Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE À TIMOTHÉE

(LA DEUXIÈME)

INTRODUCTION

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Après deux années de captivité à Césarée, l'apôtre Paul, comme nous l'avons déjà dit, fut envoyé à Rome pour y être jugé par la cour impériale, ainsi qu'il l'avait demandé. Ce fut vers l'automne de l'an 61, d'après les combinaisons chronologiques qui nous paraissent les plus vraisemblables. Avant cette époque, les différents amis, qui étaient venus voir le prisonnier dans les derniers temps, s'étaient dispersés dans toutes les directions. Tychicus s'était rendu dans l'Asie proconsulaire, pour y porter les épîtres que nous venons de lire. Timothée paraît l'y avoir suivi; du moins nous allons le trouver à Éphèse. Tite était en Illyrie (2 Tim. IV, 10), où Paul avait autrefois prêché l'Évangile (Rom. XV, 19). Un autre disciple, Crescens, dont le nom ne se rencontre pas ailleurs, était allé en Galatie. D'autres étaient rentrés dans leurs foyers: Éraste à Corinthe, Trophimus à Milet, où il était retenu par la maladie. Démétrius, que l'apôtre aurait désiré emmener avec lui, s'était retiré à Thessalonique par des motifs peu louables (2 Tim., 1. c). Marc aussi était en mission. Il n'y eut que le médecin Luc et le Macédonien Aristarque qui se décidèrent à s'embarquer avec Paul et à partager avec lui les ennuis et les périls d'un voyage maritime qui n'était guère attrayant dans de pareilles circonstances. Encore ce dernier paraît-il avoir quitté Rome bientôt après son arrivée (1. c, v. 11).

Ce ne fut qu'au printemps de Tannée suivante, et après un naufrage qui faillit être fatal à l'équipage et aux passagers (Actes XXVII), qu'on arriva dans la capitale, où Paul fut remis à la garde du préfet du prétoire, en attendant que son procès fût instruit. Il s'empressa de se mettre en rapport avec la communauté juive, laquelle comptait sans doute dans son sein quelques personnes considérées ou influentes qu'il lui importait de n'avoir pas pour adversaires. Il savait par expérience quels fâcheux embarras pouvaient lui être créés de ce côté-là, devant un tribunal si peu au fait des choses qu'il aurait fallu connaître, pour apprécier avec équité, soit la nature de l'enseignement de l'inculpé, soit la valeur et la portée des accusations formulées contre lui. Mais non seulement il ne réussit pas dans sa tentative de gagner les Juifs, il paraît même que les membres de la communauté chrétienne, lesquels, selon toute probabilité, n'étaient pas encore formellement séparés de la synagogue, se montraient tout aussi peu disposés en sa faveur que ceux de Jérusalem. Il se trouva donc bien isolé au commencement, et ce n'est que peu à peu qu'il parvint à se créer quelques relations. Mais il ne désespérait point, et malgré les préoccupations de plus en plus inquiétantes que faisait naître son procès, il ne perdait aucune occasion de travailler à la propagation de l'Évangile (Phil. I, 12 suiv.).

De fait, ce procès n'avançait pas, et l'on est tenté de dire qu'il y avait déni de justice. Paul, qui se savait innocent de toute contravention aux lois de l'état, et notamment du délit politique dont l'avocat avait glissé un mot à Césarée, avait espéré que dans la capitale, et loin des passions religieuses qui le poursuivaient en Palestine, il trouverait des juges clairvoyants et équitables et une prompte solution de son affaire. Il s'était trompé. À la vérité, sa captivité ne fut pas bien dure, et il n'avait pas à se plaindre de la manière dont il était traité. Il lui avait été permis de louer un logement, particulier (Actes XXVIII, 30) et de recevoir du monde. La présence des plantons qui le gardaient lui fournissait les moyens de converser avec une foule de gens qui n'étaient pas tous inaccessibles aux nouvelles idées qu'il avait à leur offrir (Phil., 1. c). Cependant le fait même qu'il restait prisonnier était de mauvais augure. Que ç’ait été simplement négligence de la part des autorités, ou que de secrètes intrigues aient travaillé contre lui, toujours est-il qu'il n'obtint pas de jugement. De tout ce qui a trait à sa cause, nous n'apprenons qu'un seul incident, et encore à l'égard de celui-ci nous sommes très incomplètement renseignés. Il parle lui-même (2 Tim. IV, 16) d'un premier interrogatoire, ou d'une première audience publique, dans laquelle il fut mis en demeure de se défendre et à la suite de laquelle la cause fut remise. Mais ce qu'il y avait vu et entendu l'avait affecté bien douloureusement par deux raisons. Aucun chrétien romain n'était venu assister à la séance, selon la coutume, en qualité d'avocat, c'est-à-dire d'ami soutenant la cause de l'accusé, par sa seule présence déjà et indépendamment du témoignage qu'il aurait pu rendre en sa faveur. Il se voyait délaissé par tout le monde. Peut-être sera-t-il permis de rappeler à cette même occasion ce qu'il dit d'un certain serrurier Alexandre (v. 14 suiv.) qui aurait parlé contre lui, et qu'il signale à Timothée comme un homme dangereux et détestable. Devons-nous voir dans cet individu un de ces chrétiens de la circoncision, zélés pharisiens si nettement caractérisés ailleurs (Actes XI, 2; XV, 1. Gal. II, 4,12) ? D'un autre côté, Paul doit s'être convaincu, non sans surprise, que les autorités étaient dominées par des préjugés qui leur rendaient méprisable ou suspect tout ce qui tenait au judaïsme, de sorte qu'il pouvait entrevoir dès lors une issue fatale de sa cause. Autrement il ne se serait pas servi de termes aussi durs que ceux qu'il emploie quand il vient à parler de ses rapports avec la justice (v. 17). Cependant il se défendit alors avec une telle éloquence, que le danger fut conjuré pour le moment.

C'est sous l'impression de cette récente et triste expérience qu'il écrivit une lettre à son cher Timothée. C'est celle qui dans nos éditions est nommée la deuxième. Elle a dû être écrite dans le courant de l'été (chap. IV, 21) de l'an 62, l'apôtre n'étant arrivé à Rome qu'au printemps (Actes XXVIII, 11 suiv.).

Avant d'aborder l'étude de cette épître, nous voulons résumer en quelques lignes ce que nous savons sur le compte du personnage auquel elle est adressée. Timothée est de tous les disciples ou collègues de Paul celui avec lequel ce dernier doit avoir entretenu les rapports les plus suivis et auquel des sentiments d'affection paternelle l'attachaient le plus intimement. Il était originaire de l'une des villes de la province de Lycaonie dans l'Asie mineure, probablement de Lystres (Actes XVI, 1 suiv. ; XIV, 6). Son père était païen, mais sa mère et sa grand'mère maternelle avaient été juives et avaient embrassé la foi chrétienne, sans doute à l'époque du premier voyage de Paul dans ces contrées (1. c. 2 Tim. I, 5; III, 15). Lors de son second voyage, l'apôtre fit la connaissance du jeune homme, qui dans l'intervalle était arrivé à un âge où il pouvait être initié aux devoirs de missionnaire, sous la direction immédiate et suivie d'un maître éprouvé. Comme celui-ci avait l'habitude de commencer partout ses prédications dans les synagogues, pour essayer de gagner les Juifs, il lui importait de ne pas les effaroucher d'emblée par la présence d'un collègue ou affidé non circoncis. Il engagea donc son disciple à se faire juif aussi quant au rite sacramentel du mosaïsme, d'après le principe qu'il professait hautement (1 Cor. IX, 20). Du moins, c'est ce que les Actes racontent, et il n'est pas probable que ce soit une simple supposition traditionnelle et sujette à caution.

Timothée accompagna Paul dans son premier voyage d'Europe. Nous le trouvons en Macédoine et à Corinthe (Actes XVII, 14; XVIII, 5. 1Thess. I, 1). Après il n'est plus fait mention de lui jusqu'à l'époque du séjour de son maître à Éphèse, d'où il fut envoyé en mission à Corinthe (1 Cor. IV, 17; XVI, 10). Il était encore dans sa société pendant son dernier voyage de Grèce (2Cor.I, 1. Rom. XVI, 21) et lors du retour en Asie (Actes XX, 4). Mais son nom n'est pas prononcé à propos de l'arrestation de Paul à Jérusalem et de sa captivité à Césarée. Il aurait cependant été auprès de l'apôtre dans cette dernière ville, si nos combinaisons chronologiques, telles qu'elles sont exposées dans l'Introduction aux épîtres immédiatement précédentes, devaient paraître acceptables. Il est positif qu'il n'était pas du voyage de Rome. Mais il avait rejoint Paul, qui l'appela auprès de lui par la lettre même que nous allons lire, lorsque celui-ci écrivit l'épître aux Philippiens (I, 1). Nous rencontrons une dernière fois son nom dans l'épître aux Hébreux (XIII, 23), où il est parlé d'une captivité qu'il doit avoir subie et dont il venait d'être libéré. Tout ce qui a été débité sur son compte en dehors des faits que nous venons de mentionner, est de la pure légende et ne repose sur aucun fondement solide.

Revenons à notre épître. Nous pourrons la caractériser par un seul mot, en disant que c'est le testament du maître adressé au disciple favori. En effet, elle est écrite dans la prévision d'une mort prochaine. Bien qu'il n'y eût pas encore de jugement, et que le procès semblât devoir traîner en longueur, une condamnation devenait assez vraisemblable. Paul voyait approcher le dénouement sans faiblir, mais son horizon s'assombrissait à cause des récentes expériences qu'il avait faites parmi les chrétiens de Rome, et de l'impuissance dans laquelle il se trouvait de continuer cette lutte courageuse qu'il avait soutenue ailleurs dans ses jours de liberté. Et dans cet isolement affligeant, dans cette triste perspective, il songe moins à lui-même qu'à son œuvre et à celui auquel il pouvait en léguer l'héritage avec une entière confiance. Il écrit sa dernière volonté comme s'il devait ne plus le revoir. Il aime à croire que Timothée marchera sur ses traces, combattant et souffrant pour l'Évangile à l'exemple de son devancier, et ne se laissant pas rebuter en face du monde et de l'erreur. Initié jeune encore à la connaissance de la vérité, et ayant traversé vaillamment la rude école de la vie apostolique, il saura garder le précieux dépôt qui lui est confié, rester à la hauteur de sa mission, et justifier les espérances hautement exprimées autrefois par sa famille et par la communauté, lorsqu'il reçut l'imposition des mains. Cependant il ne doit pas se faire illusion sur ce qui l'attend. L'avenir s'annonce sous des couleurs bien sombres. Les hommes se montrent moins bien disposés qu'on ne l'avait cru d'abord, à l'égard de la saine et salutaire instruction qui leur est offerte, et au lieu d'un accueil favorable, le messager de Christ doit s'attendre à une opposition malveillante de la part d'une génération hostile à tout ce qui est bon et juste. Puis, se laissant fasciner par une dernière lueur d'espérance, que lui inspirait sans doute son amour pour son fils chéri et son fidèle compagnon, il l'appelle encore une fois auprès de lui, et oublie qu'il lui a déjà fait ses derniers adieux.

Nous n'aurons pas besoin d'ajouter que cette épître, d'un bout à l'autre, dans tous les détails, et dans de nombreuses allusions, répond à la situation telle que nous l'avons indiquée. On peut même dire qu'aucune autre, parmi les épîtres pauliniennes, ne lui est comparable à cet égard. Le fait que le ton y change plusieurs fois, selon que l'auteur est dominé momentanément par l'idée de sa fin prochaine, ou qu'il se dégage de cette préoccupation pour ne songer qu'à la cause qu'il défend, ce fait n'est qu'une preuve de plus que nous avons là des épanchements naturels qui doivent provoquer la sympathie et désarmer la critique.

C'est à dessein que nous avons écrit cette dernière phrase. Car de nos jours la majorité des savants qui se sont occupés de l'histoire de la littérature apostolique, ont exprimé la conviction que les deux épîtres à Timothée et celle à Tite sont une production postiche du second siècle et ne sauraient être attribuées à l'apôtre Paul. Nous ne nous tromperons pas en disant que si celle que nous avons devant nous en ce moment existait seule, et que nous ne possédions plus les deux autres, il est peu probable que de pareils doutes eussent jamais surgi. Car, à y regarder de près, les arguments produits par la critique à l'appui de sa manière de voir sont empruntés, à bien peu d'exceptions près, au texte de ces dernières. Aussi bien nous proposons-nous de les discuter quand nous en viendrons à étudier celles-ci. La raison pour laquelle la deuxième à Timothée a été comprise dans le même arrêt de réprobation, c'est qu'on leur a trouvé à toutes les trois une certaine physionomie commune, laquelle cependant, si Ton veut rester dans les limites du positif, se réduit à bien peu de chose, pour autant que cela concerne la présente. Il est incontestable que les objections soulevées contre F authenticité de l'épître à Tite et de celle que nous appelons la première à Timothée, sont très sérieuses, au point qu'elles ont paru suffisantes et péremptoires même à des théologiens décidément conservateurs. Ce serait donc un procédé peu justifiable et surtout complètement inefficace, que d'affecter un souverain mépris pour ce qu'on se plaît à appeler la critique négative, et de se donner l’air de croire que la question est jugée par le témoignage de la tradition. Cependant, comme nous venons de le dire, nous en réservons la discussion à tantôt, pour ne nous arrêter ici qu'à quelques points de détail relatifs à la deuxième à Timothée en particulier.

Parmi les arguments qu'on a fait valoir contre les trois épîtres à la fois, l'un des plus embarrassants, c'est celui qui est emprunté à la chronologie de la vie de Paul. Il n'est pas trop difficile de reconstituer les annales, de celle-ci, du moins dans les points essentiels, tant au moyen du livre des Actes que par les épîtres. Or, on dit qu'il est impossible de combiner, avec les données positives fournies par ces sources, celles qui résultent des trois épîtres en question. Cette assertion a paru si bien fondée à la plupart des modernes, surtout à ceux qui ne renoncent pas à défendre l'authenticité, qu'ils se sont retranchés derrière une hypothèse absolument gratuite, mais devenue populaire, parce qu'elle a semblé être le dernier moyen de sauver une cause autrement perdue. Ils disent donc que la captivité de Paul à Rome s'est terminée par un acquittement, qu'il a pu reprendre son œuvre de mission, tant en allant porter la bonne nouvelle jusqu'en Espagne, qu'en reprenant le chemin de la Grèce et de l'Asie pour visiter les églises qu'il avait fondées autrefois. Après cela, il aurait été arrêté une seconde fois, ramené à Rome et condamné à mort. C'est à cette dernière période de sa vie qu'on croit devoir rattacher les trois épîtres, de sorte que la nôtre aurait été écrite pendant la seconde captivité. Nous discuterons plus tard et à fond cette hypothèse de la seconde captivité; mais nous devons dès à présent signaler certains passages de la deuxième à Timothée, dans lesquels on a cru trouver les indices les plus directs d'un voyage en Orient autre que ceux dont parlent les Actes.

Il s'agit de la dernière page de l'épître, où l'auteur énumère les amis dont il regrette l'absence, et où, à ce qu'on croit, il fait allusion à des circonstances étrangères au seul voyage de Paul à Rome dont nous connaissons si exactement tous les détails. En effet, ce voyage, comme on sait, se rattachait à une captivité de deux ans passés à Césarée et se fit par mer. Ici, au contraire, il semble être question d'un voyage dans le cours duquel l'apôtre aurait successivement visité Éphèse, Milet, Corinthe, Troade; il est question d'un manteau (ou d'une valise) et de livres laissés chez son hôte dans la dernière de ces villes, et que Timothée doit lui apporter à Rome. En présence de ce texte, les partisans de l'inauthenticité sont obligés d'attribuer au faussaire supposé une ignorance inconcevable relativement à l'apôtre; et les détails racontés ici, pour donner à cette composition un semblant de vérité, auraient été si maladroitement inventés, qu'ils auraient plutôt servi à faire découvrir la fraude. Encore n'entrevoit-on guère quel pourrait avoir été le but de celle-ci, l'épître ne contenant absolument rien, quant au fond des idées ou des avis, qui fût étranger à la pensée ou à l'horizon de Paul, ou qui trahît les préoccupations d'un autre âge. Resterait donc l'hypothèse de la seconde captivité, à laquelle il faudrait s'en tenir, malgré l'absence de toute preuve sérieuse, et malgré son insuffisance qui sera ultérieurement démontrée, s'il n'y avait pas moyen d'expliquer le texte cité sans y avoir recours.

Nous avons déjà fait voir plus haut comment Paul, après son arrivée à Rome, a pu être amené à peindre à son ami l'isolement dans lequel il s'y trouvait et à passer en revue, pour ainsi dire, ceux de ses associés ordinaires dont la présence aurait pu le consoler. C'est à cette situation donnée que nous rattacherons les autres notices qui ont embarrassé la critique. Dès la première page (chap. I, 16), Paul raconte qu'il a reçu la visite d'un Éphésien nommé Onésiphore, lequel, lors de son arrivée à Rome, s'était empressé d'aller à sa recherche et qui, l'ayant trouvé, n'avait pas craint de venir le voir plus fréquemment, pour lui procurer des soulagements dans sa captivité. En terminant (chap. IV, 19), il charge Timothée de saluer la famille de cet homme, et, à cette occasion, il lui revient à la mémoire d'autres personnes encore, en partie compatriotes d'Onésiphore, notamment ce Trophime, qui avait été autrefois la cause innocente de son arrestation à Jérusalem (Actes XXI, 29). C'était un de ceux qu'il aurait aimé avoir près de lui, mais lors de son départ de Césarée il était malade à Milet et ne pouvait le rejoindre. «J'ai dû l'y laisser, dit-il, j'ai dû renoncer à profiter de son dévouement pour rendre moins pénible la perspective d'un si triste voyage, et plus faciles les travaux apostoliques que f espérais pouvoir bientôt reprendre.» De même, le Corinthien Éraste était resté dans sa ville natale. Dans tout cela nous ne voyons rien de suspect. Les objets laissés à Troade nous semblent moins encore devoir autoriser des soupçons. Qu'y a-t-il donc d'extraordinaire à ce que l'apôtre, qui voulait continuer sa route à pied (Actes XX, 13), et cela au commencement de l'été (ib., v. 6, 16), se soit débarrassé de quelques hardes qui ne lui étaient pas nécessaires pour le moment et qu'il oublia de réclamer plus tôt? Certes, ce ne sont pas des détails de ce genre qui contrebalanceront l'impression que le lecteur non prévenu reçoit de l'épître tout entière.

Voilà bien ce qu'on a pu alléguer de plus grave à propos de la question d'authenticité de notre épître. Les autres objections faites dans le même sens contre celle-ci en particulier sont tellement futiles, que nous hésitons presque à les reproduire. Nous nous bornerons à les mentionner en deux mots.

On a prétendu que l'auteur cite déjà l'évangile de Luc. Mais la phrase sur laquelle on se fonde (chap. II, 8) a une tout autre signification et se rencontre aussi dans l'épître aux Romains, chap. II, 16 et XVI, 25. Ensuite on a voulu nous faire croire qu'en un autre endroit Fauteur avait sous les yeux la Bible entière (chap. III, 15 suiv.); mais il n'y est question que de l'Ancien Testament, comme partout ailleurs, quand les apôtres parlent de l’Écriture. On s'est encore récrié sur ce qu'il cite une histoire apocryphe (chap. III, 8); mais la légende, dans ce siècle-là, s'était déjà attachée indissolublement aux récits scripturaires, comme le prouvent des exemples nombreux dans tout le recueil (Matth. I, 5; XXIII, 31. Actes VII, passim. ; XIII, 21. Jaq. V, 17. Jud. 9. 1 Pierre III, 19. 1 Cor. X, 4. Gal. III, 17, etc.). L'emploi du terme de soldat de Jésus-Christ (chap. II, 3) et ce qui y est dit de l'état militaire, choses qu'on a également relevées à cette fin, ne diffèrent pas de ce que nous lisons 1 Cor. IX, 7. 2 Cor. X, 3 suiv., etc. Enfin on a signalé une contradiction entre chap. IV, 6 suiv., où l'apôtre parle de sa mort imminente, et Phil. II, 24, où il exprime l'espoir de revenir en Macédoine. Mais les deux épîtres n'ont pas été écrites à la même époque, et de plus, dans chacune d'elles, la disposition de l'auteur change d'une page à l'autre. Un faussaire aurait été plus conséquent.

Quant aux arguments puisés indistinctement dans les trois épîtres, il conviendra de ne pas séparer les éléments de la discussion et nous aurons à y revenir.

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