Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPHÉSIENS

Chapitre 2

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1 Vous aussi, vous étiez morts par vos transgressions et vos péchés, dans lesquels vous viviez autrefois en suivant le train de ce monde, le prince de la puissance de l'air, l'esprit qui agit aujourd'hui dans les hommes rebelles, au nombre desquels nous tous nous vivions autrefois, selon les convoitises de notre chair, accomplissant les désirs des pensées charnelles, et nous étions naturellement des enfants de la colère comme les autres

4 Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, en vertu du grand amour dont il nous aimait, et bien que nous fussions morts pour nos transgressions, nous a fait revivre avec Christ (c'est par grâce que vous êtes sauvés!) et nous a ressuscités, et nous a assigné une place dans les cieux, avec et en Jésus-Christ, afin de montrer aux âges à venir la richesse extraordinaire de sa grâce, par la bonté qu'il a eue pour nous en Jésus-Christ. 8 Car c'est par sa grâce que vous êtes sauvés, au moyen de la foi; et cela n'est pas votre fait, mais un don de Dieu; ce n'est pas l'effet de vos œuvres, pour que personne ne s'en glorifie. Car c'est son ouvrage à lui que nous sommes, créés en Jésus-Christ à la condition qu'il en résulte de bonnes œuvres, pour la pratique desquelles Dieu nous a préparés d'avance.

II, 1-10. Le premier chapitre étant considéré comme une espèce de préambule, on peut dire que dans ce morceau l'apôtre entre proprement en matière: au point de vue théorique, en abordant la thèse fondamentale de sa théologie, savoir que le salut est gratuit, et le même pour tous, sans distinction d'origine; au point de vue pratique, en faisant l'application de cette thèse à ses lecteurs, autrefois païens, et profitant ainsi plus particulièrement de la nouvelle dispensation de Dieu. L'épître aux Colossiens n'offre guère de partie parallèle à ce chapitre; ce n'est que très superficiellement que l'auteur y effleure (chap. I, 21-23; II, 11-14) les matières qu'il traite ici à fond.

La construction syntactique de ce morceau laisse encore à désirer. L'auteur voulait dire: Vous aussi, qui étiez morts.... Dieu vous a ressuscités en Christ, par sa grâce et sans le concours de vos œuvres. Mais amené immédiatement à généraliser son idée et à rappeler l'universalité du péché, et par suite l'universalité du besoin de l'intervention de la grâce, il perd le fil de sa phrase et le reprend, avec un changement dans le sujet, au v. 5, ce que nous avons cru devoir marquer par quelques points, en nous permettant en même temps de scinder une phrase interminable.

Du reste, le sens est parfaitement clair. La mort dont il est question, peut être aussi la mort physique (voy. Rom. V, 12), mais il est impossible d'exclure ici l'idée de la mort spirituelle, c'est-à-dire de cet état moral de l'homme qui emporte la condamnation (Rom. VII, 8). C'est à cette dernière notion que Paul s'arrête partout de préférence, parce qu'elle est de beaucoup plus importante que l'autre, et la suite du texte s'expliquera bien mieux dans cette supposition.

La vie du pécheur est considérée comme dominée par une puissance pernicieuse et opposée à celle de Dieu. Cette puissance, au point de vue abstrait, est le monde, l'esprit du monde ou du siècle, termes que nous employons encore dans le même sens, mais que l'auteur combine en cet endroit en disant littéralement: selon le siècle du monde. Au point de vue concret, c'est le diable, le mal personnifié, placé à la tête d'un empire qui soutient une guerre permanente avec celui de Dieu (chap. VI, 11 ss.). Comme tout empire, celui du diable est représenté comme localisé. Celui de Dieu est dans le ciel, celui du diable dans les régions aériennes (comme le pensait aussi la théologie judaïque); tous les deux se disputent la terre où leurs influences se croisent. Les deux points de vue que nous venons de signaler sont représentés tous les deux dans le texte.

Ce que l'apôtre dit ici à ses lecteurs, il ne le dit pas à titre de reproche individuel, car ce même reproche il se l'adresse à lui-même, en vue de son passé, ainsi qu'à tous les hommes. Nous tous nous marchions dans la voie de perdition, et par conséquent tous aussi nous étions des enfants de colère, c'est-à-dire, non seulement dignes de la colère de Dieu, mais de fait et réellement sous le coup de sa justice réprobatrice; en d'autres termes, nous n'avions pas seulement encouru le blâme de manière à devoir craindre la sévérité du juge, mais nous nous trouvions dès à présent dans la position du coupable sur lequel l'arrêt de condamnation est prononcé. Le mot naturellement (par nature), que l'auteur y ajoute, a donné lieu à une interprétation positivement étrangère à notre texte. Depuis Augustin, il est d'usage de voir ici le dogme de l'imputation du péché d'Adam, comme si l'apôtre avait voulu dire: par notre naissance même (avant d'avoir péché nous-mêmes), nous sommes condamnés à la mort éternelle. Quoi qu'en disent les théologiens, cette idée n'est exprimée nulle part chez notre auteur. Mais dans tout le morceau que nous avons devant nous (v. 1-3, v. 5), la mort est considérée comme la conséquence des péchés actuellement commis par les individus; il en est dit autant ailleurs, partout où le mot de colère est prononcé (Rom. I, 18; II, 8, 9, etc., et surtout très explicitement Rom. V, 12 et VII, 9). Le mot nature n'est pas nécessairement synonyme de naissance. On n'a qu'à voir Rom. II, 14. Il s'agit ici, comme aussi Gal. II, 15, d'une condition opposée à celle qui est établie par l'intervention de la grâce. Avant ce dernier événement, notre nature était d'être dominés par la chair et le diable, par conséquent d'être sujets à la colère de Dieu; le passage de l'épître aux Romains, cité en dernier lieu, parle hypothétiquement de ceux qui accompliraient la volonté de Dieu par la simple force morale inhérente à la nature humaine.

Le reste n'est que le corollaire évangélique des prémisses. À la colère, c'est-à-dire à la justice rigoureuse du juge, est opposé l'amour miséricordieux du père, qui tire les morts mêmes du tombeau pour les élever à une place que certes ils n'ont pas méritée. L'idée capitale, qu'un pareil effet ne saurait être que le produit de la grâce, se presse sous la plume de l'auteur, à tel point qu'il l'insère par anticipation sous forme de parenthèse, avant d'y être arrivé par le développement logique de sa pensée. Le fond des idées nous est suffisamment connu et nous avons expliqué ailleurs la nature et la portée de cette foi qui n'est mentionnée ici qu'en passant. On voit par notre traduction que nous donnons à ces formules, revivre, ressusciter avec Christ, le sens figuré réclamé par l'idée corrélative de la mort.

Il n'y a plus que la dernière phrase qui exige ici un peu d'attention, parce qu'elle est généralement mal traduite. L'apôtre veut dire que nous sommes aujourd'hui de nouvelles créatures, que notre nature est changée et avec elle notre perspective aussi. L'ancienne nature produisait des œuvres mauvaises, la nouvelle nous est donnée pour en produire de bonnes. (La préposition employée dans le texte marque toujours un rapport de condition.) Les bonnes œuvres sont donc le but de la nouvelle création, sans laquelle elles seraient impossibles. C'est pour nous faire marcher dans cette voie que Dieu nous a préparés, c'est-à-dire qu'il nous en donne les moyens et les forces par son esprit. En traduisant: pour les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour que nous y marchions, on dit une chose qui n'a pas de sens et on le fait parce qu'on ne voit pas que la construction est hébraïque.

11 Souvenez-vous donc qu'autrefois vous, les païens selon la chair, vous qui étiez appelés les non circoncis par ceux qui se disaient les circoncis, parce qu'ils Tétaient de main d'homme et dans la chair, vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, et étrangers aux alliances de la promesse, n'ayant ni espérance, ni Dieu dans le monde. Maintenant, au contraire, en Jésus-Christ, vous, qui autrefois étiez éloignés, vous vous êtes rapprochés au moyen du sang de Christ.

14 Car c'est lui qui est notre paix, lui qui a uni les deux partis, qui a fait disparaître le mur de séparation, l'inimitié, en anéantissant, par sa mort, la loi des ordonnances dans ses commandements, afin de former en lui-même des deux un seul nouvel homme, en établissant la paix, et afin de les réconcilier tous les deux, réunis en un seul corps, avec Dieu, au moyen de la croix, sur laquelle il fit mourir l'inimitié.

17 II est venu annoncer la paix, à vous qui étiez loin, et à ceux qui étaient proches, puisque c'est par lui que nous avons accès tous les deux auprès du père, dans un seul et même esprit. Ainsi donc vous n'êtes plus étrangers et intrus, mais vous êtes concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu, ayant été édifiés sur le fondement posé par les apôtres et les prophètes, et dont Jésus-Christ est la pierre angulaire, sur laquelle l'édifice entier, solidement construit, s'élève pour devenir un saint temple dans le Seigneur, et vous aussi, vous faites partie de cet édifice, pour servir de demeure à Dieu en esprit.

II, 11-22. Le salut gratuit par la foi en Christ étant posé comme la thèse fondamentale de l'Évangile, l'auteur a hâte de faire comprendre à ses lecteurs, autrefois païens, quels avantages découlent pour eux en particulier de ce nouveau principe religieux. Il leur fait jeter un coup d'œil rétrospectif sur leur position antérieure relativement à Dieu, pour leur faire mesurer la distance qu'ils ont franchie et qui est positivement plus grande qu'elle ne l'avait été pour les Juifs.

En effet, qu'étaient-ils autrefois? Ils étaient, pour le dire en un mot, les païens, les non-circoncis: voilà comme on les appelait, et nous savons de reste que c'était un terme de mépris et de répulsion absolue. Sans doute, ce terme n'avait cette portée qu'au point de vue du judaïsme, point de vue selon la chair, c'est-à-dire tel que l'apôtre ne l'adopte pas pour son compte, parce que pour lui la circoncision des Juifs aussi n'est qu'une opération selon la chair, et que la vraie circoncision, celle que lui aimait à appeler de ce nom (celle du cœur), n'était le fait ni des uns ni des autres. Cependant il est incontestable que les païens ne possédaient aucun des avantages attachés à l'ancienne alliance, avantages que les Juifs avaient du moins en partie, avec la perspective d'obtenir les autres. Ils étaient sans dieu et sans espérance: ces deux mots résument tout le reste.

Par la mort de Christ (v. 13, par son sang; v. 15, litt.: dans sa chair; v. 16, sur la croix; toutes ces phrases sont synonymes), une nouvelle alliance est fondée et cimentée, et le fait capital dans cette alliance, c'est qu'elle a abrogé ce qui autrefois tenait la majorité des hommes éloignés de la cité de Dieu, c'est-à-dire la loi. Cette loi était l'obstacle qui s'opposait à l'accès des gentils, et les deux portions de l'humanité se trouvaient par elle séparées en deux camps ennemis, comme par un mur mitoyen, une haie, litt.: une palissade infranchissable. La loi est appelée une loi des ordonnances, parce que son caractère spécifique était de consister en une infinité de règles qui, par leur nombre même, en rendaient l'accomplissement difficile et dans l'énumération desquelles s'épuisait la puissance divine qui les avait dictées, sans rien réserver de sa force pour aider les hommes dans la pratique.

Cette loi, Christ l'anéantit dans ses commandements, c'est-à-dire dans sa forme et teneur, dans la totalité de ses détails, en tant qu'ils n'étaient autre chose qu'une série de mots et de règles sans rapport intime avec la volonté de l'homme. Par le fait de l'abrogation de la loi, l'inimitié des deux portions du genre humain n'avait plus de raison d'être; elle mourut avec Christ sur la croix; les Juifs et les païens purent se rapprocher, et ce qui plus est, se réconcilier tous les deux, comme en ayant également besoin, avec Dieu leur père commun. Dès lors, l'humanité pouvait devenir une, mais en même temps nouvelle; car pour devenir une, il fallait qu'elle devînt, dans ses deux éléments, autre chose que ce qu'elle avait été jusque-là. (En nous servant du mot à 1 intrus, nous n'avons rendu que très imparfaitement le sens de l'original. L'auteur compare les païens à des hommes établis en pays étranger, où ils sont tolérés sans jouir des droits de citoyens.)

Pour couronner cet exposé par une péroraison digne du reste, l'auteur reproduit l'allégorie de l’édifice; mais il manque ici un peu de clarté. L'Église est un temple dans lequel réside l'esprit de Dieu, Christ en est le fondement; les apôtres et les prophètes (c'est-à-dire les orateurs évangéliques fonctionnant dans les diverses communautés, chap. III, 5; IV, 11, et qui sont nommés ici parce que l'épître s'adresse à des localités que Paul n'avait pas évangélisées toutes directement) ont posé ce fondement en prêchant Christ. Le temple est encore en construction, le travail se continue et les nouveaux croyants y sont à leur tour joints comme matériaux. (Comp. 1 Cor. III, 10 ss.)

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