Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ÉPHÉSIENS

Chapitre 1

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Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Jésus-Christ [qui sont à Éphèse]: que la grâce et la paix soient sur vous de la part de Dieu, notre père, et de notre Seigneur Jésus-Christ.

I, 1, 2. La formule de salutation n'offre rien de particulier; elle est l'une des plus simples dans ces épîtres et présente le plus d'analogie avec celle adressée aux Colossiens, d'après le texte vulgaire. Relativement à la variante concernant le nom d'Éphèse, nous renvoyons le lecteur à notre introduction.

3 Béni soit Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis en Christ dans les cieux, de toutes sortes de bénédictions spirituelles, en tant qu'il nous a élus en lui, avant la création du monde, pour que nous fussions saints et irréprochables devant lui, et qu'il nous a prédestinés par amour à devenir ses enfants par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la gloire et louange de sa grâce, dont il nous a gratifiés dans son bien-aimé.

7 C'est en lui que nous avons la rédemption, par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce, qu'il a fait abonder sur nous en toute sagesse et intelligence, en nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon son bon plaisir, qu'il s'était proposé en lui-même pour la dispensation de l'accomplissement des temps: savoir de tout réunir en Christ, comme sous un seul chef, tant ce qui est au ciel que ce qui est sur la terre; en Christ, dans lequel nous avons aussi été incorporés au peuple de Dieu, pour y avoir été prédestinés selon la détermination de celui qui opère toutes choses selon sa libre volonté, afin que nous servions à la louange de sa gloire après avoir d'abord espéré en Christ. 13 Vous aussi, après avoir entendu la parole de vérité, l'évangile de votre salut, vous avez cru en lui et avez été scellés du saint esprit, qui vous était promis, lequel est un gage de notre héritage, pour la rédemption de ceux qui appartiennent à Dieu et pour la louange de sa gloire.

I, 3-14. Tout le premier chapitre de cette épître (v. 3-23) ne se compose, quant à sa forme syntactique, que de deux phrases, que nous avons cherché à traduire aussi lucidement que possible, sans en trop altérer la construction, tout en nous permettant deux ou trois coupes indispensables. On est assez accoutumé à voir débuter l'apôtre Paul par des morceaux d'une rhétorique un peu embarrassée, mais qui ne tarde pas à faire place à un style plus simple et plus naturel; mais nulle part les parenthèses, les phrases incidentes, les participes et les relatifs ne sont accumulés autant qu'ici. Il convient donc de demander à l'analyse ce que la traduction littérale ne peut pas donner à elle seule au lecteur.

L'idée par laquelle Fauteur commence est encore une action de grâces adressée à Dieu au sujet de l'Évangile; mais cette fois il prend cette idée de plus haut que d'ordinaire et il entre dans des considérations générales sur les plans et décrets de Dieu, à l'égard de l'humanité. Ce n'est que tout à la fin (v. 13), qu'il applique ces vérités générales à ses lecteurs d'aujourd'hui.

La révélation évangélique est, de prime abord, caractérisée au point de vue des biens qu'elle offre à l'humanité. Elle est donc appelée une bénédiction, et cette bénédiction est 1° spirituelle, soit à cause de la nature des choses qu'elle donne, soit eu égard à l'organe auquel elle s'adresse. En tout cas elle constitue un privilège pour quelques-uns, tandis que les biens matériels sont accordés abondamment par la providence à toutes les créatures. Car 2° elle est donnée en Christ, c'est-à-dire à ceux-là seuls qui s'attachent et s'unissent à Christ, et uniquement par l'entremise et l'intervention de celui-ci; enfin 3° elle nous est donnée dans les cieux, soit que Paul veuille simplement dire que Dieu, qui demeure au ciel, en est l'auteur, soit qu'il faille entendre qu'elle nous appelle au ciel et qu'elle y sera un jour accomplie et parfaite. Cette dernière idée se retrouve au chap. II, 6; comp. Col. III, 3.

Ce qui suit peut être regardé comme l'exposé sommaire de l'Évangile, considéré sous les deux points de vue de son origine (la libre volonté de Dieu) et de son résultat (le salut de l'homme).

Dieu nous a bénis 1° en tant qu'il nous a élus et prédestinés selon le bon plaisir de sa volonté (v. 4, 5, 11). L'apôtre accumule les expressions qui établissent la liberté absolue de la volonté de Dieu, et qui peuvent faire ressortir l'absence complète de tout mérite, de toute intervention de la part de l'homme dans l'œuvre du salut. Le passage que nous avons devant nous est l'un des plus formels, des plus explicites à cet égard, et a été regardé de tout temps comme un texte à consulter de préférence au sujet du dogme de la prédestination. Nous sommes loin de vouloir amoindrir sa portée ou de méconnaître la légitimité logique des thèses que la théologie en a dérivées. Nous ferons cependant observer que l'apôtre n'a pas en vue ici le côté de la question auquel nous avons l'habitude de songer d'abord quand nous entendons prononcer le mot de prédestination. Il se préoccupe moins de l'application individuelle du décret de Dieu (si bien qu'il ne mentionne pas même ceux qui ne sont pas l'objet de la grâce), que de la théorie en elle-même. Il veut justifier ou motiver le sentiment de reconnaissance qu'il exprime, et qui doit animer tous ceux qui se trouvent dans ce rapport salutaire avec Dieu, en tant qu'ils savent que c'est uniquement à sa grâce prévenante et non à leurs efforts personnels qu'ils doivent les biens dont ils jouissent déjà ou qu'ils osent espérer encore.

Le mobile de Dieu, de la libre volonté duquel dépend le salut de l'humanité pécheresse, c'est son amour pour nous; celte assertion est naturellement amenée par le contexte et justifiée par de nombreux passages parallèles (v. 6. 7; chap. II, 4 suiv., etc.), mais elle est très mal à propos effacée par la ponctuation usitée dans le texte imprimé, et par la coupe vulgaire des versets. D'après celle-ci, il s'agirait de la charité chrétienne comme d'une qualité demandée à nous-mêmes. Cet amour de Dieu ne date pas d'une époque plus ou moins récente; le dessein salutaire était formé dans la pensée de Dieu dès avant la création du monde; mais il était resté un mystère pour les générations précédentes, parce que Dieu réservait sa dispensation, la mise en œuvre, l'inauguration d'un nouvel ordre de choses, ce qu'on peut appeler la nouvelle constitution de sa maison (économie), à l'accomplissement des temps, c'est-à-dire à une époque déterminée de l'histoire, qu'il avait choisie d'avance.

Il a déjà été dit, mais l'auteur le répète jusqu'à quatre fois, que cette élection est faite en Christ, comme celle d'Israël avait été faite en Abraham. Christ est son fils bien-aimé, désignation destinée à faire pressentir notre propre rapport avec Dieu; Christ nous rend individuellement participants à la grâce de Dieu, puisque nous ne l'obtenons qu'autant que nous sommes en lui. Plus particulièrement il est fait mention du sang de Christ, c'est-à-dire de sa mort rédemptrice, cause prochaine de l'application de la grâce du Père, aux hommes qui en doivent profiter.

Dieu nous a bénis 2° en nous accordant une série de biens qui sont énumérés en différents endroits du texte, sans que l'auteur s'astreigne à un ordre déterminé par la nature des choses. Ainsi il est dit que Dieu nous fit connaître ce mystère et nous révéla son dessein éternel; que cette révélation nous procura la vraie sagesse et intelligence, puisqu'il n'y a pas de science plus haute et plus désirable que celle des volontés de Dieu; que par Christ nous eûmes la rédemption, notion qui ailleurs est appliquée à l'affranchissement du joug de la loi et de la puissance du péché, mais qui ici est identifiée avec la rémission des péchés, c'est-à-dire circonscrite dans la sphère de la coulpe antérieurement contractée. Puis, comme conséquence naturelle de ces prémisses, l’auteur insiste sur ce que l’union avec Christ doit aussi se manifester dans la vie pratique, en ce que nous devons être saints et irréprochables, car c'est là le dernier but de Dieu, qui reste toujours notre juge et qui, comme tel, et pour que nous ne soyons pas perdus, veut que nous paraissions devant Mi, avec ces qualités que nous obtenons précisément par sa grâce. Dans cette nouvelle condition nous sommes devenus ses enfants, dans un sens plus intime, et par une espèce d'adoption; nous sommes incorporés au peuple de Dieu (littéralement: nous sommes compris dans la propriété de Dieu, d'après une métaphore très usitée dans l'Ancien Testament, où Israël est désigné ainsi), auquel nous (l'auteur a en vue des lecteurs d'origine païenne), nous n'appartenions pas par notre naissance. (Une variante dit simplement: nous avons été appelés.) Enfin, l'apôtre ouvre à ses lecteurs la perspective d'un état idéal, où tous les êtres saints, les anges au ciel, et les hommes sanctifiés sur la terre, seront unis en Christ comme sous un chef commun, et ne formeront plus qu'une seule et grande famille de Dieu (Col. I, 20). Cette idée de la famille de Dieu, comprenant non seulement les nations ailleurs divisées, Juifs et païens, mais encore les créatures célestes, était précisément le mystère à révéler à la génération présente.

Tous ces faits, tant ceux qui sont déjà accomplis que ceux qui sont destinés à se réaliser dans l'avenir, doivent nécessairement tourner à la gloire de Dieu, puisque lui seul en est l'auteur et la cause, à l'exclusion de toute participation active des hommes. Aussi l'apôtre revient-il plusieurs fois à proclamer cette vérité, pour qu'il ne soit rien enlevé aux louanges qui reviennent à Dieu.

Avec le 13e verset, l'auteur passe à ses lecteurs, mais sans sortir de sa construction. Cette dernière est cependant obscure, en ce sens qu'il rattache ses phrases l'une à l'autre, et à deux reprises, au moyen du relatif en qui, que nous avons dû faire disparaître de notre traduction pour la rendre intelligible. Car ce relatif peut être expliqué de deux manières différentes. Notre traduction fait dire à l'apôtre tout simplement: en qui (en Christ) vous aussi vous avez cru, de manière que la répétition du relatif est censée avoir été amenée par l'intercalation d'une phrase incidente. Mais on pourrait aussi traduire: en qui vous aussi vous êtes (sauvés, unis, sanctifiés, etc.) depuis que vous avez entendu l'Évangile auquel vous avez cru... Pour ce qui est dit du sceau et du gage (des arrhes) de l'Esprit saint, nous prions le lecteur de relire la note sur 2 Cor. I, 22. La dernière phrase aussi n'est pas absolument élevée au-dessus de tout doute, quant à son sens propre. Le texte dit littéralement: pour la rédemption de l’acquisition; si ce dernier mot est pris dans le sens abstrait, ce serait une rédemption caractérisée comme ayant la vertu d’acquérir, c'est-à-dire de revendiquer, de libérer, ou une rédemption qui mène à une possession, à la félicité (comp. 1 Thess. V, 9. 2 Thess. II, 14). Nous avons préféré le sens concret, en disant la rédemption de ceux qui sont acquis, libérés, devenus par droit de rachat la propriété de celui qui les a rachetés.

15 C'est pourquoi moi aussi, ayant appris votre foi au Seigneur Jésus et votre amour pour tous les fidèles, je ne cesse de rendre grâces pour vous, en faisant mention de vous dans mes prières, pour que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, afin de le connaître, et qu'il éclaire les yeux de votre cœur, afin que vous sachiez quelle espérance s'attache à sa vocation, quelle est la glorieuse richesse de l'héritage qu'il offre aux saints, et quelle est l'infinie grandeur de la puissance qu'il exerce en nous, les croyants, en faisant agir la vertu de sa force.

20 Cette même puissance, il l'a aussi fait agir en Christ, en le ressuscitant des morts; en le faisant asseoir à sa droite aux cieux, au-dessus de toute autorité, pouvoir, puissance et dignité, ou de quelque titre qui pourrait être nommé, non seulement dans ce monde, mais aussi dans l'autre; en mettant toutes choses sous ses pieds et en le donnant comme chef suprême à l'Église, laquelle est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.

I, 15-23. Nous disions que le préambule théologique général est amené, à partir du v. 13, sur le terrain de l'actualité. L'apôtre remercie Dieu de ce que sa grâce a fait pour les membres de l'église à laquelle il s'adresse en ce moment, et à cette occasion il remonte le cours de ses idées et revient encore une fois à décrire la puissance et la gloire de celui qui est l'auteur du salut, et de Christ qui en a été le promoteur, comme tout à l'heure il était descendu, de ces faits plus abstraits et plus généraux, jusqu'aux individus qu'il a devant lui.

Mais la prière d'actions de grâces est aussi une prière de requête, puisque le chrétien ne peut jamais s'estimer parfait, et qu'il sent qu'il lui reste toujours beaucoup à faire et à apprendre, et que pour cela il a besoin du secours de Dieu. Celui-ci doit donc donner aux siens en général, et aux lecteurs présents en particulier, d'abord un esprit de sagesse et de révélation, c'est-à-dire l'intelligence des desseins de Dieu qui n'ont pu être connus que par une manifestation spéciale d'en haut, et qui constituent la vraie sagesse ou philosophie nécessaire à l'homme; ensuite des yeux éclairés (au figuré) pour reconnaître ces trois choses: 1° quelle espérance s'attache à la vocation qui leur a été adressée; 2° quel glorieux héritage est réservé aux saints (ces deux phrases sont au fond synonymes, mais la première parle de la disposition subjective du croyant, la seconde de l'objet même qui est placé devant lui); 3° quelle est la puissance que Dieu exerce à notre profit, soit en nous sauvant de la mort, soit en nous fortifiant pour le bien, soit en nous conduisant à la félicité. On pourrait ramener toutes ces phrases à cette seule formule: Puisse Dieu vous faire reconnaître de plus en plus ce qu'il a fait pour les hommes, et pour vous en particulier, en vous élisant, en vous appelant, enfin en vous donnant des promesses pour l'avenir.

Dieu est nommé le Dieu de Jésus-Christ (Jean XX, 17. 1 Cor. III, 23; XI, 3), pour rappeler plus spécialement la certitude des bienfaits promis, l'apparition de Christ étant le plus grand de tous, et résumant tous les autres. Il est encore le père, c'est-à-dire l'auteur, de la gloire qui attend les élus, de sorte que les deux épithètes réunies marqueraient le commencement et la fin de l'œuvre du salut. Cependant la dernière phrase ne se rencontre pas ailleurs dans ce sens chez Paul et il conviendra peut-être mieux de traduire le génitif (de gloire) comme une qualification de Dieu même.

La puissance de Dieu, exaltée tout à l'heure en vue de ce qu'il a fait et veut faire encore pour les hommes, s'est encore manifestée dans un acte extraordinaire, qui est la garantie visible de tous les autres, savoir la résurrection de Christ. Et à cette occasion, l'apôtre est amené naturellement à exalter la dignité de ce dernier, élevé en rang au-dessus de tout ce qu'on peut voir ou imaginer de grand et d'auguste dans ce monde ou dans l'autre. Il est possible qu'en écrivant les différents synonymes du v. 21, l'auteur ait songé à diverses classes d'êtres célestes (comp. Col. I, 16), comme on le pense généralement; cependant le contexte ne permet pas d'y songer exclusivement et surtout le passage est trop peu explicite pour le faire servir de point d'appui à une théorie quelconque. Peut-être sera-t-on autorisé à rapprocher de ce tableau ce qui est dit ailleurs de la gloire des élus, appelés à régner avec Christ, de sorte que cette péroraison justifierait implicitement les assertions précédentes (v. 18).

La dernière phrase de notre texte est très obscure et de nature à faire le désespoir de la science exégétique. Qui est, ou qu'est-ce que c'est que la plénitude de celui qui remplit tout en tous? La liaison la plus naturelle semble être celle qui envisage ces mots comme une qualification de l'Église, appelée d'abord le corps de Christ et maintenant sa plénitude, c'est-à-dire un organisme rempli, vivifié, animé par lui, plein de lui. Cette dernière idée, que Christ est pour ainsi dire l'âme du chrétien, le principe vital de la nouvelle création, se retrouvera distinctement chap. IV, 10. Col. II, 10. Et il faut convenir qu'elle s'accorde ici très bien avec l'ensemble. Seulement le mot grec que nous traduisons par plénitude, ne signifie nulle part le vase qui est rempli, mais la chose qui remplit le vase, le contenu. L'Église n'est donc pas à vrai dire la plénitude de Christ; c'est au contraire Christ qui est la plénitude de l'Église (comp. Marc VI, 43; II, 21. Éph. III, 19). Cette considération a engagé les commentateurs à proposer un grand nombre d'autres interprétations, les unes plus hasardées que les autres, parmi lesquelles la seule qui puisse nous occuper ici serait la suivante: À vrai dire, celui qui remplit tout, c'est-à-dire qui donne la vie à toutes choses, dans lequel tout existe, c'est Dieu (Act. XVII, 28). Or, Dieu, avec la totalité de ses attributs (la plénitude de Dieu), réside en Christ (Col. I, 19; II, 9); tout ce qui remplit (complète) pour ainsi dire la notion de Dieu, est dévolu à Christ; et c'est en cette qualité et pour cette raison que Dieu Fa fait chef suprême de l'Église. Mais on voit qu'ici encore la même difficulté se présente; ce n'est pas Christ qui remplit Dieu, tout aussi peu que c'est l'Église qui remplit Christ. Et toutes choses étant ainsi égales, la première version nous paraît plus simple et il faudra admettre de la part de l'auteur une déviation de l'usage ordinaire de la langue, amenée peut-être par le besoin de la brièveté.

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