Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PHILÉMON

Chapitre 1

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Paul, prisonnier de Jésus-Christ, et le frère Timothée, à Philémon, notre bien-aimé collaborateur, et à notre soeur Apphia, et à Archippus, notre compagnon d'armes, ainsi qu'à la communauté qui se réunit dans sa maison: que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre père et du Seigneur Jésus-Christ.

v. 1-3. Après ce qui vient d'être dit dans l'Introduction, nous pouvons nous dispenser de toute remarque sur cette adresse.

4 Informé de l'amour et de la foi que tu as pour le Seigneur Jésus et pour tous les fidèles, je rends grâces à mon Dieu en tout temps, en faisant mention de toi dans mes prières, afin que ta participation à notre foi devienne efficace pour la cause de Jésus-Christ, par la connaissance de tout le bien qui nous a été donné. Car c'est pour nous un sujet de gratitude et de grande consolation, que cet amour, avec lequel les cœurs des fidèles ont été tranquillisés par toi, cher frère!

v. 4-7. Ces phrases, qui servent en quelque sorte d'introduction au sujet principal de la lettre, sont moins obscures qu'elles le paraissent à première vue. Notre traduction, d'ailleurs aussi littérale que possible, a peut-être réussi à faire disparaître d'avance une partie des difficultés qui résultent de ce manque de simplicité commun à tous les exordes ou préambules de notre auteur. Avec l'aide de l'exorde parallèle de l'épître aux Colossiens, que nous supposons écrite à la même époque, nous parviendrons facilement à préciser le sens de celui-ci.

Paul commence donc par faire, d'une manière générale, l'éloge de Philémon. Cet éloge mentionne tout naturellement sa foi et sa charité chrétiennes, parce que c'est dans ces deux qualités que se résume et se montre la nouvelle vie suscitée par l'Évangile. Seulement, comme il néglige un peu son style, il a l'air de parler de ces deux qualités comme se produisant à la fois à l'égard de Christ et des chrétiens, ce qui est vrai pour l'amour, mais non pour la foi. Mais on voit facilement par Col. I, 4, quelle est au fond sa pensée.

Le v. 6 indique l'objet ou le but des prières faites par l'apôtre pour son ami Philémon. En langage moderne, il revient à dire: je fais des vœux pour que tes convictions chrétiennes se manifestent de plus en plus par des œuvres, tout en progressant dans l'intelligence de l'Évangile et des grands biens qu'il nous assure (comp. Col. I, 9). La phrase du texte: La participation de ta foi, est tout simplement une construction hébraïsante pour dire: Ta participation à la foi. La dernière ligne fait sans doute allusion à des œuvres de charité accomplies par Philémon dans l'intérêt des membres pauvres de son église, mais sur lesquels nous n'avons point d'autres renseignements. L'expression employée à cette occasion est familière à Paul (1 Cor. XVI, 18. 2 Cor. VII, 13).

8 Aussi moi, qui comme chrétien déjà puis avec une franche confiance te recommander ce qui est convenable, je t'adresse ma prière plutôt en vue de cet amour: tel que je suis là, le vieux Paul, de plus aujourd'hui prisonnier de Jésus-Christ, je te prie, dis-je, pour mon fils, qui m'est né pendant ma captivité, pour cet Onésime, qui autrefois te rendait de mauvais services, mais qui désormais en rendra de bons, et à toi et à moi, et que je te renvoie.

12 Et toi, tu voudras bien l'accueillir, lui qui est comme une partie de moi-même Je voulais le retenir auprès de moi pour qu'il me servît à ta place, pendant que je suis prisonnier pour l'Évangile; cependant je n'ai rien voulu faire sans ton avis, pour que le bien que tu lui feras ne fût pas comme imposé par contrainte, mais le fruit d'un acte spontané. Car peut-être est-ce pour cela même qu'il a été séparé de toi pour quelque temps, afin que tu le recouvres pour l'éternité, non plus comme un esclave, mais comme plus qu'un esclave, comme un frère chéri, de moi tout d'abord, à plus forte raison de toi, tant comme homme que comme chrétien!

17 Si donc tu me tiens pour ton ami, accueille-le comme moi-même. S'il t'a fait quelque tort, ou s'il te doit quelque chose, porte-le à mon compte; moi Paul, je te l'écris de ma propre main: je payerai; pour ne pas te dire que tu es toi-même encore mon débiteur. Eh oui, mon frère, je voudrais avoir aussi mon profit de toi, dans le sens du Seigneur! Tranquillise mon cœur en Christ! Je t'écris ceci, en comptant sur ta déférence, et sachant bien que tu feras plus que je ne dis.

v. 8-21. Ceci est maintenant le corps de la lettre, l'exposé de l'objet qui a mis la plume à la main de l'auteur. Tout est ici simple et transparent, et les motifs que Paul fait valoir auprès de Philémon, pour le bien disposer en faveur de son protégé, sont aussi distingués par le sentiment qui les inspire, que par la forme spirituelle sous laquelle ils se présentent. Paul en appelle tour à tour aux sentiments chrétiens et aux intérêts matériels bien entendu, et même au point d'honneur de son correspondant; il fait intervenir sa propre position, si digne de pitié et d'égards; il identifie pour ainsi dire sa propre cause avec celle de l'esclave fugitif et repentant; il insiste sur le changement moral opéré dans ce dernier par sa conversion; il écarte les considérations de fait, qui pouvaient être défavorables à Onésime, en se portant garant pour lui, même pécuniairement; enfin, il insinue que, en fin de compte, Philémon a contracté envers lui une dette, pour le moins aussi grande que celle qu'il s'agit ici de remettre à un tiers.

Quelques observations de détail suffiront pour compléter cette explication sommaire. La première phrase de ce morceau est généralement comprise de manière qu'on fait dire à Paul: En ma qualité d'apôtre de Christ, j'aurais le droit de l'ordonner ce que tu as à faire, mais en vue de ton amour, je me borne à t'adresser une prière. Il est vrai que les verbes (ordonner, prier) peuvent avoir le sens indiqué (Luc. VIII, 31). Mais ce serait une prétention sans exemple de la part de Paul, d'étendre l'autorité apostolique à la sphère des relations domestiques, étrangères aux grands intérêts de l'Église. Lui, qui plus loin déclare n'avoir pas voulu retenir Onésime plus longtemps auprès de lui, de peur d'avoir l'air de contraindre Philémon à faire ce que lui, Paul, désirait, il ne peut pas ici se prévaloir d'un droit imaginaire. En effet, de quoi s'agit-il? D'obtenir le pardon pour un homme qui a manqué à son devoir, qui a lésé sciemment les droits positifs d'un autre. Un pareil acte peut-il être l'objet d'un ordre? L'antithèse n'est pas entre les deux verbes, mais entre les deux considérants: «Si déjà comme chrétien, d'un point de vue théorique et général, je me sens porté à te recommander cet acte, je le fais bien plus facilement, et avec plus de confiance, parce que je connais ton caractère, etc.» Ce qui est convenable, c'est précisément ce qui au point de vue chrétien doit être reconnu comme un devoir.

Il ne faut pas trop presser ce mot: le vieux Paul. L'apôtre, jeune encore à l'époque de la mort d'Étienne (Actes VII, 58), ne peut guère avoir été âgé de plus de 48 à 50 ans à l'époque de la rédaction de la présente lettre. Tout de même il pouvait déjà se sentir sur le retour et faire valoir son âge vis-à-vis d'un homme plus jeune que lui.

Il nomme Onésime son fils, dans le sens figuré de la régénération religieuse (1 Cor. IV, 15. Gal. IV, 19); nous serons autorisés à en conclure qu'Onésime avait été converti récemment au christianisme par Paul.

Le 12e verset est incomplet dans le texte des éditions modernes et critiques. Le texte vulgaire dit: Et toi, accueille-le ce qui est une interprétation très naturelle, empruntée d'ailleurs au v. 17. On peut supposer que l'auteur, dans la rapidité de sa pensée, a laissé inachevée une phrase en passant à la suivante. Il serait cependant possible que l'omission fût due à un copiste.

Au v. 15, Paul exprime une idée profondément chrétienne. Qui sait, dit-il, si dans toute cette aventure nous ne devons pas avant tout reconnaître la main de la Providence? Onésime a été séparé de toi pour quelque temps (euphémisme évident, l'esclave ayant eu des torts réels et s'étant probablement rendu coupable par des actes qui lésaient les intérêts de son maître), afin de t'être rendu pour Y éternité. Le salut de son âme a été amené par un concours de circonstances indépendantes des combinaisons humaines, et l'individu qui tout au plus pouvait te rendre quelques services matériels pendant un petit nombre d'années, sera à tout jamais ton frère en Christ et l'associé de ta félicité spirituelle. Voilà du moins ce que l'apôtre insinue, d'après le principe que les affaires d'ici-bas ne se règlent pas selon le caprice d'un aveugle hasard.

L'offre d'indemniser Philémon pour les pertes que son esclave a pu lui causer antérieurement, laisse entrevoir que Paul n'est pas tout à fait sûr des dispositions de cet homme. Autrement il aurait dû craindre de blesser sa délicatesse. Mais cela ne fait que rehausser le mérite de l'apôtre qui, avant tout, veut que l'esclave, devenu affranchi de Christ (1 Cor. VII, 22), commence par satisfaire à ses devoirs civils, alors qu'il aurait pu trouver dans ce changement de sa condition religieuse un motif de plus pour ne plus rentrer sous le joug.

Le v. 19 pourrait bien contenir un jeu de mots. À première vue, Paul dit seulement: Si tu l'exiges, je me reconnais ton débiteur en me portant garant d'Onésime, bien que, à vrai dire, tu sois déjà le mien (sans doute par suite des rapports religieux antérieurs, 1 Cor. IX, 11). Et je voudrais assez faire valoir cette créance qui en est une dans le sens du Seigneur, c'est-à-dire de nature spirituelle et évangélique. C'est peut-être avec intention que l'auteur, pour exprimer cette pensée, se sert précisément du verbe d'où dérive le nom d'Onésime (Profitable), comme s'il disait: Je voudrais que tu devinsses pour moi un Onésime, en me payant ta dette par l'accomplissement de la demande que je t'adresse aujourd'hui.

Enfin le morceau se termine par une insinuation très discrète, mais suffisamment intelligible. Tu feras plus que je ne demande: tu lui donneras la liberté!

22 En même temps je te prie de m'accorder l'hospitalité, car j'espère Vous être rendu, grâce à vos prières. Épaphras, mon compagnon de captivité en Jésus-Christ, te fait saluer; de même Marc, Aristarque, Démas, Luc, mes collaborateurs. Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit!

v. 22-25. Paul espère être bientôt rendu à la liberté et promet de visiter l'église de Colosses. Comme son projet bien arrêté était de se rendre d'abord à Rome, cette promesse n'est qu'éventuelle, et pour le moment un peu vague. Sur les divers personnages nommés dans le texte, voyez Col. IV. En nommant Épaphrodite son compagnon de captivité, Paul caractérise la situation d'une manière plutôt rhétorique qu'historique. Cet ami était venu le voir et le consoler dans sa captivité; il ne la partageait pas comme prisonnier. Ceux qui doutent de l'authenticité de cette épître ont pu se prévaloir de cette notice et de la promesse qui précède. Tant qu'il n'y a pas d'arguments plus décisifs, ceux-ci ne pèseront guère dans la balance.

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