Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PHILIPPIENS

Chapitre 3

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1 Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur....

III, 1. Paul allait écrire les dernières lignes de sa lettre (comp. 1 Thess. IV, 1. 2 Thess. III, 1. 2 Cor. XIII, 11. Éph. VI, 10. Phil. IV, 8); partout ce mot: au reste, est la formule qui introduit la fin de ses missives. Comme il est probable qu'il n'a pas voulu se borner à cette seule ligne, presque un peu sèche et pâle, et surtout comme il va continuer en abordant un sujet tout nouveau, on sera en droit de supposer qu'il aura été interrompu, et qu'en reprenant la plume après un certain intervalle, d'autres idées l'auront préoccupé. En tout cas, la coupe des chapitres et des versets est ici d'une criante absurdité.

...... 1 Vous écrire les mêmes choses, ce n'est point pour moi chose fastidieuse, et cela importe à votre sûreté.

III, 1. Il est impossible de ne pas voir que cette phrase, avec ce qui suit, ne se rattache pas à ce que nous avons reconnu tout à l'heure comme une espèce de fin de l'épître. Il y a ici évidemment une lacune, et si l'on ne veut pas admettre qu'une portion de cet écrit se soit perdue dès l'abord, il faudra accorder du moins que l'apôtre, obligé de s'interrompre avant de clore sa lettre, avait complètement perdu le fil de ses idées en reprenant la plume. On cherchera vainement dans les deux premiers chapitres quelque chose qui autorise cette reprise: écrire (encore une fois) les mêmes choses, Il est d'ailleurs facile de voir ce qui le préoccupait dans ce moment: ce sont les menées des docteurs judaïsants, auxquelles il avait fait allusion plus haut (chap. I, 15, 17), et qui paraissent l'avoir placé à Rome dans un isolement presque complet. Une autre solution de la difficulté consisterait à supposer l'existence d'une précédente épître aux Philippiens, laquelle serait perdue (voir l'Introduction).

2 Prenez garde à ces chiens, prenez garde à ces mauvais ouvriers, prenez garde à ces rognés! Car les circoncis, c'est nous, nous dont le culte est dans l'esprit de Dieu, nous qui nous glorifions du Christ Jésus et qui ne mettons pas notre confiance dans la chair. Ce n'est pas que je ne puisse, moi aussi, mettre ma confiance dans la chair. Si un autre pense pouvoir le faire, moi je le pourrais autant et plus. Je suis circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu issu d'Hébreux; relativement à la loi, Pharisien; pour ce qui est de mou zèle, j'ai persécuté l'Église; et en fait de justice légale, j'ai, été irréprochable.

7 Mais ce qui avait été un avantage pour moi, je suis arrivé à le considérer comme un préjudice, à cause de Christ. Oui, je regarde tout cela comme un préjudice, en vue de l'immense valeur de la connaissance de mon Seigneur, le Christ Jésus, à cause duquel j'ai renoncé à tout cela, en le considérant comme de la boue, afin de gagner Christ, et d'être trouvé uni à lui, ne regardant plus comme mienne la justice qui vient de la loi, mais celle qui naît de la foi en Christ, la justice reconnue par Dieu et basée sur la foi, à l'effet de le connaître, lui et la portée de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, m'assimilant à sa mort, dans l'espoir d'arriver aussi à la résurrection d'entre les morts.

III, 2-11. L'antagonisme des judéo-chrétiens, imbus des préjugés du pharisaïsme, et de l'école de Paul, qui prêchait la déchéance de la loi et le salut gratuit, est suffisamment connu des lecteurs de ces épîtres (notamment de celle aux Galates), pour que nous puissions ici nous borner à peu de mots pour l'explication d'un texte qui ne fait que résumer en quelques lignes ce qui est exposé ailleurs avec beaucoup de soin et de détails. Nous y retrouvons tous les éléments essentiels, tant de la théorie que de la polémique qui s'y rattache.

Quant à cette dernière, par laquelle l'auteur débute, elle est vive et passionnée, et ne dédaigne pas les qualifications injurieuses (comp. 2 Cor. XI, 13 suiv.); cependant elle ne persiste pas dans cette voie et s'arrête de préférence à caractériser, d'après sa véritable valeur, la base sur laquelle les adversaires prétendaient édifier l'Évangile et ses promesses. Cette base, c'était la chair, c'est-à-dire des faits purement matériels, la nationalité israélite, l'observation rigoureuse de tous les préceptes légaux, et surtout, comme condition indispensable, comme gage sacré, la circoncision, cet antique signe de l'alliance d'Israël avec Jéhova. Toutes ces choses, ces prétendus avantages, dit Paul, je les possède aussi, et d'une manière complète et parfaite (comp. 2 Cor. XI, 21 ss.). Je suis né Israélite, je suis même Hébreu pur sang, je sais ma généalogie (ce dont tout le monde ne pouvait plus se vanter alors); si l'on demande comment je me suis acquitté de mes devoirs légaux, je répondrai que j'ai été Pharisien, c'est tout dire; et je l'ai été au point de persécuter ceux qui ne l'étaient point.

Mais qu'est-ce que tous ces avantages, du moment qu'il faudra reconnaître qu'ils n'effacent point le péché? Non seulement ils sont inutiles, mais ils sont un préjudice, un désavantage, un dommage, car ils entretiennent en vous une fausse sécurité, une funeste ignorance. Ah, que je me suis hâté d'y renoncer, d'en faire le sacrifice, de les mépriser comme des choses sans aucune valeur, du moment où j'ai appris à connaître Christ, le seul, le vrai auteur et garant du salut! Combien la circoncision du cœur (Éz. XLIV, 9. Col. II, 11. Rom. II, 28, 29. Act. VII, 51), la seule vraie circoncision, c'est-à-dire le culte en esprit et en vérité, est supérieure à celle de la chair qui n'est qu'une opération de chirurgie! (L'auteur se sert ici d'un jeu de mots dont la pointe se perd dans la traduction française. Elle est facile à conserver en latin et en allemand: decisi — circumcisi ; Zerschniltene — Beschnittene. Le jeu de mots est d'ailleurs bien moins cru et énergique ici que dans Gal. V, 11. Nous n'aurions cependant pas osé nous servir du terme employé dans notre traduction, s'il n'avait pas déjà été proposé au seizième siècle.)

Pour la fin du morceau, l'antithèse entre la justice légale et celle de la grâce et de la foi, la foi comprise comme une union personnelle avec le Sauveur, le mysticisme de la communion avec sa mort et sa résurrection, ce sont des idées tout à fait fondamentales de la théologie paulinienne, que l'on retrouvera suffisamment expliquées dans de nombreux passages des épîtres précédentes (voyez par ex.: Gal. II, 19 suiv. Rom. VI, 4 ss. 2 Cor. V, 15 ss. Théol. apost., liv. V, chap. 11 et 14.) Notre passage a seulement cela de particulier, qu'il n'observe pas rigoureusement le parallélisme des faits historiques et religieux, tel qu'il est établi ailleurs par la théorie. En parlant d'une communion avec les souffrances de Christ, Paul aura eu en vue ses propres expériences dans la carrière apostolique (2 Cor. IV, 10 ss. Col. I, 24, etc.); tout de même l’assimilation à la mort de Christ nous paraît aller au-delà de cette analogie, et faire allusion à la mort du vieil homme qui est la condition préalable de la régénération. Car Paul n'étant pas encore mort à la peine, il ne pouvait pas avoir l'idée de se placer à cet égard sur la même ligne que Christ; à moins qu'on ne veuille dire qu'il ne parle de cette assimilation qu'en perspective, comme une éventualité assez probable. Dans ce dernier cas, la mention de la résurrection (pour l'autre vie) s'y rattache très naturellement. Dans le premier cas, au contraire, il faudrait dire que l'apôtre aurait ici mis en regard de la mort du vieil homme (sens mystique) la résurrection future, et non la régénération. Les deux parallèles revenant assez fréquemment dans ses épîtres, nous comprendrions bien qu'ils aient pu ici s'entremêler. En tout cas, la portée (la puissance, l'efficace) de la résurrection de Christ, c'est la résurrection de l'homme, tout autant dans l'un que dans l'autre sens.

Si Paul introduit sa résurrection future comme un simple espoir, il est évident qu'il ne la prend pas dans le sens vulgaire, d'après lequel elle est commune à tous les hommes, mais dans le sens spécialement évangélique (1 Cor. XV, 12 ss.), dans lequel elle est l'apanage des vrais croyants.

12 Non que j'aie déjà atteint le but ou que je sois déjà parvenu à la perfection! Mais je le poursuis, dans l'espoir de le saisir, puisque j'ai aussi été saisi par Christ. Non, mes frères, je ne prétends pas l'avoir atteint: seulement, oubliant ce que je laisse en arrière, et tendant vers ce qui est devant moi, je cours après le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ!

III, 12-14. Ces lignes d'une éloquence à la fois mâle et modeste se rattachent à l'espoir que Paul venait d'exprimer relativement à sa part de la gloire de Christ. Oui, ce n'était encore qu'un espoir; le faible mortel, portant toujours avec lui le sentiment de sa faiblesse, et condamné à lutter jusqu'au bout, n'est jamais sûr de son salut, par la raison qu'il n'est jamais parfait. Mais il ne cesse d'espérer, parce qu'il sait qu'il ne lutte pas sans l'assistance divine; il espère saisir, parce qu'il se sent saisi lui-même.

Il y a au fond de cette courte digression (destinée d'ailleurs à faire comprendre aux lecteurs que le salut ne s'obtient pas aussi facilement que le représentaient les patrons du mérite des œuvres) l'image d'une course dans le stade (comp. 1 Cor. IX, 24, etc.), et les verbes saisir, atteindre, se rapportent dès l'abord, dans la pensée de l'auteur, à la couronne (2 Tim. IV, 8) qui est offerte au vainqueur. Or, cette course, c'est ici l'effort que le chrétien fait, sa vie durant, pour répondre dignement à l'appel d'en haut, qui l'invite à s'unir à Christ pour le reste de sa carrière; et la couronne, c'est la félicité résultant de l'accomplissement des promesses attachées à la vocation.

15 Or donc, nous qui sommes plus avancés, soyons animés de ces sentiments-là, et si vous deviez en quoi que ce soit être d'un avis différent, Dieu vous éclairera aussi à cet égard. Seulement, du point où nous sommes déjà arrivés, continuons à marcher en avant! Imitez-moi, vous aussi, mes frères, et regardez à ceux qui suivent cette voie, comme vous en avez l'exemple en moi.

18 Car il y en a beaucoup autour de vous, dont je vous ai souvent parlé, que je vous signale aujourd'hui les larmes aux yeux, des ennemis de la croix de Christ, dont la fin sera la perdition, dont le dieu est leur ventre, qui cherchent leur gloire dans ce qui est leur honte, et qui ne songent qu'aux choses de la terre.

20 Mais notre cité à nous est aux cieux, d'où nous attendons aussi, comme sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps misérable, de manière à le rendre semblable à son corps glorieux, par l'effet de son pouvoir et de son empire sur toutes choses.

1 Ainsi donc, mes chers et bien-aimés frères, vous qui êtes ma joie et ma couronne, restez fermement attachés au Seigneur, mes bien-aimés!

III, 15- IV, 1. Ce que l'apôtre venait de dire comme l'expression de son sentiment le plus intime, il l'applique, ou plutôt il le recommande à tous ses lecteurs, en se posant lui-même comme exemple. Il pouvait le faire sans présomption, parce qu'il venait de proclamer solennellement qu'il n'avait point encore atteint le but, et qu'il ne réclamait d'autre gloire que celle de ne point le perdre de vue et de le poursuivre sans relâche. Il le pouvait encore, parce qu'il associe les Philippiens à cette gloire-là, en reconnaissant hautement qu'ils étaient plus avancés (litt.: adultes, ayant dépassé le stade de l'enfance; comp. 1 Cor. II, 6; III, 1), qu'ils avaient, eux aussi, atteint un certain point sur la ligne qui conduit au but, et qu'il ne s'agissait que de ne pas s'arrêter, ni de changer de direction.

Du reste, le discours se tenant dans les généralités, il ne semble pas juste de vouloir préciser la portée de l'élément polémique contenu dans ce morceau, soit de manière à le détacher complètement de ce qui avait été dit au commencement du chapitre, soit, au contraire, de manière à n'y voir que cela. Le portrait que Paul fait ailleurs de ses adversaires judaïsants n'exclut pas des reproches d'immoralité, étrangers au fond aux divergences dogmatiques; mais en tout cas nous ne croyons pas que ce soient ces dernières qui, en ce moment, préoccupent l'apôtre. Sans doute, il pouvait appeler ennemis de la croix de Christ ceux qui attendaient le salut des œuvres, mais cette qualification se justifiait aussi par un genre de conduite tel qu'il est signalé ici, et qui n'était pas le moins du monde la conséquence nécessaire du point de vue légal. Par l'antithèse qui dit: notre cité à nous est au ciel, nous sommes encore amenés à songer à des gens dont la cité était sur la terre, et non à des docteurs qui prétendaient arriver au ciel par une autre voie. Enfin, quand Paul parle aux Philippiens eux-mêmes du besoin qu'ils pourraient avoir d'être éclairés davantage à l'égard des principes que lui, l'apôtre, venait de proclamer comme sa règle de conduite et d'appréciation, il est évident qu'il n'avait pas en vue les thèses fondamentales de son évangile.

Le morceau se termine par la perspective du retour de Christ pour la réception et la glorification des siens, et ce qui est dit à ce sujet, et relativement à la transformation du corps, est d'avance expliqué par les passages parallèles 1 Thess. IV, 16 ss. 1 Cor. XV, 35 ss. Le corps actuel est misérable, non seulement par ses faiblesses et sa caducité, mais encore à l'égard des souffrances positives que le monde ennemi inflige aux fidèles en particulier (2 Cor. IV, 7 ss.; voyez plus haut, v. 10).

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