Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPHÉSIENS

Chapitre 5

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3 Que le libertinage, ainsi que toute impureté ou cupidité, ne soit pas même nommé parmi vous, comme il convient à des saints, non plus que ce qui est déshonnête, le bavardage impie, les plaisanteries frivoles, toutes choses malséantes; qu'on entende plutôt des actions de grâces. Car vous savez et reconnaissez qu'aucun homme débauché, impur ou avare (lequel est un idolâtre), n'a part au royaume de Christ et de Dieu.

6 Que personne ne vous trompe par de vains discours: c'est à cause de pareilles choses que la colère de Dieu vient frapper les hommes rebelles. Ne vous associez donc pas à eux. Car autrefois vous étiez ténèbres; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur: vivez comme des enfants de la lumière: car le fruit de la lumière consiste en tout ce qui est bon, juste et vrai.

10 Examinez ce qui peut plaire au Seigneur, et ne prenez point part aux œuvres stériles des ténèbres, ou plutôt signalez-les avec sévérité. Car ce qu'ils pratiquent en secret, on a honte d'en parler seulement: mais ce qu'on signale en le blâmant, cela est dévoilé et mis dans son vrai jour. C'est pour cela qu'il dit: Réveille-toi, ô toi qui dors! relève-loi d'entre les morts, et Christ l'éclairera!

V, 3-14. Dans ce nouvel alinéa, l'apôtre est plus exclusivement négatif et s'attaque aux deux vices déjà précédemment signalés (chap. IV, 19) comme les plus apparents et les plus répandus dans la société païenne, la libertinage et l’avarice. On pourra utilement comparer ici le passage Col. III, 5 ss., qui offre une série de parallèles. Il n'y aura guère à s'arrêter qu'à quelques expressions isolées. On remarquera d'abord que l'apôtre ne borne pas ses remontrances aux actes honteux, il comprend aussi dans son blâme les paroles déshonnêtes, de sorte qu'il répète ici en quelque sorte ce qu'il a dit plus haut (chap. IV, 29). À ces paroles il oppose celles qui conviennent aux chrétiens, et qu'il résume dans le seul terme factions de grâces. Beaucoup de commentateurs traduisent: paroles gracieuses, aimables, comp. Col. IV, 6. Cependant l'usage constant de la langue (Col. III, 15) favorise plutôt notre interprétation, et nous comprenons qu'un homme dont les pensées se concentrent sur ce qu'il doit dire à Dieu, ne risque guère que sa langue s'égare. Si l'avare est appelé un idolâtre, cela nous rappelle le mot de Jésus (Matth. VI, 24), relatif à l'impossibilité de servir à la fois Dieu et le Mammon. Des principes plus sévères, relativement à la manière de se conduire, étaient assez nouveaux pour la pluralité des Grecs, et ceux qui s'étaient ralliés à l'Église étaient sans doute fréquemment exposés aux railleries et aux sollicitations de leurs anciens coreligionnaires: voilà pourquoi l'auteur les prémunit contre les paroles trompeuses par lesquelles on leur représentait la licence des mœurs comme chose indifférente. Pour l'allégorie de la lumière et des ténèbres, nous renvoyons nos lecteurs à 1 Thess. V, 4 ss. Rom. II, 19; XIII, 12, etc. Nous avons vu plus haut la même antithèse en termes propres, chap. II, 11; IV, 17. En disant: fruit de la lumière, l'auteur mêle ensemble deux images disparates. Aussi les copistes ont-ils préféré écrire fruit de l’esprit (d'après Gal. V, 22). Les fruits dont il est parlé sont en tout cas les qualités de celui qui marche dans la lumière ou qui est éclairé par l'esprit de Dieu. Dans ce contexte, la bonté se rapporte aux dispositions intérieures, la justice à la portée des actes, et la vérité à la sincérité des convictions. Les œuvres des ténèbres sont les qualités ou actes opposés. Elles sont stériles, bien entendu dans ce sens restreint qu'elles ne produisent pas de fruits pour la vie, mais pour la mort.

La fin de ce morceau est un peu obscure, et notre traduction, pour offrir un sens immédiatement intelligible, n'a pu être littérale. Voici ce que l'auteur semble vouloir dire: Il venait de recommander à ses lecteurs de ne point prendre part à ces oeuvres des ténèbres; il se reprend aussitôt pour dire: il y a mieux à faire; flétrissez-les, témoignez hautement l'horreur qu'elles vous inspirent. (Le verbe grec du texte signifie à la fois démontrer et blâmer, ce que nous avons cherché à exprimer en deux mots.) Car les débordements des passions les plus honteuses (Rom. I, 26 ss.) sont tels, dit l'apôtre, qu'on éprouve du dégoût rien qu'en y songeant, et qu'on hésite à en parler. Raison de plus pour ne pas se taire, pour parler bien haut, afin de confondre les uns et de prémunir les autres, car (littéralement) ce qui est ainsi signalé (et blâmé) est manifesté par la lumière (tiré au grand jour), et tout ce qui est manifesté est lumière (c'est-à-dire, ne peut plus rester caché). L'apôtre veut rappeler que tel vice n'est dangereux qu'autant qu'il reste à l'ombre; et que, mis dans son vrai jour, il cesse d'être attrayant, il excite plutôt le dégoût.

Le passage de l'Écriture cité à la fin doit sans doute confirmer la nécessité d'adresser des appels énergiques à ceux qui sont comme plongés dans la torpeur mortelle du péché, pour leur faire ouvrir les yeux à la lumière vivifiante de Christ. La difficulté de ce passage ne résulte donc pas de quelque obscurité du sens, mais de cette circonstance, aujourd'hui suffisamment constatée, qu'un tel texte ne se lit pas dans l'Ancien Testament. On a bien invoqué les passages És. IX, 2; XXVI, 19; LX, 1; mais on y cherche en vain les paroles alléguées ici et le sens général même ne correspond pas à l'idée que l'apôtre veut exprimer. Paul aurait-il été trompé par sa mémoire? aurait-il allégué un texte apocryphe? la citation serait-elle puisée dans quelque livre chrétien contemporain? On a tour à tour essayé de tous ces expédients, sans trouver de solution généralement acceptable. Car le livre des cantiques de l'Église primitive n'a existé que dans l'imagination de quelques commentateurs modernes; nulle part on ne voit que Paul invoque un texte non canonique comme une autorité, et pour ce qui est de l'erreur de mémoire, il faudrait au moins trouver quelque chose d'approchant, comme c'est le cas dans maint autre endroit.

15 Prenez donc bien garde à ce que vous viviez exemplairement, non en hommes insensés, mais en hommes sages, rachetant le moment opportun, car les temps sont mauvais. Ainsi donc ne devenez point inintelligents, mais tâchez de comprendre quelle est la volonté du Seigneur. Et ne vous enivrez pas de vin, ce qui serait de l'intempérance, mais soyez remplis de l'esprit, vous entretenant ensemble par des psaumes et des hymnes et des cantiques spirituels, chantant et psalmodiant au Seigneur dans votre cœur, rendant grâces sans cesse et pour toutes choses à Dieu le père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, vous subordonnant les uns aux autres dans la crainte de Christ.

V, 15-21. Vivre exemplairement (litt.: exactement), cette phrase rappelle l'idée d'une règle qui a été donnée effectivement plus haut et à plusieurs reprises. La règle étant censée bonne et salutaire, celui qui la suit est sage et prudent; il s'appliquera même à la connaître de mieux en mieux et à se laisser guider par la volonté de Dieu. Plus particulièrement il aura l'œil ouvert sur les occasions de s'acquitter de ses devoirs, qui pourraient s'offrir à lui; il les saisira avec empressement, ne les laissera pas échapper (il les rachètera, comme à prix d'argent), d'autant plus que les temps sont mauvais, et les obstacles qui entravent le chemin du chrétien plus nombreux et plus grands.

Avec le v. 18, l'apôtre revient aux recommandations spéciales. Et d'abord il parle de l'ivrognerie et lui oppose, au moyen d'une métaphore familière à plus d'une langue, les saints transports provoqués par une ample effusion de l'esprit de Dieu. Il signale trois effets de cette dernière: 1° le chant religieux proprement dit, servant à l'édification mutuelle; 2° la musique sacrée, dans un sens figuré, c'est-à-dire ces accords qui retentissent au fond du cœur et portent l'âme vers Dieu; 3° la prière dictée par un sentiment intime de gratitude.

La dernière ligne, quoique étroitement liée par la construction à ce qui précède, appartient déjà à une nouvelle série d'idées, qui se continue jusqu'à chap. VI, 9. Il s'agira là de la soumission mutuelle qui doit caractériser les chrétiens, soit de la subordination, au sens propre, de certaines classes de personnes à certaines autres, soit des devoirs correspondants de ces dernières.

22 Vous, femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur. Car le mari est le chef de la femme, comme Christ aussi est le chef de l'Église, lui, le sauveur du corps. Or, de même que l'Église est soumise à Christ, de même aussi les femmes doivent l'être à leurs maris en toutes choses.

25 Vous, maris, aimez vos femmes, comme Christ aussi a aimé l'Église et s'est livré pour elle, afin de la sanctifier par sa parole après l'avoir purifiée par le bain de Peau, afin de la faire paraître devant lui, cette Église, brillante, exempte de taches et de rides et de choses semblables, mais de manière qu'elle fût sainte et sans défaut. De même, les maris aussi doivent aimer leurs femmes qui sont comme leurs corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même; car jamais personne n'a haï sa propre chair; au contraire, il la nourrit et la soigne comme Christ fait à l'égard de l'Église, puisque nous sommes les membres de son corps.

31 C'est pour cela que l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme et les deux seront une seule chair. C'est là un grand mystère; moi je l'interprète de Christ et de l'Église. Seulement quant à vous aussi, chacun individuellement doit aimer sa femme comme il s'aime lui-même, et la femme doit respecter son mari.

V, 22-33. Nous venons de dire que l'apôtre veut parler plus spécialement des devoirs particuliers à certains rapports sociaux, dans lesquels il s'agira d'un côté d'une subordination, sans que de l'autre il y ait absence d'obligations correspondantes. Les rapports de ce genre signalés ici sont au nombre de trois: celui des époux entre eux, celui des parents et des enfants, enfin celui des maîtres et des esclaves.

Pour bien apprécier une recommandation comme celle qui est faite ici aux époux, et qui nous paraît presque superflue, il faut se reporter à l'époque où vivaient les apôtres. L'antiquité en général, et l'orient plus particulièrement, assignaient à la femme une place secondaire dans la famille, et n'en faisaient guère que la première servante du maître de la maison. La prédication évangélique, en plaçant la question religieuse sur un terrain indépendant des conditions sociales (Gal. III, 28), devait nécessairement amener un changement notable dans les relations de famille et faire pénétrer l'idée de l'égalité là où les habitudes et même les lois avaient consacré le despotisme le moins contesté et quelquefois le plus brutal. Aussi voyons-nous que c'est là l'une des principales causes des grands progrès de la civilisation chez les nations chrétiennes. Cependant, tout en proclamant cette égalité des sexes au point de vue religieux, des penseurs comme Paul ne pouvaient pas méconnaître que chacun d'eux avait reçu du créateur sa tâche ou sphère spéciale dans la famille, et il n'était pas question de renverser cet ordre de la nature par une espèce d'émancipation révolutionnaire. Or, on sait assez par des expériences nombreuses et journalières, que les hommes ne sont que trop facilement portés d'un extrême à l'autre; on ne sera donc pas surpris de voir dans l'Église primitive certaines velléités d'indépendance démesurée chez des femmes qui ne savaient pas immédiatement se tracer la vraie ligne de leur devoir, après avoir compris que l'ancienne règle devait être censée abolie. Paul, à plusieurs reprises (1 Cor. XI, 2 ss. ; XIV, 34. Comp. 1 Tim. II, 12 ss., etc.), est amené à parler de ces choses de manière à nous laisser entrevoir les embarras ou les écarts qui naissaient d'un malentendu volontaire ou involontaire. cela nous explique comment à côté de l’amour prêché aux maris, il est aussi question de la soumission recommandée aux femmes.

Du reste, l'apôtre ne s'arrête pas à des points spéciaux relativement à ces deux devoirs. Nous relèverons cependant ce fait que, malgré la diversité des notions, des termes, ou des rapports (amour d'un côté, soumission de l'autre), malgré un partage qui, ce semblerait, ne connaît ou ne reconnaît chez la femme que le respect et non l'amour, l'exposé de l'auteur aboutit pourtant à l'idée de l'union parfaite, de l'unité [une chair, un être collectif ou complexe), et partant à la réciprocité du devoir. Seulement cet exposé est dominé par l'image de la tête (chef) et du corps, le mari étant constamment regardé comme le supérieur dans Tordre domestique, comme la tête l'est dans l'organisme; voilà pourquoi l'idée de réciprocité ne prévaut pas sur celles qui dérivent de l'inégalité de position. Quand il est dit (v. 28) que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs corps, cela ne veut pas dire: comme un homme aime son propre corps, mais: comme cela est naturel au point de vue d'après lequel la femme est une partie intégrante du mari. C'est la femme qui est le corps du mari, comme le mari est le chef de la femme. Et c'est pour cela et dans ce même sens que l'auteur transcrit le passage de la Genèse que nous avons souligné, et qui doit constater cette unité personnelle du couple. La phrase: personne n’a jamais haï sa chair, en substituant le mot chair au terme de corps, fait voir clairement que l'auteur met en parallèle le lien conjugal qui unit le mari et la femme (tête et corps) avec le lien naturel qui constitue la personne humaine (âme et chair). L'une et l'autre expression revient à dire: une partie de soi-même. Enfin, quand il est dit que la femme doit être soumise à son mari comme au Seigneur, cette formule (comp. chap. VI, 5) met le devoir domestique sous la sanction religieuse, et ne fait que reproduire l'idée de la phrase précédente.

Ce qui fait paraître cette exposition moins simple qu'elle ne l’est en réalité, c'est que l'apôtre y mêle constamment une autre série d'idées, qui servent à la fois à préciser sa pensée et à rattacher son précepte à une conception religieuse et même mystique. Ou plutôt, à y regarder de près, il y a là encore deux idées distinctes au fond et qu'il conviendra de séparer pour mieux les comprendre.

D'abord le devoir des maris est fondé sur l'exemple de Christ. Christ est le chef de l'Église, comme le mari est le chef de la femme. Personne ne contestera cette supériorité de Christ; l'Église lui doit soumission et respect. Néanmoins Christ aime l'Église, il l'a aimée au point de se livrer pour elle à la mort. L'Église est le corps de Christ (les copistes ont ajouté: de sa chair et de ses os); Christ est le Sauveur de ce corps. Ce terme de Sauveur est peut-être pris ici dans un sens plus large que d'ordinaire, parce que pour rendre le parallélisme plus complet, il doit aussi pouvoir s'appliquer au mari. Or, d'après l'étymologie, le mot grec signifie celui qui rend quelqu'un sain et sauf, qui lui assure la vie et lui procure la santé et le bien-être. Il est évident que cette définition s'appliquera à Christ ou au mari, selon que le sens des termes est nuancé diversement.

En second lieu, l'apôtre saisit cette occasion pour revenir à une allégorie déjà indiquée ailleurs (2 Cor. XI, 2), et qui se présentait ici par une association très naturelle des idées, mais sans appartenir à la sphère de la prédication morale qui fait le fond de ce morceau. C'est la comparaison du rapport de Christ et de l'Église avec celui qui existe entre l'époux et l'épouse, ou, si l’on veut, entre le fiancé et la fiancée. Cette allégorie est plus ancienne (Matth. XXV, 1. Jean III, 29) et revient aussi ailleurs dans le Nouveau Testament (Apoc. XIX, 7 ss). Elle se reproduit deux fois dans ce morceau: 1° au v. 32, où, après avoir cité les paroles de la Genèse, l'apôtre les nomme un mystère, c'est-à-dire un texte ayant un sens plus profond que celui auquel on songe d'abord. Il y voit donc une révélation évangélique placée à l'entrée même de l'histoire des hommes et établissant le rapport conjugal entre Christ et l'Église. Et cette interprétation qu'il donne comme la sienne, est à ses yeux si bien la chose essentielle, qu'il croit devoir ajouter: cela n'empêche pas que le devoir du mari d'aimer sa femme subsiste, bien que le texte sacré doive être interprété d'après ce sens plus profond; 2° aux v. 26, 27, où l'Église est représentée comme la fiancée de Christ. Car une fiancée se baigne, se pare, se purifie, pour paraître dignement devant son époux au grand jour de la fête nuptiale. Ainsi Christ lui-même a purifié l'Église par le baptême, il la sanctifie de plus en plus par sa parole, à l'effet de faire disparaître tout ce qui pourrait la défigurer.

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