a donnés et qu'il leur donne encore (comp. 1 Cor. IX, 11). L'affectation de nos traducteurs de rendre tout mot pour mot a effacé ces tournures si spirituelles de la pensée. Les négociants grecs avaient leurs termes techniques comme ceux de nos jours, et des termes techniques doivent toujours être rendus par leurs équivalents. Le fruit dont parle le texte, c'est l'intérêt du capital placé.

Le v. 18 est comme une formule de quittance, mais il introduit en même temps une image étrangère à l'allégorie du commerce, en représentant le don des Philippiens comme un sacrifice fait à Dieu même.

21 Saluez tous les fidèles en Jésus-Christ. Les frères qui sont avec moi vous saluent aussi. Tous les fidèles vous saluent, particulièrement ceux de la maison de César. Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit!

IV, 21-23. On voit par ces phrases que Paul n'était pas sans relation avec les chrétiens de Rome. Les plaintes que nous avons entendues plus haut (chap. II, 21), plaintes restreintes d'avance (chap. I, 14 ss.) à un cercle moins étendu, regardaient donc plutôt quelques chefs, ou se rapportaient à l'absence d'amis intimes. Pour la maison de César, voyez l'introduction.

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