Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPHÉSIENS

Chapitre 3

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1 C'est pour cela que moi, Paul, prisonnier de Jésus-Christ pour vous, païens puisque vous savez la charge que la grâce de Dieu m'a conférée auprès de vous, et comment le mystère est venu à ma connaissance par une révélation, comme je viens de l'exposer en peu de mots, d'après quoi vous pouvez, en le lisant, apprécier mon intelligence du mystère de Christ.

5 II n'a point été connu des mortels dans les autres âges, tel qu'il a été révélé maintenant par l'esprit à ses saints apôtres et prophètes: savoir que les païens sont cohéritiers, et membres du même corps, et qu'ils participent à la promesse en Jésus-Christ, en vertu de l'Évangile dont je suis devenu le ministre selon le don de la grâce de Dieu qui m'a été conféré par sa puissante intervention.

8 Oui, à moi, le moindre de tous les fidèles, cette grâce a été donnée, d'annoncer parmi les païens la richesse incommensurable de Christ, et d'éclairer tout le monde sur ce que c'est que cette dispensation dont le mystère était caché depuis l'éternité en Dieu, le créateur de toutes choses, pour que maintenant enfin les puissances et les pouvoirs dans les régions célestes apprissent à connaître, au moyen de l'Église, la sagesse infinie de Dieu, dans ce décret éternel relatif à notre Seigneur Jésus-Christ, en qui nous avons le libre accès auprès de lui, en toute confiance, par la foi en sa personne.

III, 1-12. La thèse fondamentale de la vocation des païens et du grand but humanitaire de l'Évangile, qui doit faire disparaître les anciennes distinctions et inimitiés nationales, rappelle tout naturellement à l'apôtre la part qu'il a prise lui-même à la revendication de ce principe. C'est à la fois avec un juste orgueil et avec une profonde humilité, qui attribue à Dieu seul la gloire d'une telle tâche, qu'il vient à parler de son ministère, dont il a été chargé dès l'abord par la grâce de Dieu, avec la mission expresse et spéciale d'être l'interprète officiel d'une vérité inconnue précédemment, mais tout aussi éternelle que le décret de Dieu de sauver les hommes par Christ. Le morceau que nous avons devant nous n'est qu'une amplification de cette idée bien simple: Cette vérité (relative à la part que Dieu a voulu faire aux païens dans la dispensation de sa grâce), cette vérité que je viens de vous exposer en peu de mots, c'est moi qui ai été spécialement chargé de la porter à la connaissance du monde, et c'est pour m'être acquitté fidèlement de cette mission, que je suis aujourd'hui en prison.

Pour la forme, surtout si l'on prend les traductions ordinaires, ce morceau est encore très peu transparent. Quelques explications, en petit nombre, suffiront pour faire disparaître toute obscurité. D'abord on voit que la première phrase n'est pas achevée; une pensée incidente, introduite par forme de parenthèse, fait perdre à l'écrivain le fil de son discours. On a fait différents essais pour le relever; on a tour à tour proposé d'étendre la parenthèse jusqu'au 13e ou 14e verset ou jusqu'au premier du chapitre suivant, qui paraissaient s'adapter à la phrase non achevée ici; on a même changé le texte défectueux. Tout cela est inutile. L'apôtre voulait simplement écrire: Moi, Paul, j'ai reçu la charge de vous annoncer cette vérité, en conséquence, je m'adresse à vous en ce moment, etc. En intercalant cette pensée: c'est pour m'être acquitté de ma mission que je porte des fers, et c'est pour vous que je les porte, c'est mon dévouement à votre bien qui me les a valus — la phrase s'est trouvée coupée et ce qui devait en former le fond a fini par être ajouté au moyen d'un puisque.

Quant au corps même de tout ce morceau, il n'offre absolument rien qui puisse arrêter le lecteur dès qu'on se rappelle le sens spécial que Paul attache au mot mystère. En théorie, c'est toute vérité divine non connue des hommes, mais, de fait, il n'en est question que par suite et en vue de la révélation qui intervient par la volonté expresse de Dieu; ainsi on peut dire que le mystère, dans le sens paulinien, peut se définir: une vérité nouvellement révélée; et soit l'Évangile dans son ensemble, soit tel élément essentiel qui en fait partie, sera un mystère dans ce sens. Ici il s'agit précisément d'un élément particulier, savoir de la vocation des gentils, que les âges précédents (les Israélites qui s'attribuaient les promesses de Dieu d'une manière exclusive) ne connaissaient point, n'entrevoyaient pas même. Ce fait de la vocation des païens est appelé le mystère de Christ, parce qu'il s'accomplit par l'intervention de celui-ci (chap. II, 11 ss.), si bien que sans son avènement et sa mort il n'aurait jamais eu lieu; il est appelé la richesse incommensurable de Christ, parce que le bienfait du salut, proposé et rendu accessible à l'humanité tout entière, est incomparablement plus grand que tout ce qui a pu être promis et accordé autrefois à un petit peuple privilégié; et cette appréciation se justifiera, soit qu'on envisage l'étendue du cercle d'action de la grâce de Dieu, soit qu'on ait égard à la valeur intrinsèque des biens qui en sont l'objet. Plus loin, ce même fait est caractérisé comme une preuve positive et palpable de la sagesse infinie de Dieu (litt.: d'une sagesse, qui n'est jamais courte de moyens), et cela s'explique quand on songe que l'humanité semblait perdue à jamais, morte et condamnée, selon le cours naturel des choses et les nécessités morales de la justice éternelle, si Dieu n'avait pas tenu en réserve une dispensation qu'aucune sagesse humaine n'entrevoyait, pour sauver ceux qui désespéraient de leur salut, et ceux qui peut-être ignoraient encore qu'ils s'étaient trompés de chemin (1 Cor. 1,24 ss. Rom. XI, 33, etc.). Enfin l'auteur relève, clans la notion du mystère, l'élément de l'absoluité: les puissances célestes mêmes, les anges, en savaient tout aussi peu que les mortels, et ne le connurent, c'est-à-dire ne se trouvèrent instruits des desseins de Dieu, que par leur accomplissement, par le fait même de la fondation de l’Eglise, c'est en contemplant du haut du ciel ce qui se réalisait sur la terre (1 Pierre I, 12), que les êtres supérieurs furent édifiés au sujet d'un plan providentiel qui les embrassait eux aussi (chap. I, 10).

Ces quelques lignes suffiront pleinement pour rendre sa simplicité au discours de l'apôtre, et pour faire voir qu'il n'y a là rien qui ne rentre dans le cadre bien connu de ses conceptions et de son enseignement. Nous n'aurons pas besoin de nous excuser pour avoir traduit le mot grec d'économie de deux manières différentes. En effet, la première fois (v. 2), l'auteur parle de son économat, de sa charge d'économe, de dispensateur des mystères de Dieu (1 Cor. IV, 1), d'organe de la révélation relative à la vocation des gentils. La seconde fois (v. 9), où les éditions anciennes y ont substitué une très mauvaise leçon, provenant sans doute de ce que les copistes ont cru devoir éviter la double signification du même mot, il est question, objectivement, de ce mystère lui-même ou plutôt de l'ordre de choses aujourd'hui établi par Dieu, mais inconnu autrefois, de la nouvelle constitution de l'humanité sous - Christ, son chef, en un mot, de Y économie proprement dite, c'est-à-dire de la règle de la maison de Dieu. (Sur le v. 5, relatif à la révélation faite aux saints apôtres et prophètes, nous renvoyons les lecteurs à la fin de notre introduction.)

13 Je vous prie donc de ne point perdre courage à cause des tribulations que j'endure pour votre bien: elles sont plutôt pour vous un sujet de gloire. C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père, d'après lequel se nomment toutes les familles dans les cieux et sur la terre, afin qu'il vous accorde, selon sa glorieuse richesse, d'être puissamment fortifiés par son esprit, quant à votre homme intérieur; qu'il fasse demeurer Christ dans vos cœurs par la foi, afin qu'étant enracinés et fondés dans l'amour, vous deveniez capables de comprendre, avec tous les fidèles, quelle est la largeur et la longueur et la profondeur et la hauteur, je veux dire, de reconnaître l'amour de Christ; qui dépasse toute compréhension, afin d'arriver à être remplis de toute la plénitude de Dieu.

III, 13-19. Nous arrivons à ce qu'on peut appeler l'application pratique des principes formulés plus haut, et l'épître, d'après la conception primitive de l'auteur, tire à sa fin. Le passage que nous venons de traduire contient deux prières, qui devaient se présenter naturellement toutes les deux à l'esprit de l'apôtre. La première n'est formulée qu'en deux mots. Elle s'adresse aux lecteurs. En présence de la grandeur du bienfait qui vous est offert, dit-il, ce serait chose bien regrettable si, de votre côté, vous manquiez d'énergie et de courage, si, en particulier, ma position de prisonnier, au lieu d'exciter votre sympathique dévouement, devenait une cause de défaillance. La seconde prière est plus fervente, plus éloquente. Elle s'adresse à Dieu, de qui, après tout, doit venir aux hommes toute force spirituelle, toute conviction vivifiante. Dieu est le père commun de toutes ses créatures, spécialement des anges et des hommes; et comme les peuples de la terre se composent de familles nombreuses, dont chacune se nomme d'après un chef ou patriarche, ainsi toutes les familles d'êtres raisonnables se nomment d'après ce père unique et universel. L'objet de la prière est énoncé de plusieurs manières: 1° affermissement de l'homme intérieur par la communication de l'Esprit saint (2 Cor. IV, 16); 2° présence spirituelle et permanente de Christ dans les cœurs par la foi (passage qui, soit dit en passant, est bien propre à servir à une juste définition de la foi, laquelle évidemment ne consiste pas dans l'adhésion à n'importe quelles propositions théoriques, mais dans l'union personnelle avec Christ); 3° intelligence de l'amour infini que Christ a eu pour les hommes, de cet amour qui dépasse toute compréhension (Phil. IV, 7), quelque peine que la raison se donne pour en mesurer les dimensions — forme allégorique de la pensée pour rendre plus sensible l'idée abstraite de l'étendue; 4° perfection de la vie chrétienne, laquelle dépend toujours du degré auquel l'homme se pénètre (se remplit) de l'élément divin, en d'autres termes, du degré d'intimité de son union personnelle avec Dieu en Christ. Toutes ces choses, l'apôtre les demande à Dieu pour ses lecteurs; Dieu peut et veut les donner selon sa glorieuse richesse (comp. v. 8), c'est-à-dire, sa grâce inépuisable et jamais assez glorifiée. Du côté de l'homme, le progrès de l'intelligence dépend de ce qu'il ait sa racine et son fondement dans l'amour (de Christ et des frères), car il n'y a que celui qui fait la volonté du Père, qui en comprendra aussi l'origine, la valeur et la portée (Jean VII, 16). La science de Dieu et de ses desseins est chose si inépuisable, que si l'on voulait réserver l'amour pour le jour où on la posséderait complètement, on n'y arriverait jamais. L'expérience intérieure, la connaissance acquise par la voie du cœur, c'est la meilleure méthode, le plus sûr chemin pour arriver à étendre aussi l'horizon de l'intelligence qui sera toujours limité (1 Cor. XIII, 9).

20 Mais à celui qui peut nous donner surabondamment et au-delà de tout ce que nous demandons et comprenons, selon sa puissance qui agit en nous, à lui soit gloire dans l'Église en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles! Amen.

III, 20-21. On peut regarder cette doxologie soit comme la fin de l'épître (comp. Rom. XVI, 25), en tant que l'apôtre, au moment où il écrivait ces lignes, aurait eu l'intention de s'arrêter là; soit comme une formule de clôture de la prière qui précède immédiatement. C'est en tout cas cette dernière qui a amené la péroraison. L'apôtre a demandé beaucoup à Dieu pour ceux qui lui tiennent à cœur, mais il sait que Dieu peut toujours donner plus encore qu'on ne lui demande, parce que, d'un côté, d'homme ne sait pas même tout ce qui lui manquent ne demande pas assez, et que, de l'autre, les bienfaits de Dieu dépassent en richesse tout ce que l'esprit de l'homme peut concevoir. Or, ces bienfaits reviennent aux croyants, à ceux qui constituent l'Église fondée en Jésus-Christ et animée de son esprit: c'est donc à celle-ci qu'il appartient de glorifier le dispensateur suprême de la grâce, aujourd'hui et toujours.

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