Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PHILIPPIENS

Chapitre 1

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1 Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les fidèles en Jésus-Christ, qui sont à Philippes, ainsi qu'aux surveillants et ministres: que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre père, et du Seigneur Jésus-Christ!

I, 1-2. Cette formule de salutation présente cela de particulier, que Paul s'y nomme simplement serviteur de Jésus-Christ et non apôtre, comme il a l'habitude de le faire. Mais nous n'attachons aucune importance à ce détail (comp. Rom. Tit. Jaq. 2 Pierre). Ensuite, il y a à relever le fait que les surveillants et ministres sont nommés à part, tandis qu'ailleurs ils sont nécessairement sous-entendus. Nous préférons ces expressions à ceux d’évêques et de diacres, parce qu'ils nous permettent de faire abstraction des notions hiérarchiques d'un âge plus récent. En tout cas, on voit par ce passage (comp. Act. XX, 17, 28) qu'il y avait, dans l'Église primitive, plusieurs évêques dans une même ville et communauté, ce qui implique aussi une position autre que celle qui leur fut faite plus tard. Le mot ministre, qui signifie proprement serviteur, s'applique bien aux fonctions du diaconat dont il est sans doute question ici, tout en s'employant ailleurs dans le sens qu'il a aujourd'hui dans l'Église (2 Cor. III, 6).

3 Je rends grâces à mon Dieu, en toute occasion, de tous les souvenirs que je garde de vous, dans toutes mes prières que je fais pour vous tous avec joie, au sujet de votre participation à l'Évangile, depuis le premier jour jusqu'à présent; étant persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre, la mènera aussi à bonne fin, jusqu'au jour du Christ Jésus.

7 Aussi n'est-ce que justice de ma part, d'avoir ces sentiments à votre égard, parce que je vous porte dans mon cœur, soit dans ma prison, soit dans la défense et la prédication de l'Évangile, comme participant tous à la même grâce avec moi. Car Dieu m'est témoin, combien je vous chéris tous de l'amour de Jésus-Christ! Et je le prie de faire que votre amour à vous croisse de plus en plus en intelligence et parfaite connaissance, pour que vous sachiez apprécier toutes choses à leur juste valeur, afin d'arriver purs et irréprochables au jour de Christ, riches en fruits de la justice qui viennent par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

I, 3-11. L'action de grâces avec laquelle Paul a coutume de débuter, contient ici un éloge direct et flatteur pour la communauté de Philippes. Si, selon l'usage, la tournure des phrases de cet exorde est embarrassée et la construction pas plus facile que dans des épîtres moins familières, il ne peut cependant surgir de doute à l’égard des sentiments qui guidaient l'écrivain.

Il est captif à Rome, mais le premier sentiment qui se fait jour, quand il doit écrire aux chrétiens de la Macédoine, c'est celui de la satisfaction et du bonheur, et d'un bonheur non troublé par des regrets partiels. Car depuis le jour où l'église commença à se former dans ce pays, jusqu'au moment présent, l'apôtre a entretenu avec elle des rapports constamment heureux, et les souvenirs qu'il garde de ses membres sont,en même temps pour lui un gage de l'avenir. Sa situation personnelle, quelle qu'elle soit, ne change rien à ses rapports avec eux; prisonnier ou libre, il les aime du même amour; et cet amour est celui de Jésus, qui nous aime tous comme ses frères, parce que l'apôtre aussi reconnaît en eux des héritiers de la grâce rédemptrice.

Il y a ici plus d'une phrase beaucoup moins transparente dans l'original qu'elle ne le paraît d'après notre analyse, et rien qu'en changeant la place des signes de ponctuation, on peut en varier le sens. Cependant celui que nous exprimons nous paraît suffisamment justifié par les circonstances.

Tout en louant le passé et le présent, Paul, à deux reprises, rend ses lecteurs attentifs à l'avenir, c'est-à-dire à la nécessité de persévérer et de progresser, et d'implorer à cet effet l'assistance divine. Les dispositions morales des Philippiens sont excellentes; l'essentiel est maintenant qu'ils exercent aussi leur intelligence, qu'ils apprennent à discerner le vrai du faux (et nous verrons tout à l'heure de quoi l'auteur se préoccupe ici) et qu'ils tâchent de produire en abondance les fruits de la justice, les vertus chrétiennes, les bonnes œuvres de toute espèce qui naissent pour ainsi dire spontanément là où l'union régénératrice avec Christ est réellement accomplie.

12 Mais je tiens à vous faire savoir, mes frères, que ma position a tourné plutôt au profit de l'Évangile, en sorte que dans tout le prétoire, et partout au dehors, il est devenu notoire que je suis incarcéré pour la cause de Christ, et que la plupart des frères, rassurés, grâce au Seigneur, à l'égard de mes chaînes, ont redoublé de courage pour prêcher l'Évangile sans crainte.

15 Quelques-uns, il est vrai, prêchent Christ avec un esprit d'envie et de polémique; mais d'autres le font avec des dispositions bienveillantes. Ceux qui y mettent de l'affection, le font parce qu'ils savent que j'ai la charge de défendre l'Évangile; ceux qui agissent par esprit de parti, annoncent Christ non loyalement, pensant aggraver ma position de prisonnier. Qu'importe? Après tout, Christ est prêché de manière ou d'autre, que ce soit avec des arrière-pensées ou sincèrement; et je m'en réjouis!

I, 12-18. Après le préambule, la première chose qui préoccupe l'apôtre, c'est de donner aux chrétiens de Philippes des nouvelles de sa situation personnelle; mais sa personne à lui et ses intérêts particuliers sont ce qui lui tient le moins à cœur dans cette circonstance. Il n'a garde de raconter des détails anecdotiques qui certes nous seraient bien précieux aujourd'hui encore: ce qui pour lui est la seule chose importante, c'est ce que la cause de l'Évangile peut gagner ou perdre momentanément, par suite de la position dans laquelle il se voit placé.

Et à cet égard, malgré la perspective peu rassurante qui s'ouvre devant lui, il est plein de joie et de confiance dans l'avenir. De quelque manière que ses affaires tournent, les chances sont favorables à la cause de Christ. D'abord il y a qu'on sait maintenant de quoi il est accusé, pourquoi il est prisonnier. De nombreux soldats de la garde prétorienne ont successivement été auprès de lui comme plantons; il a pu exercer sur l'un ou l'autre une certaine influence spirituelle; son nom, son procès, son enseignement, sont devenus un sujet d'entretien dans une sphère où, selon toutes les apparences, il n'aurait jamais pénétré s'il était resté en liberté; de là, les mêmes impressions se sont, répandues dans d'autres cercles plus étendus; et plus d'un prédicateur chrétien, peut-être d'abord intimidé par la détention d'un illustre collègue, a fini par reprendre courage, tant par suite de l'exemple que Paul lui donnait, que parce que sa cause, grâce au Seigneur, ne paraissait pas désespérée. (Pour les détails, voyez Actes XXVIII, 16.)

Malgré cette sérénité d'esprit, cette grandeur d'âme qui lui faisait oublier les dangers qu'il courait, pour ne lui faire considérer que le succès de l'œuvre à laquelle il avait consacré sa vie, l'apôtre ne peut se défendre de formuler un regret. Il est vrai qu'on continue à prêcher Christ à Rome; le nombre même de ceux qui se chargeaient de cette besogne paraît avoir été assez considérable, mais, hélas! tous ne s'en acquittaient pas dans le même esprit. Il y avait là, à côté de quelques amis de Paul, un certain nombre de ses adversaires, des hommes pour qui la polémique était plus importante que le fond même de l'Évangile; qui, aveuglés par l'esprit de parti, et voyant en Paul un intrus, un faux apôtre, un ennemi de la Loi, profitaient de la circonstance qu'il ne pouvait ni se défendre, ni réfuter les accusations qu'on portait contre lui et son enseignement, et le desservaient auprès de la communauté, voire même auprès des autorités! Plus loin, il nous dira en toutes lettres qu'il s'agit là encore des mêmes adversaires qu'il avait eus contre lui à Jérusalem, à Corinthe, en Galatie.

Mais ici encore il sait s'élever au-dessus des sentiments, d'ailleurs bien légitimes, de tristesse et de dépit que devaient lui causer de si mesquines intrigues. Il ne s'arrête pas même à ce qu'elles pouvaient avoir de fâcheux pour la communauté et son intelligence de l'Évangile: il veut bien n'y voir pour le moment que le fait purement matériel de la prédication de Christ, et cela lui suffit pour sa consolation. Il veut bien ne pas faire attention aux arrière-pensées qui peuvent s'y mêler, à ce besoin de dénigrer un collègue, à ces menées déloyales qui tendent à miner sa réputation, à anéantir son influence. Évidemment Paul ne parle ici que de ce qui rentre dans la sphère de l'appréciation morale, et non d'un enseignement qui menacerait la pureté de l'Évangile même. Car pour celui-là, il ne connaissait point de ménagement (Gal. I, 8).

19 Et je m'en réjouirai toujours! Car je sais que cela tournera à mon salut, grâce à votre intercession et à l'assistance de l'esprit de Jésus-Christ,, en ce que j'ai la ferme conviction que je ne serai confondu à l'égard d'aucune de mes espérances, mais que je verrai Christ franchement glorifié, maintenant comme toujours, par ma personne, que je vive ou que je meure.

21 Car pour moi, la vie, c'est Christ, et la mort m'est un gain. Mais s'il s'agit pour moi de vivre plus longtemps, ce sera au profit de mon œuvre, et je ne sais trop ce que je dois préférer. Je me sens arrêté des deux côtés: j'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, car cela serait de beaucoup préférable; cependant, à cause de vous, il est plus nécessaire que je reste encore dans cette vie.

25 Et je suis pleinement convaincu que je resterai, et que je resterai avec vous tous, pour l'avancement et la sérénité de votre foi, afin que votre gloire en Christ abonde par moi, par mon retour auprès de vous.

I, 19-26. Le sentiment exprimé à la fin du morceau précédent, n'était pas une émotion passagère, il tenait aux plus intimes convictions de l'apôtre, aussi celui-ci se hâte-t-il d'affirmer qu'il sera constant et durable. La prédication de l'Évangile pouvait, dans des circonstances particulières, comme celle de sa captivité ou celle de l'antagonisme de ses adversaires, lui susciter des peines momentanées, elle n'en restait pas moins la grande affaire de sa vie, sa joie, son bonheur. Avec l'assistance de l'esprit du Seigneur, et fortifié par les prières des fidèles, il était sûr de traverser victorieusement ces crises. L'avenir ne l'inquiétait donc point; il ne craignait pas de voir un jour ses espérances déçues; il pouvait aussi promettre de continuer à remplir sa mission avec franchise et courage: ainsi les obstacles mêmes qu'il rencontrait aujourd'hui, lui apparaissaient comme un gage de plus de son salut, c'est-à-dire de sa participation à la gloire du royaume de Christ pour la propagation duquel il ne cessait de travailler.

Du reste, ajoute-t-il, la glorification de Christ, qui est l'unique but de mes travaux, est assurée, que je vive ou que je meure. Elle ne saurait dépendre de l'existence d'un individu. Cette dernière idée en amène maintenant une autre, par une transition très rapide. Cette transition se fait au moyen d'une idée sous-entendue très facile à suppléer: Je ne crains pas la mort. En effet, dans des moments de froide réflexion, cette éventualité devait se dessiner devant son esprit comme une chose très possible (chap. II, 17, 23). Mais loin de s'en effrayer, il avait su y puiser un nouvel élément de force, a Ma vie, ma vraie vie, ce n'est plus cette existence fragile qui dépend du caprice d'un tyran ou de l'erreur d'un juge; ma vie, c'est Christ; c'est l'union avec mon Sauveur qui me fait vaincre la crainte du tombeau et les terreurs du supplice, parce qu'elle m'a déjà fait passer d'avance par la mort et la résurrection (chap. III, 10, 11), et cette union ne pouvant que devenir plus intime quand les barrières qui séparent le ciel et la terre seront brisées (2 Cor. V, 6 ss.), la mort du corps est un gain.»

À ce point de vue, Paul pouvait même désirer la mort, elle le délivrait de bien des misères, elle le comblait de bonheur. Mais le sentiment du devoir reprenait le dessus; tant qu'il plaisait à Dieu de lui laisser cette vie, c'est à Dieu et à l'Église qu'elle appartenait. Il est tellement pénétré de ce sentiment, qu'il en dérive même la conviction qu'il ne mourra pas maintenant; il parle de la nécessité de sa présence et de son travail; il sait qu'il restera avec ses chères églises, parce que sa présence ne saurait manquer de raffermir leur foi, de leur donner cette sérénité qu'une catastrophe aurait pu leur faire perdre, et de fortifier ainsi en elles cette heureuse conscience d'être dans la voie du salut.

27 Seulement conduisez-vous d'une manière digne de l'évangile de Christ, afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste loin de vous, j'apprenne à votre sujet que vous persistez dans un même esprit, en combattant d'un commun accord pour la foi de l'Évangile, sans vous laisser intimider en rien par les adversaires: ce qui pour eux sera un indice de perdition, pour vous, au contraire, un gage de salut, et cela de la part de Dieu, puisqu'il vous aura été accordé comme une grâce, à l'égard de Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui, en soutenant la même lutte que vous m'avez Vu soutenir, et que je soutiens encore, comme vous le savez.

I, 27-30. Ici commencent des exhortations pratiques qui se renferment, à peu de chose près, dans des considérations générales. On voit bien que Paul n'avait aucune remontrance particulière à faire aux Philippiens, aucun abus à signaler, aucun vice à châtier; ce que nous lisons ici fait plutôt l'impression d'un éloge indirect, en ce qu'il est plutôt question de recommander la persévérance que de provoquer des changements. Cela s'appliquera encore au morceau suivant.

Conduisez-vous est une expression bien faible en comparaison du grec, qui emploie un terme du langage politique: constituez-vous; menez vos affaires, etc., ce qui nous rappelle que dans l'Église il ne s'agit pas seulement de vertus individuelles, mais surtout aussi de rapports sociaux. Aussi l'apôtre insiste-t-il de préférence sur la concorde et l'amour de la paix, tant ici que plus loin. Puis il est question du courage passif, si nécessaire aux chrétiens d'alors, en face d'un monde mal disposé à leur égard. Ce courage invincible, cette constance prête à souffrir, est un gage (litt.: une preuve) du salut des fidèles, en ce que Dieu, en leur faisant la grâce et l'honneur de les associer aux souffrances de Christ, leur assure en même temps une part à sa gloire (Rom. VIII, 17). Mais elle est en même temps, pour les adversaires, un indice, un signe certain de leur condamnation définitive. Car le monde, en se montrant impuissant à faire faiblir ceux qu'il hait, prononce d'avance son propre arrêt.

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