Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉPÎTRE AUX ROMAINS

Chapitre 13

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1 Que tout le monde se soumette aux autorités supérieures. Car il n'y a point d'autorité qui ne soit de Dieu et celles qui existent sont instituées par Dieu: de sorte que celui qui s'oppose à l'autorité est rebelle à l'ordre établi par Dieu, et les rebelles recevront leur arrêt. Car les magistrats ne sont pas à craindre pour les bonnes actions, mais pour les mauvaises. Veux-tu ne pas avoir à les craindre? Fais le bien, et tu seras loué par eux, car ils sont au service de Dieu, pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains-les: car ce n'est pas en vain qu'ils portent le glaive. Ils sont au service de Dieu, les agents vengeurs de sa colère, contre quiconque fait le mal. Il est donc nécessaire de se soumettre, non seulement en vue de cette colère, mais aussi par un motif de conscience.

6 (C'est par cette raison aussi que vous payez les impôts.) Car ils sont les ministres de Dieu, employés exprès à cela. Rendez à tous ce que vous leur devez: l'impôt à qui est dû l'impôt, le tribut à qui est dû le tribut, le respect à qui est dû le respect, l'honneur à qui est dû l'honneur.

XIII, 1-7. La recommandation pressante que l'apôtre fait ici aux chrétiens (comp. 1 Tim. II, 1 suiv. 1 Pierre II, 13 ss.) n'est pas seulement dictée par un principe de la morale de l'Évangile, qui nous dit de nous en rapporter à Dieu pour le gouvernement du monde; elle venait fort à propos dans les circonstances du temps (Act. XVIII, 2) et en vue de la position toute particulière de l'Église naissante. Dans l'antiquité, la religion était une affaire d'état, l'unité et la nationalité du culte étaient des principes politiques. À vrai dire, il n'y a pas trop longtemps que cela a été changé. Toute innovation religieuse était donc suspecte et pouvait être considérée comme une atteinte à la loi de l'état. Cela nous explique la position difficile des Juifs dans les pays gouvernés par les dynasties macédoniennes, et surtout plus tard dans l'empire romain; d'autant plus que les Juifs eux-mêmes, de leur côté, ne cachaient guère leurs antipathies contre les peuples, les gouvernements et les cultes étrangers. Les chrétiens, en leur qualité de Juifs d'abord, de dissidents surtout, non protégés par des privilèges tels que les Juifs les avaient obtenus quelquefois, étaient placés en quelque sorte hors la loi, surtout là où ils se séparaient de la synagogue, et exposés à toutes les conséquences fâcheuses d'une situation politique anormale. Ils ne pouvaient se ménager le droit d'exister et de vivre selon les principes de leur foi, au milieu d'un monde qui ne connaissait pas ce que nous appelons la liberté religieuse, qu'en s'imposant, qu'en affichant même, la soumission la plus entière à l'autorité.

Le portrait que l'auteur fait ici de la magistrature romaine peut nous paraître bien idéalisé, en comparaison de ce que l'histoire nous apprend au sujet du genre de gouvernement que subissaient habituellement les provinces. Il faut cependant se rappeler que Paul lui-même avait eu à se louer, en plusieurs circonstances, de la protection que les autorités lui avaient accordée contre les Juifs; puis, que l'organisation judiciaire et administrative de l'empire était un modèle d'ordre et d'équité en comparaison de ce qu'avait été celle des gouvernements grecs et asiatiques; enfin qu'il s'agit ici des principes et que l'apôtre, en parlant d'un devoir absolu, pouvait en même temps songer à une constitution normale.

Il est essentiel d'ailleurs qu'on se rende compte du point de vue religieux auquel il se place. Le magistrat est représenté comme l'organe de Dieu. La colère de celui-ci (c'est-à-dire les décrets de sa justice vengeresse) est censée précéder l'arrêt du tribunal humain. L'homme évitera le mal, non pas seulement parce qu'il s'exposerait à une punition, mais parce qu'il aurait à voir dans cette punition un acte de Dieu. C'est ce qu'il appelle le motif de conscience, en l'opposant au motif tiré du fait de la punition considérée en elle-même.

Le sixième verset a été généralement mal compris. Sans parler de ceux qui ont mis le verbe à l'impératif, comme si Paul avait voulu recommander aux chrétiens de ne pas refuser l'impôt, beaucoup d'interprètes ont établi la liaison des idées en lui faisant dire: Vous payez pour entretenir l'autorité. L'auteur insinue.au contraire que le paiement des impôts, chose établie et à laquelle les chrétiens de Rome ne songeaient pas à se soustraire, est une preuve implicite de ce qu'eux aussi, sans qu'il ait besoin de le leur dire, regardent les autorités civiles comme instituées par Dieu. On paie à Dieu, en payant l'impôt. Les Juifs radicaux refusaient l'impôt, parce qu'ils disaient ne relever que de Dieu (Matth. XXII, 16 suiv.). Paul renchérit sur la réponse donnée par Jésus, en déclarant que tous les impôts sont sanctionnés par la théorie chrétienne de la constitution politique. (En disant: ils sont les ministres, l'auteur a en vue les fonctionnaires; il oublie qu'il avait toujours parlé de l'autorité d'une manière abstraite. Pour éviter tout malentendu, nous avons mis le pluriel déjà plus haut, et nous en avons séparé la phrase incidente au moyen de la parenthèse. Ils sont employés à cela, c'est-à-dire à ce qui avait été dit plus haut v. 3 et 4, et non pas: à percevoir les impôts.)

8 Ne restez débiteurs de rien envers personne, si ce n'est de l'amour mutuel. Car celui qui aime l'autre a accompli la loi. En effet, ces commandements: Tu ne commettras pas d'adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et tel autre que ce soit, se résument dans ce seul mot: Tu aimeras ton prochain comme toi-même! L'amour ne fait point de mal au prochain; l'amour est donc l'accomplissement de la loi.

XIII, 8-10. Du devoir (de la dette) d'obéir et de payer, l'apôtre, par une transition naturelle, passe à un devoir d'un tout autre genre. À l'égard du premier on pouvait se libérer tout à fait, le devoir avait ses limites; en voici un, dont on ne s'acquittera jamais complètement. C'est le devoir social, le devoir de l'amour du prochain. Ici, le chrétien, quoi qu'il fasse, restera toujours débiteur, il n'aura jamais accompli sa tâche. L'homme est même très enclin à croire que son compte-courant, à cet égard, se solde à son avantage, tandis qu'il se ferait un scrupule d'oublier la moindre dette pécuniaire qu'il peut avoir contractée.

On remarquera que l'apôtre tient à comprendre dans un seul terme ce qu'il appelle la dette permanente (non amortissable) du chrétien. Il aurait affaibli la puissance de cette belle idée, s'il en avait brisé la lumière par le prisme de l'analyse ou de rémunération. Le devoir du chrétien n'est qu'un seul, après celui d'aimer Dieu, c'est d'aimer son prochain. Ces deux devoirs peuvent et doivent d'ailleurs s'identifier. (Matth. XXII, 38 ss. Comp. Gal. V, 14. Jaq. II 8.)

En apparence l'idée principale que l'apôtre avait en vue, celle de l'impossibilité d'acquitter jamais complètement cette dette, est écartée par le prétérit: il a accompli la loi. Mais à y regarder de près, ce n'est pas de l'accomplissement de fait que l'auteur parle. Il veut dire que les nombreuses prescriptions de la loi, si facilement oubliées à cause de leur multiplicité même, se résument, sans laisser rien d'essentiel en dehors, dans un seul devoir. L'homme, par conséquent, qui est toujours préoccupé du soin de remplir celui-ci, est dans la bonne voie pour satisfaire à cette loi, laquelle pour les Juifs était un sujet de terreur, et par suite une occasion de transgressions ou de relâchement. L'idée d'amour et l'idée de mal faire s'excluent. La loi, voulant le bien et proscrivant le mal, est donc bien réellement satisfaite là où l'amour domine et agit.

11 Et je dis cela surtout, parce que vous savez l'époque où nous sommes! Car il est bien temps de nous réveiller du sommeil, parce que maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous sommes devenus croyants. La nuit est avancée, le jour approche. Mettons donc de côté les œuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière! Vivons décemment comme en plein jour, non dans les orgies et les excès, non dans la débauche et le libertinage, non dans les querelles et les jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne vous préoccupez pas de la chair, de manière à nourrir ses convoitises.

XIII, 11-14. Surtout, ajoute l'apôtre, c'est-à-dire par une raison toute spéciale, vous tâcherez de comprendre et d'accomplir vos devoirs; parce que vous savez (pour l'avoir entendu assez souvent) que le moment suprême du retour glorieux du Seigneur, de son jugement et de son royaume, n'est plus éloigné. Il l'est si peu, que le court espace de temps qui s'est écoulé depuis notre conversion, forme une portion notable de celui qui sépare le premier et le second avènement de Christ. Le temps presse, l'époque solennelle approche, malheur à qui ne serait pas préparé.

L'exhortation prend ici un caractère plus général et plus négatif. La préparation pour le jour du Seigneur consiste dans l'amendement et la purification. Le discours est en même temps chargé de figures. La vie présente, en tant qu'elle appartenait au vice, est comparée à la nuit; le nouvel ordre de choses, c'est la lumière. L'inauguration du royaume de Dieu, ce sera le lever du soleil, le plein jour. Dès à présent, ceux qui voudront avoir à s'en réjouir doivent se réveiller, et prendre un costume dans lequel ils puissent marcher, se montrer, décemment. Les qualités morales sont comparées à des habits, à des pièces d'armement (1 Thess. V, 4 suiv. Éph. VI, 11 suiv.). Jésus-Christ lui-même est ainsi le costume du croyant (Gal. III, 27), en d'autres termes, celui-ci s'approprie, par la foi, par la communion spirituelle, la totalité de ses perfections. Toute son attention, toute son activité se portera de ce côté-là; il ne se préoccupera pas de ce qui tient exclusivement à sa nature inférieure, de peur d'en éveiller les mauvais instincts.

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